40 - Wachtraum

L'horizon dessinait collines et champs flavescents à perte de vue. Aucun mur n'interrompait cette vision époustouflante, aucun géant ne menaçait la sérénité que dégageait la nature. Les montagnes, sur la gauche, s'érigeaient en roches sombres par lesquelles s'écoulaient des petites cascades, qui s'échouaient dans les turbides naissantes de ruisseaux impétueux.

Une jeune femme observait le paysage d'un air absent. Assise sur la terrasse d'un chalet en bois, ses pensées viscérales se dirigeaient vers un passé tumultueux. Qu'elle aurait aimé observer ce coucher de soleil avec les fantômes de sa jeunesse...

Elle les retrouvait toujours. Dans ses rêves, pendant que son compagnon râlait dans les tréfonds de ses songes. Dans la serpillière apaisée qui se tenait dans le coin du salon, et dont elle prenait soin de passer tous les jours – comme un rituel secret entre elle et feu sa meilleure amie. Dans les oiseaux qui s'envolaient loin de son foyer, dans leurs ailes qu'ils déployaient pour affirmer leurs ambitions. Dans les lunettes utilisées par un amant, dont la vue devenait moins aiguisée.

Le nouveau monde faisait sans cesse écho à l'ancien, et c'est en soupirant qu'elle remarqua que le Paradis ne s'était guère substitué à l'Enfer.

« Oï, à quoi tu penses ? On dirait que tu as vu un fantôme. »

Levi Ackerman prit place aux côtés d'une vétérane, et ses deux doigts vinrent gratter le cuir chevelu de sa compagne. Celle-ci s'illumina de manière enjouée, et elle posa sa tête contre son épaule. Il eut la conviction qu'il ravagerait le monde, pour qu'elle garde ce sourire idiot. 

« Je pensais pas à grand-chose. Ce matin, une vieille m'a fait un scandale dans la boutique car il n'y avait pas de fil carmin. Je me suis retenue de la foutre dehors.

- Je suis content que tu aies repris la broderie, vu à quel point tu me saoulais avec...

- Je te saoulais avec ? Monsieur Ackerman, vous étiez celui qui me suppliait de lui broder sur sa veste militaire « le thé est au café ce que la fleur est à la merde ». Ce qui, au passage, ne veut pas dire grand-chose.

- Tu oses critiquer mon proverbe ? »

Les deux amants souriaient de manière amusée, et lorsque les mains du soldat vinrent chatouiller les côtes de la brune, elle explosa d'un rire cristallin. Cette sensation flottante qui berçait leurs deux cœurs était une douce mélodie qui ponctuait leur quotidien. 

« Arrête, Jean et Armin vont bientôt arriver ! S'écria-t-elle en se tortillant.

- Bordel mais je vais leur faire payer un loyer si ça continue. »

Un raclement de gorge interrompit les taquineries d'un couple. Dans le coin de la maison, Armin souriait d'un air apaisé, tandis que Jean caressait les naseaux d'un cheval. Ce dernier avait les yeux rivés sur la bête pour ne pas assister à la scène romantique.

« Je suis heureux de vous revoir, vous deux.

- Bonjour major Arlert, le taquina Mikasa en souriant. Salut Jean !

- Vous voulez du thé ? Ronchonna l'enfant des bas-fonds.

- Non merci. Comment ça va, de ton côté Levi ?

- Les nouvelles recrues sont des tanches qui sont incapables de nettoyer un bâtiment correctement. La plupart veulent s'occuper de la sécurité intérieure, vu qu'il n'y a pas beaucoup de menaces aux alentours. Mais ils pensent que savoir tirer au fusil ou utiliser un équipement tridimensionnel est suffisant pour survivre.

- Ils n'auront pas à faire face aux mêmes menaces que nous. La société évolue, c'est normal. Affirma Jean en délaissant l'équidé.

- Les titans sont toujours refilés de manière générationnelle. Il suffit que l'un des détenteurs pète un câble pour qu'ils y soient confrontés, ils doivent être prêts. D'ailleurs, tu le files quand à Nikolo, le tien déjà ?

- Dans un an et demi. »

Le silence vint danser avec le futur départ d'un autre pilier. Armin jeta un regard attristé vers celui qui fusse l'objet de ses insomnies. Face à la torpeur déclenchée par son trépas, Kirschtein soupira en déviant le sujet.

« J'ai vu les statues de Reiner et Annie en passant par la ville... Une volonté d'Historia, après avoir récupéré le titan d'Eren. Rien pour Hanji, rien pour Sasha... Juste une décoration posthume.

- On sait, Jean...

- En plus les deux gamins qui ont eu leurs titans me font penser à Armin et Eren. Falco et Gaby je crois ?

- Comment ça ils te font penser à nous ? L'interrogea le blond.

- Je sais pas, quand je les vois, j'ai l'impression de vous revoir pour la première fois à la 104e. »

L'idylle d'un temps que trois personnes connaissaient revint chuchoter à leurs oreilles les promesses d'autrefois. Ils se revirent lors de leur première rencontre, à côté de personnes qui étaient passées de l'autre côté. Leurs vies, pavées de sacrifices et d'abandons, suintaient comme une plaie béante. Seuls les baisers amoureux arrivaient, parfois, à cicatriser les éraflures d'antan.

« Vous avez déjà vu la fille d'Historia, Ymir ? Demanda Armin. Bien que s'adressant à tous, ses œillères vers son compagnon se faisaient presque éternelles. 

- Elle l'a vraiment appelée comme elle ? S'étonna Mikasa. Je n'avais jamais entendu son prénom.

- Je pense qu'elle n'a jamais réussi à l'oublier, se lamenta Jean en songeant à sa triste vie amoureuse.

- Je trouve qu'elle ressemble vraiment à sa mère, mais avec les yeux d'Eren, avoua le blond en fixant sa sœur. »

Entre les deux amis d'enfance, plongés dans les affres de leurs souvenirs ; un vent angoissant fit frémir leur peau. La possibilité d'un quelconque héritage vint enserrer leurs cœurs. Restait-il une parcelle de leur frère d'antan ? Ou bien était-ce le monstre qui n'avait fait que planter une graine dans l'océan ?

« D'ailleurs, j'ai tes patates, Mikasa. Fit Jean en tentant de rendre l'atmosphère plus respirable.

- Merci beaucoup. Passez manger à l'occasion !

- Il est trop occupé à râler contre les jeunes qui ne connaissent rien à la vie, le taquina Armin, qui étouffait un rire cristallin.

- J'ai des raisons de râler. On fait entrer dans l'histoire des traîtres, on oublie celles et ceux qui se sont sacrifiés pour sauver l'humanité, et on a redonné à la royauté le pouvoir de l'originel. On connaît même pas l'idiot qui a hérité du charrette, et celui qui bouffera l'autre con de Galliard ! Sans oublier ces gamins qui ne savent même pas utiliser leur équipement tridimensionnel !

- Ah tu vois, même lui le dit ! S'écria Levi à destination de la brune.

- Vous êtes justes les deux meilleurs râleurs de l'humanité... Ricana Mikasa. »

Les deux concernés observèrent la jeune femme d'un air agacé, et celle-ci fut secouée par des éclats de rires partagés avec un ami d'enfance. Armin était heureux de voir l'évolution de l'asiatique. Plus les années passaient, et plus elle semblait redevenir la jeune fille qu'elle était, avant que sa vie ne se teinte de rouge. Il était véritablement soulagé de voir ses regards figés se transformer en sourires d'allégresse.

« Bon, le soleil ne va pas tarder à se coucher, on va y aller. Annonça à contrecœur Kirschtein.

- On se verra probablement quand je viendrai à la cérémonie à la brigade, Levi.

- Très bien, on se voit là-bas alors. J'espère que tu n'auras pas les plus abrutis.

- Merci bien ! S'écria le major. »

Face au coucher de soleil, la silhouette de deux hommes sur un cheval s'effaçait pour laisser place à une lumière rougeoyante. Derrière les montagnes, les rayons lumineux transformaient les cours d'eau qui dévalaient les pierres en rivières sanguines. Mikasa passa son bras derrière le dos de son amant, et vint serrer sa taille contre la sienne en une étreinte possessive. Celui-ci, le bras autour de ses épaules, vint déposer sur sa joue un chaste baiser.

« Allez gamine, tu vas attraper froid. Rentrons.

- Gamine ? Es-tu donc devenu si vieux que tu radotes, mon cher ? Rétorqua l'ancienne soldate en riant. Son second bras passa sur les côtes de son amour. Leurs embrassades firent chatoyer l'éclat du coucher de soleil entre leurs silhouettes enlacées.

- Disons que tu es ma gamine préférée... Répondit-il en collant son front contre le sien. Le sourire qui barrait son visage était le plus beau tableau que la couturière avait jamais vu en ce monde. Pour le moment.

- Comment ça, pour le moment ? »

Le chef instructeur des brigades d'entraînement la tira vers l'intérieur de leur foyer. Son regard, énigmatique, couvrait d'amour son visage curieux. Mais seuls ces deux êtres, si semblables et si différents, surent ce que Levi Ackerman avait voulu dire par cela. 

 L'enfer avait laissé place à un monde où quelqu'un était bercé par une paix naissante.

***

Les feuillages faisaient danser les ombres sur l'herbe verte et le visage d'Eren. L'air était encore chaud derrière le mur, et le bois qu'ils avaient trouvés était si sec, qu'il craquait sous les caresses du vent. L'éternelle écharpe protégeait le cou de l'enfant des murmures d'automne.

Elle contemplait les oiseaux qui s'échappaient dans le ciel. Pourrait-elle être aussi libres qu'eux, un jour ? Mikasa soupira, et entoura ses frêles genoux de ses bras. Peut-être serait-elle capable de s'envoler pour ne plus jamais redescendre dans ce monde si cruel ? Le visage de ses parents lui manquait. Parfois elle les revoyait, en rêve, et ses sanglots accompagnaient le silence rassurant de la nuit. Sous cet arbre, l'asiatique observait Shiganshina dans toute sa longueur, et elle s'amusait à imaginer ce qu'il se passait dans la cité.

Soudain, le garçon qui l'eusse sauvée se réveilla en sursaut. La brune posa son regard sur son visage paniqué, détaillant les rides que traçaient l'horreur.

« Eren, pourquoi tu pleures ? 

- Hein ? Je... Je ne sais pas, j'ai l'impression d'avoir fait un très long cauchemar. »

Le fils du docteur Jäger essuya les perles de tristesse qui coulaient sur ses joues rondes, et se mit à fixer sa sœur adoptive.

« Tu as laissé pousser tes cheveux, Mikasa ? La surprise qui barrait le visage de l'enfant avait la teinte de l'effroi. 

- Non... Je les ai toujours eu aussi longs. Tu es sûr que tu vas bien ? »

Eren sembla perturbé, comme surpris à rêver de manière éveillée.

« Oui, je vais bien...

- Allons-y, on va être en retard et Carla va être agacée. »

La jeune fille prit sa récolte de bois sur le dos et prit le chemin vers le village, délaissant le petit brun qui la détaillait toujours. Celui-ci murmura quelque chose que le vent porta à une petite blonde perdue dans un désert d'étoiles.

« Les cheveux courts t'allaient bien. »

*** 

Notes de l'autrice : Bonjour ! Voilà, le point final d'à mon signal, déchaîne les enfers a été posé. J'ai commencé cette fanfiction en juin 2019, elle se termine donc le 03 décembre 2020. 40 chapitres, 19 mois d'écriture, de remises en question et de maux de tête pour qu'elle soit la plus réaliste possible. Pour le moment, 47K vues, 3.24K votes... Merci beaucoup pour l'accueil que vous avez fait à cette histoire, ça me fait chaud au cœur ♥

Cependant je ne vais pas vous abandonner. Je compte faire de toute manière une FAQ pour vous donner l'occasion de me poser des questions sur des éléments de l'intrigue qui vous ont échappé, des choses que vous voudriez éclairer, des questions juste sur l'histoire ou sur moi, ce que vous voulez ! Des bonus viendront très probablement, pour compléter l'histoire ou la continuer après cette fin. 

Si vous avez des questions, posez-les ici!

Encore un IMMENSE merci pour vos lectures, vos commentaires, vos votes... C'est la plus longue et complète fanfiction que j'ai jamais faite, et je suis vraiment soulagée qu'elle soit si bien accueillie. J'ai en projet un recueil de poèmes, ainsi qu'un projet de roman qui verra le jour sous peu (spoiler : le personnage principal a légèrement le profil combattif de Mikasa). J'ai également pas mal d'autres histoires sur SnK dans mon recueil de One Shot, ou j'ai écrit une petite fanfiction sur Reiner Braun si vous voulez encore me lire. ♥ 

Je suis vraiment triste que ce soit fini, mais également soulagée car je vais vraiment pouvoir me dédier à mon roman. J'espère que cette histoire vous aura touchée, appris, ou que sais-je encore ! (N'hésitez pas à me dire si elle vous a apporté quelque chose, rien ne me ferait plus plaisir !)

À bientôt et encore merci ! 

Acclys

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