7 - Offstimme
Le ciel était fait d'argile. L'air était pauvre en oxygène et riche en effluves dégoûtantes. Ça sentait la mort, ça sentait la peur, ça sentait la souffrance. Une mer de pavés mal posés au sol s'étendait sous ses foulées. Ses poumons réclamaient toujours plus d'air, et un point de côté commençait à torturer le côté gauche de son abdomen. Les bas-fonds puaient toujours autant. Auparavant, il était le roi de cette jungle. À présent, Levi était le lapin qui fuyait ses démons. Il entra dans une ruelle plus petite, sans ralentir son allure. Les murs étaient faits de cadavres qui tendaient leurs mains vers lui, suppliants. Le brun aperçut le visage de ses camarades disparus. D'abord Farlan, avec cet air horrifié sur le visage, qui lui murmurait de ne pas l'abandonner. Puis, il vit les visages d'Auruo, Gunther, Erd, noyés parmi d'autres fantômes. Le fuyard piétina le visage inanimé de Petra sur les pavés, et sa cheville se tordit sur cette proéminence soudaine. Il glissa sur quelques mètres, griffant la peau de son épaule, de son bras et de sa jambe droite.
Il n'entendait que sa respiration saccadée. Levi se redressa difficilement et tomba sur une moitié du visage d'Isabelle, devant lui, l'observant sans rien dire. Le soldat resta devant cet œil morne qui le fixait, immobilisé. Puis, des hurlements lui vinrent à ses oreilles, et il sursauta. L'homme aux yeux gris leva son regard vers le ciel de terre et aperçut un énorme titan à l'apparence d'un singe. Il avait des poils partout, et semblait jouer avec quelque chose pendu à sa main. Il se leva sans faire de bruits, et aperçut une touffe de cheveux noirs coupés au carré. Celui à la chevelure rasée reconnut la silhouette qui se balançait, inanimée, entre les doigts du géant. Soudain, le titan le remarqua et mit la jeune femme en évidence devant son visage, comme un humain observant le moustique qu'il venait d'abattre.
« Tiens donc, Levi. Ton enfer ressemble donc à cela ? Après tout, on dit qu'il est pavé de bonnes intentions. »
Il toucha du doigt la jeune femme inconsciente, qui oscilla de droite à gauche, sans faire un seul mouvement. L'homme ne pouvait pas bouger. Pourquoi ce singe titan lui parlait ? Pourquoi il avait Ackerman dans sa main ? Comment cette idiote avait fini non seulement dans cet endroit, mais comment s'était-elle débrouillée pour finir ainsi ? Elle était forte, beaucoup plus forte... Elle faisait peut-être semblant et attendait le moment opportun pour le tuer ? Oui, la brune devait faire cela. Pitié, faites qu'elle fasse cela.
Le monstre posa délicatement la jeune femme dans la paume de son autre main, en l'observant avec tendresse. Pourquoi ne pouvait-il toujours pas bouger ? Son corps ne lui répondait pas, il ne pouvait ni détourner les yeux ni les fermer. Ainsi, devant lui, le singe titan resserra sa main sur sa prise, et des éclats de sang jaillirent d'entre ses phalanges. Une partie du liquide écarlate coula le long du bras poilu. Une averse sanglante s'abattit sur lui, tâchant ses vêtements, se mélangeant à sa sueur. Le sang de la jeune femme était encore chaud.
Levi ne put que hurler, pendant que le corps écrasé de la jeune femme tombait sur les pavés froids des bas-fonds de la capitale.
***
Mikasa s'éveilla avec la bouche pâteuse et les muscles endoloris. La veille, elle s'était faufilée dans son dortoir et s'était jetée sur son lit inconfortable en prenant garde à ne pas réveiller les autres. Elle avait dormi d'un sommeil sans rêves. À présent, elle avait l'impression de s'être réveillée d'un long coma. La jeune femme se tourna vers sa droite et remarqua que les autres lits étaient vides. Cependant, elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il était, car ses coéquipières n'avaient pas ouvert les volets.
La soldate demeura dans la chaleur des draps pendant de longues minutes, s'emmitouflant dans ses couvertures jusqu'au nez. Cette sensation était si agréable. Elle avait l'impression d'être enlacée avec bienveillance par ces bouts de tissus, hors du temps. Cette douce torpeur sembla durer une éternité, jusqu'à ce que quelques bruits sur le bois de la porte ne la délivre. Ses yeux s'ouvrirent sur l'obscurité de la pièce, et elle attendit d'en entendre davantage. Des bruits brefs, fermes et aiguës provinrent de la porte. Avec difficulté, la blessée posa ses pieds sur le sol froid de la chambre, poussa sur ses quadriceps pour se lever et ouvrit à la personne qui souhaitait entrer. Manifestement, ça ne pouvait pas être Sasha ou Christa, puisqu'elles avaient leurs clefs. Elles n'auraient pas pris la peine d'attendre, encore moins risquer de la réveiller.
Elle fut éblouie pendant quelques secondes par l'éclairage venant du couloir. L'endormie plissa les yeux pour apercevoir le visage pâle et cerné du caporal Levi, qui l'observait d'un œil morne.
« Caporal ?
- Bonjour. Tu t'es bien reposée ? »
Ses sourcils se froncèrent. Elle ignorait s'il s'en inquiétait véritablement, ou s'il se forçait à être poli. Puis, elle se dit qu'il n'était pas du genre à prendre des pincettes, et que son questionnement était inutile. La fatigue piquait encore ses yeux. Elle aurait probablement pu dormir quatre jours de suite si elle avait pu.
« Je crois, oui.
- Très bien. Je t'attends à 17h à la salle d'entraînement. Il faut te remettre sur pieds. En attendant, va manger, tu as moins d'une heure. »
Son supérieur s'éclipsa au milieu de sa dernière phrase, comme s'il était pressé de rompre le contact visuel qu'ils avaient. Cela lui provoqua davantage d'inquiétude que d'étonnement. Elle referma la porte, ouvrit les volets et s'assit sur son matelas en observant le vide. S'était-elle fait des films ? L'ancienne prisonnière avait eu l'impression d'être spéciale pour lui, d'avoir un lien que les autres n'avaient pas. Était-ce une illusion ? Pourquoi pensait-elle comme cela ? Elle venait de se réveiller et les doutes l'assaillaient déjà. Depuis quand avait-elle cette impression ? Depuis quand cela avait commencé ? Mikasa n'arrivait pas à s'en souvenir. Mais alors, pourquoi avait-il fui ainsi ? Il était peut-être aussi effrayé qu'elle. Elle secoua la tête pour sortir ces pensées de sa tête, et se redressa pour se préparer en vue de la fin de journée qui l'attendait.
***
Il ne s'était jamais senti si vulnérable. Enfermé dans cette pièce qui lui servait de chambre, les images de son dernier songe avait envahi ses prunelles lorsqu'il avait croisé les siennes. Malgré lui, le soldat s'était senti soulagé à la vue de son corps entier et de son visage endormi. Un poids lui avait été retiré dès que sa voix avait retenti dans ses tympans, et il avait semblé si léger pendant quelques secondes. Cela faisait bientôt douze heures qu'il s'était réveillé, mais cette sensation de panique n'avait toujours pas quitté le creux de ses entrailles. Ce matin, l'entraînement qu'il avait supervisé, visant l'amélioration de l'endurance et de la coordination, lui avait changé les idées. Mais des sensations revenaient par moment, dès qu'il n'était plus sur ses gardes.
Le rêveur sursauta lorsque sa porte claqua contre le mur en face de lui, et Hanji déboula dans la pièce. Il allait lui lancer une remarque acerbe, mais l'air désespéré sur son visage lui fit changer d'avis. Essoufflée, la scientifique avait de la buée sur ses lunettes, et elle les ôta de manière à y voir plus clair.
« Levi, c'est terrible. Quelqu'un a assassiné mes bébés !
- Respire un coup et explique. »
L'amoureuse des titans mit la main sur son cœur en prenant de longues inspirations, le dos courbé et la tête basse. Puis, elle se redressa et appuya ses dires avec ses bras, qui bougèrent dans toutes les dimensions anatomiquement possibles.
« Quand je suis partie m'occuper de Sawney et Bean ce midi, je les ai retrouvés morts... Ils devaient l'être depuis des heures, car il ne restait pas grand-chose d'eux. On a tenté de trouver des indices avec Erwin, mais on n'a rien trouvé... »
Elle semblait soudain dévastée par la perte de ses deux sujets d'expérience, et elle s'affala sur la chaise en face de lui. Son semblable l'observa en silence pendant quelques secondes, réfléchissant à un moyen de découvrir qui avait fait cela. Pourquoi tuer ces deux titans ? Un désir de vengeance ? Un souhait de garder certains secrets cachés ? Cet événement était-il corrélé avec l'apparition du titan féminin ?
« Qui a pu avoir accès au site ?
- Tous les membres du bataillon d'exploration... Et quelques types des brigades spéciales, qui sont venus à la suite de l'expédition. Ils veulent vérifier si Erwin est toujours viable au commandement, et voudraient enquêter sur les traîtres possibles dans nos rangs.
- Ça pourrait être eux. Ils feraient tout pour garder leurs privilèges. »
Son amie baissa les yeux. Un air coupable déforma les traits de son visage, et ses doigts s'agitaient sous l'angoisse.
« Il est vrai que je leur ai fait visiter, et je leur ai raconté mes expériences et les résultats obtenus... Ils connaissaient tous le chemin. Mais je n'ai pas pu m'empêcher, quand ils ont posé leurs questions...
- Ce n'est pas ta faute. Les coupables ont probablement utilisé leur équipement tridimensionnel, même si les titans étaient petits. Je propose que l'on convoque tout le monde pour contrôler leurs niveaux de gaz, qui ont dû être inutilisés depuis une semaine. »
Elle hocha la tête, déclarant que c'était une bonne idée. Ils se levèrent tous les deux et se dirigèrent vers le bureau du major, qui se situait à l'autre bout du couloir.
Le dispositif fut rapidement mis en place. Tous les soldats qui logeaient au sein de la compagnie, à savoir ceux du bataillon d'exploration et des brigades spéciales, furent réunis sur une des places du complexe, avec leur équipement tridimensionnel. Le major Erwin s'avança sur l'esplanade et débuta une de ses élocutions habituelles. Usant de son charisme et de son vocabulaire, il informa les soldats des meurtres commis au sein de la compagnie, et expliqua le déroulement du contrôle. Très vite, les soldats défilèrent devant les hauts gradés qui inspectaient leur matériel.
Mikasa rejoignit Armin dans la foule. Celui-ci l'étreignit avec fermeté, et elle lui rendit son étreinte, gênée par ce geste affectueux devant tant de témoins. Le blond aux yeux bleus lui lança un sourire radieux.
« Je suis si heureux de te voir, Mikasa ! Je me faisais tant de soucis... Tu vas bien ?
- Tout va bien Armin, merci pour tout. »
Connie se retourna vers eux. La jeune femme fut soulagée de le voir, car elle ne l'avait pas aperçu lors du retour de l'expédition.
« Ah Mikasa, ça fait du bien de te voir ! Je ne sais pas si tu l'as vu, mais les brigades spéciales sont là, elles aussi. »
La jeune femme tourna la tête. Elle aperçut l'emblème des fameuses brigades, et à seulement quelques mètres d'eux, Annie discutait avec Reiner et Berthold. Malgré le calme de leur discussion, ces trois-là semblaient être tendus. La jeune femme se demanda de quoi ils pouvaient bien parler. Elle se rappela soudain qu'ils avaient l'air proches. Ils étaient arrivés ensemble à la 104e brigade d'entraînement, et avaient proclamé être originaires du même village. La blonde avait toujours l'air d'être éloignée, d'être hors champ ; contrairement aux deux autres qui s'investissaient davantage dans leur entourage. Ils lui faisaient penser à Eren, Armin et elle.
Hors-champ.
« Tiens, Annie est là aussi, déclara Connie d'un air insouciant. »
Armin fixa la jeune femme pendant de longues secondes, les sourcils froncés. Mikasa pouvait deviner qu'il était en pleine réflexion. Mais le mot auquel elle avait songé revenait sans cesse dans sa tête. Hors champ. Pour ne pas être exposé, le traître avait dû être discret. Ou la traîtresse. Hors champ.
Soudain, la discussion qu'elle avait eu avec Eren refit surface. L'amertume de la trahison et du doute s'insinua dans sa gorge, l'étouffant presque. La brune jeta une œillade à son ami, qui le lui rendit.
Il faudrait qu'ils parlent.
Ils se rapprochaient du point de contrôle au fur et à mesure que les secondes passaient. La soldate aperçut le caporal qui contrôlait les niveaux de gaz, pendant que Mike vérifiait l'usure des lames, et enfin, Hanji s'occupait de l'équipement tridimensionnel dans son ensemble. L'homme aux cheveux rasés croisa son regard, et son myocarde accéléra légèrement la cadence. Néanmoins, le militaire détourna le regard et elle continua alors son observation d'Annie et de ses camarades, le cœur serré. Elle se demanda si leur entraînement aurait toujours eu lieu, ou s'il le repousserait au lendemain. La possibilité de s'entraîner après plus d'une semaine sans avoir rien fait lui procurait un sentiment d'euphorie et d'empressement.
Ils se firent contrôler par les hauts gradés. Lorsque la jeune femme arriva à son niveau, l'homme plongea dans les prunelles noires d'Ackerman. Il se racla la gorge, conscient que leurs regards insistants pourraient éveiller la curiosité de certains, dont celle d'Hanji. Il préférait mourir plutôt que de subir ses assauts.
« Même endroit, après les contrôles. Pas avant 20h. »
La jeune femme hocha la tête et l'observa se mettre à genoux devant elle pour manipuler ses bonbonnes de gaz. Cette vue sur l'homme, à ses pieds, lui provoqua quelques torsions agréables au sein de son abdomen.
« Vous n'avez pas l'air si dangereux à genoux. »
Surpris, le caporal leva la tête vers elle. Mikasa crut apercevoir une pointe d'amusement passer dans son regard, et un rictus déforma les traits habituellement impassibles du brun.
« Tu es sûre ? Je m'adapte à ta faiblesse, je doute que tu sois capable de faire quoique ce soit dans ton état.
- On verra ça. »
Elle ne put s'empêcher de sourire face à sa répartie. La plus jeune plongea dans son regard encore quelques secondes. L'orgueil et l'amusement dansaient dans ses iris, et elle passa à quelques centimètres de son épaule droite. Cet effleurement le fit frissonner, et il inspecta les niveaux de gaz d'Arlert sous son œil circonspect. Son ami n'avait rien perdu de leur échange, et sa perspicacité le mettrait peut-être mal à l'aise. Pour quelle raison ? Il n'y avait rien entre eux. Et c'était impossible. Elle était sa subordonnée, et avait au moins dix ans de moins que lui. Le haut gradé se concentra sur ses contrôles et la laissa s'éloigner dans son dos, sans même jeter un dernier regard vers sa silhouette longiligne.
Celle qui valait cent soldats sentit la poigne mal assurée de son ami sur son bras, et ils s'éloignèrent de la foule. Une fois arrivés contre le mur en bois d'une bâtisse à quelques mètres de la place, ils s'assirent à même le sol en surveillant les alentours.
« Je crois que nous sommes à l'abri des oreilles indiscrètes. »
Son ami d'enfance plongea son regard bleu océan dans les siens. Elle ne savait pas par quoi commencer ; par la discussion qu'elle avait eu la veille avec Eren, ou par le cheminement que sa pensée venait de faire ? Finalement, Armin ne lui laissa pas le temps de prendre une décision.
« Tu te souviens, lorsqu'on a découvert le corps de Marco ? »
Mikasa hocha la tête d'un air grave.
« Il n'avait plus son équipement tridimensionnel.
- On le croyait disparu. Mais Annie le portait lors du contrôle.
- Quoi ? Comment as-tu pu faire la différence entre celui d'Annie et celui de Marco ?
- Je nettoyais toujours mon équipement avec lui... Le sien a une grosse rayure sur le derrière de l'équipement, à côté des bobines de gaz. Je l'ai aidé tant de fois à le nettoyer que je pourrais le reconnaître parmi mille autres. »
Elle fixa le vide pendant de longues secondes. La meilleure des recrues avait eu des doutes sur Annie. Eren également. Mais là, Armin en avait aussi... Tous ces soupçons n'étaient-ils que de simples coïncidences ? Cela faisait beaucoup. Et elle avait foi dans les analyses de son meilleur ami.
« J'ai eu une discussion avec Eren à ce sujet. Il a reconnu, dans le style de combat du titan féminin, la garde d'Annie ainsi que ses techniques. De mon côté, j'ai réfléchi et j'ai songé à quelque chose... Si je voulais m'introduire dans un groupe en vue d'une possible trahison, je me ferais la plus discrète possible. Je ferais en sorte que l'on ne se souvienne pas de moi. Comme si j'étais hors champ. Et je trouve qu'Annie s'est vraiment fait toute petite, que ce soit à la 104e ou dans les brigades spéciales... »
Elle aperçut les mains du blond trembler. Il semblait chercher, dans le sable en face de lui, des éléments de réponse, d'explication, n'importe quoi.
« Je ne comprends pas... Annie est notre camarade... Elle a sué avec nous, couru avec nous, tué avec nous... Comment aurait-elle pu assassiner tant des nôtres ? Comment pouvait-elle être un titan, comme Eren, pendant autant de temps sans que nous ne nous en apercevions ? Comment a-t-elle fait pour s'entraîner tout ce temps sous sa forme titanesque, et pourquoi vouloir capturer Eren ? »
Il se prit la tête dans ses mains, assailli par ses questions sans réponses. Sa meilleure amie posa sa main sur son épaule en guise de soutien silencieux.
« Je pense qu'il faudrait en parler au major avant qu'elle ne remarque que nous sommes au courant, en vue de construire un plan pour la capturer.
- Je te laisse t'en charger. Je vais essayer d'avoir plus d'informations auprès de Reiner et Berthold. Ils disaient provenir du même village, alors ils savent peut-être quelque chose.
- D'accord. Mais fais attention à toi, ne te mets pas en danger. Je me charge de tenir Eren informé. »
Elle lui adressa un léger sourire, qu'il lui rendit. Puis, ils se relevèrent et rejoignirent la foule qui se densifiait. Malgré leurs recherches, ils ne trouvèrent pas Eren dans celle-ci. Savoir qu'Annie était présente dans le régiment, si proche d'Eren, la stressait. Si leurs doutes étaient avérés, elle pourrait tenter de le capturer, une fois encore. Son frère devait probablement s'entraîner. L'heure filait. Elle retrouva Sasha devant le mess. La soldate se fit la réflexion qu'elle était toujours à un endroit où il y avait de la nourriture, avant que son amie ne lui saute dessus.
« Oh Mikasa, je suis si heureuse de te revoir ! Je savais que tu étais innocente ! Je ne t'ai pas réveillée ce matin, désolée, mais tu avais l'air si épuisée que je n'ai pas eu le cœur à le faire !
- Tout va bien maintenant, merci de m'avoir laissée me reposer. »
La brunette essuya une larme qui menaçait de couler sur ses joues, et elle l'entraîna à l'intérieur du réfectoire. Mikasa avait déjà mangé quelques heures plus tôt. De plus, son estomac ayant été forcé à jeûner, elle s'était habituée à de faibles quantités de nourriture. Cependant, son amie la força à prendre un bout de pain, qu'elle réussit à ingurgiter avec difficulté. Pendant ce temps, Sasha lui exposa toute sa semaine, s'arrêtant parfois pour avaler quelques aliments mâchés. Elle se plaignit des entraînements douloureux, du manque de viande, de Connie qui avait fait une blague à Jean lors du nettoyage des équipements tridimensionnels en remplaçant le produit habituel par de la vinaigrette... Elle pouffa de rire lorsqu'elle imagina Jean sentir la vinaigrette lors des entraînements, s'énervant contre la tête d'œuf qui devait bien rigoler.
L'asiatique jeta un œil à l'horloge présente dans la pièce. La soirée avait bien avancé, et elle ne devrait pas tarder à partir pour la salle d'entraînement. Elle annonça à son amie qu'elle allait s'entraîner, et lui souhaita de passer une bonne soirée. En s'éloignant, elle entendit Sasha s'étonner de sa reprise si précoce de l'entraînement, mais elle ne réagit pas et se dirigea vers la salle d'entraînement. Le régiment était devenu désert. La jeune femme croisa deux soldats des brigades spéciales, qui se plaignaient d'avoir dû être contrôlés « comme la plèbe de ce bataillon ». La concernée ravala ses remarques acerbes et se contenta de les observer de haut, pendant qu'ils passaient à côté d'elle. Elle ne supportait pas qu'on insulte son bataillon, surtout venant de la part de personnes aussi égoïstes et intéressées. Les brigades spéciales étaient, à ses yeux, le corps d'armée qui recensait les poules mouillées, les avares et les connards. Elle se savait supérieure à eux sur tous les tableaux, et entendre ces idiots prétendre appartenir à une élite la faisait doucement rire. L'élite des imbéciles, probablement, mais rien d'autre.
La combattante tourna sur sa gauche et tomba sur le bâtiment qui renfermait la salle d'entraînement. Le soleil commençait à projeter des lumières rougeâtres et orangées à travers les nuages, tâchant le ciel de reflets écarlates. Elle s'arrêta quelques secondes devant le crépuscule, admirant toutes ces couleurs qui se mélangeaient sur plusieurs plans, faisant passer les nuages pour d'immenses montagnes. Puis, la contemplatrice tourna la tête et aperçut le caporal au milieu de la salle, dos à elle. Il avait enlevé sa veste et son équipement tridimensionnel. Sa chemise blanche rentrait dans son pantalon et dessinait approximativement la courbure de ses hanches. Elle aperçut ses bras bouger, et se rendit compte qu'il mettait des bandes autour de ses poignets. Mikasa se sentit intimidée par cette silhouette. Puis, la possibilité qu'il se retourne et la surprenne en train de l'observer lui fit peur ; elle entra donc dans la salle.
« Vous avez trouvé quelque chose ? »
Le plus petit se retourna vers elle, interrompant pendant quelques secondes ses gestes.
« Non, rien. Je suppose qu'ils resteront impunis et inconnus. »
La jeune femme hocha la tête. Elle ne pouvait pas lui dire ce qu'elle brûler d'envie de lui avouer. Il fallait en parler avec le major directement, et Armin était beaucoup plus convaincant qu'elle. Elle commença à enlever les sangles de son équipement sous les yeux de l'homme aux cheveux rasés, qui finissait de bander ses poignets. Enfin, elle ôta la veste de son uniforme, et posa ses yeux sur son entraîneur du soir en attendant la suite.
« Bien. On va juste te décrasser un peu et essayer d'évaluer tes capacités actuelles, et on finira peut-être par du concret en assaut. »
Les deux soldats s'échauffèrent doucement en courant autour de la salle, alternant avec différents exercices cardiovasculaires ainsi que des sollicitations articulaires. Par la suite, ils passèrent une bonne heure sur l'amélioration de la condition physique générale avec des exercices polyarticulaires au poids du corps ; comme des squats, fentes, pompes. La jeune femme se sentait incapable, si l'on comparait ses performances actuelles à celles d'il y a deux semaines. Mais elle n'abandonna jamais, repoussant ses limites au fur et à mesure des secondes, allant toujours chercher cette répétition de plus. Épuisée par cette partie de renforcement musculaire, elle resta affalée contre le sable pendant quelques secondes, et essayait de reprendre correctement son souffle.
« Bon. Je pense que ça ira pour aujourd'hui, ce qu'on a fait est déjà super pour ton état. On passera au combat demain. »
La pratiquante redressa soudain son regard vers son supérieur. Elle voulait continuer de sentir l'adrénaline couler dans ses veines, elle voulait encore ressentir l'extase que lui procurait la dopamine. La jeune femme se releva, tâchant de cacher la fatigue et les légers tremblements que son corps laissait apparaître.
« Non ! Je peux encore combattre, ce n'était qu'un échauffement. »
Ses yeux circonspects la transpercèrent. Son entraîneur s'approcha doucement elle, et sa nervosité augmentait au fil de ses pas. Enfin, devant elle, il poussa son épaule gauche du bout du doigt ; et elle redoubla d'efforts pour ne pas tomber.
« Ne dis pas de conneries, tu tiens difficilement debout. Garde ta motivation pour demain. Toujours 20h. »
Le soldat s'éclipsa sans en dire davantage, s'éloignant dans la nuit qui venait de tomber. Elle se dirigea vers la porte et s'arrêta en chemin pour observer l'océan étoilé qui se dessinait au-dessus de sa tête. La brune aimait les spectacles que la nature pouvait lui offrir. Ces visions lui rappelaient celles qu'elle avait, chez elle, avant le drame. Des paysages verts, oranges, rouges, blancs. Des saisons qui s'enchaînaient sans discontinuer. Des cieux immenses qui s'étalaient infiniment sous ses yeux. Petite, elle se souvint avoir demandé à sa mère d'être enterrée dans un tombeau d'étoiles, lorsque la mort viendrait la faucher.
Malheureusement, Mikasa avait abandonné ses rêves d'enfant.
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