Chapitre 27

ELENA

23h30.

Nous nous sommes regroupés autour de la grande table du séjour, la pièce a atteint sa capacité maximale depuis que mes camarades nous ont rejoint, Jerico, Alec et moi. Il s'agit pourtant de la salle de réception prévue à cet effet, mais il faut avouer que neuf gabarits équivalent à la carrure de l'homme situé à ma gauche ne passent pas inaperçu. Je parais insignifiante au milieu de toutes ces masses musculaires, pas à ma place, non concernée par la situation. Hors bien au contraire, je me sens acceptée et appréciée, pleinement respectée de tous ainsi que dangereusement aimée pour la femme que je suis réellement.

Accompagnée de tous ceux qui m'entourent chaque jour depuis mon arrivée au domaine, je n'ai pas peur d'affirmer que j'ai trouvé une véritable famille en chacun d'eux.

Les voix s'élèvent de sorte que les discussions s'entremêlent et créent un brouhaha digne des plus grandes conférences.

Même si je souhaitais y participer, ma concentration est portée sur ma cuisse, du moins plus exactement sur la main qui me caresse de long en large depuis que je me suis assise. La chaleur que son corps dégage est agréable, son toucher est délicat, possessif sans être envahissant. Il prend soin de ne pas effleurer le bandage de ma blessure, il cesse d'échanger avec Ben sur les potentielles conséquences de nos actes lorsque Heliott, visiblement éméché, dépose un baiser sur ma joue.

Dans l'euphorie de notre victoire, il n'a pas pris conscience de son geste, les gars n'ont rien loupé de la scène et s'attendent à retenir Jerico, de régler le compte d'Heliott. Par chance, j'ai devancé mes camarades en plaçant discrètement ma main sur son genou, un raclement de gorge de la part de Jerico et la tension se dissipe au sein de la pièce.

Alec échange instinctivement de place avec Heliott, je le remercie d'un signe de tête avant qu'il me réponde d'un clin d'œil charmeur, ses pommettes ressortent grâce à son large sourire.

- Je ne vais pas disparaître comme par magie. Signalé-je sa main sur ma cuisse. Je suis là, Jerico.

- Je m'assure que ta présence soit bien réelle, que mes cauchemars soient terminés.

Je ressens des bourdonnements dans mon bas ventre, mes joues s'échauffent et je suis certaine que les battements de mon cœur sont si forts que tout le monde peut les entendre de sa chaise.

- Je vais prendre l'air, annoncé-je en fuyant presque de ma place, ensuite j'irai me reposer dans ma chambre. Mais ne t'en fais pas, reste ici avec les gars.

- Tu es sûr que ça va ?

- Oui ! Oui, oui..

Je mesure l'ampleur des dégâts à mon passage devant le miroir de l'entrée. Je suis aussi rouge qu'une petite fille prise en flagrant délit de vol de bonbons, qu'est-ce que j'ai honte ! Je ne me reconnais pas, je ne dois pas ressentir ces sensations et encore moins ces sentiments !

Une douche froide fera l'affaire, je dois remettre mes idées en ordre si je ne veux pas perdre la tête face à lui. Mon corps ne me fait plus souffrir, si je mets de côté les points de sutures ainsi que les hématomes apparents sur ma peau. Ils sont comme des mots imprimés, dans le but de me rappeler un souvenir amère, où je n'ai pas été capable de me défendre toute seule. Mon père aurait honte de sa fille, formée toute sa vie dans le rôle d'une arme redoutable, qui est finalement capturée et maltraitée de la plus simple des manières. C'est peut-être bien moi qui devrait nécessiter d'un garde du corps.

*Soupire*

La vapeur de l'eau ne tarde pas à recouvrir le miroir de la salle de bain, je l'avoue, je n'avais pas la force de supporter une douche froide après cette rude journée. Des petits ruisseaux parsèment mon corps, le réchauffent au gré de leurs passages, dos à la porte, un léger courant d'air me fait frissonner malgré la chaleur qui envahit la pièce.

Un coup d'œil pour me rassurer d'un danger imaginaire, je pivote en évacuant l'excédent d'eau sur mon visage, avant d'émettre un sursaut à la vue de Jerico qui patiente adossé au mur.

- Je peux savoir ce que tu fous là ?!

- Je voulais vérifier que tu allais bien.

- En rentrant par surprise pendant ma douche ?!

- Excuse-moi, mon intention n'était pas de t'effrayer.

- T'as qu'à me rejoindre également t'en que tu y es !

- Avec plaisir. Réplique-t-il d'un sourire séducteur, laissant place à la tension refoulée plus tôt dans la soirée.

- Non mais je rêve ! Croisé-je les bras sur ma poitrine. Tu réagis souvent au premier degré ?!

- Seulement quand ça concerne tes ordres, beauté.

Ce surnom, j'en avais oublié ses effets sur mes réactions, sur moi, bouche bée, je ne parviens pas à rétorquer quoique ce soit. C'est bien le seul homme à me rendre muette par ce simple signe d'affection.

Mes joues s'empourprent, mon problème principal est maintenant en face de moi, entièrement nu, mon regard rivé sur son corps sculpté au détail près. Le rendu entre les veines apparentes de ses bras musclés, en passant par les courbes de ses abdominaux, pour terminer sur ses jambes puissantes. Les résultats obtenus suite à ses entraînements intensifs sont à se damner, avouer que cela m'attire est un euphémisme, son corps me rend dingue et son propriétaire tout autant.

Jerico représente un amour interdit que je ne dois pas franchir, au risque d'en devenir dépendante.

Succomber une fois c'est se condamner pour l'éternité, j'ai cru comprendre que la porte des enfers c'était refermé derrière moi, par chance, j'adore jouer avec le feu.

Le diable est toujours aussi bien bâti, je mords mes lèvres inconsciemment, mes yeux n'ont pas quitté Jerico depuis que je l'ai découvert dans ma salle de bain.

- Pense à cligner des yeux ainsi qu'à respirer, beauté.

- J'étais dans mes pensées, ancré-je mon regard au sien, ne va pas croire que tu m'intéresses..

- Hum.. affiche t-il un sourire en coin, aucune pensée tendancieuse ?

- À vrai dire.. Me rapproché-je sensuellement, plaquant ma poitrine contre son torse. Non.. aucune te concernant..

- Permets-moi d'en douter beauté, caresse-t-il tendrement mes lèvres de son pouce, tes réactions expriment le contraire.

- Ton charme n'est pas un atout infaillible chéri, un tas de femmes seraient insensibles dans cette situation.

- C'est ton cas ? Semble-t-il s'inquiéter.

- À toi de le découvrir. Chuchoté-je proche de ses lèvres, un soupçon de désir flotte dans ses iris. Je ne suis pas qu'une amourette Jerico.

Je me réfugie sous la cascade vaporeuse, son regard me déshabille plus profondément encore que les vêtements ou la peau. Il sonde les moindres recoins de mon âme, à la recherche d'une faille dans laquelle s'immiscer afin de faire partie intégrante de mon être.

Il se démène c'est certain, mais la crainte de réaliser qu'une relation est impossible entre nous me brise plus que je ne l'aurais imaginé. Je n'ose pas lui annoncer qu'il comble à la perfection les brèches qui parsèment mon cœur, modifiant ainsi, légèrement ma vision des hommes.

Hélas il demeure un homme, avec des envies, des besoins, des pulsions à assouvir, insatiable et instable, dès lors qu'il obtiendra ce qu'il souhaite, il s'en détournera.. comme tous les autres.

Dos à lui, je tente de masquer les émotions qui me traversent, continuer de jouer le rôle de la femme inaccessible, dénuée d'amour, sans cœur. Car je le sais, si je me laisse une chance d'être heureuse à ses côtés, la chute n'en sera que plus douloureuse, équivalente à mon bonheur, notre histoire signera la fin d'un amour réciproque.

Je ne m'en relèverai pas, et je deviendrai à jamais, sa beauté déchue.

Ses yeux déposent une trace indélébile à chaque passage sur mon corps, sa chaleur ravive nos moments intimes dans ma mémoire. Un soupir m'échappe à l'instant où deux mains se rivent sur mes hanches avant de me retourner et de découvrir Jerico, le visage chargé d'une volonté de me posséder toute entière.

- Tu réfléchis trop, encadre-t-il mon visage de ses mains, cesse de te torturer.

- Je ne vois pas de quoi tu-

Une scène similaire me revient à l'esprit, environ deux heures plus tôt dans la soirée, Jerico m'embrassait passionnément, à sa sortie de l'entrepôt, me coupant au passage la parole.

Cette fois-ci son baiser est différent.. sensuel, tendre, doux, envoûtant, il dévoile les aspects de ses journées durant mon absence.

- Tu as souffert, chuchoté-je à bout de souffle, je ne me trompe pas ?

- Tu n'as pas idée, tu étais là, sous mes yeux et malgré ça.. si éloignée.

- Ma présence ne te satisfaisait pas ?

- Te savoir en vie était le plus important, mais être interdit de tous échanges avec toi, ça m'a achevé.

Cette révélation me trouble, est-ce la température de la pièce qui commence à me jouer des tours ou Jerico vient-il à l'instant d'assumer ses sentiments ? Envers moi ? Mes paupières papillonnent sous l'effet de surprise, mes yeux sont ancrés aux siens, le chaos règne au fond de ses prunelles assombries par la nécessité de ce baiser. Depuis combien de temps mène t-il cette bataille contre lui-même ? Nos respirations se rencontrent dans un mélange d'euphorie et d'appréhension. Cette vapeur émet des effets secondaires sur ma personne, car je ne réfléchis pas une seconde avant de plaquer ma main sur sa nuque, afin de réclamer l'oxygène qu'il me prive à chacune de ses déclarations.

Je dévore avidement cette bouche qui me cause tant de battements de cœur anarchiques, mes pensées tourbillonnent, j'ai cédé à cette pulsion qui anime en moi une confusion déroutante. Avais-je simplement envie de l'embrasser en retour, ou libéré-je ce besoin inexplicable de répondre à ses sentiments ? S'ensuit un râle de plaisir qui nous enveloppe d'une bulle d'excitation, oubliant tous nos problèmes et notre rivalité.

Dans un porté des plus torrides, Jerico me plaque contre la paroi qui me paraît froide, à côté de nos corps qui s'entrechoquent brûlant de désir.

La fraîcheur du mur fait frissonner ma peau, déclenchant au passage une vive respiration de ma part. Le voile granuleux apparent sur mon épiderme, déposé par la traînée de frissons, ravive la fermeté de mes tétons qui pointent désormais sous le regard possessif de Jerico.

Sa prise autour de mes cuisses se raffermit, affamé, je croule sous une multitude de baisers qu'il étale de toutes parts, mon cou est la cible parfaite pour ses assauts langoureux.

Jerico me positionne plus en hauteur autour de lui, il est parfaitement conscient de sa force, ses gestes sont doux mais précis, aucun mouvement n'est superflu, il est maître de ce moment, de mon corps, ainsi que de mon cœur.

- Accroche-toi à moi. M'incite t-il d'une voix grave.

- C'est déjà le cas. Exécuté-je joueuse.

- Est-ce un sous-entendu beauté ?

- Seulement la réalité, soufflé-je nerveuse, ce sont des faits que nous ne pouvons nier Jerico.

- Tu as impacté ma vie, mes habitudes, mes réactions et mes émotions Elena, tu en as conscience ?

- Oui. Tout comme tu as brisé les foutus chaînes qui protégeaient mon cœur.

- Putain.. beauté tu me rends dingue.

Il ne m'a fallu que cinq mots pour que mon rythme cardiaque s'emballe, j'étais consciente de mes effets sur lui, hors il semblerait que monsieur soit plus piqué qu'il ne laissait paraître à travers ses provocations. Jusqu'où est-il touché, suis-je qu'un amusement, un passe temps, une conquête supplémentaire, ou bien une femme digne de se tenir à ses côtés. Suffisamment importante pour le côtoyer jour après jour, gratifiée de son attachement, protégée par son affection. Ai-je atteint la forteresse érigée, autour de ce qu'il lui sert de cœur ? Un cœur destiné à sa dulcinée, sa bien-aimée, une femme qui lui correspond, dotée d'un caractère et d'un répondant qui n'auront d'égal que son charme.

Avec un peu d'espoir, l'élue de cet amour sera surnommée, beauté.

Je ne perçois plus que le contact de ses lèvres sur ma poitrine, Jerico m'embrasse avec tant d'énergie qu'il m'en fait perdre la raison. Chaque centimètre est recouvert d'un baiser sensuel, reflétant là dessous, un sens caché, un message que nous seuls comprenons, une promesse d'avenir, un bonheur accessible au bout de cet interdit.

Maintenue à lui, Jerico profite d'être libre de tous mouvements, ses mains saisissant en douceur ma poitrine, le galbe de mes seins tombe parfaitement aux creux de celles-ci. Caressant d'un côté, torturant de l'autre, ses lèvres affamées suçotant mon téton douloureux, durci par l'excitation. Jerico alterne plusieurs fois ces supplices, me poussant un peu plus près du vide, sans relâche sa langue parcourt ma peau charnue, avide de cette sensation qu'il me procure.

Il ne peut retenir l'ébauche d'un sourire en coin, à la vue de mes seins se mouvant de haut en bas.

- Fatiguée beauté ?

- J'étouffe à cause des vapeurs, humidifié-je lentement mes lèvres, n'insinue pas que je sois sensible à tes avances.

- Tu cherches encore le moyen de me provoquer malgré ton état ? Déclare t-il d'une voix rauque, menaçante.

- Tu baises mieux lorsque ta fierté en prend un coup.

- Et je t'assure que je baise comme un dieu quand je suis éperdument amoureux.

Jerico remporte parfois nos querelles, et les moments où ça arrive c'est tout simplement car j'ai manqué d'imagination, de répartie, d'insolence ou dans le cas présent, je ne me suis pas protégée contre les attaques qui avaient pour cible, mon cœur.

Je reste un instant stupéfaite, il ne pense pas ce qu'il dit, du moins pas encore, il comble ses journées à me charrier, entre deux rendez-vous clients, son passe temps se résume à garder un œil sur ma personne. Il ne réalise pas l'impact de ses mots sur mes émotions, cette impression d'être pleinement vivante, allusion à l'amour, un sentiment étranger qui me submerge, celui de croire un jour en ses déclarations.

- Aux pieds de quelle femme es-tu tombé Jerico ? Réclamais-je calmement une vérité que je redoute.

La chute.

Je ne fais pas référence à une déception mais bel et bien au fait que l'eau ruisselle depuis de longues minutes entre nos corps. Je ne possède pas encore la totalité de mes moyens, et la force dans mes jambes parvient à me quitter plus rapidement que je ne l'aurai imaginé. Je glisse malgré moi lorsque Jerico s'en aperçoit, des bras puissants me saisissent fermement, l'un d'eux se plaque malencontreusement contre les points de suture de ma blessure par balle.

Je serre les dents mais ne peut me retenir de geindre de douleur face à la pression exercée sur cet endroit, des filets de sang se propagent à travers ma peau meurtrie. A la vue des gouttelettes s'écoulant de ma cuisse, jusqu'à l'évacuation de la douche dans une traînée rougeâtre, Jerico se fige comme tétanisé par la peur.

- Jerico ! Ressaisis-toi, me plaigné-je souffrante, ce n'est que du sang !

- C'est.. c'est ton sang.. Bégaye t-il en me reposant de toute sa délicatesse. Je.. je ne voulais pas te blesser..

Je l'observe dans l'incompréhension d'une pareille scène, il s'agite perturbé, s'excusant à répétition, ses yeux alternant entre les miens et ma plaie. Il m'enveloppe d'une serviette avant de m'installer sur le lit, se précipite à nouveau dans la salle de bain pour en ressortir munie d'une trousse à pharmacie.

- Je suis désolé, excuse-moi beauté, s'attelle t-il accroupi, à me soigner, c'était à moi d'endurer toutes ces tortures. Ils n'avaient pas le droit de te toucher.

Confuse, je devine qu'il se sent coupable des blessures que j'ai subi pendant que les Onzini me détenaient en otage. La présence des points de suture l'a replongé dans un état de choc, son comportement en est la preuve, l'accumulation d'autant de stress surgit inévitablement tôt ou tard.

Le connaissant, il a dû garder pour lui toutes traces de doutes, de remords, d'inquiétudes, sans oublier les insomnies qui s'accumulent jours après jours.

- Jerico.. murmuré-je d'une voix rassurante, caressant sa joue, regarde moi.

- Tout est de ma faute, répliqua-t-il, sa main tremblante rencontra la mienne, tu n'aurais pas dû souffrir à ma place.

- Ils ont découvert que j'étais ton garde du corps, rien de plus, en abusant d'une valeur chère à tes yeux, le respect des femmes.

- J'ai cru te perdre Elena.

- Hélas pour toi, ironisé-je tout sourire, je suis encore en vie.

- Je ne plaisante pas, beauté.

- Moi non plus, maintenant que tu es redevenu le Jerico que je connais, il est temps de rejoindre les bras de Morphée.

- Je préfère les tiens.

- Tu veux rester avec moi ce soir, haussé-je un sourcil, n'est-ce pas ?

- Seulement si tu me le propose.

- Souhaitez-vous dormir à mes côtés, pour cette nuit, Monsieur Ridzonni ?

- Humm..

- Tu en meurs d'envie espèce d'idiot ! Riais-je aux éclats.

- Oui, me dévore-t-il du regard, les pupilles brillantes de fierté, c'est vrai.

Enveloppée par la chaleur de son corps, Jerico m'observe un moment, pensif, enroulant une mèche de mes cheveux autour de son doigt. Je n'avais plus la volonté de le questionner sur les sujets qui pouvaient le tourmenter à une heure aussi tardive.

La soirée fut éprouvante, riche en émotions, et le sommeil ne tarda pas à capturer le restant d'énergie présent dans mon corps. Je ressentis les lèvres de Jerico qui me gratifiait d'un baiser de bonne nuit sur le front.

Demain sera une longue journée, Alec réclame ma compagnie, pour une activité mystère.

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