𝟏𝟏. 𝐀𝐥𝐜𝐨𝐨𝐥 𝐚 𝐠𝐨𝐠𝐨 (𝟏)


Mardi 11 juin, Séoul, Corée du Sud,

Ce matin, je me suis levé comme à mon habitude ; toujours quelques minutes avant que mon réveil ne sonne. Et une fois de plus, j'ai refait ce même cauchemar. Celui où je me retrouve enfermé dans les vestiaires du lycée, revivant cette scène également éveillée, comme si une partie de mon âme y était restée piégée. Mon corps tremble sans que je ne puisse le contrôler, mes draps sont trempés de sueur et de violentes nausées prennent d'assaut mon pauvre estomac.

J'hésite à simuler un malaise pour ne pas aller en cours, ni à cette soirée, à laquelle j'ai déclaré être présent la veille. Qui sait, peut-être que mes bourreaux seraient eux aussi de la partie ? Peut-être qu'ils connaissent et côtoient ce fameux Lucas, sans que Gabriel ne le sache ? Peut-être que je ferais mieux de décliner l'invitation, et de rester au chaud dans mon lit ? Ouais, ça me semble être la meilleure solution au...

— Joshua ? Tu es réveillé ?

Décidément, ma mère ne me laisse aucun moment de répit.

— Oui ! J'arrive !

Fais chier.


❃ ❃ ❃ ❃


— Bonjour, fils. As-tu bien dormi ?

Je traîne difficilement ma carcasse pour rejoindre mes parents dans la salle de séjour, déjeunant dans un calme plat, aussi silencieux que la mort elle-même.

— Pas vraiment, réponds-je en toute honnêteté, avant de m'installer sur l'une des chaises. Et vous, père ? Mère ?

— Parfaitement bien, fils, commente mon père, en guise de réponse, sans pour autant me demander ce qui a bien pu perturber mon sommeil.

Mais à quoi me suis-je attendu venant de lui ?

— Nous avons bien dormi, mon cœur, répond ma mère à son tour, en me servant un bol de chocolat chaud, comme je l'aime, avec beaucoup de chocolat. Mais qu'est-ce qui a bien pu t'empêcher de trouver le sommeil ?

Vous allez me prendre pour un fou, je ne sais pas ce qui me traverse l'esprit à cet instant, mais pour une raison quelconque, je ressens le besoin d'en parler à mes parents. J'ai besoin de me confier à eux, de soulager enfin ce qui tourmente mon cœur et mon esprit depuis tant d'années. Nonobstant, une partie de moi est terrifiée de ce qu'ils pourraient dire, alors que normalement, les parents sont censés écouter leurs enfants, non ? Ils sont censés les aider, les réconforter, les aiguiller et leur apprendre les difficultés de la vie, et notamment comment réussir à les surmonter.

C'est ma vision des choses, ou plutôt l'exemple des parents de Gabriel, que j'ai toujours rêvé d'avoir.

— Je... Eh bien... j'ai fait un mauvais rêve... me confié-je à ma mère. Je me suis revu au lycée, dans les vestiaires du gymnase où j'ai été déshabillé de force...

Je sens mes mains devenir moites, et des sueurs froides prendre en otage mon corps, résultat d'une montée de stress inévitable. J'entends le journal de mon père s'écraser contre la table, après l'avoir jeté en ayant entendu mes mots.

— Tu ne vas quand même pas remettre ça sur le tapis ? me fait-il remarquer sur une intonation exaspérée. C'est du passé, Joshua. Ils étaient jeunes et ne savaient pas ce qu'ils faisaient, ajoute-t-il, sans prendre en considération l'impact que peuvent avoir ses paroles sur ma conscience. As-tu oublié ce que nous avons dû faire pour ne pas que cette affaire s'ébruite dans les autres familles ?

Je suis incapable de le regarder dans les yeux, parce que je sais très bien qu'à la seconde où je vais rencontrer son regard, je vais m'effondrer en larmes.

— Ça me fait encore mal, d'y penser...

— Ce n'est pas en pleurant que tu arriveras à avancer dans la vie, Joshua, poursuit mon paternel, en attrapant sa tasse de café pour boire quelques gorgées de ce nectar fumant.

Comme à son habitude, lorsque mon père prend la parole, ma mère passe sous silence.

Inexistante.

— Si tu n'es pas capable de surmonter cette épreuve, tu échoueras à chaque difficulté qui va se mettre à travers ton chemin. Un homme est censé être fort, Joshua. Ça ne doit pas pleurer, ça ne doit pas montrer ses émotions. Il n'y a que les faibles qui font ça. Que les moins que rien, ou les PD aussi, dit-il sur un timbre de voix méprisant à mon égard. Un simple souvenir te met dans cet état ? C'est ridicule. Pathétique.

Il n'y a pas un mot pour rattraper l'autre. Chacun d'entre eux élargit les plaies qui recouvrent mon cœur, me faisant souffrir à chaque impact, me rapprochant peu à peu du point de non-retour.

Celui de la destruction de mon cœur, lorsqu'il ne restera plus rien de lui.

— Mère... supplié-je, en levant mon regard larmoyant vers sa personne.

Je peux voir dans ses yeux cet air abattu, mais aussi sa culpabilité à mon égard.

— Ecoute ton père, Joshua... Il dit ces choses pour ton bien.

Abandonné. Je suis abandonné par mes propres parents. Par ma propre mère.

— Je n'arrive pas à vous comprendre... soufflé-je, en sentant ma lèvre inférieure vaciller. Je suis votre fils... Pourquoi vous ne m'écoutez pas ?

C'est là, le premier signal d'alarme que je donne. Celui qui doit normalement avertir que quelque chose ne va pas. Que quelque chose de grave peut se produire.

— Ta question n'a aucun sens, Joshua, grommelle mon père pour contredire mes propres, d'un air harassé. Nous t'écoutons justement et on est fatigués de voir à quel point tu ne fais aucun effort ! Aucun ! Stupide gosse !

Je sursaute, lorsque son poing s'écrase contre le rebord de la table, accompagnant ses paroles qui ne font qu'aggraver mon état mental. Je comprends aussitôt que le silence est la seule chose que je puisse faire en leur compagnie, qu'ouvrir mon cœur ne sert à rien, à part le détruire plus qu'il ne l'est déjà. Et comme si cela n'est pas suffisant pour m'achever, il ajoute :

— Changeons de sujet, fils. Nous avons pu t'arranger un rendez-vous avec la fille des Choi. Il se fera lorsqu'elle rentrera de son voyage aux Etats-Unis, c'est-à-dire, dans trois semaines, dit-il avec un timbre de voix beaucoup plus jovial que précédemment. Tâche de te montrer digne de recevoir sa main. Cet arrangement est primordial pour notre famille.

Ma vie est donc résumée à ça ? A ne vivre que sous les directives de mes parents, sans avoir mon mot à dire sur les décisions qui sont prises sans mon consentement ? Je ne veux plus de cette vie-là. Je ne veux plus être enchaîné à cette famille qui ne me voit que comme un jouet qu'ils peuvent manipuler à leur guise, pensant pouvoir faire ce qu'ils désirent de mon corps, de mon esprit et de mon cœur. Je veux tout foutre en l'air, tout balancer, mettre un terme à cette souffrance qui dure depuis trop longtemps.

Puis, je me souviens de ce que Gabriel a dit à mon sujet, hier, durant le dîner.

Que j'étais beaucoup trop gentil.

Cela peut s'apparenter à un compliment, tout comme à un reproche. La gentillesse n'étant pas uniquement une forme de respect. C'est aussi une forme de faiblesse dans certaines situations. Celle qui vous fait vous soumettre à tout et n'importe quoi. Celle qui vous oblige à sourire faussement, lorsqu'une personne vient à vous faire une remarque et que vous n'avez pas le courage de riposter. Celle qui fait de vous la personne la plus vulnérable de la famille, ou d'un groupe d'amis.

Jusqu'au jour où vous finissez par exploser. Mais lorsque ce fameux moment fatidique vient à se produire, il est généralement...

Trop tard.


❃ ❃ ❃ ❃


Je n'ai pratiquement rien fait de la journée, me contentant d'aller en cours comme à mes habitudes, discuter avec Gabriel, qui a très bien remarqué que quelque chose n'allait pas. Encore une fois. Et pour ne pas changer, je suis resté sous silence, ne voulant pas gâcher la journée de mon meilleur ami, ni celle de Connor, tous deux semblant avoir passé une soirée assez agitée, après le dîner de groupe, les rendant encore plus proches qu'ils ne l'étaient déjà, jusqu'à maintenant.

Je ne veux pas être le plombeur d'ambiance.

Alors, durant toute cette journée, j'ai refoulé toutes mes émotions au plus profond de mon être, subissant les heures de cours, le repas que j'ai peiné à engloutir, sans m'être rendu compte que j'ai encore perdu du poids à vue d'œil, en l'espace de quelques jours. Mon corps est aussi épuisé que mon esprit, de devoir encaisser tout ce que je lui fais endurer. De toutes les tortures que je lui inflige contre mon gré. Pourtant, il essaie de me le faire savoir qu'il n'en peut plus, en me faisant avoir des soudaines baisses de tensions qui surviennent par moments lors d'un cours, des vertiges, et parfois même, j'ai comme des étoiles qui brouillent ma vue, lorsque je me lève trop vite de mon lit ou d'une chaise, signifiant une ou de potentielles carences dans mon organisme.

Gabriel ne fait que de me répéter de faire attention à ma santé, que je dois impérativement me nourrir, si je ne veux pas qu'il finisse par me gaver comme une oie lors des évènements festifs des périodes de Noël. Et peut-être que c'était la solution qu'il faut adopter, pour me faire prendre conscience de la gravité de la situation.

Le soir venu, je suis rentré chez moi pour me changer, me questionnant en même temps sur le fait de savoir si c'est toujours une bonne idée que j'aille à cette soirée ou non. Je me pose exactement les mêmes questions que pour la sortie au parc d'attractions, qui s'est finalement avérée être la meilleure journée de ma vie, même si j'ai failli mourir six fois dans les montagnes russes et vomir quatre fois sur de parfaits inconnus en cherchant les toilettes.

Mis-à-part ces détails désastreux, j'ai tout de même passé une excellente journée aux côtés de Gabriel et de son petit-ami.

— Ils seront là aussi, les autres aussi, marmonné-je, en essayant de trouver une tenue convenable pour la soirée.

Jaekyung allait être là, lui aussi, et je n'ai pas arrêté de penser à ce qu'il s'était passé hier soir, quand il m'a demandé mon numéro de téléphone, lui ayant laissé pour seule et unique réponse, mon silence.

Est-ce que je l'ai blessé ? Est-ce qu'il m'en veut de ne pas lui avoir répondu ?

Je me suis tellement tourmenté l'esprit hier soir, que je n'ai pas eu l'envie de regarder le live de BJ Golden, qui est pourtant devenu ma source de réconfort, après les journées difficiles que je traverse. J'en suis même venu à me demander s'il est heureux dans sa vie, si ce qu'il fait sur les réseaux n'est pas pour combler un vide au fond de lui. Je n'arrête pas d'y penser, peut-être parce que le fait que je ne sache pas qui il est, m'intrigue encore plus que je ne l'imagine.

C'est étonnant, comme il a toujours les bons mots pour vous aider à aller mieux, même si cela ne dure que le temps de son live. Il est respectueux, toujours reconnaissant envers nous d'être présent à chacun de ses shows. Je me sens libéré, de pouvoir me confier à quelqu'un que je ne connais pas, à travers un écran qui me permet de parler anonymement sans que l'on sache mon identité, sans que l'on puisse me reconnaître. Je ne raconte pas non plus chaque détail de ma vie, mais quelques ébauches de mes pensées, qu'il arrive à balayer avec seulement quelques mots.

Ce serait vous mentir, si je vous disais que je ne rêve pas d'avoir un homme comme lui dans ma vie. Mais il n'est que poussière, qu'un rêve inaccessible, qu'un fantasme que je n'atteindrais jamais. Une illusion pouvant me faire croire qu'un jour, je rencontrerai un homme comme lui. Et même s'il a un physique à en faire tomber plus d'un et plus d'une, c'est avant tout sa personnalité, celui qu'il est, lui, qui a réussi à prendre possession de mes pensées.

Peut-être qu'à vos yeux cela vous paraît totalement absurde, et je le conçois parfaitement. Mais pour ma part...

J'avais hâte d'être à demain soir, pour pouvoir le retrouver.


❃ ❃ ❃ ❃


— Putain, Lucas ! C'est toujours autant bondé de monde tes soirées ! s'exclame euphoriquement Jason, ne tenant plus en place. On va s'éclater !

Je ne me suis pas dégonflé.

J'ai fini par m'y rendre, après avoir menti une énième fois à mes parents, leur faisant croire que j'allais réviser à nouveau avec Gabriel. Je vous épargne évidemment le ton condescendant de mon père vis-à-vis de ce sujet.

— Je suis toujours ravi de vous recevoir chez moi, répondit le fameux Lucas. Allez-y, entrez ! La fête a déjà commencé !

— C'est parti ! s'écrient Brice et Jason à l'unisson, qui après avoir enlacé Lucas en guise de remerciement, se précipitent dans la maison pour rejoindre le coin où sont disposées les diverses boissons alcoolisées.

— Ça fait plaisir de vous revoir, les gars, ajoute l'hôte à l'attention de Connor et de Jaekyung, qu'il vient à son tour enlacer dans une douce étreinte amicale. Ça fait aussi plaisir de te revoir, Gabi ! Même si on a eu que quelques occasions de se rencontrer entre-temps, ajoute-t-il, en lui adressant un agréable sourire, avant que son regard ne se pose sur ma personne. Qui est-ce ?

— C'est mon meilleur ami, Joshua ! répond joyeusement Gabriel, en m'attrapant par le bras pour me rapprocher de lui. C'est la première fois qu'il va à une soirée de ce genre.

— Oh d'accord, je vois ! sourit Lucas, en me tendant sa main, que je viens prendre dans la mienne après une longue, très longue hésitation. Enchanté de faire ta connaissance, Joshua. J'espère que tu t'amuseras bien à ma soirée !

Même quand il ne parle pas, Lucas a un sourire dessiné sur le coin des lèvres, exprimant la joie et la bonne humeur, qu'il transmet facilement à son entourage. Ça se voit, sans même le connaître, qu'il est une personne avenante, drôle et amusante. Mais... il avait été comme ça, lui aussi, à nos débuts. Avant de faire tomber son masque et de me montrer sa véritable identité, une fois que j'étais pris dans ses filets, prisonnier de son emprise, tel un insecte condamné à mourir sur une toile d'araignée.

Alors, derrière ces sourires qui m'entourent, il y a toujours une part de méfiance dans ma tête, qui me dit de faire attention. Ne leur laissant aucunement le bénéfice du doute.

— Je suis aussi content de faire ta connaissance, Lucas, lui dis-je en retour, tout en lâchant délicatement sa main, ne me sentant pas à l'aise que quelqu'un me touche aussi longtemps.

— Bon, suivez-moi ! Il est temps d'aller s'amuser, reprend-il, en nous laissant entrer dans la maison, déjà prise d'assaut par de nombreux étudiants, qui ne viennent pas de la même université.

La musique est à son paroxysme, faisant trembler les basses, au point que je sente les vibrations traverser tout mon corps, des pieds jusqu'à la tête. Les étudiants dansent, collés les uns contre les autres, se laissant totalement abandonner par l'alcool et certainement aux substances illicites que je ne préfère pas savoir.

Il faut également crier pour qu'on entende ce que l'autre essaye de nous dire, et c'est ce que Gabriel est en train de faire avec moi.

— Il y a des boissons au fond du salon ! Il y en a peut-être sans alcool pour toi !

Je ne bois pas d'alcool. Pas que je n'aime pas en boire. Juste que je n'en ai jamais goûté et que cela ne m'intéresse pas de tenter l'expérience, ce soir. Surtout que j'ai menti à mes parents, et que je ne veux surtout pas qu'ils sentent à des kilomètres que je suis allé à une soirée, plutôt que de réviser chez mon meilleur ami, comme je leur ai fait croire.

— Je vais voir ! Je te ramène quelque chose ?

Gabriel secoue la tête en dansant au rythme de la musique.

— J'ai ce qu'il faut ! Merci, mon cœur !

Je lui souris, avant de le quitter pour me diriger vers le fond de la salle de séjour, slalomant à travers la foule. Je parviens sans encombre à atteindre ce petit bar improvisé, où se trouve deux pauvres bouteilles de jus de fruits qui se battent en duel, entourées de diverses boissons alcoolisées. Je me sers un premier verre de jus de pomme, m'installant par la suite sur le coin du canapé pour trouver un espace où je peux respirer, car je commence à me sentir oppressé face à la nuée de monde qui se trouve dans cette pièce.

Non loin de moi se trouvent les deux tourtereaux, dansant, riant et s'embrassant, sans se soucier du regard des autres. Libres comme l'air. Toutefois, Gabriel ne me quitte pas du regard, me lançant quelques œillades furtives pour s'assurer que je vais bien, m'invitant par moment à les rejoindre pour danser avec eux, mais je refuse à chaque fois d'un mouvement de tête, et un faux sourire, me demandant pourquoi je n'ai pas eu le courage de refuser cette sortie.

Jaekyung est à l'opposé de la pièce, adossé au mur avec une boisson dans sa main. On s'est brièvement échangé quelques mots lorsque nous nous sommes rejoints devant la maison de Lucas. Et je me suis senti rassuré de voir qu'il n'a pas mal pris le fait que je ne lui ai pas répondu à sa demande.

Ou peut-être qu'il cache bien le fond de ses pensées.

Cependant, j'ai comme l'étrange impression de n'avoir été qu'une potentielle conquête de plus à cocher sur sa liste. La raison de cette conclusion hâtive ? Le fait qu'il soit entouré d'une dizaine de filles, qui ne se sont pas privées pour se jeter sur lui dès l'instant où son corps est entré en contact avec le mur. Je le vois rire et sourire à leurs blagues, et sans en comprendre la raison, je sens comme un pincement aigu dans mon cœur.

Parce que même si je n'ai pas réussi à lui répondre hier soir, complètement paralysé par la peur et la stupéfaction, je me suis senti, pour une fois, intéressant aux yeux de quelqu'un d'autre. Au point d'en ruminer toute la soirée, une fois rentré chez moi, et que je finisse par me dire que je lui donnerai au moins mon identifiant sur Kakao, pour qu'on puisse se parler.

Mais je ne peux pas non plus lui en vouloir de s'intéresser à d'autres personnes que moi.

Ce serait égoïste de ma part.

Je reste donc assis sur ce foutu canapé, me rendant aussi invisible que possible, à boire mon jus de pomme, en attendant que la soirée se passe dans l'indifférence la plus totale. Et au moment où je parviens à m'égarer dans mes pensées, une silhouette vacillante fait son apparition dans mon champ de vision.

— Oula, mais ton verre est vide ! s'exclame Lucas à mon attention, déjà bien pompette à mes yeux. Allez ! Bois ! La fête n'est pas terminée !

Sans que je ne puisse dire quoi que ce soit, il vient remplir mon verre d'un alcool qui ressemble bien à de la bière, avant de repartir aussitôt qu'il n'est apparu devant moi. Puis, mon regard se baisse sur mon verre, observant le liquide orangé attirer mon attention.

— Après tout, ce n'est qu'un verre... me murmuré-je à moi-même, en venant goûter à cette étrange substance, qui me fait grimacer tant elle est amer.

Malgré tout, je réussis à le terminer en plusieurs gorgées, mon palais s'habituant peu à peu à ce nouveau goût, que je veux à nouveau retrouver dans ma bouche. Et s'il y avait bien une chose que j'aurais dû savoir avant de me servir un nouveau verre, puis un nouveau et encore un nouveau, c'est que l'alcool peut agir de différentes manières sur notre corps. Surtout sur les personnes qui sont ajeuns.

Soit il vous rend heureux.

Soit il vous rend méchant et violent.

Soit il vous rend triste.

Soit il agit comme un cocktail explosif dans votre organisme, faisant ressortir toutes vos émotions les plus dévastatrices, décuplant votre mal-être et l'interprétation de vos pensées.

Je me suis à mon tour abandonné dans cet alcool qui m'apporte un certain réconfort sur le moment, mélangeant les différentes bouteilles lorsque j'en finis une, ne prenant aucunement compte du fait je tiens plus debout, manquant de tomber à chaque fois que je tente d'avancer pour rejoindre le canapé. Tout tourne autour de moi, la musique étant devenue encore plus forte, donnant naissance à un mal de tête effroyable, en plus d'avoir une effroyable envie de vomir.

Je me sens si seul, affreusement seul. Je les vois s'amuser sans moi. Danser sans moi. Être heureux sans moi. Comme si je n'existais pas.

Brice et Jason sont à moitié déshabillés, dansant torse nu sur la table du salon, entourés d'étudiants qui les poussent à retirer leur pantalon. Jaekyung est de son côté toujours en compagnie de ces belles demoiselles, avec ce beau sourire qui illumine la douceur de ses traits. Gabriel et Connor ne se quittent plus, donnant l'air d'être encore plus proches qu'au début de la soirée.

Tout remonte à la surface. Ma solitude, mes parents, ce foutu mariage à deux balles que je compte bien refuser, lui, eux, mes souvenirs, mon passé, mes démons.

Tout.

Sans crier gare, je m'écroule au sol, sur mes genoux, éclatant en sanglots, complètement dominé par les effets néfastes de l'alcool s'écoulant à présent dans mon organisme. Je me mets à crier sans m'en rendre compte, les mains posées sur mes oreilles pour tenter d'étouffer cette musique irritante et ce brouhaha incessant.

Tout est décuplé.

J'ai l'impression que je suis sur le point de mourir.

Que je vais mourir.

Je veux mourir

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