Chapitre 35 : La dernière séance

Le vendredi matin nous n'avions pas cours alors j'avais réuni tout le monde chez Pop's autour d'un milkshake pour parler de la fermeture prochaine du drive-in. Seul Archie manquait à l'appel, il devait nous rejoindre un peu plus tard. J'étais assise à côté de Jugh sur une des banquettes rouges, il regardait par la fenêtre la mâchoire crispée. J'avais vraiment de la peine pour lui, il semblait réellement tenir à cet endroit, même si j'étais convaincu, tout comme lui, que nos actions ne changeraient rien à l'issue fatale du drive-in j'allais me donner à fond pour lui.

-          Vous vous rendez compte qu'ils vont fermer une institution, dit-il en s'agitant tout à coup.

-          Ah oui ? dit Véronica.

-          Mais bien sûr le Twiligh drive-in est important pour cette ville, dit-il le visage fermé en abattant sa main sur la table.

-          Tu crois qu'avec la vidéo à la demande quelqu'un en a encore quelque chose à faire des cinémas où on se les gèle et où on est obligée de prendre sa voiture ? répondit-elle.

-          Véronica, bien sûr que les gens en ont quelque chose à faire, nous ne venons pas de cette ville et dans des grandes villes comme les nôtres les drive-in ne courent pas les rues, mais je trouve ça bien dommage, c'est quand même une institution américaine au même titre que les bugger, dis-je avec ferveur.

-          Exactement, renchérit Jughead en me lançant un regard de remerciement et en m'attrapant la main.

-          Sans compter les amateurs de voiture ! dis-je avant de siroter une gorgée de mon milkshake à la vanille.

-          Vraiment j'en suis malade qu'il ferme cet endroit et pas seulement parce que ça veut dire que je perds aussi mon travail mais pour tout ce qu'il représente pour les habitants de cette ville, dit Jugh en fronçant les sourcils.

Je me rapprochai de lui et il me prit dans ces bras, je suis d'accord et c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait un maximum de personnes samedi soir, on compte sur vous pour faire tourner l'information, Jugh et moi on distribuera des tracts.

-          Je ne veux pas être pessimiste mais je suis un peu de l'avis de Véronica, bien sûr c'est triste mais à l'heure des chats en ligne et de Netflix ce bon vieux drive-in ne fait plus le poids, Betty qu'est que t'en pense ? dit Kevin.

Cette dernière sursauta en entendant son nom, je voyais bien que depuis le début de la conversation la blonde n'était clairement pas avec nous autour de cette table, elle pensait à quelque chose ou plutôt à quelqu'un d'autre. Après l'annonce de Dilton Doiley, Jugh et moi avons décidé de rester en dehors de cette histoire et de ne pas prévenir Archie que Betty était au courant pour lui et Mademoiselle Grundy, s'en mêler nous serait forcément retomber dessus d'un côté comme de l'autre.

-          Je ne sais pas ... je pense que c'est dommage, dit-elle en haussant les épaules et en buvant une gorgée de son milkshake à la banane.

-          De toute façon tout ça c'est la faute du Maire, la ville l'a acheté et ne l'a jamais entretenue et quand un acheteur anonyme s'est présenté McCoy s'est empressé de le vendre. Dit le brun au bonnet.

-          Pourquoi anonyme ? on s'en fiche de qui peut bien l'acheter, lâcha Véronica.

-          Pas nous ! dis-je en lui lançant un regard noir.

Cette dernière nous fit un petit regard de chien battu en sirotant son milkshake au chocolat en signe d'excuse.

-          On pourrait passer American Graffiti à la cérémonie de clôture ? non c'est pas assez subtil dit Jughead.

-          Je vote pour un film avec Audrey Head Burn, dit Véronica.

-          Et moi avec Ryan Gosling, intervint Kevin.

-          Et pourquoi pas les raisins de la colère ? proposai-je à mon tour.

Le brun à côté de moi me souris en me lançant un regard amoureux, très bonne idée dit-il en m'embrassant la main.

-          Vous savez que vous êtes écœurant tous les deux, intervint Kevin.

-          Oui pour des célibataires comme nous étaler votre bonheur de couple comme ça c'est pas très fair-play, surenchérit Véronica un sourire en coin.

Je fonçai les sourcils, désolée les rabat-joie, dis-je amusée.

-          Je plaisantais continuez ! je vis par procuration à travers vous, dit Véronica un amusée à son tour en posant sa main sur la mienne.

Ce qui nous fîmes tous rire, sauf Betty qui avait toujours la tête ailleurs, mais elle se réveilla soudain quand notre roux national apparut avec son père et devinez je vous le donne en mille Grundy.

-          Je reviens toute suite, dit-elle en se levant.

-          Betty non attend, lui dit Jugh inquiet.

Mais la blonde n'écoutait déjà plus et fila droit à la table d'Archie, le brun et moi les observions anxieux craignant le pire pour la suite des événements. Archie et Betty finirent par sortir du diner et discutèrent dehors. Le brun et moi jetions des petits regards inquiets pour voir si la situation tournait au vinaigre, Kevin toujours aussi discret colla presque son front à la vitre pour regarder ce qui se passait.

-          Qu'est qui se passe ? vous êtes au courant ? c'est à propos de moi ? nous demandâmes Véronica.

-          Oui ... et non et je te conseille de ne pas t'en mêler, dit Jugh en fronçant les sourcils.

-          Oui mais tu es toi et je suis moi, dit-elle simplement en se levant et en sortant dehors rejoindre la blonde et le roux.

-          Pourquoi t'a dit ça ! c'était sûr qu'elle allait sortir les rejoindre, sermonnai-je le brun.

-          Oui je confirme, surenchérit Kevin.

Jughead leva les yeux au ciel et s'empara d'une poignée de cacahuète.

-          Bon nous on va aller au lycée pas vrai Jugh ?

-          Hein quoi ?

Je lui fis un signe de la tête en direction de dehors, la blonde semblait très en colère contre le roux et la brune semblait quant à elle choquée et contre Archie également.

-          Euh ouais très bonne idée.

-          Je peux venir avec vous ? nous dit Kevin en se levant à son tour.

-          Tu veux juste ne pas aller au lycée à pied en fait ? dis-je amusé.

Il me prit par les épaules, tu lis dans mes pensées chérie.

A la fin des cours, comme prévu je distribuais dans un couloir des tracts pour la soirée de clôture du drive-in dans un couloir de l'aile est du lycée pendant que Jugh faisait la même chose dans l'aile ouest. Je ne pus donc pas éviter la blonde qui vint à ma rencontre.

-          T'étais au courant ? me demanda-t-elle simplement.

-          Oui, je l'ai appris en même temps que Jugh. Mais je ne vais pas m'excuser de ne rien d'avoir dit, Arch m'a demandé de garder le silence et honnêtement ça ne me regarde pas, lui dis-je fermement mais tout en essayant de rester gentille.

-          Oui je comprends que tu ne m'aies rien dit et je ne t'en veux pas mais qu'est que tu lui as dit quand tu l'as su ?

Je haussais les épaules, qu'est que tu veux que je lui dise ?

-          Mais que c'est immoral pour commencer et illégal aussi.

-          Je ne peux pas juger de sa moralité quant à l'illégalité c'est seulement miss Grundy qui est en tort vis-à-vis de la loi.

Elle me regarda en fronçant les sourcils.

-          Mon père est avocat, désolée, oui en soi je suis d'accord avec toi je pense qu'elle le mène en bateau, mais il s'en rentra vite compte tout seul.

-          Je ne suis pas d'accord, et je compte bien de ce pas aller creuser le passé de cette perverse et lui soumettre un petit interrogatoire en même temps.

-          Betty je pense que c'est une très mauvaise idée.

-          Je te tiens au courant, dit-elle en s'éloignant dans le couloir.

J'allais pour essayer de la rattraper, puis me ravisai à la dernière seconde, non vraiment je n'avais ni l'envie ni la patience de m'occuper de ce genre de chose.

Le lendemain après- midi je rejoignis Jugh devant la mairie, je lui pris la main pour l'encourager à entrer et essayer une ultime fois de sauver le Twilight drive-in.

Malheureusement l'entretien ne se passa pas bien, madame McCoy argumentait sur le fait que c'était un repère de criminel et de sans logis, que l'endroit était délabré et que Riverdale n'avait pas les moyens de le rénové, elle finnisa par nous annoncer que l'entreprise du père d'Archie devait commencer la démolition dès lundi et qu'elle n'y pouvait rien, le drive-in était vendu.

Même la petite histoire de Jughead et de sa sœur Jellybean qui se cachait dans le coffre de la voiture pour aller voir un film en famille car celle-ci n'avait pas les moyens d'acheter 4 billets n'y changea rien. Après cela Jugh décida d'aller voir le père d'Archie pour lui demander un délai et me demanda d'attendre à l'extérieur ce que je fis.

Je savais que le père du brun avait travaillé pour Monsieur Andrews et c'était fait virer pour du vol de matériel, je comprenais qu'il préférait parler de ça avec lui en privé. 10 minutes plus tard il sortit comme une tornade du bureau de Fred, il m'attrapa la main.

-          Aller vient on se casse, personne ne veut nous aider apparemment.

Inutile de demander comment c'était passé le rendez-vous, j'étais vraiment accablé par sa tristesse, j'aurais voulu tout prendre pour moi et que lui se sente bien, mais je savais que c'était impossible.

Le soir venue, je l'avais aidé à tout installer au drive-in pour la dernière séance, à sa grande surprise le parking était bondé de voiture, tout le monde était venu dire au revoir à un monument déjà presque mort et enterré de la petite ville de Riverdale.

-          Tu peux aller voir le film avec Kevin et Véronica si tu veux, je crois que je ne vais pas être de très bonne compagnie ce soir, me dit-il morose.

Je lui pris la main et lui frottai le bras avec mon autre main, si tu veux me virer d'ici il faudra employer la force monsieur Jones, lui dis-je avec un petit sourire.

Il me sourit sans joie, et lança le film, les raisins de la colère et s'installa sur son lit de campe en m'entraînant avec lui. Nous avons regardé le film en silence main dans la main ma tête posé sur son épaule et la sienne posé sur ma tête. Même à la fin du film, quand les voitures avaient quitté le parking je n'osais pas bouger ni parler, je savais qu'il était terriblement peiné.

A un moment il leva sa tête et m'embrassa le sommet du crâne, merci d'avoir fait tout ça pour moi, me dit-il simplement.

-          Qu'est que tu dis, je n'ai rien fait à par distribuer quelques tracts ... je n'ai même pas réussi à alléger un peu ta tristesse, dis-je d'une petite voix.

Il posa sa main en dessous de ma mâchoire et me souleva le menton pour que je le regarde dans les yeux.

-          Tu as fait beaucoup plus que ça, tu m'as soutenu dans toutes les étapes, et ce même si je sais qu'au fonds le drive-in ne t'intéresse pas tant que ça.

-          C'est faux si ça t'intéresse ça m'intéresse ...

-          Tu vois qu'est que je disais, dit-il en souriant légèrement.

Après quelques secondes de silence à nous regarder dans les yeux, je me sentais impuissante, je ne savais pas quoi faire pour qu'il se sente mieux, alors je lui dis ce que j'avais sur le cœur.

-          J'aurais aimé faire tellement plus encore, lui dis-je.

-          Je sais ... mais tu ne te rends pas compte que tu as fait des choses que personne n'avait jamais faites pour moi ....

Je posai simplement ma main sur sa joue et lui caressa le haut de sa pommette avec mon pouce en signe de réconfort.

-          ... et c'est pour ça que je t'aime .... Ady, me dit-il un trémolo dans la voix en me regardant toujours dans les yeux.

Mon cœur se décrocha à cet instant, je crois que je n'avais pas été si heureuse d'entendre ces mots depuis très longtemps. Je réalisai que les sentiments que j'avais pour lui étaient beaucoup plus fort que je voulais bien me l'avouer auparavant, je les avais cachés, refouler et ignorer tout en me disant que oui il était spécial et exceptionnel et que me sentait plus forte et plus vivante avec lui mais sans jamais oser mettre un mot dessus. Ces trois petits mots si simples et en même temps si compliqués à prononcer surtout pour la première fois.

Mon cœur explosait littéralement d'amour et de joie mais ma petite voix dans ma tête elle était horrifiée, comment pouvait-il m'aimer en ne connaissant qu'une partie de moi, que la partie que je voulais bien lui montrer, et pas le monstre que j'étais en réalité. Je savais que je l'aimais parce qu'il avait été là pour moi, et qu'il était doux, attentionné mais aussi fort, courageux, déterminé dans tous ce qu'il entreprenait et la personne la plus sincère que je connaisse.

J'avais également vu ces peurs et ces démons, ce qu'il essayait de cacher aux autres, comme les problèmes avec son père, son harcèlement scolaire. Mais lui qu'avait-il vu de moi ? la Ady forte, gentille, souriante, certes un peu étrange et cinglé par moments mais qui ne l'était pas ? il n'avait pas vu le monstre entièrement, il l'avait seulement entraperçu quelquefois. C'est donc avec cette joie irréelle et la peur au ventre qu'un jour il réalise que la fille à qui il disait ces mots n'existait pas en réalité que je lui répondis à mon tour.

-          Je t'aime aussi Jugh.

Il m'embrassa doucement d'abord, puis avec toute la passion dont il était capable, je répondais à son appel aussi intensément que je le pouvais en espérant faire taire cette maudite voix à tout jamais dans ma tête. Il se détacha de mes lèvres lentement et posa son front contre le mien et plongea ces yeux verts dans les miens.

-          J'espère qu'un jour tu me feras confiance comme moi je te fais confiance.

A cet instant précis, j'étais persuadée qu'il avait lu dans mes pensées, ce qui me fit froncer les sourcils, puis je me ressaisis, il savait que je lui cachais des choses sur moi-même, il avait accepté de ne pas poser de questions, il avait pris beaucoup de risque pour moi, il espérait simplement qu'après notre aveu mutuel je me dévoile et lui fasse plus confiance. J'avais envie de lui dire que je lui faisais pleinement confiance, que ce n'était pas la confiance en lui ou non qui me bloquait mais la peur de le dégoûter à jamais.

Au début certes c'était la confiance qui m'empêchait de m'ouvrir à lui entièrement, mais plus depuis longtemps, c'était cette peur insidieuse et sournoise qui s'empare de votre tête et emplie votre cœur petit à petit tel un poison, la peur de ne pas être assez bien, la peur d'être rejeté, la peur qu'il cesse de me voir à travers ses yeux mais qu'il finisse par me regarder à travers les miens.

Je lui pris simplement la main et lui dit.

-          Viens dormir chez moi ce soir, je ne veux pas que tu restes ici tout seul.

Il me sourit et m'embrasa la main.

-          D'accord.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top