38 - Weg

Plongé dans une faille obscure et éclatante, Sieg se sentait comme un étranger familier. Au-dessus de lui, une traînée d'étoiles scindait le ciel en deux parties plus lugubres, et l'éclat projeté par la poussière des astres était si rassurante qu'il se sentit comme chez lui. Dans son dos, le guerrier pouvait imaginer le sable qui courait sur ses dorsaux.

L'homme redressa la tête, tombant nez-à-nez avec un personnage étonnant. Une petite fille était agenouillée à ses côtés. Ses courts cheveux flavescents cachaient son visage ; et elle était si frêle, si tremblante, qu'il crut que le vent l'emporterait. De ses mains infantiles, elle construisait des structures en sable à la place des jambes qui lui manquaient.

« Serait-ce possible que tu sois Ymir ? »

L'étrangère familière s'arrêta, et il put voir sa bouche se tordre en une grimace attristée. Néanmoins, elle ne répondit pas. Elle ne répondait jamais.

Voyant que l'ancêtre de tous les eldiens continuait sa tâche, et ne comprenant pas pourquoi elle lui laissait une seconde chance de vivre ; il se mit à fixer la kyrielle d'étoiles qui illuminait cet endroit. Sieg devait se trouver dans le chemin, celui qui liait tous ceux de sa triste espèce. Ymir Fritz était-elle la gardienne de celui-ci ? Depuis combien de temps ?

S'il était là, aux portes de la mort, alors peut-être voulait-elle qu'il ne mette son plan à exécution. Il avait leur ancêtre de son côté. N'était-ce pas le signe qu'il avait pris la bonne décision ? En tant que descendant de la lignée royale, elle lui obéirait, et lui prêterait ses pouvoirs afin d'interrompre leurs vies martyrisées.

Son plan d'éradication douce serait le salut du monde.

La tête basse, celle qui avait vu l'univers hurler de manière sempiternelle travaillait sans relâche, avec l'application des esclaves ayant peur du fouet. Elle serait sienne, en étant rien ; rien de plus que son ombre.

***

Dans les couloirs de la geôle, les militaires s'agitaient comme une fourmilière attaquée. Le bruit courait qu'une guerrière avait infiltré le Bataillon ; mais qu'elle avait trahi Mahr pour soutenir Eren. Une trentaine de soldats armés marchait derrière la captive, accompagnée par l'enfant ignorante des dangers du monde.

« Je peux me considérer comme l'une des vôtres, alors ? Demanda Peak en s'adressant à l'ennemi de l'univers, marchant devant elle.

- On verra ça quand tu m'indiqueras où se trouvent tes complices. D'ici là, tu restes ligotée à la gamine. Si jamais te prenait l'envie de te transformer, tu la réduirais en miettes. »

La soldate se contenta de sourire face à la mise en garde du leader. Ils débutèrent leur ascension vers le toit, traversant la foule des partisans qui l'observait avec étonnement.

« C'est cette maigrichonne, la soldate Mahr ? Elle est dans notre camp ? »

À l'entente de ces questionnements, la jeune femme posa ses yeux vers la compagnie qui grouillait d'agitation. Elle croisa deux prunelles d'un bleu océan, plissés en sa direction comme pour vérifier qu'elle avait été bien traitée, et elle leva les bras au-dessus de sa tête.

« Salut ! Cria-t-elle en leur direction de manière enjouée. »

Arrivés devant la dernière porte, celle-ci s'ouvrit vers Shiganshina et le panorama de ses clochers. Pendant que la guerrière s'avançait vers le bord du toit, Eren demeura en retrait. Il n'avait pas confiance en cette femme. Il la savait dangereuse, du fait de sa vivacité d'esprit comme de ses capacités de combattante.

« Au fait... Débuta-t-elle en se retournant vers lui. Tu ne passes pas encore à l'action ? Et Sieg, où est-il ?

- Tu le sauras bientôt, claqua Eren d'un ton sec. Dis-moi d'abord où sont tes complices. »

Le silence s'abattit sur la place. Une poignée de soldats tenait la brune en joue, menaçant de leurs armes lourdes sa vie en cas de rébellion.

« Je t'écoute. Où sont-ils ? »

L'enfant à ses côtés avait l'air si effrayée qu'elle n'aurait pas été surprise de sentir des effluves d'urine. Dans le dos du détenteur de l'originel, des éclairs traversaient la plaie qui barrait sa main, dont s'écoulait le liquide carmin. Lorsqu'elle aperçut les larmes de la jeune fille, elle prit sa main dans la sienne ; et ne put s'empêcher de lui sourire afin de la rassurer.

Enfin, Peak Finger se retourna ; pointant Eren de son doigt accusateur.

« Là. »

Les sourcils froncés lui donnaient un air effrayant, mais elle n'y prit pas garde, et se jeta vers le sol en emportant l'innocente dans ses bras. Sous les pieds de Jäger, le sol commença à se dérober ; remplacé par une immense mâchoire. Le titan de Porco Galliard engloutit les deux jambes de leur ennemi ; et le guerrier jura en remarquant qu'il n'avait guère réussi à le bouffer intégralement. Les militaires autour d'eux observaient le séisme, oubliant leurs armes.

Le visage déformé par la haine, des éclats de colère s'échappèrent des blessures d'Eren. Le titan vengeur de ses convictions s'érigea. Galliard se rangea au bout du toit ; protégeant Peak et l'enfant de son immense main. Au-dessus de leurs têtes, une kyrielle de dirigeables attendait le signal pour attaquer Shiganshina.

« Cette fumée qui s'élève... Commenta le général Magath. Peak et Galliard ont débusqué l'originel ! L'heure est venue de venger Revelio ! Réglons-lui définitivement son compte ! »

Le regard en direction du titan assaillant, Reiner Braun fut pris d'une sensation de déjà-vu ; alors que son esprit divaguait vers ce que cette maudite ville lui avait arraché.

***

Les héros de Shiganshina profitèrent de l'explosion pour échapper aux pro-Jäger. Yelena et les autres fixaient les aéronefs Mahr menaçant la cité ; si bien qu'ils purent courir en direction des corps du caporal et des deux soldats, expulsés par la lance foudroyante. Floch, lui, tremblait devant le titan de 3 mètres  qui était apparu de nulle part.

« Attendez, ne le tuez pas ! Il fait un truc bizarre. »

Subjugués par ses gestes étonnants, ils oublièrent les captifs qui arrivèrent au niveau de leurs blessés. Dans une détresse infâme, la soldate qui en valait cent observa le corps inconscient de son amour. Des bouts de verre entaillaient son visage en une balafre diagonale, déchirant un de ses yeux ainsi que sa bouche. Sa main gauche, ensanglantée, ne semblait plus dotée de toutes ses phalanges. La brune commença à paniquer. Son souffle se fit si pressant qu'elle en oubliait presque l'urgence de la situation. Hanji mit sa tête contre le nez du mourant, aussi désespérée que sa subordonnée. Armin et Jean faisaient de même avec les deux autres soldats ; ignorant parfois les membres arrachés qui jonchaient l'herbe claire.

« Il est vivant ! »

À cet instant, c'était comme si l'immensité de sa frayeur venait de s'évanouir. Le poids de sa terreur- celle de vivre sans lui, sans ses bras, et dans la mélancolie de ses souvenirs vivant à travers sa seule mémoire ; ce poids venait de disparaître de ses épaules voûtées. Ainsi, le groupe entreprit de mettre les inconscients à l'abri ; mais où pouvait-on se reposer, quand la guerre était vouée à débuter ?

« Hé mais bordel le titan s'ouvre le bide !

- Qu'est-ce que tu dis, Connie ? »

Les fugitifs se retournèrent pendant leur fuite. Le titan, devant le corps en miettes de Sieg Jäger, déchira ses entrailles qui se déversèrent sur le cadavre encore fumant. Puis, il récupéra les restes du guerrier entre ses boyaux palpitants, et les enfourna dans la plaie béante que constituait son abdomen.

« Tirons-nous de là pendant que l'autre clown amuse la galerie, conseilla Sasha qui partait déjà en courant vers Shiganshina. »

Après quelques minutes à dissimuler leur présence auprès des soldats qui couraient dans les rues, ils réussirent à se poser dans une maison à l'écart de la menace ennemie. Déposant les trois corps à même le sol, les affres de l'angoisse déformaient leurs traits fatigués.

« Et mince, je crois qu'il y en a un de mort... S'apitoya Armin en lui fermant les yeux.

- Je vais rester ici, veiller sur les survivants... Exposa Hanji. Vous devez empêcher Eren d'accomplir son plan. Je ne sais pas si Sieg est hors d'état de nuire... Mais les actes du titan étaient assez étranges. Il a peut-être conservé un de nos anciens soldats pour se soigner à travers son titan.

- Est-ce que ça va aller, toute seule ?

- Ne t'en fais pas, je vais essayer de les soigner, puis je viendrai vous assister un peu. Nikolo restera avec moi, puis ira mettre les civils à l'abri. Filez ! »

Ainsi, ils délaissèrent derrière eux le regard maternel d'une commandante ; qui les encourageait depuis un ciel d'oubli. La ville s'ouvrait à leurs cauchemars ; capharnaüm détruit par les bombes et un combat de géants. Tandis que le mâchoire attaquait sans relâche les articulations d'Eren – laissant sur sa peau les griffures d'un rescapé, deux silhouettes se jetèrent dans le vide. La première se mit à s'illuminer comme un soleil surgissant de l'océan, suivie par sa sœur, étoile florissante sur l'autel des sacrifices humains.

Les titans cuirassé et féminin s'avancèrent vers l'originel, et Eren sut tout de suite qu'il devait adopter une meilleure stratégie : il ne pouvait guère reprendre ce qu'il avait vu, dans ses nuits remplies de promesses délétères. À sa gauche, Peak s'était transformée, et arborait dès à présent un attirail de guerre : elle fusillait, probablement grâce à quelqu'un présent dans le macabre dispositif, les soldats qui souhaitaient lui apporter une quelconque assistance.

Le hurlement de rage du garçon qui souhaitait être libre fit trembler les clochers de Shiganshina.

***

Des restes fumants d'un être qui n'était plus, Sieg Jäger put s'ériger en tant que messie. Nu comme au premier jour, la pluie semblait, de la main des divinités, nettoyer l'amer sillage de la mort sur son corps. Devant cette renaissance absolue, Floch se sentit si ému qu'il ne remarqua guère la fuite des vétérans, ni même l'arrivée de la force de frappe Mahr.

« Sieg ! Oh mon dieu, que s'est-il passé ? Tu avais tout prévu ?

- Non... Je l'ignore. Ce n'est pas moi qui ai transformé ce titan, et je ne lui ai absolument rien demandé... Je crois qu'on veut que je reste là. Notre plan doit se dérouler : les astres sont de notre côté. Sans pudeur, le guerrier cogna son poing contre son cœur, hurlant au groupe de soldats devant lui : Nous triompherons ! »

Criant leur conviction de manière à bercer Apollon, les pro-Jäger se dirigèrent vers la porte qui contenait la ville dans son embouchure. Les vétérans n'étaient plus utiles. Floch déshabilla un soldat quelconque afin de couvrir un peu le dieu qui allait assurer la survie de cette île qu'il aimait tant.

Il ferait tout, pour que le Paradis soit une utopie dans laquelle ils vivraient tous sans la terreur inspirée par des monstres tyranniques. Que ces chimères soient des titans, ou bien les autorités du monde entier.

***

Les titans faisaient trembler les tuiles garance des toits des chapelles. Telle une danse erratique menée contre un intrus, Sasha observait le cuirassé et le mâchoire attaquer Eren sans aucun répit. Que devaient-ils faire ? Affronter les Mahr et les pro-Jäger ? Le groupe ne savait pas où se placer exactement.

« Le mieux serait d'assister Eren pour le moment, soupira Jean d'un air blasé.

- Je pense que c'est la chose la plus logique à faire... Ou alors on peut s'occuper de protéger la population des conflits en l'escortant vers un endroit plus sécurisé, murmura Armin d'un air pensif. En attendant de prendre parti. »

Soudain, un hurlement fit frémir les soldats dissimulés derrière les murs insipides ; et ils aperçurent le titan assaillant tomber sur ses genoux. Dans la bouche de l'héritier d'Ymir, un flot ensanglanté s'écoulait de la chair arrachée d'une cuisse martyrisée. Saisissant l'occasion, Reiner Braun durcit les phalanges de son poing droit, et l'écrasa contre la maxillaire du leader aux idées amères. Dans le ventre de Mikasa, une harpie se mit à hurler l'immensité de son ressentiment ; mais était-ce son instinct d'Ackerman qui souhaitait le protéger ? Ou était-ce parce qu'elle tenait à son frère davantage qu'à sa propre vie ?

Soudain, un éclair foudroyant vint éclairer les pierres sombres de l'ouverture béante ; et un immense singe inspira le désespoir dans le cœur des rescapés. Avant même qu'ils ne puissent arranger leur stratégie, un hurlement fit écho aux lamentations des condamnés à l'enfer. Shiganshina, cité des premières effusions de sang et de larmes, devint la ville des lumières d'outre-tombe. Les Pro-Jäger, qui combattaient le titan charrette ainsi que son attirail militaire, devinrent les monstres qui, la nuit, les effrayaient par leurs immenses ombres. Seuls quelques-uns subsistaient encore, pleurant face à la possibilité d'être dévorés par leurs frères d'ambition.

« Mince, ce maudit vin ! Mikasa, toi et moi on protège les civils, ordonna Armin. Les autres, aidez Eren ! Si Mahr gagne, on est foutus de toute façon ! »

Alors que les deux amis d'enfance s'envolaient vers les anthropomorphes qui faisaient déjà hurler les familles suppliantes, Jean demeura devant la robuste silhouette de celui qui avait été leur frère. L'initiative d'Arlert l'avait surpris ; lui qui d'habitude se contentait de le supplier du regard afin qu'il prenne une décision. Cependant, Kirschtein semblait pétrifié par la présence de Braun. C'était comme si quelque chose au fond de lui hurlait d'une allégresse maudite, dont l'origine se trouvait dans la pénombre de sa conscience. Il hiverna dans un passé qu'il n'avait pas vécu, l'amour était mort et le soldat en tremblait d'effroi. Une main sur son épaule vint le sortir de ses songes abrupts.

« Jean, réveille-toi, il faut y aller ! »

Contenant sa détresse qui martyrisait son cœur glacé, le rêveur s'envola vers l'objet de ses angoisses.

***

L'inquiétude tordait ses boyaux en de douloureuses figures. Dans sa danse macabre, dont le sillage laissait dans les rues des projections sanguines, Mikasa défiait les étoiles. Elle défiait le Paradis et l'Enfer. Gravissant le QG attaqué par ces humains devenus monstres, elle défiait les lois de l'univers en tranchant leurs nuques.

Si Shiganshina était lavée des horreurs titanesques, alors son amour avait une chance supplémentaire de garder les yeux ouverts. Le Cosmos lui murmurait que ses efforts étaient inutiles : Levi Ackerman était destiné à rejoindre ceux qui l'avaient abandonné. Néanmoins, l'asiatique hurlait au monde, dans les turbides écarlates formées par sa lame : regardez-moi le sauver.

À ses côtés, le stratège en profitait pour analyser la situation. Peu à peu, Eren progressait vers Sieg, mais celui-ci était attaqué par Peak et Annie. Sa meilleure amie semblait être la Faucheuse que les soldats attendaient afin de connaître la paix, et elle la leur offrait de sa main généreuse. En-dessous de ses pieds, Armin reconnut le visage implorant du commandant Pixis, et la constatation qu'il eusse terminé sa vie sans conscience ni espoir le rendit malheureux.

« Commandant Pixis... Merci pour tout. Vous pouvez vous reposer, à présent. »

Le salvateur se laissa tomber vers la marée des condamnés ; et pendant que ses armes tranchaient la nuque de ce personnage excentrique qu'il respectait tant, une larme coula sur la joue du géant.

Yelena, secourue par le ballet mortel de la brune aux cheveux courts, leva les bras vers les filets sanguins qui tranchaient l'air anxiogène. Un sourire effrayant barrait son visage, et devant ce spectacle mortuaire, les explosions et les cadavres des titans qui chutaient constituaient une mélopée délicieuse pour ses oreilles. Néanmoins, une femme vint interrompre la contemplation malsaine de l'étrangère.

« Mikasa ! L'interpella la commandante du Bataillon d'exploration. »

La concernée se retourna vers la militaire à l'œil soucieux, et elles s'éloignèrent toutes deux des derniers titans encore debout- bien vite anéantis par les attaques d'Armin. Posées sur un clocher, duquel elles pouvaient voir le combat des six titans, la scientifique possédait une arme à feu qu'elle ne connaissait pas.

« Levi est réveillé. Par chance ou par malchance, c'est celui qui était devant qui a pris le plus gros de l'explosion... Je vais te donner une dernière mission, Mikasa. »

La doctoresse confia le fusil d'assaut à la jeune soldate, qui l'observait d'un œil expert.

« C'est ma dernière invention. Lorsque tu tires, la balle a une trajectoire normale ; mais si tu appuies une seconde fois, la balle explose en plein vol. Seul bémol : tu as besoin de quelqu'un pour te dire le timing de l'explosion, car la lunette de visée n'est pas optimale. On va empêcher Eren de toucher Sieg ; avec l'explosion, ça les repoussera : on pourra alors capturer Eren ainsi que Sieg, puis nous retourner contre Mahr. J'ai un mauvais pressentiment... J'ai l'impression que notre monde va s'écrouler si on les laisse faire.

- Surtout que Yelena nous a expliqué qu'ils voulaient euthanasier tous les eldiens en les empêchant de se reproduire...

- Quoi ?! Mais je veux mes bébés Ackerman ! Allez, tu as le chargeur déjà enclenché ! Fonce, il est sur le toit de l'église : je te remplace ! »

Sautant dans le vide en hurlant de joie, Hanji trancha la nuque du dernier titan qui menaçait les civils. Mikasa observa Armin se diriger vers Eren et Reiner ; mais dans sa précipitation, elle fut stupéfaite par l'action menée par son frère. Érigeant le corps du titan mâchoire, qui se débattait entre ses mains comme un chat hystérique, il écrasa sa gueule contre les poings que le cuirassé lui envoyait. Dès lors, le plus petit des trois eut le cerveau à ciel ouvert, pendant qu'Eren se régénérait de ses blessures.

Elle se détourna de la macabre représentation, et dès qu'elle vit l'amour qu'elle avait presque perdu, l'arme glissa un peu de ses mains tremblantes. Levi était recouvert de bandages, comme une vieille momie que l'on aurait dévoilée pour la science. Elle ne pouvait voir que son œil droit ; et posé contre l'immense cloche, il ressemblait à un sans-abri attendant la mort.

« Ce n'était pas comme ça que je m'imaginais te retrouver, mais je serai affreusement niais plus tard. On a le meilleur point de vue ; et Eren est en train de se débarrasser des deux lourdauds.

- Même momifié, tu as un langage de poète. Comme c'est séduisant.

- Garde ton sarcasme pour plus tard, on a un singe à exploser. »

En effet, le mâchoire reposait à même le sol. Une fumée diaphane rendait le combat de Reiner et Eren étrange, presque onirique. Le détenteur de l'originel courait vers son frère, dont le titan faisait office de tapis assez velu. Face à la puissance d'Annie et de Peak réunies, Sieg n'avait pas résisté bien longtemps, et la blonde allait déjà vers ses camarades pour les sortir de ce mauvais pas. Enfin, Braun, attaqué par le trio comique, ne pouvait poursuivre sa cible sans risquer sa vie et celle de ses camarades.

Mikasa s'allongea sur le ventre et écrasa la crosse de l'arme contre le creux de son épaule. À ses côtés, le caporal se hissa sur une canne de fortune. Tous deux retinrent leur respiration, observant les deux frères se rapprocher- et quand Levi aperçut le corps humain de Sieg ramper sous la brume, il serra les dents face à la haine qui pulsait dans sa gorge.

« À mon signal, déchaîne les enfers. »

En hochant la tête, la brune fit chanter l'arme à feu entre ses doigts. Les cliquetis du fusil firent écho à la balle meurtrière qui s'engouffrait dans la chambre. Elle posa son visage contre l'appui-joue, et son doigt vint lever la sécurité. Ainsi, elle inspirait, expirait ; arrangeait sa visée au rythme de sa respiration.

« Attends. »

Les tirs de la Peak vinrent interrompre la course d'Eren. Celui-ci, obligé de délaisser son titan pour poursuivre les quelques mètres le séparant de son frère, courut en se dissimulant derrière le brouillard. Cette putain de fumée fit râler le caporal : avec la douleur, il était encore moins patient que d'habitude.

« Attends... »

Le boucher des bas-fonds compta dans sa tête les secondes qui séparaient les deux Jäger ; et le temps sembla ralentir. Tous les regards semblaient converger en cet unique point- et lorsqu'il furent suffisamment proches, il hurla :

« Vas-y ! »

La tireuse appuya sur la queue de détente, et fut presque surprise par le recul d'un si petit calibre. Néanmoins, elle demeura concentrée sur la trajectoire de son tir- attendant le signal du caporal pour mettre un terme à ce conflit inextinguible.

« Maintenant ! »

La seconde pression causa une telle explosion qu'elle dû s'accrocher aux tuiles pour ne pas tomber. Par réflexe, elle attrapa la jambe de l'homme à ses côtés, qui hurla sous le coup de la douleur. Un immense séisme fit trembler le sol et les murs immenses. Ces derniers se fissurèrent, encore et encore, et l'éboulement mit en lumière les pires cauchemars des enfants de Shiganshina. La cité dans laquelle elle avait presque tout perdu, la ville qui menaçait de lui arracher ceux qu'elle aimait à chaque instant... Mikasa Ackerman sut que l'enfer était vide. Tous les démons étaient sur terre, cachés derrière ces parois insipides. Devant les yeux ébahis de tous les soldats d'Eldia et de Mahr, une armée de titans colossaux s'érigea en un cri effroyable. Prenant son origine à la place de l'ancienne porte menant au village, et s'étirant sur des centaines de mètres, une bête immonde et gigantesque se tenait. Sa cage thoracique, cimetière épouvantable d'un rêve d'enfant, possédait des pointes qui menaçaient le ciel. Les affres de sa haine semblaient vicier l'oxygène qui entrait en contact avec la fumée qui s'échappait de ce squelette mouvant. Précédé par des milliers de titans colossaux, ceux-ci paraissaient minuscules en comparaison : le monstre devait bien faire cinq fois leur taille.

Quittant cette vision d'horreur, les deux Ackerman se retrouvèrent soudain dans un endroit qui leur était inconnu. Le sol n'était qu'un horizon de sable hyalin, et au-dessus de leurs têtes, un tombeau d'étoiles semblait leur conter la fin de l'univers. Une colonne d'astres s'écrasait sur le centre de cet endroit, faisant tourbillonner souvenirs et possibilités d'avenir.

Peuple d'Ymir !

À l'entente de la voix d'Eren, les deux soldats revinrent dans le décor de Shiganshina.

« Merde, c'était quoi ça ?!

- Mikasa ! Hurla la voix d'Armin parmi le fracas des titans qui marchaient vers l'horizon. »

Elle se retourna vers son ami d'enfance qui volait vers eux, mais la voix vint encore les transporter dans l'étrange endroit.

Mon nom est Eren Jäger. Je m'adresse à vous par le biais du titan originel. J'ai rompu la rigidification de tous les murs de l'île de Paradis. Les titans qui sommeillaient à l'intérieur se sont mis en marche. Mon objectif est de protéger la population de cet endroit, où je suis né et où j'ai grandi. Le reste du monde, lui, souhaite sa destruction...

Dans ce monde dirigé par les astres et leur parole, on pouvait voir une kyrielle de visages : Jean, Armin, Mikasa, Levi, Hanji, Historia, Reiner, Peak, Porco, Annie, mais également tous les eldiens du continent, qui avaient subi la politique Mahr pendant des siècles.

Il voue à notre peuple dans son ensemble une haine ancestrale exacerbée... qui ne trouvera satisfaction que dans sa complète annihilation. Mais je ne laisserai pas une telle chose se produire.

Les titans des murs vont déferler impitoyablement partout sur le reste de la terre... Et rayer toute vie de la surface de ce monde !

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