Chapitre 12: Déités
Notre liberté s'arrête là où commence celle des autres. Mais surtout, elle brillera toujours par son absence. Mais même lorsque celle-ci est absente, il reste toujours aux hommes le libre-arbitre. Retirez aux hommes leur libre-arbitre et vous en ferez des esclaves.
-Donc ici... c'est ? Un temple?
-Un sanctuaire. C'est le point de départ de tout ce qui existe ici-bas. Le cercle du Zodiac.
La porte devant laquelle nous nous trouvions était gargantuesque. Que dis-je? pantagruélique. Elle semblait dévorer le paysage environnant. Le sanctuaire était au centre de la ville et la surplombait tout à fait. Monter tout en haut devait faire passer cette ville où les maisons traditionnelles côtoyaient les buildings d'affaires qui venaient toucher le ciel pour un modèle réduit. C'était une belle ville. Dommage qu'elle soit régie par des lois étranges.
-Dis-moi, qui vit dans les villes? Les gens riches?
-Pas tout à fait. Dans les villes, on trouve surtout les Lions, les Taureaux, les Gémeaux et les Verseaux. Ceux qui vivent dans les villes le veulent. Tout simplement. La richesse est très secondaire par chez nous.
-Mouais. Les communistes disaient ça aussi. On sait aussi comment ça a fini.
Arthur me regarda avec incompréhension. Évidemment, il ne savait pas de quoi il retournait. Cela ne l'empêcha pas de continuer son speech de présentation.
-Dans ce monde, tout est arrangé autour des signes astrologiques car c'est la seule chose qui soit un tant soit peu constante chez les gens. Les études sociologiques et scientifiques se rejoignent là dessus.
-Donc, vous établissez la vie des gens par rapport à leur signe astrologique?
Arthur eut une hésitation.
-Non! Non! c'est différent! Chacun est libre de faire ce qui lui plait mais il a été prouvé que certains signes étaient plus enclins à certaines... caractéristiques. Entre donc, je t'expliquerai mieux.
Sur la porte, une figure était incrustée en relief. La femme qui y était représentée semblait vouloir en émerger, s'en extirper dans un rictus de souffrance et de résignation. Elle avait beau avoir un visage d'azurite bleu, sa beauté n'en était pas moins saisissante. Elle et moi avions quelques traits en commun mais elle était belle... et moi...
-Tu lui ressembles, souffla Arthur dans un état d'ébahissement notoire.
Son regard se perdait le lointain. Son visage était ravissant, très régulier, quasiment tout le contraire du mien qui était bouffi et asymétrique. De plus, le détail de ses cheveux était remarquable, de près, ils étaient semblables à de minuscules serpents. Sa peau était dénudée à la manière d'une statue grecque. Le tissu qui l'habillait se confondait avec sa peau, gracile. Le drapé de ce tissu tombait voluptueusement sur sa poitrine et découvrait un sein avec innocence. Elle était semblable à une princesse. Non, ce n'était pas moi. Définitivement pas.
-C'est une Déesse. La Déesse mère, Ophiuchus. Les légendes font d'elle la mère de ce monde. Mais ce sont des légendes.
-Ce n'est pas elle que vous vénérez? Demandai-je, intriguée.
Elle avait le soleil qui l'auréolait, comme le bateau d'une figure de proue.
-Non. Nous n'avons aucune preuve tangible de son existence.
-Comme de par hasard...
Ophiuchus était entourée de six colonnes, trois de chaque côtés finement ouvragées en marbre rouge royal. Couvertes de serpents qui se glissaient le long de la surface. Le mouvement était incompréhensiblement bien représenté, comme pour une illusion d'optique.
-On peut entrer ici comme on veut?
-Oui, tout à fait! C'est une partie intégrante de notre patrimoine et il en va de la responsabilité de tout un chacun de respecter ceci.
-sornettes.
Arthur, visiblement, n'aimait pas le ton cassant que j'employais sans cesse dès lors que quelque chose me faisait tiquer. Moi-même, j'étais incapable de m'expliquer cette volonté d'avoir raison. J'étais pourtant d'ordinaire quelqu'un de conciliant et d'ouvert d'esprit. Mais là... c'était trop flagrant. Ce n'était pas une chose qui clochait, mais tout un système qui me semblait soudainement branlant.
Nous entrâmes donc dans le temple et je fus immédiatement saisie d'admiration devant un lieu si... colossal.
-Ce sont là... vos dieux?
-Voici notre panthéon!
Des statues. Sûrement du marbre. Non. Pas du marbre. De l'opale. Ce monde ne manquait décidément pas de pierres précieuses. C'était sublime cette couleur irisée.
-De là d'où je viens... le polythéisme est considéré comme du paganisme... soufflai-je non sans une pointe de crainte irrationnelle.
Il me lança un regard en coin qui le tira de sa contemplation.
-Je ne m'étonne même plus de toutes vos bizarreries.
-J'aimerais pouvoir en dire autant.
12 statues représentaient 12 divinités. Les 12 signes du zodiac. ça tombait sous le sens. Ils étaient répartis sous des sortes d'arches en marbre le long d'une allée qui menait à une partie transparente du plafond. Le ciel bleu éclairait la figure d'un soleil taillé dans une opale de feu flamboyante.
Avant même qu'Arthur n'ai eut le temps d'endosser son ton professoral, une main me tapa dans le dos.
-N'écoute pas ce qu'il va dire.
Je reconnaissais bien là l'odeur de Lucie qui avait disparu on-ne-sait-où pour revenir à l'improviste.
-écoutez vous deux! Lançai-je sur un ton excédé, si vous continuez à apparaître et à disparaître comme ça, je fais la même chose et je ne reviens pas.
Lucie et Arthur se regardèrent partageant une expression mêlée d'incompréhension et de reproche. Ces deux là allaient être compliqués à gérer.
-De toute façon, ajoutai-je, ne t'inquiète pas pour moi Lucie, mon scepticisme peut atteindre des sommets.
Elle me glissa un sourire satisfait et passa son bras autour de ma taille. Seigneur que c'était déplaisant.
Donc, ce fut à cet instant qu'Arthur le professeur entra en scène.
-Voici les douze dieux de notre honorable panthéon. Tout d'abord Arya, la déesse bélier. C'est la déesse des combattants, de la guerre et de l'amour. On dit qu'elle insuffle aux hommes les idées les plus folles.
Arthur montrait la statue d'une belle jeune femme affublée de cornes de bélier. Elle portait autour du front un pendentif surmonté d'un rubis sanglant.
-Donc c'est ma déesse?
-Tout à fait.
Il passa ensuite à la statue d'un taureau.
-Voilà torwig, le dieu Taureau. C'est le dieu de la famille, du bonheur et de la fécondité. Si tu es malheureuse c'est lui qu'il faut prier.
-Malheureusement, il est sourd coupa Lucie.
Elle eut le droit à un regard méprisant comme celui qu'on lancerait à un élève dissipé.
-C'est l'un des seuls dieux avec une forme animale. Ensuite il y a Gemma, des gémeaux. C'est la déesse de la beauté, de la recherche et de l'esprit scientifique. Elle guide les hommes dans leur soif de connaissance mais aussi dans leur narcissisme.
Elle était incarnée par une femme qui ressemblait à un ange ailé.
-Voilà Connor, le dieu Cancer. C'est le dieu du temps et de tout ce qui lui est lié de près ou de loin. On dit qu'il influence les sentiments concernant le temps comme la nostalgie ou l'appréhension du futur. C'est le dieu à invoquer pour faire perdurer les relations mais aussi pour rendre gloire à la mémoire et aux exploits passés. Il protège aussi les personnes âgées. Lucie, je ne veux aucun commentaire.
-Ah mais je n'allais pas en faire, répliqua celle-ci, mais tu devrais jeter un coup d'œil à ta petite protégée.
En effet celle semblait perdue dans une contemplation un peu trop intense de la statue qui présidait le panthéon au milieu des douze autres.
-Lui c'est Apollon, le dieu soleil... je...
L'explication pour le moment était inutile, Lily avait déjà cessé d'écouter. Elle avançait lentement vers son but et le temps autour d'elle semblait distendu. Ses cheveux oscillaient entre sa couleur naturelle et un rouge sanglant tout en flottant derrière elle comme une traîne. Son corps était pétrifié, piégé dans sa marche inexorable. Arthur ne pouvait pas se l'expliquer mais une mauvaise impression l'empêchait d'agir jusqu'au moment où voyant qu'elle approchait sa main un peu trop près de la statue, il se réveilla et se jeta sur elle pour agripper son poignet.
Terrible erreur. Même Luxie l'avait vu venir.
Au moment où elle se senti entravée, Lily fit violemment volte face. Ses yeux étaient courroucés, rouges, terribles. Arthur fut propulsé de l'autre côté du sanctuaire mais parvint à se rattraper avant de se cogner aux portes. La pression de la gravité explosa. Heureusement, il n'y avait personne d'autre sinon ils auraient vite fait d'être arrêtés.
-Lily reprends toi !
Luxie disparu pour apparaître juste derrière Lily. Mais cette dernière qui avait anticipé le mouvement se retourna en une fraction de secondes et lui enfonça son bras dans le ventre. La chasseuse de prime s'effondra, inerte. Puis Lily se retourna vers Arthur qui se relevait avec peine, sous le choc.
-Lily je... Attends !
Celle-ci, n'écoutant pas son ordre fondit sur lui tel un rapace sur sa proie mais il parvint à dévier le coup qu'elle tenta de lui porter en sautant en l'air pour atterrir derrière elle.
-Lily que se passe t-il ? Ne m'oblige pas à...
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase, elle avait saisi sa jambe pour le projeter hors du temple en traversant les grandes portes. Il eut à peine le temps d'éviter les passants, elle sautait sur lui à la manière d'un léopard. Elle fut projetée un peu plus loin à la suite d'une réception avec les pieds. Arthur ne trouvait pas le moyen d'écourter cette altercation quelque peu violente et s'inquiétait de voir la foule se rassembler. Les autorités allaient bientôt venir troubler la fête et dans le meilleur des cas les abattre sur place.
Dans un geste un peu désespéré, Arthur ceintura Lily au sol, profitant de l'instant où elle se relevait. Mais cette dernière ne se laissa pas décontenancer. Elle prit un instant pour fixer Arthur et murmura.
-tu ne peux empêcher la vérité d'éclater.
-Quoi ?
-NON !
Ce cri fut l'impulsion qui projeta violemment Arthur. Comme la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Mais cette fois-ci, ce fut comme une explosion qui souffla les curieux qui s'étaient amassés et le corps de Lily s'était embrasé. Son corps diffusait des flammes tout autour d'elle, menaçant de déclencher un incendie. Arthur n'avait plus le choix. Il devrait agir. Il fendit la foule aussi vite qu'il put, tentant d'ignorer sa douleur et le sang qui coulait de son front et de ses blessures rouvertes.
Il profita de l'immobilité temporaire de son ennemie pour la fixer de ses yeux qui étaient devenus blancs. Une masse grise de nuages terribles et sombres s'amassèrent au dessus de la scène. Une pluie tranchante commença à tomber. Tous s'étaient écartés mais Lily ne cillait pas, ne montrait aucun signe de faiblesse. Au contraire le feu qui s'intensifiait lui faisait comme un rempart. Elle était visiblement devenue invincible.
La pluie se muait en tempête, franchissant peu à peu le point de non retour. Arthur lui-même ne savait plus vraiment comment se maîtriser à partir de là. La dernière fois que c'était arrivé, sa petite sœur était devenue aveugle.
Heureusement, ou malheureusement, personne n'aurait su le dire, un rugissement terrible fit trembler toute la ville. Cela ne déconcentra pas pour autant les deux combattants. Au moment où les deux éléments contraires commençaient à créer de l'orage, un lion se jeta sur Lily et fit reprendre à Arthur ses esprits. Le soleil revint.
-Par Connor, tout mais pas ça !
Une lame effilée l'empêcha d'aller plus avant.
-Retiens-moi de te couper la tête.
-Ma très chère... Pandora.
La lame émit une lumière agressive.
De l'autre côté du nuage de poussière, un grand homme aux longs cheveux blonds platine apparu, tenant Lily, inerte.
-Oh non, pas Lucius.
C'était la misère.
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