𝟏𝟗. 𝐂𝐞𝐥𝐢𝐧𝐞 𝐃𝐢𝐨𝐧


Qu'est-ce qui m'a pris de dire ça ? pensé-je, assis sur le rebord de mon lit, une serviette enroulée autour de ma taille. Oui, je veux sortir avec toi. Mais t'es con, t'es con, sacrément con. Il ne t'a pas demandé d'être en couple avec lui, mais d'aller au cinéma avec lui ! Triple buse !

Encore une fois, je me prends la tête alors qu'il n'y a pas lieu d'être. C'est agaçant à lire ? N'est-ce pas ? Le vivre quotidiennement l'est d'autant plus. Revivre inlassablement chaque situation, chaque mots, chaque phrases que l'on prononce. Analyser, décortiquer le négatif, le positif d'une journée. Se remettre en question, se réprimander sur ce qu'on aurait dû dire, ou ne pas dire. Chaque moment de ma vie, chaque malheur ou instant de bonheur n'est qu'une torture psychologique à mes yeux.

Ne vous méprenez surtout pas, je ne suis pas en train de regretter ma décision, j'espère juste au fond de moi, qu'il ne se fait pas une mauvaise image de ma personne. Qu'il ne me trouve pas ridicule. C'est la première fois que je me lie d'amitié avec une personne autre que Gabriel, ne m'autorisant aucun écart par crainte de tout détruire.

Alors que c'est en agissant que l'on perd tout ce que l'on possède.

Allez, calme-toi. Arrête de te faire des films, poursuis-je dans mes pensées, le visage enfoui entre mes mains. Il a très bien compris ce que tu as voulu dire. Arrête de psychoter, abruti. Tout va très bien se passer. Tout va bien.

Oui, pourquoi est-ce que je m'inquiète autant ? Jusqu'à présent, Jaekyung a toujours été attentif aux moindres de mes réactions, faisant en sorte que je me sente bien dans n'importe quelle circonstance. Malgré ce qui s'est passé à la soirée chez Lucas, j'ai pu constater, au fil des jours, que cet événement l'a affecté, le rendant encore plus prévenant à mon égard. Comme lors de nos dernières séances de boxe, où il s'assure que je crois suffisamment en mes capacités, à ce que je ne me sente pas ridicule dans mes actions, ni dans mes gestes, m'encourageant et me complimentant, tout en gardant un œil professionnel sur le plan du coaching.

Pour autant, j'éprouve encore beaucoup de difficulté à faire abstraction de mes démons, de mon passé, rôdant autour de moi, attendant la moindre faille, la moindre brèche, pour se jeter à sur moi telle une bête affamée, et m'envelopper dans cette noirceur empestant la mort à des kilomètres., J'ai encore du mal à comprendre les souvenirs qui me reviennent, vis-à-vis de Ha-joon, et de tout ce qu'il m'a fait subir durant nos un an de relation, tout ce qu'il a fait pour me détruire physiquement et mentalement. J'ai dû mal à croire qu'il m'ait réellement aimé, c'est impossible qu'il ait éprouvé un quelconque sentiment à mon égard.

De toute évidence, il n'a jamais prononcé ces trois mots, me répondant que ce n'est pas nécessaire de le dire pour le prouver. Il n'avait peut-être pas tort... Nous n'avons pas besoin de dire que l'on aime une personne, si cela se voit aux actions que l'on fait. Mais parfois, les mots sont ce dont nous avons le plus besoin d'entendre pour nous sentir réellement aimé, désiré et rassuré.

Chose qu'il n'a jamais été capable de faire.

Parfois, je le revois dans mes rêves. J'entends sa voix me parler. Mais également, les nuits de nos ébats. Je me souviens de la violence qu'il avait de s'insérer en moi. Je sentais mes chairs s'ouvrir autour de lui, à la limite de la déchirure vu qu'il ne prenait pas le temps de me préparer. Je me souviens de ses coups de reins, m'arrachant des hurlements de douleur à chaque pénétration. Il allait si profondément en moi, que je pouvais le sentir dans mon estomac. Je me souviens de ses coups de poings, pleuvent par dizaines sur mon corps, en m'insultant que c'était de ma faute, si je n'étais pas assez lubrifié. Que je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même, d'être une merde sexuellement parlant. Je me souviens qu'il épargnait exprès mon visage, pour éviter d'éveiller tout soupçon auprès de mon entourage.

Je me souviens avoir cru que c'était ça, l'amour. Qu'il m'aimait réellement.

Je n'arrive toujours pas à comprendre comment des humains peuvent continuer de se regarder dans un miroir, et affronter leur propre reflet, après avoir battu, violé, torturé leur partenaire sur le plan physique et psychologique. Comment cela ne peut-il pas affecter leur psychologie ? Comment cela peut-il être normal pour eux de réduire un être humain à un objet, à une merde insignifiante, comme si de rien n'était, en leur faisant du chantage affectif et du forcing, pour arriver à leurs fins ? Et qu'ils arrivent, en plus, de croire que leur partenaire est consentant.

Vous l'aurez compris, je commençais peu à peu à prendre conscience des violences sexuelles que j'ai subi dans mon couple. Des violences physiques. Mais j'étais encore loin d'avoir eu ce déclic, celui qui vous sort du déni dans lequel notre cerveau nous plonge, pour nous protéger psychologiquement des événements majeurs de notre vie, pour nous empêcher de nous foutre en l'air. Je m'accusais et me rendais coupable de beaucoup de choses, me convainquant que je méritais absolument tout ce qu'il m'offrait.

Me marquant à jamais de son passage, d'une encre invisible, dont moi seul pouvait voir ses ecchymoses encore fleurir sur mon épiderme.

Je suis en train de pleurer. Mais je n'en ai pas conscience. Pourtant, mes larmes coulent bien le long de mes joues, en repensant à ce que j'ai gardé en mémoire de ce qu'était l'amour, de ce qu'était un couple à mes yeux. Même en prenant pour exemple Gabriel et Connor, épanouis dans leur relation, je n'arrive pas à admettre que c'est réel, que ce genre d'amour existe bien et bel.

La vie ne veut pas que je sois heureux dans mes relations, mettant toujours à travers mon chemin, des personnes néfastes qui ne me désirent que du mal, pour me détruire et me broyer dans leurs mains, ne faisant qu'une bouchée de moi. Toutefois, une nouvelle personne est venue semer le trouble dans mes pensées, me faisant voir ce que Ha-joon ne m'a jamais montré ; L'écoute, l'attention, la communication, mais surtout, la compréhension, et le consentement qui sont pour moi, à mon sens, les deux choses les plus importantes dans tout ce que je viens de vous citer.

Mais à quoi bon espérer quoique ce soit avec lui ? Je ne serais qu'un fardeau sur ses épaules, qu'un poids mort à transporter n'importe où il ira. Je réduirai sa vie à néant avec mes craintes, mes incertitudes, mes peurs, au point qu'il finira par s'enfuir, épuisé de devoir constamment m'épauler.

C'est ce qui nous attend, si jamais quelque chose vient à se créer entre nous.

C'est ça, la finalité.

Le désespoir.

— Vie de merde... Putain de vie de merde ! murmuré-je entre mes lèvres vacillantes, peinant à essuyer mes larmes du revers de mes mains. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Pourquoi moi ? Je veux juste être heureux... Je veux seulement être heureux...

Jaekyung va souffrir avec moi et je ne peux pas me permettre de détruire la belle personne qu'il est.

— Je vais annuler cette sortie, je ne peux pas y aller, marmonné-je, en reniflant.

Je prends mon téléphone, déterminé, avant de me retrouver bêtement devant mon écran noir, à me dire que ce que je m'apprête à faire est la plus grosse connerie de toute ma vie.

Bienvenue dans le cerveau d'une personne complètement paumée, à subir cette énième dispute entre mon cœur et mon esprit. Un perpétuel conflit sur quelle décision est la plus judicieuse. Mon cerveau, lui, hurle. Il me hurle de ne pas me dégonfler et de profiter de cette soirée aux côtés de Jaekyung. Mon cœur, lui, souffre. Il pleure par crainte de souffrir à nouveau, fatigué des faux espoirs, ne pouvant supporter une blessure de plus, sous peine de me lâcher.

Autrement dit, j'ai littéralement le cul entre deux chaises, m'infligeant à moi seul, cette punition psychologique.

Pendant que je plonge dans les profondeurs de cette guerre intérieure, le monde, lui, continue de tourner. Mon portable vibre entre mes mains, l'ayant mis sous silencieux pour ne pas être dérangé durant mon entraînement. Puis, il s'arrête. Avant de vibrer une nouvelle fois. Je reprends mes esprits, jetant un œil à ces notifications.

Jaek : Je te souhaite une bonne nuit, Joshua. Tu as encore été incroyable aujourd'hui, ce sport est vraiment fait pour toi !

Jaek : Je viendrai te chercher demain soir vers 19h, si ça va pour toi ?

Bloqué devant son message, j'éprouve une certaine reconnaissance envers son compliment. Puis, je vois trois petits points s'afficher en bas de l'écran, signifiant qu'il est en train d'écrire. Je réalise subitement que je l'ai laissé en « vu », sans aucune réponse de ma part, et cela durant au moins cinq bonnes minutes. Je suis pris d'une intense panique, me mettant à tapoter rapidement sur mon clavier, sans vérifier ce que j'écris.

Jo☆Gabi : Merci beaucoup, ça me fait très plaisir ! Je te souhaite également une bonne nuit ! Pour demain soir, ça ne serait pas mieux 19h30, le temps de me toucher ?

Ce n'est qu'en relisant mon message, une fois envoyé, que mon cœur chute de quinze étages dans ma poitrine, après avoir remarqué cette erreur de frappe, qu'il m'est impossible d'effacer, puisque Jaekyung l'a vu.

— Oh non, s'il vous plaît, achevez-moi ! dis-je, couvert de honte, en cachant mon visage à l'aide de mes draps pour ne pas voir sa réponse.

Cependant, aucune réponse de sa part ne me parvient.

— Non, non, s'il te plaît, réponds-moi, le supplié-je à deux doigts de sangloter.

Jo☆Gabi : Je voulais dire *doucher ! C'était une erreur de frappe, pardon ! Désolé !

Lui envoie-je dans la foulée pour tenter de rattraper le coup, à mon plus grand désespoir.

Jaek : Hé, ne t'inquiètes pas pour ça, j'ai très bien compris, ça arrive ! ;) C'est noté pour 19h30, alors, dors bien, et à demain soir !

Jo☆Gabi : Vraiment ? Je te jure que ce n'était qu'une erreur de frappe... Je ne veux pas que t'imagine ce que je ne suis pas...

Par la suite, ce sont trois messages vocaux que je reçois de sa part, accélérant mon rythme cardiaque. J'hésite un instant à les écouter, puis finit par écraser mon pouce sur le premier.

Jaek : Je te réponds en vocal, vu que je suis en train de me faire à manger en même temps, mais vraiment, tu n'as pas à t'inquiéter pour ça, Josh.

Jaek : Ne te tourmente pas l'esprit. Même si je me doute que c'est déjà trop tard, au vu du dernier message que tu m'as envoyé. Alors, mets-toi un film ou une série pour te changer les idées, et pouvoir passer une bonne nuit après ça.

Jaek : Je te le redis à nouveau, mais bonne nuit, Joshua. N'oublie pas que tu es une personne incroyable. Dors bien et fais de beaux rêves.

Me dit-il, en murmurant la phrase : « dors bien et fais de beaux rêves ». Mes lèvres brillantes et humides à cause de mes larmes salées, s'étirent inconsciemment en un doux sourire. Est-il réel ? Ou serait-ce le fruit de mon imagination ?

Jo☆Gabi : Merci beaucoup, Jaekyung. Bon appétit, vu que tu vas manger, et je te dis aussi bonne nuit. Dors bien...

Je murmure ces mots près du micro de mon téléphone, préférant cette méthode pour être sûr de ne pas me tromper, cette fois-ci. Puis, dans la foulée, je m'allonge confortablement sous les draps, après avoir choisi un livre dans ma bibliothèque, intitulé Flocons d'amour, écrit par trois auteurs à la renommée internationale ; John Green, Maureen Johnson et Lauren Myracle, qui dans ce roman, nous font vivre les péripéties d'un Noël noyé, sous les flèches de Cupidon.

A défaut de n'avoir jamais connu le véritable amour, je m'autorise quelques rêveries, à travers ces pages blanches, déjà souillées de mes précédentes larmes.


❃ ❃ ❃ ❃


Mercredi 26 juin, Séoul, Corée du Sud,

Je ne sais pas comment m'habiller. Je me tiens debout, devant mon miroir, couvert d'un peignoir pour ne pas voir ce qui me sert d'enveloppe charnelle. Accrochés aux cintres, je fais défiler les chemises, les sweatshirts et les polos larges et épais, qui me permettent de ne pas mouler mon corps. Le seul problème, c'est qu'aujourd'hui, il fait très chaud, et que même s'il est déjà dix-huit heures trente, la température n'est pas sur le point de baisser.

Je finis par opter, après plusieurs minutes de réflexion, pour une simple chemise de couleur beige, qui même si elle est oversize, est faite d'une matière particulièrement légère, et donc adaptée pour la météo de ce soir. Je l'accompagne d'un pantalon noir, tout aussi ample, insérant ma chemise à l'intérieur. Je rajoute une ceinture basique en guise d'accessoire, pour le faire tenir autour de ma taille, que camoufle, en faisant ressortir légèrement le tissu de ma chemise par-dessus.

Pour ce qui est de ma chevelure, c'est une toute autre histoire. Je n'ai jamais trop prêté d'attention à mes cheveux, utilisant qu'un simple gel douche trois en un pour les laver ; visage, corps, cheveux. Et mon dernier passage chez le coiffeur remonté d'il y a trois mois, mais comme ils bouclent, ils ont tendance à raccourcir ma vraie longueur, les faisant retomber faiblement sur mon visage. Je ne sais pas comment les mettre, ni comment les coiffer. Mais après tout, à quoi bon me prendre la tête pour si peu, vu que je les ramène quand même à chaque fois sur mon visage pour m'effacer, derrière eux.

Il est 19h pile, lorsque je termine de me préparer. Je suis tellement angoissé en voyant les minutes et les heures défiler que je n'ai pas pu m'empêcher de me préparer à l'avance pour avoir l'esprit tranquille. Il ne me reste plus qu'à combler les trente dernières minutes, avant que Jaekyung ne vienne me chercher en bas de chez moi, et par chance, car je l'avais totalement oublié jusqu'à hier soir, mon père est actuellement en déplacement pour une semaine à Busan, soulagé de ne pas devoir l'affronter dans le hall d'entrée.

Pour ce qui était de ma mère, c'était une toute autre histoire...

En sortant de ma chambre avec mon sac à bandoulière, dans lequel je n'ai pas oublié d'y glisser mes fioles d'huiles essentielles, je rejoins la grande la salle de séjour, plongée dans un silence de mort, pour ne pas changer du train-train quotidien. Ma mère n'est pas dans les parages, ce qui m'interpelle, me faisant changer de direction vers sa chambre.

Je l'entends pleurer.

La porte n'est pas fermée, laissant une petite ouverture, me permettant d'entrevoir sa silhouette allongée sur le lit, un coussin contre sa poitrine, le visage blotti contre ce dernier. Ce n'est pas la première fois que je l'entends pleurer quand mon géniteur s'absente. Je pense même que ce sont les seuls moments où elle peut lâcher prise, et évacuer tout ce que son âme a absorbé.

Rien ne nous différencie. Nous sommes parfaitement identiques. Elle aussi, est victime d'un homme éduqué par la conviction qu'il a tous les pouvoirs. Qu'il possède entre ses mains l'avenir de sa femme, que sans lui, elle n'est rien. Un homme, à qui on a fait croire durant toute son enfance, adolescence, et sa vie de jeune adulte, que les femmes, et certains hommes, ne sont que des jouets sans intérêts. Une enveloppe charnelle dépourvue de toute humanité, et qu'ils ne valent rien, bons qu'à rester à la maison et à fermer leur gueule. Sans oublier d'écarter les cuisses, quand leur conjoint en a envie. Que leurs futurs enfants ne seront rien d'autre que des pions sans sentiments, pour reprendre le flambeau familial, et reproduire ce qu'on lui a appris par le passé, tombant sans aucune échappatoire, dans les filets de la manipulation.

Mais pour mon grand frère, cela n'a jamais fonctionné. Au point que quand il eut sa majorité, il s'est enfui du domicile familial, sans laisser un seul mot, m'abandonnant à mon triste sort. Je lui en ai toujours voulu. Je l'ai détesté durant toute mon adolescence, sans chercher à comprendre ses agissements, le prenant comme une trahison, car j'étais beaucoup trop jeune à ce moment-là. Mais maintenant que j'ai atteint à mon tour la majorité, et ouvert les yeux sur beaucoup de choses, je comprends mieux ses sentiments, et notamment le choix de ses décisions.

Il faut que je m'enfuis également. Que je déploie mes ailes et prenne mon envol loin de cette cage.

Seulement, je suis retenu par des chaînes, enroulées et cadenassées des pieds, des bras, jusqu'au cou, par la domination que mon père exerce sur moi, psychologiquement parlant. Je suis effrayé par de possibles représailles, ne sachant pas de quoi il serait réellement capable, si je parvenais à m'enfuir.

Mon âme est à jamais scellé entre leurs mains.


❃ ❃ ❃ ❃


— J'ai un peu regardé les films qui sont à l'affiche ce soir. Est-ce qu'il y en a un qui te plairait d'aller voir ? me demande Jaekyung, le regard braqué sur les différentes affiches de films.

Autant vous dire que je ne suis pas vraiment concentré sur la question, mais plutôt sur la prestance qu'il dégage. Si seulement vous pouviez le voir... Il est divinement beau. Il l'est déjà habituellement, mais là, je n'ai encore jamais vu un homme aussi charismatique que lui. Ses cheveux sont basculés vers l'arrière, dont quelques-unes de ses mèches noires retombent sur le haut de son front. Il s'est vêtu tout de noir, portant un t-shirt près du corps, mettant en valeur la somptueuse sculpture de ses muscles. Il porte un pantalon de la même teinte, qui me laisse deviner la musculature de ses cuisses, et des Doc Martens noires, changeant de ses baskets et de son style streetwear qu'il porte en temps normal.

Je suis hypnotisé par cette aura qui se dégage de son âme.

— Joshua ? Tu m'as entendu ? réitère Jaekyung, dans un murmure, en s'étant légèrement penché près de mon oreille. A quoi est-ce que tu penses ?

Je réprimande un hoquet de surprise, réalisant que nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

— Je... Je réfléchissais... Je...

— Tu ? commente-t-il, en esquissant un sourire en coin, ne cachant pas son air amusé.

Il savait pertinemment l'effet qu'il avait sur moi. Il l'avait vu lors de nos séances de boxe, où je m'étais mis à rougir comme une putain de tomate, lorsqu'il tournait autour de moi pour me regarder.

Dragueur du dimanche.

— Titanic ! réponds-je subitement, en pointant du doigt l'affiche du film. Ils diffusent à nouveau le film au cinéma, ce serait bien, non ? Tu veux aller le voir ?

Je manque de m'asphyxié, à bout de souffle, après avoir débité ces mots à une vitesse folle, les joues embrasées comme un feu de bois.

— C'est parfait, allons voir ce film, me dit-il, en gardant ce foutu sourire suffisant sur le coin de ses lèvres.

D'ailleurs, je remarque seulement qu'il a un petit grain de beauté situé sous sa lèvre inférieure.

— On va aussi prendre des pop-corn et des boissons, ajoute-t-il, en mimant le geste d'un bras autour de ma taille, sans pour autant me toucher, m'invitant à le suivre jusqu'au stand de concession.

Après avoir acheté les pop-corn et nos boissons, Jaekyung paie également nos places de cinéma, nous dirigeant par la suite vers la salle attribuée, avec le numéro de nos sièges respectifs. En nous approchant de plus en plus de l'entrée de la salle, je perçois mon stress reprendre du galop, à l'idée de passer plus de trois heures assis sur un fauteuil, à ses côtés.

Ne te dégonfle pas, tout va bien se passer, me rassuré-je dans mes pensées, en prenant une grande inspiration, qui ne passe pas inaperçue aux yeux de Jaekyung.

— Hé, tout va bien ? me demande-t-il avec attention, en venant remettre quelques mèches de cheveux derrière mon oreille. Tu veux aller faire un tour aux toilettes pour te rafraîchir ?

— Non, non, tout va bien, rétorqué-je, en humidifiant mes lèvres d'un bref coup de langue. J'espère juste qu'il n'y aura pas trop de monde...

— Je ne pense pas que la salle soit remplie. Il y a le nouveau Avengers qui est sorti aujourd'hui, donc ne t'inquiètes pas pour ça, élucide-t-il pour me rassurer. Allez viens, je suis certain qu'on va passer un bon moment ensemble.


❃ ❃ ❃ ❃


Plongés dans le noir, éclairés à la seule lumière de l'écran géant, nous ne sommes qu'une vingtaine de personnes dans la salle, à être venus visionner la rediffusion du film Titanic. Nous venons d'entamer la deuxième heure du film, plus un seul pop-corn en main, et nos boissons vide de leur contenu. Les bras croisés contre mon torse, je tente de me réchauffer comme je le peux, car pour ne pas changer, ils ont encore une fois mis la clim à un degrés beaucoup trop inférieur pour moi. Et comme il n'y a pas grand monde de présent, il n'y a pas suffisamment de chaleur humaine pour compenser la différence de température.

J'essaie tout de même de rester concentré sur le film, admirant l'amour éphémère se créant entre les deux protagonistes, et les derniers instants qu'ils étaient en train de vivre ensemble, sans savoir que d'ici quelques minutes, le pire allait arriver pour eux.

Mes jambes sont prises de soubresauts et je commence réellement à avoir de plus en plus froid, pensant même un court instant à quitter la salle pour ne pas tomber malade. Mais ça, c'est avant que je ne sente la lourdeur d'une veste en cuir se poser sur moi, couvrant tout le haut de mon corps, me réchauffant instantanément de la tête au pied.

— Tu aurais dû me le dire que tu avais froid, chuchote Jaekyung près de mon oreille, en ajustant un peu son blouson pour ne pas qu'il tombe. Je l'ai prise avec moi au cas où l'air soit plus frais en sortant du cinéma. Garde-la, je ne veux pas que tu tombes malade.

— Et toi ? murmuré-je à mon tour à son intention. Tu n'as pas froid ? Tu devrais la garder pour toi...

— Non, tout va bien pour moi, commente-t-il, toujours dans un murmure, pour ne pas déranger les autres spectateurs.

— D'accord, dis-je, tout en rehaussant la veste sous mon menton, pour mieux me couvrir et sentir son doux parfum de Cologne émaner de la matière, me rendant presque accro à cette odeur, qui ne va plus me quitter.

La suite du film s'est déroulée sans encombres et nous sommes arrivés au moment où le Titanic est entré en collision avec l'iceberg. J'ai beau avoir déjà vu une centaine de fois le film, je suis toujours autant ému par cette scène, me rappelant qu'elle a vraiment existé, et que des gens sont réellement morts suite au naufrage du navire. À tel point que je verse des larmes, lorsque l'eau pénètre à une vitesse folle dans les soutes, remplissant toutes les cellules du bas, avant de remonter, étage par étage, rendant le bâteau de plus en plus lourd, le tirant peu à peu vers le bas.

Je suis très sensible à ce genre de choses, de sujets. Je peux pleurer devant n'importe quel film, même devant les films d'horreur, lorsqu'un pauvre animal vient à perdre la vie. Cependant, lorsque les thèmes abordés sont basés sur des faits réels, pour les films d'horreur par exemple, je me chie littéralement dessus. Il m'est donc très difficile de regarder les dernières scènes de Titanic, surtout avec la voix de Céline Dion en fond sonore. Mais également de voir Rose et Jack se battre pour survivre, de voir ces pauvres enfants hurler et crier qu'ils ne veulent pas être séparés de leurs parents.

Inconsciemment, je pose ma tête contre son épaule, à la recherche d'un peu de réconfort, et je sens, quelques secondes plus tard, un bras s'enrouler timidement autour de mes épaules, me rapprochant un peu plus de lui. Je rougis à cette action, à ce toucher, n'osant pas bouger, de peur de croiser son regard sur ma personne. J'essaie tant bien que mal de rester concentré sur le film, savourant pleinement la douce chaleur de son corps réchauffant un peu plus le mien, me faisant me sentir inéluctablement en sécurité dans ses bras musclés.

— Tu pleures, Joshua ? remarque Jaekyung, en essuyant à l'aide de son pouce les quelques perles d'eau qui glissent sur mes joues.

— Mais c'est à cause de Rose aussi ! reniflé-je dans un murmure, me blottissant un peu plus contre lui. Regarde ! Il y a assez de place sur cette fichue planche ! On pourrait même y faire un pique-nique dessus !

A ma remarque, Jaekyung peine à camoufler son gloussement derrière sa main, sentant les vibrations de son rire résonner contre mon oreille.

— C'est impossible, Joshua, répond-il sur un ton amusé. Ils auraient coulé ensemble, la planche n'est pas assez épaisse pour supporter deux corps. C'est scientifiquement prouvé.

— Foutaises ! C'était tout à fait possible ! le contredis-je, en peinant à retenir mes nouvelles larmes. Maintenant, Jack est mort ! Il a coulé !

Le torse de Jaekyung vibre, tant il essaie de contenir silencieusement son rire, pour ne pas déranger les personnes présentes dans la salle de cinéma. Tandis que moi, je continue de pleurer et de renifler, en voyant cet amour si pur, si sincère et unique, prendre fin sous mes yeux, disparaissant à jamais dans le cœur de l'océan.


❃ ❃ ❃ ❃


Le générique du film défile à présent sous nos yeux avec la voix hypnotisante de Céline Dion. Les spots lumineux s'illuminent, diffusant progressivement cette douce lueur dorée, nous sortant sans brutalité de cette obscurité dans laquelle nous étions plongés depuis plus de trois heures environ. Malgré mes yeux irrités par les larmes, et la rougeur persistante sur mes joues, je détourne mon visage vers celui de Jaekyung, remarquant qu'une larme discrète s'échappe du coin de son œil.

— Tu pleures ? constaté-je, sur un air agréablement surpris.

— Hein ? Pas du tout ! rétorque-t-il dans la confusion, essuyant d'un mouvement rapide sa joue. Je ne pleure pas devant ce genre de film...

Je découvre là, une nouvelle facette de sa personnalité, à la fois attendrissante, que amusante, me donnant l'envie de le taquiner à mon tour.

— Mais tu sais, Jaekyung, il n'y a pas de honte à pleurer devant un film à l'eau de rose, ça prouve que tu as un immense cœur caché derrière cette masse de muscles, lui murmuré-je, en posant inconsciemment ma main sur son torse.

À cette action, ses yeux redessinent la trajectoire de ma main, avant de se reposer sur mon visage, un sourire taquin apparaissant sur ses lèvres.

— En attendant, j'en connais un qui prend tellement à cœur ce genre de film, qu'il finit par ressembler à un poisson globe, lance-t-il, en enfonçant sa langue dans sa joue, alors que mon visage se décompose à cette comparaison.

— Tu n'es pas drôle, Jeon Jaekyung. Il faudrait revoir ton humour, il laisse à désirer, réponds-je, en me levant de ma place, faisant mine d'être contrarié par ses mots.

Soudain, une main vient délicatement s'agripper à mon bras, pour me tirer d'une légère pression vers l'arrière, mon dos entrant en contact contre son torse.

— Tu sais que je plaisantais, n'est-ce pas ? me demande-t-il sur un ton incertain, tout en lâchant lentement mon poignet. Je ne veux pas te...

— Bien sûr, le coupé-je, en tournant face à lui pour le regarder. Je sais que tu ne me dirais jamais rien qui pourrait me blesser... enfin... jusqu'à maintenant, tu ne l'as jamais fait.

— Et je ne ferais jamais rien de tel, confirme-t-il, en m'accordant l'un de ses sourires charmeur. Allons manger maintenant. J'ai une petite idée de ce qu'on pourrait prendre, si ça t'intéresse ?

Je fredonne en guise de réponse.

— Je te fais confiance, ajouté-je en emboîtant son pas.

Je lui faisais entièrement confiance, comme si nos âmes se connaissaient depuis la nuit des temps. 

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