36 - Vögel
La prison exiguë sentait l'humidité. Les murs étaient parsemés de moisissures qui semblaient éternelles. Mikasa fixait celles-ci, songeant qu'avec Levi, la cage serait impeccable. Les Jägeristes les avait traînés en chariots jusqu'à Shiganshina, attachés comme du bétail. Elle ne comprenait pas l'attitude de son frère, mais leur discussion avait bel et bien brisé l'ombre qui dansait au fond d'elle. À présent, elle se sentait démunie, comme un navire sans phares alors que la tempête menaçait de l'engloutir.
« Bon, et maintenant il se passe quoi ? On reste là, les bras croisés ? »
Connie, appuyé contre le mur de la pièce, ruminait en silence ses insultes envers ses frères d'armes. Ses camarades de toujours étaient parfois assis à même le sol, allongés sur les couchettes d'infortune, ou se tenaient droit afin de faire face à leurs geôliers. Ackerman songea à cette fois, où on l'avait soupçonnée d'être le titan féminin, et elle frissonna d'horreur. Avoir ses amis avec elle l'aidait à ne pas trop y penser. Elle avait d'autres choses en tête que de revivre ses anciens démons. Ses anciennes parts d'ombre.
« Dis donc, Jean, continua le chauve, tu pourrais pas nous sortir de là avec ton titan ?
- Impossible. Je dévasterais toute la ville. Le colossal ne fait pas vraiment dans la finesse, contrairement à Eren... »
Armin réussit à capter le regard de son amie d'enfance, et une discussion silencieuse résonna dans leurs entrailles. Néanmoins, leur contemplation fut interrompue par la voix pincée de Kirchstein.
« D'ailleurs, en parlant d'Eren, merci pour tout à l'heure, Armin. »
Le cœur du blond s'engagea en une course à la fois effrénée et douloureuse. Il était rare, depuis les événements de Shiganshina, que Jean n'interagisse avec lui. Ses yeux détaillèrent avec tristesse les croûtes qui s'étaient formées sur son visage, et la vision de ses plaies le fit grimacer.
« Il n'y a pas de quoi.
- Quel tocard... Il a osé vous parler comme ça, j'y crois pas !
- Hé, remue pas le couteau dans la plaie Connie ! L'apostropha la meilleure amie de la brune.
- Sasha a raison, c'est juste devenu la dernière des ordures ! Ce fumier s'en est pris sans raison aux soi-disant personnes qui comptaient le plus pour lui ! Il a complètement perdu la boule, c'est tout ! »
Les paroles de Connie furent écho dans l'esprit d'Armin. Les paroles de son amour à sens unique se répercuta en même temps, et le flot de leurs deux voix entremêla ses songes.
« Ou alors il est parfaitement lucide, présupposa le stratège. Ça m'étonnerait beaucoup qu'il ait fait un truc pareil sans raison. Ça vous a pas effleuré l'esprit qu'il ait fait ça intentionnellement ? »
Le regard empli de tristesse et de confusion que lui jeta Mikasa secoua les entrailles du blond. Un bruit de porte les interrompit dans leurs hypothèses. La silhouette fine d'une ex-soldate se dessina dans la pénombre. Ses cheveux clairs, coupés au ras de sa nuque, furent secoués par ses pas assurés.
« Quel plaisir de vous revoir, héros de Shiganshina. Quel dommage, cependant, que ces barreaux nous séparent. »
Devant eux, les anciens soldats de la marine de Mahr les observaient d'un air impassible. Au centre, Yelena, qui avait pris la parole, mit sa main devant son cœur en guise de salut rapide. À ses côtés, Onyankopon semblait torturé par les regrets, et la teinte foncée de sa peau contrastait avec celle, presque transparente, de sa leader.
« Toi, enfoiré, t'étais aussi dans le coup ?! Alors qu'on a construit le chemin de fer ensemble ! On a combattu ensemble ! Sortez-nous de là !
- Vous l'avez cherché, non ? Fit le soldat des volontaires anti-Mahr. C'est vous qui avez commencé à nous enfermer. Vous allez rester bien sages jusqu'à ce qu'Eren et Sieg soient réunis !
- Espèce de...
- Bravo, l'interrompit Armin. Félicitations, Yelena. Tu dois être contente de toi, tout s'est passé comme tu le voulais. Grâce à ton entremise, Eren a fait ce que tu voulais... Il a attaqué Revelio, nous a forcés à le suivre...
- Et tu as neutralisé l'armée avec le vin empoisonné que j'ai servi aux hauts gradés sous tes ordres... Compléta Nikolo, comprenant dès lors le but de ses actions aveugles. »
Sasha prit sa main dans la sienne, l'observant d'un air à la fois désolé et horrifié. Les regards des captifs étaient rivés sur l'étranger amoureux qui semblait en savoir davantage qu'eux... Jean se fit la réflexion qu'il aurait une petite discussion avec celui-ci.
« Maintenant que vous avez la main mise à la fois sur Eldia et sur l'originel, vous allez pouvoir anéantir Mahr et venger votre patrie, reprit Arlert. En réalité, c'était ça votre objectif en arrivant ici, hein ?
- De quoi vous vous plaignez... ? On vous a modernisés. Sans nous, vous auriez toujours cent ans de retard sur le reste du monde.
- Quoi ?! Bougonna le chauve.
- Vous l'avez fait pour votre propre confort, dénonça l'amant de la gourmande officielle d'Eldia. Puisque c'est vous qui allez régner sur cette île...
- Fallait ouvrir les yeux plus tôt, soupira le troisième étranger. Vous avez perdu, ça se résume à ça.
- Griez, tu nous as vendus pour devenir le larbin de Yelena ! Fais pas trop le malin espèce de traître ! »
Le cuisinier agrippa les barreaux d'un air menaçant, délaissant les doigts froids de son amante. L'angoisse et la haine densifiaient la cage jusqu'à en étouffer ceux et celles qui restaient silencieux.
« C'est plutôt toi le traître, abruti ! Avec ta pouilleuse de démone ! T'arrêtais pas de me saouler avec cette pétasse, tous les soirs !
- Je vais te buter, ordure !
- Calme-toi, Nikolo ! »
Ce dernier passait ses bras à travers les barres en fer pour agripper son ancien ami et déchaîner sa fureur contre son visage prétentieux. Sasha le retenait dans ses bras, sourde aux insultes du soldat qui avait son arme rivée sur eux.
« Elle aurait dû crever, cette sale catin au sang impur ! Peut-être que tu retrouveras tes esprits, si elle crève une bonne fois pour toutes ! »
Le soldat allié à la cause d'Eren décala le canon de son fusil vers le visage de la jeune fille. Mikasa se leva d'un coup, mue par un élan de protection inextinguible, et tout son corps hurla de peur. Peur qu'il ne presse sur la queue de détente. Peur que la balle ne déchire les veines de son éternelle amie. Peur d'assister à son dernier soupir.
Le bruit d'une détonation fit s'envoler quelques oiseaux dans le ciel de Shiganshina.
***
« Zackley est mort ? Murmura la voix rauque du caporal-chef.
- Oui... Avec ça, les pro-Jäger ont pris le contrôle effectif de la situation. On soupçonne tout ce chaos d'être l'œuvre de Sieg, à qui Eren et Yelena auraient servi d'intermédiaires. »
Isolés sur la branche d'un arbre, en hauteur du camp de surveillance, deux soldats du bataillon étaient venus mettre au courant Ackerman. En bas, le macaque buvait une tasse de café d'un air absent ; éternel rituel aux secrets muets.
« Et maintenant ? Demanda Levi en fixant son prisonnier d'un œil mauvais.
- Eh bien, il est prévu d'accéder à la demande des pro-Jäger et de les conduire jusqu'à Sieg...
- Vraiment ? Pixis se plie à leurs exigences ?
- Non, vous vous en doutez... Continua l'émissaire. En réalité, le commandant est inflexible. Il est en train d'élaborer un plan pour neutraliser Eren en cours de route.
- C'est malheureux, compléta le second militaire, mais il n'y a pas d'autre moyen de mettre Eldia à l'abri de Sieg et des pro-Jäger.
- Il compte faire bouffer Eren à quelqu'un d'autre, c'est ça ? Et ce sera à nous de faire le sale boulot.
- Voilà. »
Le visage du traître à Eldia se dessina dans la tête du vétéran. Combien de batailles avaient-ils livrés pour Eren ? Combien de camarades, d'amis, de frères d'armes, avaient perdus leurs vies pour lui ? Ils étaient convaincus qu'il était le salut de l'humanité... Toutes les anciennes figures de sa vie défilaient dans la commémoration du deuil : Erwin, Mike, Petra, Auruo, Erd, Gunther, et tant d'autres... Ils l'observaient. Ils l'attendaient. En souriant d'une manière tristement macabre. Quelle blague ! Devait-il accepter de voir partir en fumée tous les espoirs qu'ils entretenaient depuis tout ce temps ? Tous ces sacrifices s'avéraient vraiment inutiles ? Pour que ça se solde sur ce bordel... ? Non, c'était inacceptable.
« C'est des conneries. C'est pas lui qu'il faut faire dévorer par un titan.
- Hein ?
- C'est l'autre enfoiré. »
L'ordre du soldat résonna en un claquement dans la tête des deux militaires. Son regard détailla cette affreuse silhouette qui attirait les affres de sa haine. Sa lecture concentrée lui donnait envie de l'éviscérer sur place.
« Comment ça ? Demanda l'un de ses camarades.
- Il faut transférer le bestial à quelqu'un d'autre. On n'a qu'à choper un de leurs partisans, le transformer en titan et lui donner Sieg à becqueter. Et si la détermination d'Historia n'a pas bougé, c'est elle qui le bouffera à son tour. D'ici quelques mois, quand elle aura accouché.
- Quoi ?! Mais ce serait courir le risque que l'ennemi lance une offensive générale durant cet intervalle et anéantisse Eldia ! S'écria l'un des émissaires.
- Et puis, l'accouchement pourrait mal se passer...
- On peut gagner du temps en attaquant encore Mahr, ça les retardera. C'est risqué, mais pas infaisable. En tout cas, hors de question de laisser l'ennemi mener la danse plus longtemps. Déjà, on est absolument pas sûrs qu'Eren soit sous son influence, et de toute façon, si on les prive de ce vieux singe, tous leurs plans tomberont à l'eau. Transmettez ça à Pixis. Exécution !
- Mais vous êtes sérieux, mon caporal ?
- Y a qu'à lui trancher les bras et les jambes, ça lui déliera la langue. »
L'enfant des bas-fonds sauta dans le vide, ignorant les mains qui se tendaient vers lui pour le retenir. Il aperçut les iris céruléens de sa Némésis qui l'observaient, et sa langue claqua dans son palais. Arrivé à sa hauteur, il lui cracha :
« Intéressant, ce bouquin ?
- Plutôt, même si c'est la septième fois que je le lis, se lamenta le titan bestial.
- Notre conversation n'a pas perturbé ta concentration, au moins ?
- J'avoue qu'au bout de sept fois, j'ai tendance à décrocher facilement. À propos, ne reste-t-il pas un peu de vin ?
- Tu préfères cette horreur à ton thé trop amer ?
- Pff ! C'est du café. Un traitement pareil, c'est inhumain...
- Je te laisse poursuivre ta lecture, soupira le brun après un silence.
- Merci, chef ! »
Pendant qu'il s'éloignait, le caporal se fit la réflexion qu'il lui ferait la peau. Quoiqu'en dise Pixis. Trente hommes solidement armés étaient perchés dans les arbres aux alentours. Même s'il se transformait, Sieg Jäger n'aurait aucune échappatoire. Il était certain que le barbu se foutait d'eux : à présent, il n'y avait plus aucune raison de le laisser en un seul morceau.
Sa vengeance avait été si longue. Presque épuisante. Toutes ces nuits à ne pouvoir penser qu'à ce moment où il pourrait entendre le délicat chant de ses souffrances, pendant que son amour dormait dans ses bras. Tous ces moments où il imaginait les manières de lui transmettre la pire souffrance que l'humanité ait porté... Tout cela prendrait fin aujourd'hui. Il pourrait enfin profiter de ces moments d'accalmie avec Mikasa... Sans que le fantôme d'un échec ne vienne le hanter.
Il allait enfin pouvoir accomplir la promesse qu'il avait faite à Erwin, ce jour-là. Sa mort ne serait pas vaine, et il le prouverait aujourd'hui.
Un bruit de foulée le fit sortir de ses pensées, et il se retourna. Sieg n'était plus assis, sur une caisse de munitions, à lire tranquillement son livre. Il s'éloignait en courant vers la forêt, et son geste surprit le vétéran. Juste avant qu'un soldat, positionné au-dessus du fuyard, ne lui tombe dessus, un immense hurlement fit trembler les arbres. Levi ressentit tout son corps s'embraser. Un long frisson immobilisa ses membres. Le ciel se teinta de lueurs dorées. Il aperçut quelques camarades cracher d'une lumière douloureuse : ils vomissaient leurs éclats par la bouche, les yeux, et tous les pores de leur peau. Les oiseaux s'envolèrent en un bruissement d'aile, laissant derrière eux Levi Ackerman, accompagné de son amie, la Faucheuse, qui tendait vers lui sa faux altière.
Une dizaine de titans tombait vers lui et les derniers survivants, mais l'horreur était la seule chose qu'il ressentait à cet instant.
L'horreur de devoir user ses lames contre ses frères et sœurs d'armes.
***
« Voilà ce qu'il reste de Sieg. »
Autour d'une table sur laquelle des tasses fumaient d'un arôme revigorant, les guerriers étaient réunis en cercle. Le général Magath avait déposé sur le meuble en bois un exemplaire d'un équipement tridimensionnel, et cette vision faisait chavirer le capitaine Braun entre mélancolie et douleur.
« Nous n'avons retrouvé que ses jambes et bras, mais je pense que c'était, ni plus ni moins, qu'un moyen de nous faire croire à sa mort.
- Il aurait fui avec le dirigeable eldien ? Demanda Peak en se tenant le menton.
- Je le pense. Il devait prévoir cette attaque depuis des années... Dans 6 mois, son mandat se termine et il transmettra le bestial. Continua le haut gradé.
- Tch, ça fait tant de temps qu'il pense à nous trahir ? Cracha le roux. »
Un silence fit écho aux plaintes du titan mâchoire.
« On ne peut pas attendre six mois, général. Sinon, ils pourront s'organiser et nous attendre comme ils le souhaitent. Sieg doit penser qu'on a besoin de temps pour réaliser l'assaut, vu nos récentes pertes. Il faut frapper sans délais. »
L'intransigeance de Reiner interloqua les trois guerriers attablés, et Annie se fit la réflexion que sa montée en grade n'y était pas pour rien. Les responsabilités continuaient de tasser sa silhouette amaigrie. En effet, depuis Shiganshina, il avait perdu plus de dix kilos. Son ami se laissait mourir, et elle ne savait pas quoi faire. Ce n'était pas comme si elle excellait dans l'art de consoler les autres.
Les souvenirs de cette entrevue la hantaient. Elle avait appris la trahison de leur seule figure d'autorité capable de les comprendre. La blonde digérait mal cette calomnie, mais n'en montrait rien, comme à son habitude. Depuis l'attentat de Revelio, les rues étaient devenues aussi désertiques que ses capacités émotionnelles. Elle était attristée de voir que les enfants ne jouaient plus dehors.
La récente bataille ne semblait pas étrangère à l'empressement de Reiner. Il avait raison dans sa précipitation : s'ils frappaient tôt, alors les ennemis ne disposeraient que de peu de temps pour organiser leur défense. De plus, Gaby et Falco étaient les deux qui étaient censés recevoir leurs titans. La mort d'Udo et Sofia n'avaient laissé aucun doute sur la répartition de leurs pouvoirs : malgré la détermination de la brune à recevoir le titan de son cousin, elle serait sûrement l'héritière d'Annie.
Ils devaient rester sains et saufs, loin de cette inextinguible guerre.
« Vous connaissez la légende d'Hélos, guerriers. Affirma Magath. Là encore, notre héros eldien guidera notre frappe. En terrassant le démon de la terre, il a sauvé le monde entier d'une extinction certaine. Nous terrasserons, comme Hélos avant nous, Eren Jäger ; et par cet acte salvateur, le monde pourra enfin connaître la paix. »
Les pantins de Mahr opinèrent d'une manière grave. La détentrice du titan féminin enfila sa veste blanche qui ravivait la couleur de sa chevelure de blé. Son brassard rouge tachait de manière sanglante sa tenue immaculée, comme le rappel incessant que son sang était impur.
Le regard doré de son camarade d'infortune croisa le sien, et ils hochèrent la tête d'un commun soutien.
Ils retournaient ensemble en enfer, et la promesse d'être là, l'un pour l'autre, les conforta dans la préparation d'une ultime bataille.
***
Des fourmillements prirent de surprise les brigades spéciales, le général Pixis, ainsi que les vétérans enfermés avec Yelena. Pendant qu'un soldat plus petit que la moyenne hurlait de rage, un guerrier s'élançait vers sa cruelle destinée.
« Adieu, caporal ! T'es trop attaché à tes subordonnés. C'est pas joli ce qui leur arrive, mais c'est pas de leur faute, hein ? T'oserais quand même pas les charcuter ? »
Alors que le blond s'éloignait dans la forêt, les titans qui s'étaient écrasés commencèrent à attaquer leurs camarades. Une énorme bouche s'ouvrit devant le visage horrifié de Levi, qui reconnaissait dans ces monstres les traits de ses soldats. Au dernier moment, il se projeta en hauteur, et la gueule de l'anthropomorphe s'écrasa contre l'arbre.
« Les gars, vous avez bu du vin ?!
- Non, caporal ! »
Il aperçut une recrue trembler, sur la branche d'un pin, et celui-ci semblait pétrifié devant la possibilité de tuer ses frères d'armes. Le haut gradé pesta devant la situation apocalyptique. Il leur avait pourtant interdit de toucher aux caisses de vin... Il cracha une insulte lorsque les titans les plus menus se mirent à escalader les branches, et il hurla aux derniers soldats encore en vie :
« Rattrapez ce foutu macaque, je m'occupe d'eux !
- Mais caporal, ce sont nos-
- Je sais pertinemment qui ils sont ! »
Soudain, le brun comprit. Le liquide cérébrospinal aurait été mélangé à la boisson ? Cette enflure, depuis quand manigançait-il de lui faire faux bond ? Il n'y avait eu aucun signe précurseur... Cette histoire de crispation, c'était aussi du flanc ? Il sauta de branche en branche, évitant de manière saccadée les assauts mortels des inconscients. Ils étaient plus rapides que d'habitude... Encore une particularité du contrôle de Sieg sur eux ? Alors qu'une main se refermait sur sa petite silhouette, le combattant trancha par automatisme les doigts meurtriers avant de tomber vers la gueule ouverte du titan. Son visage affamé fit écho à Balys, et il hésita à user de ses lames contre lui. La proie se contenta alors de sauter hors de ses mâchoires, mais sa détresse l'empêchait de lever ses armes contre ses subordonnés.
« Est-ce que vous êtes encore là ? Les gars... »
Devant la marée monstrueuse qui avait la volonté de l'engloutir, Levi Ackerman chutait vers les portes de la Mort. Il revêtit le manteau de Thanatos, et dans ses yeux, la volonté du dieu de la mort transforma ses lames en une faux vengeresse.
« Tu te doutes bien que j'aurais préféré ne pas en arriver là... »
Sieg entama son monologue, essoufflé, tandis que trois titans le suivaient dans sa fuite. L'une des marionnettes le saisit et se mit à courir à sa place, à la manière d'un automate guidé par l'inique volonté d'un tyran.
« C'est triste, mais il ne s'agit ni d'une bataille ni d'un combat. C'est une rupture : nous ne sommes pas parvenus à instaurer un climat de confiance mutuelle. Mais ça n'a rien d'étonnant : nos visions du monde sont si différentes... La réussite de l'attaque-surprise de Revelio vous a donné un sentiment de puissance, mais les forces militaires du monde entier vont bientôt attaquer cette île. Et vous ne mesurez absolument pas ce que cela signifie. Vous vous croyez invincibles. Vous croyez avoir du temps devant vous, et toutes les cartes en main... Mais vous vous trompez. »
Les foulées rapides du géant retentissaient tels des coups de tonnerre. Les secousses faisaient trembler les arbres, chaque fois qu'un pied immense écrasait la verdure. L'aîné Jäger continuait de parler comme si le caporal était à ses côtés, imaginant son corps déjà recouvert de son propre sang.
« Enfin, inutile de vous expliquer mes véritables intentions. Puisque de toute manière, elles vous échapperaient... Hélas ! Eren, nous seuls, nous nous comprenons... Je n'ai qu'à sortir de cette forêt pour te retrouver, mon frère. J'espère que tu te souviens bien de l'heure et du lieu convenus ! »
Un bruit sec attira l'attention du fugitif ; et un câble tendu se planta dans le tronc d'un arbre. Sieg se retourna d'un coup, tétanisé par le fait que le caporal ait pu survivre. Il aperçut un soldat trancher la nuque d'un de ses trois titans, pendant que Levi Ackerman arrivait sur lui. Sa cape, d'origine verte, portait la couleur du sang de ses amis. La vue du dieu de la mort arrivant sur lui le fit hoqueter de terreur. Des ailes sanguinolentes se dessinaient dans son dos, pendant que son regard percé sur lui le transperçait déjà de sa haine.
« Chargez ! »
Ses deux titans tendirent la main vers l'effrayant soldat, qui n'hésita pas à lacérer et à achever le premier assaillant d'un battement de cil. Puis, il s'accrocha à la nuque du coureur, et Sieg hurla face à la terreur que lui provoquait une éventuelle défaite.
« Oh non, ça recommence ! »
Mordant à pleine dents dans sa main, un éclair projeta son support vers l'avant. Une fois qu'il eut pris de la hauteur, le bestial déchiqueta le corps de sa marionnette. Des rubans sanguinolents vinrent danser dans l'air anxiogène.
« Où es-tu passé, Levi ?! »
En observant la cime des arbres, le singe aperçut la danse macabre de Thanatos. Il durcit sa nuque, transforma la tête du titan en projectiles plus petits, et ses yeux noirs dégagèrent les affres de sa haine.
« Ah, te voilà ! »
Il balança les bouts de l'ancien soldat vers sa cible, et commença à paniquer. Où étaient passés les autres titans ?
« Qu'as-tu fait de tes hommes ? Tu les as tués ?! Les pauvres ! »
Un bruit sur sa droite le poussa à balancer le reste de ses projectiles sur une branche qui tombait vers lui.
« Tu paniques, le barbu ? T'aurais mieux fait de rester à bouquiner tranquillement. T'étais bien naïf de croire que tu pouvais me filer entre les doigts. »
Le caporal coupait les branches à une vitesse ahurissante, si bien que le champ de vision de Sieg était trop obstrué pour voir son ennemi.
« T'as changé mes hommes en titans, et alors ? Tu pensais que j'aurais des états d'âme à les trucider ? C'est la preuve que t'as aucune idée des innombrables sacrifices qu'on a faits pour en arriver là ! »
Ackerman, au-dessus du titan, l'observait avec la détermination de la Faucheuse face à un condamné à mort. Celui-ci tapa du pied et tenta d'envoyer les derniers restes de sa malheureuse victime dans tous les sens, espérant toucher le danseur mortel. Esquivant avec aisance les morceaux de chair, Thanatos se dissimula derrière les branches qui chutaient. De sa main droite, il tira quatre lances foudroyantes en direction de la nuque de son ennemi, et celles-ci explosèrent sa cuirasse en un éclair.
La carcasse de Jäger sortit de la chair malmenée du macaque. Il n'y avait plus aucune peau qui recouvrait son corps : Levi pouvait détailler ses faisceaux musculaires. Le tirant par les cheveux, le brun commença à lui couper un bras.
« Viens par-là, gueule d'ange. »
Ses intestins tombèrent vers son cadavre titanesque. Le militaire fit une grimace dégoûtée.
« Pwah, tu schlingues, enfoiré... T'es vraiment répugnant ! »
Par les mèches de ses cheveux dorés, il le traîna en dehors de la forêt. Les buissons portaient les traces de son calvaire sanglant, tandis qu'un long chemin carmin semblait le mener à l'échafaud.
« Rassure-toi, je vais pas te buter. Pas tout de suite. »
Trois soldats attendaient le caporal dans une charrette, et lorsqu'ils aperçurent l'état du guerrier, ils ne purent retenir les relents de leur horreur.
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