Chapitre 17: Doppelgänger

Il n'y a rien de plus vrai au monde que l'interdépendance de l'ombre et la lumière.

-Je ne serai pas toujours la pour sauver tes fesses tu sais.

C'était bien la première chose que Luxie avait appris de la vie. Personne ne serait jamais là pour sauver ses fesses.

Sa sœur Hexe s'affairait dans la chambre avec un sourire énigmatique flottant sur son visage. Luxie détestait ce sourire, et malgré tout l'amour qu'elle pouvait lui porter, elle détestait sa sœur. Sa sœur parfaite. La préférée des dieux. Celle qui avait bien fait de naître. Hexe, la chouchoute de tous, celle qui n'avait aucun défaut.

Luxie tenta de se relever mais son corps était encore douloureux.

-Que t'es t-il arrivé ma sœur ?

Elle parlait avec le ton agacé mais doux d'une mère tentant tant bien que mal de gérer son enfant à problèmes. Luxie n'entendait là dedans que du mépris. Elle se mordit la lèvre pour ne pas répondre, parfaitement consciente que ce qui allait sortir de sa bouche ne pouvait être qu'une flopée d'insulte et autres noms d'oiseaux.

-Mêle toi de tes affaires, finit-elle par répondre.

Luxie ferma les yeux et souffla en comptant jusqu'à six en s'imaginant 6 personnes qu'elle avait prit plaisir à tuer. Vieille technique pour se calmer.

Tu es trop émotive Lux.

Combien de fois n'avait-elle pas entendu ça ? Son ancien mentor n'avait de cesse de lui répéter ça. Trop émotive, trop humaine, trop gentille. Combien de fois avait elle du courir sous la pluie jusqu'à en avoir les os brisés et frôler la folie ? Dans combien de combats perdus d'avance s'était elle engagée ? Combien de fois avait-elle été torturée gratuitement ?

Et sa sœur ? était-elle seulement venue une fois ?

Jamais.

Jamais personne.

Aucune douleur physique ou psychologique n'avait réussi à la détruire. Sauf cette simple pensée : « Personne ne viendra jamais te sauver. Tu n'en vaux pas la peine. ». Essayez de vous répéter cette phrase au moins une fois par jour toute votre vie et vous toucherez du doigt l'essence même de la dépression.

Luxie se connaissait bien. Trop bien peut-être. Elle savait très bien qu'elle aurait put choisir de faire n'importe quel métier plus sensé. Mais frôler la mort était la seule chose qui la rendait vivante. Et avec un peu de chance un jour elle en mourrait. Sauf si sa sœur décidait encore une fois de s'interposer dans ses plans. La jeune femme revint à la réalité et toisa sa sœur avec toute la véhémence dont elle était capable.

-Quoi ? demanda la belle blonde.

- Comment oses-tu te dire ma sœur ? JAMAIS ! Jamais tu ne m'as aidé ! jamais tu n'as été là ! Alors aujourd'hui tu vas me faire croire que ton âme charitable va me faire part de ta miséricorde et qui va me sauver ? Te fous pas de moi je me retiens de t'égorger.

Et pour la première fois Luxie put assister à un spectacle inédit. Sa sœur Hexe en colère. C'était terrifiant. Alors que sa colère montait en elle, Luxie se sentait de plus en plus... apaisée. On aurait presque dit que les deux sœurs échangeaient de personnalité. Puis de physique car le regard de Hexe luisait de rouge.

-Mais tu n'as rien compris imbécile ! Si tu m'égorges tu meures ! Nous sommes la MÊME personne !

Luxie en resta estomaquée un moment. La preuve était devant ses yeux. Elle se leva pour aller vérifier dans le miroir de la chambre. Luxie et Hexe avaient exactement la même apparence. Un œil rouge, l'autre jaune, les cheveux bruns et blonds, la peau claire par endroit, foncée à d'autres comme le pelage d'un animal. Elles échangèrent un regard consterné. Les jumelles étaient enfin de véritables jumelles. Jusqu'à l'expression du visage.

-Alors c'est pour ça que tu m'as sauvée lâcha Luxie amère.

-J'ai sentie que tu étais mourante. Je le sens à chaque fois. Mais cette fois c'était différent. Je n'arrivais pas à te guérir à distance et j'ai eu raison de m'inquiéter. La blessure que tu as... est digne d'une malédiction des dieux. Elle ne guérira peut-être jamais...

-Impossible. La fille qui m'a fait ça était un simple bélier. Un peu bizarre certes mais loin d'être une déesse ?

-Et quel genre d'attaque a-t-elle put lancer pour te transpercer l'abdomen ?

-Son bras. Je crois qu'elle m'a attaqué avec son bras.

-Juste... son bras ? Avec rien de spécial ? Son bras n'avait rien de spécial ?

Luxie se remémora la scène dans son esprit. Tout s'était passé si vite... mais elle se souvenait de ses yeux rouges agressifs et de son bras avec... des griffes ? Des griffes acérées.

-Elle avait des griffes.

-Un peu comme toi donc.

Hexe se retira pour faire les cents pas à travers la salle tandis que l'autre sœur continuait sa contemplation du miroir, incrédule.

-Je ne comprends rien à ton histoire. Comment pouvons nous être la même personne ? Et ne pas s'en être rendu compte pendant 23 ans ?

La « gentille sœur » s'avança vers l'autre et lui asséna une gifle totalement gratuite. Elles reprirent leur apparence respective.

-Mais pourquoi t'as fais ça ?

-Parce que c'est drôle. Enfin... J'ai commencé à le remarquer quand je n'arrêtais pas de me blesser sans raison. J'ai cru à une maladie mais personne ne trouvait la solution.

Durant son discours, elle s'assit sur le lit.

-Tu connais mon mari? Je lui parlais de toi dernièrement et il m'a dit « ta sœur et toi c'est le jour et la nuit ». Nos noms de naissance sont Helios et Selene. Le soleil et la lune. Tu n'as que des défauts et je n'ai que des qualités. Nous sommes d'exacts contraires. Tous les êtres humains ont une dualité. Tu as déjà connu le bonheur dans ta vie ? Moi je n'ai jamais eut un seul évènement malheureux. Et avec cette blessure, je suis convaincue que nous sommes la même personne. Indubitablement.

Elle retira sa robe jusqu'à hauteur de ses hanches dévoilant la même blessure.

Luxie écarquilla les yeux terrifiés par ce qu'elle voyait. Surtout, elle ne savait pas si elle devait considérer cela comme une bonne ou une mauvaise nouvelle.

-Je ne suis pas sure à 100% de ce que j'avance, termina Hexe, pour en être certain il faudrait rencontrer notre mère.

-Notre mère est morte.

-Tu en as la preuve formelle ?

Elles marquèrent une pause. Histoire de réfléchir un peu.

-Allons voir Janus, proposa Hexe.

Elle saisit la main de sa sœur et elles sortirent de la chambre d'amis. La maison dans laquelle vivait Hexe était gigantesque. C'était un manoir. Normal pour une femme qui avait épousé un dieu mineur. Luxie ne l'avait jamais rencontré. Mais de nombreuses rumeurs circulaient à son sujet. Dieu protecteur des jumeaux, fils de Gemma et de Lebron, c'était un dieu à l'ambivalence parfaite. Tantôt bon, tantôt cruel. Ces attributs le faisaient juge des dieux alors évidemment il connaissait tout ce qu'il y avait à connaître.

Assit dans un fauteuil dans la salle de séjour, il sirotait une tasse de thé noir, lisant un livre, lunettes sur le nez. C'était un homme d'un naturel très calme dégageant toujours une douce odeur de... savon à la myrtille. Enfin c'est ainsi que sa femme vous le décrirait.

Entendant les deux sœurs arriver il tourna légèrement la tête de côté.

-Elle a récupéré ?

-Oui grâce à votre décoction de plantes et l'onguent au millepertuis.

-Je n'étais pas sur que ça marcherait. Vous êtes chanceuse jeune demoiselle d'avoir un dieu assez puissant comme beau-frère, sinon rien n'aurait pu vous guérir. Mais je suis curieux de savoir quel genre de divinité t'a fait une telle blessure ?

-Pas une divinité. Juste une fille... Après peut-être qu'après coup... elle était sûrement en transe.

Janus arqua un sourcil.

- Quelle genre de transe ?

-Une transe guerrière sûrement. Elle est devenue très belliqueuse tout à coup et ne reconnaissait plus ses amis.

-Je suppose que c'était un bélier.

-Tu suppose bien.

Janus fronça cette fois les sourcils.

Hexe gratifia sa sœur impolie d'un coup de coude dans les flancs.

-Tu t'adresse à un dieu malgré tout. Vouvoie-le s'il te plait.

-J'aimerais supposer que tu as été victime d'un des bras droits d'Arya mais c'est quasi impossible. A moins que tu aie fait une ignominie sans nom. J'ai examiné ta blessure et la force qui t'a frappé était digne d'un dieu majeur.

Le beau Janus la fixa de ses yeux vairons et passa sa main dans sa chevelure blanche. Il n'était pas excessivement grand mais très imposant. Il fit quelques pas vers ses interlocutrices non sans caresser le visage de sa femme dans un mouvement de tendresse.

-J'espère mademoiselle Luxie que vous parviendrez à me mettre en contact avec la personne qui vous a fait ça. Sinon vous courrez au-delà de sérieux ennuis. 

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