-Eh bien vous ne répondez pas ?
Cette question me tira presque de ma torpeur. J'avais vu cette main devant mon visage. C'était une jolie main halée aux doigts fins et robustes quoiqu'un peu petits. Et elle était tendue vers moi. Attends quoi ?
J'avais passé quelques heures devant le temple sans que personne ne me remarque et tout à coup une main se tendait vers moi. Je ne la méritais pas.
-Pardon, je... j'étais un peu perdue dans mes pensées.
Le visage au bout de la main eut un sourire chaleureux. Et soudain j'eu une prise de conscience étrange. Cet homme dégageait beaucoup, beaucoup de chaleur. J'avais eu l'impression que le soleil était haut dans le ciel mais je me trompais car il était tard dans la journée. La lumière c'était lui, c'était son aura. Je ne pouvais pas m'empêcher de remarquer la douceur et la régularité exceptionnelles de ses traits autant que la barbe naissante qui venait contrarier la douceur de son visage.
Il s'assit à côté de moi et me représenta sa main.
-Vous avez besoin d'aide ? Vous n'avez pas l'air bien.
Je baissais doucement sa main en tentant de ne pas lui donner le sentiment d'être impolie.
-Je ne pense pas aller très bien en effet. Cela dit, je ne pense pas mériter d'aide à vrai dire. J'ai fait quelque chose de mal.
Il se frotta l'arrière du crâne mettant en bataille ses jolis cheveux blonds. Ses yeux dorés scrutaient quelque chose dans le lointain. Il avait beaucoup de cheveux et ils avaient l'air très doux... J'avais envie de les toucher.
-Vous savez... je suis le chef des armées.
Et ça me faisait une belle jambe. Le chef des armées ou un quelconque S.D.F. plus rien ne m'importait, je me sentais perdue. Un haussement d'épaules découragé fit office de réponse.
-Et vous n'en avez rien à faire. Intéressant.
Il eut un soupir et s'adossa un peu plus au mur. Je tournai la tête un peu de côté pour le regarder d'un œil indiscret. C'était bien lui. Je l'avais déjà vu quand j'étais avec Arthur. L'Homme à l'aura dorée. Il me donnait très, très, très, très très chaud. Dans plusieurs sens du terme.
-A ce que je vois vous ne me connaissez pas ? En plus vous n'êtes pas très bavarde.
Je me tournais pour le toiser dans ses yeux d'or. Il était vraiment beau de près. Mon flair à beaux garçons fonctionnait encore. Cette pensée me décrocha un sourire qu'il ne manqua pas de remarquer et auquel il répondit.
-Dans ce cas je peux vous raconter ma vie.
Hein ?
-Je vais me marier bientôt. Mais je vais tromper ma femme.
-Dans ce cas ne vous mariez pas.
Il fit un petit bruit de surprise et me toisa, amusé.
-Vous êtes expéditive vous !
-Non, pragmatique. Vous imaginez à quel point elle va souffrir à cause de vous ?
-Donc en plus vous ne connaissez pas les eusses et coutumes. Il est question de mariage arrangé vous savez.
-Donc vous n'avez pas choisi cette femme ?
-Si mais...
-Alors en quoi est-ce un mariage arrangé ?
Il eut un instant de doute et ses yeux firent l'aller-retour entre ce qu'il y avait devant lui et moi.
-Vous aimez bien les paradoxes non ?
-C'est pas un paradoxe, c'est logique. Si vous n'aimez pas cette femme, ne l'épousez pas. S'il vous plait.
Je n'avais pas de raison de le supplier ou même de me mêler de sa vie. Mais l'idée de savoir qu'une femme aurait le cœur brisé alors que j'aurais pu faire quelque chose me rendait malade. Et j'avais le sentiment étrange de savoir ce que cette femme ressentait. Et ce n'était pas très agréable. J'avais fait du mal à une personne, si je pouvais en sauver une autre... pour me rattraper...
-Je ne peux malheureusement pas faire ce que je veux. Sinon je ne me marierais pas.
-Pourquoi ?
-Le mariage, c'est... ça enferme dans une routine. Je veux être libre.
-Moi aussi.
-Alors soyons libres... d'aller boire un verre. Je paye.
-Ce n'est pas avec moi que vous allez tromper votre femme.
-ça c'est ce qu'on va voir.
Il se leva et me retendit sa main. Cette fois je l'attrapai, mais ce fut dur me relever tant que mon corps était engourdi.
-Tu es blessée non ? ça se voit à la façon dont tu bouge. Il y a des endroits ou tu as mal alors tu ne t'appuie pas dessus. Quel genre de personne es tu ?
-Je ne préfère pas répondre à cette question.
Le temple étant situé au centre de la ville, le chemin ne fut pas long et l'homme que je venais de rencontrer en profita pour me taper la discute, l'air de rien.
-J'aimerais savoir, désolé pour mon excès de curiosité hein, mais je me demandais qui es tu ? Parce que... je connais à peu près tous ceux qu'il y a à connaitre et tout le monde me connait et toi... tu ne fais même pas semblant donc... pourquoi diable ?
Nous marchions à une vitesse modérée comme de vieux amis en rendez-vous et pourtant nous ne nous connaissions pas. Il n'y avait bien que dans ce monde qu'on pouvait rencontrer des inconnus et s'en faire des amis sans se méfier un seul instant.
-J'ai merdé. J'avais un ami, il est parti parce que je suis une mauvaise personne.
Il eut un sourire vers moi.
-Je n'ai jamais entendu une mauvaise personne dire « je suis une mauvaise personne ».
Il portait une veste en cuir marron et un pantalon, tout ce qu'il y a de plus normal et moi je portais toujours la tenue d'Arthur.
-Je... ne me préoccupais pas de ce genre de choses avant que... qu'on me le dise.
-Et qui te l'a dit ?
-Quelqu'un qui m'aimait.
-Et simplement parce que cette personne t'aime alors elle te connait ? Et elle sait qui tu es ?
En disant ça il avait prit un visage très sérieux, presque inquiet, qu'il remplaça très vite par un sourire. Voilà qui était assez intéressant comme mimique. Il n'aimait visiblement pas montrer qu'il pouvait être touché par quoique ce soit.
Il me força à m'arrêter devant un bar et me fixa dans les yeux intensément comme s'il essayait de m'hypnotiser.
-Je vais m'introduire dans ta vie privée et les dieux savent que je déteste ça. Ne laisse jamais personne te rabaisser et te faire perdre ta confiance en toi. Jamais, tu m'entends ? Conseil d'ami.
-Nous sommes amis maintenant ?
-ça c'est si tu veux.
Il fouilla dans sa poche et me donna une petite pierre bleue.
-Une amazonite ?
-Pour la communication. Avec ça tu peux me joindre quand tu veux. Il suffit de jeter un sort.
-Qwé ?
Il haussa un sourcil et eut ce sourire digne des meilleurs mannequins.
-Tu ne sais pas jeter de sors de communication ? Attends je vais t'apprendre.
Il m'ouvrit la paume et plaça la pierre au centre. Puis il se plaça derrière moi et prit mon autre main pour la pauser au dessus comme un couvercle.
-Pense à moi, me susurra t-il à l'oreille.
-C'est assez gênant...
Comment ne pas penser à lui, j'étais littéralement en train de me noyer dans son odeur. La chaleur de son corps me brûlait et malgré le jour qui déclinait je me sentais environnée par sa lumière. Impossible de ne pas penser à ses cheveux blonds comme le soleil.
Je pensais à lui tellement fort que lorsqu'il retira ma main pour découvrir la pierre, celle-ci émettait une lumière bleue agressive.
-Je t'ai demandé de penser à moi pas de fantasmer sur moi ! plaisanta t-il.
Je ne parvenais pas à contrôler ce que je faisais, j'étais trop déconcentrée, et lui voulant m'aider, ne faisait qu'empirer les choses. Il me serra contre lui un peu plus fort et cela déclencha un feu au sein de ma paume et dans ce feu apparu son visage, tout sourire.
-Parfait, souffla t-il dans mon oreille, ce qui eut pour effet de tout arrêter en un instant.
Il se détacha de moi, et je me surpris à trouver ça dommage.
-Pourquoi moi ? lui demandai-je.
-Parce que tu ne me connais pas et en plus tu ne me juge pas. Tu n'essaie pas de me séduire ou de t'attirer ma sympathie d'une quelconque manière. Tu es quelqu'un de vrai, d'abrupt et de cru, tu n'es pas comme ces gens lisses qui se conforment et essayent de se fondre dans la masse, j'aime ça. Et puis un prince a besoin de francs conseillers.
Il m'ouvrit la porte du bar nommé Le lion d'Emeraude.
-Attends quoi ?
-D'époque, comme je les aime souffla t-il en entrant avec moi.
A peine nous eûmes pénétré le lieu, le temps sembla s'arrêter, tous les regards se tournèrent vers nous, enfin vers lui. Je n'avais pas l'habitude de fréquenter des bars si ce n'était pour des transactions douteuses donc je ne voyais absolument pas en quoi ce bar était « d'époque ». Pourtant j'étais contente d'y être entrée, il me donnait le sentiment d'aller prendre un verre tranquillement avec un ami, chose dont je rêvais depuis que je savais que c'était ce que les jeunes de mon âge étaient sensés faire. L'endroit était cosy, les lumières tamisées étaient vertes et les banquettes rouges, le bar à l'américaine séparait les clients du barman, un court homme blond au crane rasé avec un tatouage qui lui couvrait la moitié droite du visage, une griffure. Des hommes, des femmes tous plus blonds les uns que les autres discutaient en buvant des cocktails et en riant grassement. En entrant mon accompagnateur gratifia certains d'un discret mouvement de tête amical. Le total étranger dont peut-être il aurait fallu se méfier prit place sur une banquette rouge faisant face au bar et je pris place à ses côtés. Il me contempla un instant puis eut encore un sourire.
-Tu es mal à l'aise ? me demanda t-il avec un ton bizarre.
Je lui lançai un regard qui se voulait empreint de méfiance pour lui signifier un non catégorique.
-Tu sais, me glissa t-il à l'oreille, il a plein de gens dangereux d'une façon ou d'une autre dans ce bar, alors si tu t'y sens bien...
Il n'eut le temps de terminer sa phrase, quelqu'un nous héla, l'interrompant.
-C'est pas la gamine qui s'est battu devant le temple ?
Je n'aurais pas du m'étonner que les nouvelles aillent si vite. Mais je m'en étonnais tout de même. Mon nouveau compagnon de route me glissa un regard inquisiteur.
-... c'est que tu dois être pire qu'eux.
-Je suppose que je vais devoir fuir la ville...
L'homme était charpenté comme une armoire, une vraie montagne de muscles et sa voix semblait sonner comme le tonnerre. C'est sans mal que j'imaginais cet homme paré d'une crinière de Lion. Les veines sur ses muscles semblaient réclamer leur liberté. Il se leva et se dirigea vers moi, mais je ne savais pas ce qu'il me voulait. D'instinct, mon « nouvel ami » mis son bras au devant de moi pour me protéger.
-Tu n'es pas obligé de se mettre dans la mouise pour moi tu sais, lui glissai-je à l'oreille.
-De rien, j'adore les problèmes, me rétorqua t-il avec un sourire et un clin d'œil.
Pas cette fois, non...
Je me levai, mettant en pratique ce que j'avais appris par le passé en m'enfonçant toujours plus loin dans les ennuis. Se grandir et bander ses muscles pour paraitre plus menaçant, garder un visage stoïque voire menaçant, saisir tout objet possiblement contendant au cas ou ça dégénère...
-Qui es tu toi ? Lançai-je avant d'avoir à m'expliquer.
-Par Leone, reste à ta place, criminelle. Comment se fait-il que tu vois encore le jour ? Je te renverrai moi-même en prison !
-Tu n'as pas répondu à ma question. Ajoutai-je en quittant la banquette.
Je restai implacable et cela dut se voir dans mes yeux qui devaient peut-être rougeoyer comme des rubis. La tension dans le bar se faisait grandissante. Se rapprochant de moi, mon ennemi à la crinière blonde se décida enfin à répondre.
-Je suis Julius, honnête serviteur de mon roi Malcom et de ma déesse Leone. Et toi qui es tu ?
Derrière moi, je perçu du mouvement.
-Je suis Lily. Juste Lily.
Le fameux Julius commença à grogner, une lueur agressive passa dans ses yeux orange. Encore un qui me détestait alors que je ne le connaissais pas... Les meubles commençaient à trembler à mesure que le grognement s'intensifiait. De mon côté je faisais naître une petite flamme au creux de ma main.
-Je déteste les béliers, ils n'ont aucune mesure de la bienséance.
-On ne se bat pas dans un bar, lui rétorquai-je avec aigreur.
Celui qui m'avait mené dans le bar se leva et passa devant moi, étouffant au passage de sa main gauche ma flammèche.
-Es tu un des espions de mon père ?
Cette question détourna l'attention de Julius qui cessa ses grognements.
Toute l'attention se portait vers nous depuis notre entrée et il était impossible désormais de ne pas remarquer le grabuge que j'avais créé. Encore.
L'aura de lumière devenait presque aveuglante. Il se tenait dans toute sa splendeur.
-C'est pour ça... il me teste.
Julius commença à bégayer.
-Va dire à ton maître que je me porte bien et que je suis la meilleure source s'il quémande de mes nouvelles.
Julius semblait comme pétrifié et ne bougeait pas d'un pouce. A cela, son interlocuteur fronça les sourcils et leva sa main jusqu'à hauteur de son coude et tout le bar se mit à trembler avec violence.
-VA !
Julius se précipita au dehors et le calme revint.
L'agitateur public se tourna vers moi et me tendit sa main encore une fois.
-Pardon, j'ai oublié de me présenter, ou peut-être l'ai-je fait volontairement... Je suis Mathis, Prince héritier de Boréalis, serviteur de la Déesse Leone, Seigneur des Lions et Chef des Armées.
Je ne trouvais pas grand-chose à répondre.
-Ah ouais...
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