Chapitre 11
ELENA
Il est 10h quand je me réveille, ça fait du bien de pouvoir dormir sans entendre les gémissements à répétition des conquêtes de mon voisin de chambre.
La soirée dernière était comment dire...riche en émotion, déjà tout ce que je déteste, me faire tripoter par un pervers en manque de cul, sans oublier que ce connard a détruit ma robe, c'était l'une de mes préférées, fait chier vraiment.
Il a de la chance que je me sois retenue, une gorge tranchée est si vite arrivée, il aurait pu tout aussi bien mourir roué de coups, ou planté par des couteaux qui sait, les gens sont impulsifs de nos jours.
C'était sans compter les assauts répétitifs de Jerico, ce mec n'en rate jamais une pour me chercher les noises, il est beaucoup trop tactile, je me retiens en permanence de pas lui en mettre une, alors pour compenser je rentre un peu dans son jeu. C'est plaisant de le voir perdre tous ses moyens quand je le chauffe un peu, il croit me dominer sur ce plan car je suis une femme et qu'il est plutôt pas mal, mais malgré les apparences je ne ressens rien, je ne ressens plus rien depuis longtemps à vrai dire.
Non pas que je l'ai voulu, j'ai juste dû faire un choix entre préserver ma santé physique et ma santé mentale.
Aujourd'hui, je n'ai rien de prévu, et Jerico m'a confirmé qu'il ne comptait pas bouger du domaine alors je décide d'aller faire un tour en voiture afin de prendre un peu l'air.
Je suis sur le chemin qui mène au parking quand je croise Alec qui discute avec d'autres membres, je le salue d'un signe de tête et file en direction de ma voiture, je la déverrouille et m'apprête à monter dedans quand je remarque Alec se précipiter vers moi.
- Elena ! Attends ! M'interpelle t-il avec une voix grave
- Un problème ? Jerico ne doit pas bouger aujourd'hui.
- Je sais, ou tu vas comme ça ?
- Depuis quand tu t'intéresses à moi Notelli ? Déclaré je en esquissant un faible sourire, voyant son visage prendre une expression suspicieuse
- Depuis quand j'ai besoin de l'autorisation de quelqu'un pour me préoccuper d'une belle femme ?
- Seulement car je suis belle ? *Soupire* Décidément tu es bien comme Jerico, dommage je te pensais différent.. Mais bon comme dit le dicton, "qui se ressemble, s'assemble".
Je m'apprête à démarrer quand Alec ouvre la portière côté passager et se penche à l'intérieur.
- Non, c'est pas ce que je voulais dire, excuse moi, en fait pour être franc, tu m'intrigues et je souhaitais apprendre à te connaître un peu. M'annonce t-il, un peu gêné, les joues légèrement empourprées par sa requête
- Dingue, je retire ce que j'ai dis. Jerico ne se serait jamais excusé de lui-même.
Les deux sont donc bien différents sur le plan émotionnel comme physique, Alec est dans les environs d'1m80, légèrement plus petit que Jerico, mais il n'est pas moins musclé, je constate facilement que son corps est taillé pour combattre, et pour faire baver les filles assurément.
Des épaules développées, des bras gonflés, des jambes puissantes, côté visage il n'a rien à envier à son ami, Alec a une gueule d'ange lui aussi, à croire que c'était un critère de sélection pour postuler chez eux.
Il a un visage très agréable à regarder, de beaux yeux verts, comme tous les hommes hauts gradés que j'ai pu rencontrer chez eux jusqu'à présent maintenant que j'y pense, des joues rebondies accompagnées de fossettes, dès qu'il sourit.
A l'instar de Jerico, il a des cheveux mi-longs, blonds, qui bouclent par endroit, et il n'a pas de barbe, ce qui laisse la visibilité à sa mâchoire carrée et à des lèvres provocantes. Le rendu lui donne un air de mec populaire que l'on pouvait retrouver au lycée et dont toutes les filles en étaient folles.
Je n'ai aucun doute sur leur succès auprès des femmes à ces deux là.
Même s' il ne s'en vante pas autant, Alec reste un charmeur comme son pote, certes plus réservé, et plus simple mais il est bien plus joyeux et galant, et bordel surtout plus respectueux.
Bon, il faut que j'arrête de le fixer comme ça ou un malentendu va se créer.
- Je peux venir avec toi du coup ? M'interroge t-il alors qu'il est déjà en train de s'installer dans ma voiture comme s'il était sur que j'allais accepter
- J'avais le choix ?
- Hum, évidemment, en plus je ne compte pas prévenir Jerico qu'on est partit tout les deux, ça nous fait une occasion supplémentaire de lui casser les couilles.
- Qui êtes-vous, et qu'avez vous fait de l'ange de ce domaine ? Ironisé je une main sur le cœur soutenant une attitude des plus enfantine, sous entendant qu'il devait des comptes à son ami
- Crois moi ma belle, pour être dans le cercle privé de Jerico, c'est qu'il faut avoir une part d'ombre en soi.
- On a tous une part d'ombre en soi, la seule différence que l'on a en commun, c'est l'importance qu'on lui laisse pour nous détruire.
Le regard d'Alec se fait plus lourd, plus oppressant, il voudrait me poser plus de questions mais j'ai besoin d'air frais alors je prends la route en compagnie de l'homme qui se rapproche le plus d'un ami dans ce domaine.
Après avoir roulé jusqu'à un endroit conseillé par mon co-pilote, je me gare dans ce qui doit s'apparenter à un parking, devant une vue à couper le souffle. Il nous a mené jusqu'à la côte, et je dois l'avouer, c'est magnifique, nous nous trouvons sur une dune, avec en face de nous une plage d'un sable fin doré et d'un océan d'une mer brillante qui appelle à la tentation de la rejoindre. Il fait beau, mais le vent reste bien présent, nous décidons de nous poser sur la dune en question, non loin de la voiture.
Alec se triture les doigts ne sachant pas comment aborder le sujet, en effet, j'ai laissé notre conversation en suspens au moment de quitter le domaine.
Nous sommes assis dans l'herbe, comme deux ados ayant fuit la maison familiale. Pour ma part, j'ai étendu mes jambes et je profite des rayons du soleil sur mon visage et la peau nue de mes bras, quant à Alec, il est positionné en tailleur et joue avec des brindilles d'herbes.
- Ok, accouche, qu'est-ce que tu veux me demander ? L'observé je en basculant la tête vers lui
- Dans la voiture, tout à l'heure, tu voulais dire quoi concernant le fait de laisser cette part d'ombre nous détruire ?
- C'est très simple, si l'on autorise nos peurs ou notre passé à prendre possession de tout ou partie de notre présent alors ça impactera fatalement notre futur. Et ça, ne pas avoir le contrôle de sa vie, c'est ce qu'il y a de plus destructeur. Terminé je d'expliquer, la gorge maintenant nouée de non dit et de ressentiments envers tous ceux qui auraient pu m'aider, mais qui ne l'ont pas fait
- Elena, qu'elle est ta part d'ombre ?
- Tu me diras la tienne en retour ?
- Promis.
Alors j'ai commencé mon long discours sur le périple qu'a été ma vie, de ma naissance, jusqu'à maintenant. Pourquoi lui ? Je ne saurai l'exprimer, mais j'ai confiance en la personne qui se trouve à mes côtés. Mon instinct me dit que j'ai le droit, ne serait-ce que pour un moment, de baisser les armes.
Je lui parle de tout sans exception, que j'ai été trouvée à ma naissance dans mon couffin, déposée là comme un paquet devant le portail de la demeure des Delmorri, accompagnée seulement d'une lettre écrite de la main de ma mère. C'est un garde qui faisait sa ronde matinale qui m'a entendu pleurer, il a d'abord cru à un piège mais en se rapprochant il a rapidement compris que quelqu'un venait de larguer son bébé à l'adresse du plus grand baron de la drogue.
Selon les dires, le garde m'a emmené jusqu'au bureau d'Ernesto Delmorri ou ma découverte était visiblement un don du ciel, étant donné qu'Ernesto n'avait pas de compagne à l'époque et aucune descendance, il a pris la décision de m'adopter comme sa véritable fille.
Apparemment, sur la lettre qui m'accompagnait était seulement inscrit :
" Ma fille s'appelle Elena, je vous en supplie, protégé la de ce monde et garantissez lui la sécurité, car je ne suis plus en capacité de le faire."
On pourrait croire au début d'un conte de fée, une orpheline recueillie par bonté d'âme part un chef de cartel, qui l'aime et l'éduque en retour comme sa propre progéniture, oui c'est vrai c'est comme ça que ça c'est passé. Mais pour un amour paternel sain, il aurait fallu que cette petite fille tombe entre de meilleures mains.
Ernesto souhaitait un fils pour reprendre ses affaires, au lieu de ça, il a reçu une fille, alors il s'est adapté, enfin, il a modelé sa petite fille afin qu'elle devienne aussi forte, redoutable, rusée, impitoyable, et respectée qu'un homme.
Et il a réussi, à mes 15 ans, j'avais déjà quelques notions de combats au corps à corps, je savais me défendre face à des adversaires plutôt faibles mais selon lui ce n'était toujours pas suffisant, il lui fallait une fille toujours plus forte, une fille à son image, à l'image de son monde, de sa mafia.
A 18 ans, j'étais suffisamment douée pour maîtriser un homme, un homme un vrai selon mon père, c'est-à-dire grand, musclé, et surtout violent, mais ce n'était toujours pas assez, alors il a décidé d'intensifier les entraînements et de les varier.
Je passais mes journées à m'entraîner avec divers enseignants, toujours plus longtemps, toujours plus dur, toujours plus exigeant, je ne connaissais pas le repos, il fallait en permanence que je m'améliore au risque de décevoir une nouvelle fois mon père.
Et un jour, j'en ai eu marre, j'ai voulu me faire entendre en refusant d'obéir à mon père, et ce jour-là tout a basculé.
Il a décidé qu'il était temps pour moi d'arrêter mes gamineries et de me comporter comme une adulte, alors pour se faire, il est passé des punitions d'ados à celles d'adultes.
Il a estimé qu'il était temps de me briser, de me détruire, qu'il était temps que je rentre dans les rangs, finit la petite fille protégée par son statut, à ses yeux je n'étais plus qu'un membre de plus dans son effectif, une arme de plus. Un nouveau pion sur son échiquier, à qui il ne manquait plus grand-chose pour atteindre la perfection.
En réalité, il ne me manquait rien, au contraire, j'avais quelque chose en trop pour être le parfait petit soldat.
La liberté. L'espoir. L'amour. Le bonheur. La joie. La gentillesse.
Et tout ce qui pouvait encore m'appartenir, il l'a arraché, piétiné, réduit en cendres, après ça, je n'étais que l'ombre de moi même, trahit par la personne que je considérais encore jusque ici comme ma famille, comme mon père.
C'est à partir de là que mes punitions sont devenues souffrances, supplices, humiliations, et sacrifices. A chacune de mes erreurs, de mes faux pas, de mes rebellions, ma punition s'élevait à hauteur de la déception de mon père.
Les erreurs dans les entraînements correspondaient à devoir recommencer l'exercice jusqu'à l'épuisement. Mes insolences menaient à des séances qui s'apparentaient à de la torture, j'étais battue jusqu'à ce que j'en perde connaissance, et je me réveillais simplement sur mon lit.
Bien évidemment, il ne m'a jamais touchée directement, mais je savais très bien que tout les ordres me concernant venaient de lui.
Quand mon père en a conclu que j'étais opérationnelle, j'intervenais lors des échanges avec nos alliés ou des négociations avec nos futures clients, je devais servir au même titre qu'une arme que l'on rangeait dans le placard dès qu'on en avait plus l'utilité.
Un objet, voilà ce que j'étais,
Un corps à disposition, voilà ce que je suis devenue,
Une femme brisée, voilà qui j'ai fini par devenir.
Le jour de mes 19 ans, nous avions rendez-vous, mon père, ses hommes et moi pour établir une négociation avec un potentiel client, un simple échange de drogue contre de l'argent, ça devait être un énième rendez-vous ennuyant, mais le client ne voulait pas payer la somme convenue, il estimait que c'était trop cher pour la quantité livrée, quand son regard s'est posé sur moi, sur mon corps. Un frisson désagréable a parcouru tout mon épiderme ce jour-là, c'était la première fois que je ressentais ça, de la peur, une peur viscérale de ce qui pourrait m'arriver.
Je me souviendrais toujours de son expression, de sa façon de se tenir près de moi, de ses paroles et de ses gestes déplacés. "Ce mec transpire les abus en tout genre, il ne respecte rien ni personne, c'est le pire des connards, il faut que je m'en éloigne" , c'est exactement ce que je me suis dis 5 minutes après le début des négociations.
J'aurais dû écouter mon instinct.
"J'accepte de payer le double de ce que tu me demandes si je peux me taper la jolie petite pute qui t'accompagnes." Proposa t-il à mon père, un sourire mauvais collé au visage, et son obstination de prédateur qui me dégoutait
"Entendu, je suis ravi d'avoir pu faire affaire avec vous."
Le tout suivi d'une poignée de main, 10 secondes, il ne lui a fallu que 10 putain de secondes avant de vendre le corps de sa fille. Avant d'offrir ma virginité à un inconnu, un monstre.
J'avais besoin d'un instant pour réaliser que je ne valais pas plus qu'une somme d'argent aux yeux de mon père, quand le voile qui m'empêchait de penser par moi même s'envola, alors j'avais enfin compris..
Le plus terrifiant des monstres n'était autre que mon père.
Quelque chose se brisa en moi pour toujours, avant même que mon bourreau ne me touche, tel était mon sort, je devrai vivre avec pour le restant de ma vie.
La tête haute, le visage fermé, le dos droit, je rejoignais avec dégoût l'acheteur de ce qu'il me restait de plus précieux. Me défendre n'aurait servi qu'à entacher l'honneur des Delmorri et provoquer ma punition, toutefois plus respectable que celle que j'ai vécu.
- Et c'est comme ça que je suis devenue celle que je suis aujourd'hui, protection, défense, attaque, séduction, ma vie se résume à être utile au cartel et à servir fidèlement mon père. Tu as devant toi, "La vipère de Naples", la seule et l'unique ! Exprimé je amèrement à Alec en espérant reprendre un peu de contenance suite à ces aveux.
Mais il ne me regarde pas, il observe l'horizon, il semble dans ses pensées mais son corps le trahit, je remarque que les jointures de ses mains ont blanchi tant il sert les poings, que sa mâchoire est si contractée qu'il pourrait se briser les dents, et ses iris ne sont plus que le reflet de sa colère.
Alors je pose une main sur son genou quand il finit soudainement par tourner la tête dans ma direction, son regard bienveillant me réchauffe et son sourire contagieux me redonne un peu de bonne humeur.
- Rentrons, il se fait tard et la météo vient de tourner en notre défaveur. Me prévient il en pointant du doigts le ciel qui vient effectivement de s'assombrir
Sur la route du retour, le calme règne avant que la pluie ne s'abatte violemment sur la voiture, la visibilité est mauvaise mais nous arrivons indemne au domaine, je termine de me garer quand Alec me demande avec une voix presque tremblante et des yeux effrayés :
- Tu avais du réseau là où on était ?
- Je ne sais pas, j'avais laissé mon téléphone dans la voiture, pourquoi ?
- On est mort ma belle, on a officiellement ignoré tout les appels et messages de Jerico pendant plus de 4 heures..
- On ne peut pas l'avoir ignoré si on ne captait pas !
- Hélas, ça ne tiendra pas devant Jerico, il faut trouver une excuse valable pendant que l'on rentre se mettre à l'abri, avant de se manger deux tempêtes dans la même soirée.
Alec doit avoir raison, car c'est un Jerico visiblement furieux qui nous attend à la porte du bâtiment.
Et merde, il nous faut une excuse qui tienne la route, et vite !
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