4 - Schrei


Un éclair fendit l'horizon et frappa la plaine en contrebas, enflammant pendant quelques instants l'herbe. Cependant, le feu déclenché par la foudre se noyait sous les trombes d'eau.

Le caporal assimilait progressivement les rapports de ses soldats. À l'heure actuelle, la mission semblait déjà compromise. Impossible d'atteindre les bâtiments cibles avec une formation désorganisée, des pertes de tous les côtés, cette maudite pluie, et un titan intelligent qui voulait bouffer leur seul atout. Son regard se posa sur la dizaine de titans sous leurs pieds, qui tendaient leurs bras dans l'espoir de les voir s'agrandir un jour pour les attraper. Les autres soldats du groupe avaient fait du bon nettoyage, et les derniers semblaient davantage intéressés par son cul que par celui de ses troupes. Après tout, Levi avait toujours eu les fesses assez bombées, mais il ne pensait pas que les titans appréciaient les humains callipyges.

« Bien, nous allons nous diriger vers le centre de la formation en renfort, et pour faire notre rapport au major. Ackerman, ne fais pas quelque chose de stupide.

- Je vous demande pardon ? »

Les deux bruns s'affrontèrent du regard, alors que la pluie rendait leurs postures menues et difformes. La jeune femme, interloquée par cette remarque, ne comprenait pas où le caporal voulait en venir. La voyait-il comme quelqu'un de stupide ?

« Je sais que tu vas te jeter dans la gueule du loup si Eren est en danger. Si tu meurs à cause de ton impulsivité, je te ressuscite pour te tuer de mes propres mains.

- Euh... D'accord, caporal. Mais vous n'avez pas besoin de me materner comme ça, je ne ferai pas d'inepties.

- Alors prouve-le et fais ce qu'il faut. »

Le plus petit se détourna de Mikasa, ne lui laissant pas le temps de répliquer, ni de lui donner le choix. Un sentiment étrange étreignit la jeune femme en voyant la nuque de son supérieur, face à elle. Elle n'était pas douée pour cela, mais elle aurait parié que son supérieur s'inquiétait de son sort. Et il ne s'était pas adressé aux autres, seulement à elle. La soldate saisit l'étoffe rouge qui entourait son cou et plongea son nez dedans.

Il était compliqué de se faire entendre à cause de l'orage, mais la voix du caporal, grave et portante, atteignait tout de même les oreilles des soldats. Le plus haut gradé donna l'ordre de s'enfoncer dans la forêt et de retrouver le centre de la formation, qui aurait besoin de renfort. Le tonnerre ponctuait ses phrases, et les lumières des éclairs donnaient aux visages en dessous d'eux des reliefs ténébreux. Jean jeta un regard entendu à la jeune fille, qui l'ignora avec difficulté.

« Il s'est passé quelque chose entre toi et le caporal ?

- Rien de bien spécial, il me semble. »

Le jeune homme haussa les épaules, devinant qu'il n'obtiendrait rien de plus de la part de son amie. Après avoir exterminé les derniers titans, ils rappelèrent leurs montures et s'enfoncèrent dans la forêt. Les arbres semblaient atteindre les trente mètres de hauteur, et les feuillages les protégeaient des gouttes de pluie. Cependant, la lumière ne passait pas plus que la pluie ; et l'obscurité recouvrait leur horizon. Le silence accompagnait leur trajet, comme au début de l'expédition. Les oiseaux ne chantaient pas. Le vent ne sifflait plus. Ils pouvaient seulement entendre les gouttes de pluie s'écraser contre les feuilles, là-haut, et les sabots qui s'enfonçaient dans la boue.

Le caporal se sentait ridicule. Dans ces situations, il parlait toujours trop et laissait passer ce qu'il ressentait. Pourquoi avait-il fallu qu'il s'adresse précisément à Ackerman ? Il aurait pu exiger la prudence auprès de tout le monde. Mais non. Le brun soupira discrètement, gardant ses yeux rivés devant lui. Ils devaient faire vite. Un tel monstre pouvait être dangereux, car contrairement à ses pairs, il était intelligent. Il connaissait leur équipement et ses faiblesses, ainsi que les trajectoires qu'on pouvait créer avec. Comme s'il était des leurs. Erwin devait avoir raison, il y avait un traître. Mais pourquoi viser Eren, supposément ? Il était comme lui, et avait peur que le bataillon ne découvre leurs secrets ? Sa mission était peut-être d'anéantir l'humanité. Mais quel était son intérêt là-dedans ?

Il aperçut des soldats dans les arbres, et supposa qu'Erwin était dans le coin. L'homme aux cheveux rasés ordonna à son groupe de passer en manœuvre tridimensionnelle et d'attendre les ordres. Puis, il s'envola vers les branches des arbres, en vue de faire son rapport et de monter un plan en fonction des informations qu'ils avaient.

Mikasa rejoignit Sasha sur une branche, et se sentit soulagée de voir sa tête attachée à son corps. Elle avait eu peur que l'aile droite ait connu le même sort que la gauche, et depuis cette vision apocalyptique, elle avait refoulé ses angoisses en attendant d'en savoir davantage.

« Oh Mikasa, je suis contente de te voir !

- Moi aussi. Ça a été de ton côté ?

- On a rejoint le centre dès qu'on a envoyé le fumigène. Les titans se comportaient de manière très, très étrange... Je n'ai jamais observé ces comportements chez les animaux.

- Cela peut s'expliquer, à priori. Armin et Jean ont croisé un titan féminin, qui connait assez nos équipements pour attraper les câbles et nous tuer. De plus, elle semble chercher Eren, et avoir reconnu Armin... »

La jeune femme écarquilla les yeux de peur. Auparavant, la bêtise des géants leur permettait de les tuer. Mais si un titan pouvait acquérir les connaissances suffisantes pour les contrer... L'humanité aurait d'infimes chances de l'emporter.

« Je crois que j'aurais préféré rester ignorante, tout espoir vient de m'abandonner.

- Mais non, ne t'en fais pas. On la trouvera, et on va la capturer. On pourra alors faire des expériences et nous améliorer sur le plan offensif. »

Son amie hocha la tête d'un air faussement convaincu. La longue attente débuta. Elle fixait l'horizon en attendant de voir ces visages sombres et figés dans des expressions funambulesques. Mais les secondes passèrent, puis les minutes ; et rien n'apparaissait dans les ténèbres des bois. Elle se demanda si le caporal avait pu faire son rapport, puis se concentra sur un point fixe pour esquiver cette pensée. Il fallait qu'elle se concentre davantage. Elle n'avait pas le temps de penser à de telles frivolités.

Soudain, un hurlement brisa la musique sourde que jouaient les arbres. Les oiseaux s'envolèrent en un battement d'aile, et elle semblait pétrifiée. Elle avait déjà entendu ce cri. Son regard accrocha celui de tous ses camarades qui s'étaient également changés en pierre. Ce fut lorsqu'Armin lui envoya ce regard horrifié qu'elle comprit.
C'était le cri de titan de Eren.

Son corps sembla retrouver ses fonctions à cette pensée, et c'est avec la terreur qui dansait dans sa cage thoracique, entre ses deux poumons, qu'elle s'envola en direction de ce cri.

Le caporal Levi redressa la tête vers sa gauche. Il avait convenu d'un plan avec son supérieur, mais n'avait pas pris en compte le fait qu'Eren allait se transformer. Sa vie était-elle en danger ? Qu'était devenue son escouade ? Il vérifia les niveaux de gaz de son équipement, jeta un coup d'œil à l'état de ses lames, et se dirigea vers la source des bruits. Au bout d'une quarantaine de mètres, il passa à côté du corps sans vie de Gunther, suspendu à un arbre par l'un de ses câbles. À quelques pas plus loin, il aperçut le corps ensanglanté d'Auruo, qui s'était mordu la langue dans son dernier souffle. Il pouvait apercevoir le cadavre de Erd un peu plus loin, dans les buissons. Enfin, devant lui, le corps de Petra était écrasé contre le tronc d'un arbre. Il se posa quelques instants, observant les corps sans vie de son escouade.

Il ressentait tant de choses, mais n'avait pas le temps de s'y attarder. Injustice, tristesse, colère, haine. L'histoire se répétait. À chaque fois qu'il faisait confiance à quelqu'un, il mourrait. Tous ses proches mourraient. Il était maudit. Levi s'envola, à la recherche du corps du gamin. Il ne le trouva pas, mais cette information ne suffit pas à calmer sa colère qu'il peinait à contrôler. C'étaient ses meilleurs soldats. Ce titan devait être sacrément balèze pour les avoir tués.

Le soldat en colère aperçut des masses bouger entre les feuilles, et il se dirigea vers l'affrontement des deux titans.

Mikasa enchaînait les saltos et les vrilles. Elle cherchait désespérément un signe, un indice. Où était son frère ? Allait-il bien ? Ce titan était bien trop fort pour lui, il allait se faire tuer. Et sa mission était d'empêcher que cela n'arrive. Inattentive à son environnement, elle heurta le dos d'un titan qui marchait dans la forêt, et elle tomba à terre, roulant sur plusieurs mètres. Sa cage thoracique semblait se rétrécir de manière à l'étouffer. Elle avait mal, si mal. Elle avait probablement plusieurs côtes cassées, ce qui ne l'étonnait pas vu la vitesse où elle allait. La blessée redressa sa tête et tomba nez-à-nez avec un visage difforme, l'observant de ses yeux globuleux. Le monstre était à quelques mètres d'elle, tendant sa main vers elle. Le miracle de l'humanité tenta de se relever, mais glissa dans la boue et s'écrasa contre le sol. Son coude rentrait dans son bras, faisant un angle de 140° à l'envers. Merde, pourquoi cela lui arrivait-elle maintenant ? Le titan allait l'attraper lorsqu'il s'écroula dans la boue, l'éclaboussant au passage. Au-dessus de lui, Jean se tenait avec des lames ensanglantées et un visage peint par la colère.

« Putain Mikasa, tu te rends compte que si je ne t'avais pas suivie tu serais morte là ? Il t'a dit quoi, le caporal ? De faire gaffe, d'arrêter tes conneries ! Et ce n'est pas en fonçant dans le cul d'un titan que tu vas faire une différence ! »

La jeune femme pesta dans son coin, tentant de se redresser avec son bras valide. Ses jambes semblaient ne rien avoir. Néanmoins, son état l'empêcherait d'exploiter sa force. Elle s'énerva contre elle-même et sa tendance à précipiter ses actions. Si elle était plus réfléchie, comme Armin, elle éviterait ces erreurs qui pourraient lui être fatales.

« Je suis désolée, Jean. Tu as raison. C'était idiot, et je me suis blessée pour rien.

- Tant que tu apprends de tes erreurs. Tu peux te relever ? »

La jeune femme se redressa difficilement, avec l'aide de son ami. Celui-ci la colla contre lui, non sans rougeurs au niveau de son visage, et rebroussa chemin vers ses camarades. Elle avait besoin d'être soignée, qu'on remette son bras dans le bon angle. L'asiatique sentait la chaleur du corps de son ami contre elle, et se sentit troublée par cette proximité. Elle n'avait jamais été aussi proche de quelqu'un auparavant, et elle se sentait gênée. Au moins, cette chaleur signifiait que son ami était vivant, alors elle se sentit heureuse un court instant. Cependant, le hurlement de son frère se répétait en boucle dans sa tête, amplifiant son inquiétude de seconde en seconde.

Le caporal arriva trop tard. Il venait de passer un énième arbre lorsqu'il vit, entre quelques troncs, le titan féminin au-dessus du corps encore pris de tissus musculaires de Eren Jäger. Elle était grande et athlétique, avec des cheveux blonds coupés au carré. Elle ouvrit sa bouche et engloutit le corps du jeune homme, Levi était encore trop loin pour l'interrompre. Un sentiment d'impuissance se mêla avec toutes les émotions qui dansaient dans son ventre, et il se mit à suivre la géante. Malheureusement, elle n'allait pas dans la direction idéale pour suivre le plan d'Erwin, et sans Eren, il n'existait aucune manière de l'y diriger. Il allait devoir improviser, et surtout récupérer le gamin.

Il tournoya dans les airs, lames à la main, en se rapprochant de la nuque du titan. Celle-ci jeta un œil derrière elle, et se retourna pour le frapper dans la foulée. Mais le soldat le plus fort de l'humanité profita de cette occasion pour longer son bras en lacérant les muscles dans son sillage. Il se retrouva devant elle et lui enfonça ses lames dans les globes oculaires, la déséquilibrant vers l'arrière. Le brun entendit un grondement sourd émaner de sa gorge. Il profita de la gravité pour parcourir son tronc jusqu'à sa cheville en un claquement de cil, dans une traînée de sang. En quelques secondes seulement, la blonde s'écroula contre un tronc à sa droite, couvrant sa nuque avec ses mains. En se posant sur sa tête, il tapa du pied sur son crâne.

« Je suis content d'être tombé sur toi. Je vais pouvoir te démembrer lentement, pour te faire souffrir. Après tout, tu as tué beaucoup de monde ici, dont des personnes à qui je tenais vraiment. Oh, pour le démembrement ; je parlais de ton corps humain, évidemment. »

La menace du caporal sembla déclencher en elle quelque chose, car elle se mit à hurler de manière stridente. L'homme sursauta et profita du fait qu'elle ait la bouche ouverte pour trancher ses joues, dans le but de laisser tomber sa maxillaire. Il récupéra le corps de Jäger, enveloppé dans un drap de salive.

Il déglutit face au dégoût que lui provoquait ce contact, et s'envola avec le jeune homme sous le bras. Il observa une dernière fois le titan féminin, et fut surpris lorsqu'il aperçut une larme couler sur son visage mutilé. Il n'avait jamais vu un titan pleurer. Plusieurs titans couraient en direction de celui à terre, et commencèrent à le dévorer de toute part. Le caporal se posa sur une branche pour regarder ce spectacle dépassant l'entendement. Tous les titans des environs semblaient s'être dépêchés de venir au festin. Il décida de s'éclipser, profitant du fait que tous ses ennemis soient occupés pour disparaître.

Il arriva auprès d'Erwin une dizaine de minutes plus tard. Le major fronça les sourcils lorsque son regard se posa sur le jeune enveloppé de salive.

« Le titan féminin avait bouffé Eren. Je l'ai poursuivie et ai réussi à le délivrer juste avant qu'elle ne se fasse bouffer. Tu as entendu le hurlement tout à l'heure ?

- C'était elle ?

- À priori, elle a appelé ses potes pour la bouffer, probablement pour supprimer les preuves. »

Le major s'enferma dans une profonde réflexion, pendant que le caporal confiait le jeune homme inconscient à Hanji, pour qu'elle s'en occupe. Dans la foulée, il aperçut Kirstein porter Ackerman qui semblait blessée, et la colère qu'il retenait depuis le début de cette expédition fit un saut dans sa poitrine.

« Ackerman, qu'est-ce que tu as foutu encore ? »

L'intéressée redressa la tête vers lui, un air encore gêné sur le visage. Il la détailla et aperçut son bras faire un angle bizarre, il se concentra alors sur les tâches de boue sur son uniforme pour ne pas frissonner de dégoût.

« Je me suis précipitée pour rien, et j'ai heurté un titan. Si Jean n'avait pas été là, je ne serais probablement plus là. »

Cette phrase libéra les flots de haine qu'il retenait jusqu'à présent. Il s'approcha d'eux et saisit la jeune femme par son écharpe, collant presque son front contre le sien. Ses prunelles grises transpiraient la colère, alors que le regard de la jeune femme exprimait une vive surprise.

« Je t'avais donné quel ordre ? De ne pas foncer tête baissée. T'es vraiment une irrécupérable merde. Ça aurait vraiment été ma journée si j'avais perdu tous mes meilleurs soldats. Va te faire soigner, pauvre idiote, je m'occuperai de ton cas quand on sera rentrés. »

Tous les soldats aux alentours stoppèrent leurs actions lorsqu'ils entendirent Levi crier. La jeune femme le fixa pendant de longues minutes, abasourdie, mais il s'éloignait déjà vers le major Erwin. Elle n'arrivait pas à penser de manière logique. Elle était une irrécupérable merde, hein ? Probablement. Tout le monde semblait le lui dire. Jean raffermit sa prise sur elle, preuve de son soutien silencieux, et l'emmena auprès d'Hanji. Elle eut un mouvement de surprise quand elle vit son frère inconscient, mais en sécurité ; et faillit tomber des bras de son ami.

« Oh mais ma cocotte, c'est une vilaine blessure que tu as là !

- Eren va bien ?

- Oui, juste un peu assommé. Apparemment, il a combattu le titan féminin et failli se faire capturer, mais Levi l'a récupéré en un seul morceau. »

Son cœur relâcha la pression. Ses épaules s'affaissèrent, et les larmes montèrent à ses yeux pendant qu'elle détaillait le visage inanimé de son frère. Elle avait été si inquiète. Elle avait véritablement failli mourir d'inquiétude. Il allait bien, il était là, en sécurité. La jeune femme se sentit soudain si fatiguée, qu'elle ne vit même pas sa supérieure s'approcher d'elle. Celle-ci lui replaça le coude, et elle poussa un gémissement de douleur. Son bras craqua sinistrement, mais la doctoresse semblait satisfaite.

« Tu risques de sentir une gêne pendant un certain moment, mais rien d'irréversible. »

Elle l'ausculta entièrement, et c'est à ce moment que Jean la laissa seule. Elle le remercia d'un coup d'œil silencieux, et il s'envola vers Sasha, qui semblait terrifiée depuis son arrivée. La soldate se demanda ce qui avait pu la mettre dans cet état.

« Donc, nous avons une ennemie qui connait précisément nos faiblesses, qui est capable de durcir sa peau et d'appeler les titans à sa rescousse. Elle est rapide, et semble avoir des compétences en combat. Elle a reconnu Armin Arlert et l'a épargné, ainsi que Jean Kirstein et Reiner Braun. Elle connait sa faiblesse, la nuque, et la protège si nécessaire. Et elle semble avoir connaissance de nos tactiques et de notre organisation. J'en conclus que c'est un titan intelligent, comme Eren, capable de se transformer selon sa volonté ; mais elle semble avoir davantage d'expérience et de connaissances sur ses aptitudes que lui. Elle fait partie de l'armée ; et c'est probablement l'un de nos soldats du bataillon d'exploration. Faites l'inventaire, et recherchez les femmes qui n'ont jamais été vues en présence de ce titan. »

La voix d'Erwin passa au second plan. Dans la tête de Levi, une seule voix prenait toute la place, comme un écho. Celle-ci lui répétait que cette expédition aurait un goût de cendres. Une voix froide, féminine, cinglante. La voix de Mikasa Ackerman. Alors qu'il tourna la tête vers elle, les visages de ses anciens compagnons défilèrent en arrière-plan. Gunther, Petra, Auruo, Erd. La colère s'agitait, la tristesse commençait à affluer. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle dû les tuer ? L'inquiétude qu'il avait ressentie juste avant se mua en haine. Cette femme était-elle comme son prétendu frère ? Pouvait-elle se transformer en titan ? Cela n'avait aucun sens, elle vivait pour le protéger. À moins qu'elle ne souhaitait l'emmener loin d'ici pour qu'ils puissent vivre ensemble, loin des expériences faites sur Jäger. De plus, elle avait épargné trois personnes : Armin, son ami d'enfance, Jean, dont elle semblait vraiment proche, et Reiner, un de ses camarades. Plus Levi songeait, plus il lui semblait évident que cette femme était le titan féminin. Elle s'était probablement blessée lors de son combat avec lui, et non pas en fonçant dans un titan. Il est vrai qu'à présent, il trouvait cela léger, comme alibi.

Un goût de cendres.

« Erwin, j'ai de gros soupçons sur quelqu'un. Demande la permission d'user de tous les moyens pour prouver sa culpabilité, ou son innocence. »

Le plus petit croisa le regard bleu du major, le fixant de ses prunelles disparates.

« Permission accordée. »

Le blond aux yeux bleus donna rapidement l'ordre de se replier. Les blessés furent chargés à l'arrière des chevaux, dans des chariots. Mikasa, par fierté, avait décidé de continuer à cheval malgré ses douleurs au niveau des côtes. Chaque pas que faisait sa jument la faisait souffrir, mais elle refusait d'aller avec les autres blessés. Elle allait bien, comparée à d'autres. Ce n'était pas grand-chose, et elle refusait qu'on prenne soin d'elle pour quelques côtes cassées. La jeune femme pouvait galoper à côté des autres. Un long frisson parcourut son échine, et elle se tourna lentement. Le regard acier de son supérieur semblait la transpercer. Une aura malsaine et effrayante émanait de cet homme, et elle se surprit à déglutir. Elle détourna le regard, ne souhaitant pas soutenir celui du caporal. Était-il si énervé par son erreur ? La blessée ne comprenait pas pourquoi cela le mettait dans cet état. Pour ignorer cette présence hostile, elle se concentra sur les nuages qui s'en allaient derrière eux. Peut-être surplomberaient-ils la mer, un jour, au-delà du mur. Elle était trempée, et ne pouvait s'empêcher de trembler. À sa gauche, Sasha bafouillait à propos du hurlement du dernier souffle, comme elle l'appelait ; et du fait qu'ils n'étaient pas encore sortis d'affaire.

Quelques rayons du soleil frappaient les champs autour d'eux, à travers les nuages délaissés par l'orage. Cela lui faisait penser à des escaliers que l'on pouvait prendre pour rejoindre l'au-delà. Mais l'ascension de l'astre se finissait, et bientôt, ils chevauchèrent dans la nuit. L'arrivée de celle-ci fut un soulagement pour tous les soldats ; car cela signifiait que le danger dormait. Ils étaient tous épuisés par l'effort, par la terreur, par la perte. Les portes s'ouvrirent peu de temps avant l'aube. Aucun habitant n'était là pour les accueillir à une heure si matinale. Après des heures de silence, celui de la ville semblait dérangeant, comme si les titans avaient atteint cette parcelle d'humanité.

Les murs froids de la compagnie se dessinèrent à l'horizon. Ils étaient les survivants. Avant que Mikasa ne puisse soulager sa jument du poids qui lui courbait l'échine, une douleur sourde frappa son crâne. Ses oreilles sifflèrent en un bruit strident, et la douleur fit son chemin à travers les nerfs et se propagea ; comme une flaque de sang.

L'aube se teinta de ténèbres.

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