29 - Verstecken

Après une bonne heure à hisser chariots et chevaux à la surface, et à trancher les quelques nuques des géants endormis, les soldats se dirigèrent à nouveau vers Shiganshina. Les équidés gambadaient joyeusement à l'idée d'enfin bouger. L'angoisse des titans qui déambulaient au-dessus de leurs têtes s'était transformée en une peur plus sourde et vicieuse : celle du champ de bataille. Ils allaient affronter l'ennemi qui avait combattu avec eux ; ceux dont ils connaissaient à la fois tout et rien. De parfaits inconnus qui avaient été leurs frères.

Armin soupira. Plus ils avançaient dans la pénombre effrayante, et plus la terreur secouait son cœur dans sa cage thoracique. Ils étaient en première ligne, étant ceux qui se sentaient en forme. Les autres se laissaient porter par les cheveux, bercés par le balancement de leur croupe.

Le blond se demanda s'il était le seul à imaginer pléthore de fins atroces. Le singe, Ymir, Reiner, Berthold, et Annie réunis... En plus de ce titan qui semblait plus utilitaire que combatif. Le stratège avait peur que leur force conjuguée ne soit invincible. Leur plan avait probablement des failles. Et si son incompétence provoquait leur perte ? Non, ils avaient le major Erwin. Le tacticien avait dû penser à tout cela, et avait élaboré une idée incroyable pour assurer la victoire de l'humanité. Il avait dû anticiper l'insuffisance théorique de leur tactique.

Cette pensée soulagea un peu le stress qui faisait des nœuds au sein de ses entrailles. Son regard azur s'attarda sur Eren, qui marchait à ses côtés. Il s'inquiétait de sa réaction. La dernière fois qu'ils étaient à Shiganshina... Le brun avait presque tout perdu. Arlert se souvenait du hurlement d'Eren sur le bateau : c'était comme s'il criait toujours, et qu'il n'avait cessé de crier depuis.

Mikasa, à sa droite, semblait totalement se fondre dans le décor des ombres. Cette facette était à la fois incroyablement intimidante et rassurante. Comment pouvait-il douter un seul instant de leur victoire, quand ses yeux sombres fixaient l'horizon avec une telle détermination ? Leur nouvel équipement provoquait des bruits sourds dans la forêt, et parfois, Armin avait peur que ce bruit ne résonne jusqu'aux oreilles de leurs adversaires.

Une main vint ébouriffer ses cheveux lisses, et un regard en arrière lui indiqua la présence de Jean. Celui-ci l'observait d'un air à la fois irrité et bienveillant- mélange qui, malgré le paradoxe, allait à merveille avec son visage fatigué.

« Arrête de te prendre la tête, Armin. Ton cerveau va disjoncter là, repose-le pour tout à l'heure. »

La considération de son camarade vint défaire les nœuds de son estomac avec une douceur angélique. Un sourire vint étirer les fossettes qui soulignaient ses joues.

« Merci, Jean. Je ne peux pas m'en empêcher.

- Bah tu vas essayer et réussir, comme d'habitude.

- Chuuuuut les gars, intervint la voix criarde de Connie devant eux, c'est sûr ils vous entendent à Shinganshina vu comment vous parlez fort !

- Commence par la fermer alors, le chauve !

- Tu veux vraiment parler de caractéristiques physiques, tête de cheval ?

- Taisez-vous, tous les deux. Vous faites trop de bruit. »

L'intervention froide d'Eren sembla choquer tous les soldats aux alentours. Sasha, qui était légèrement devant avec son ami aux yeux dorés, s'était attendue à ce qu'un haut gradé vienne les interrompre. La jeune femme croisa le regard émeraude de l'espoir de l'humanité, et elle fut saisie d'un sentiment étrange. Ce n'était pas de la peur, car celle-ci l'avait vécue plus d'une fois. Mais ce n'était pas quelque chose de positif. Jäger l'intimidait, et elle ignorait pourquoi. Pourtant, la mangeuse de patates avait toujours eu une bonne relation avec son ami. Ses prunelles céladon reflétaient la même lueur que celles des animaux, peu avant quelque chose de tragique. Leur mort, ou celle d'un autre membre du troupeau.

Ses iris angoissés se posèrent vers l'obscurité qui les absorbait, devant eux. Leur marche redevint aussi silencieuse qu'elle ne l'était au début. Leurs pas résonnaient dans la terre sèche. Les chevaux soufflaient parfois, plus pour communiquer entre eux que par véritable fatigue. La brise glacée hérissa les poils situés sur la nuque de Levi. L'ombre des arbres ressemblait bien trop à celles des titans, et son sang battait parfois furieusement dans ses veines, par adrénaline. Néanmoins, quand il voyait juste les feuillages danser avec le vent, ses muscles se décontractaient. Sa vigilance était parfois assez explosive.

Le regard de Mikasa s'attarda sur les énièmes branches, et la configuration sylvestre se superposa à ses souvenirs.

« Je... reconnais cet endroit. »

Ce n'étaient que des arbres. Elle en avait vu une myriade, depuis son départ. Mais elle aurait reconnu cet endroit entre mille. Le petit groupe se stoppa pour observer les environs.

« On allait cherchait du bois pour le feu, ici. »

Ses deux amis d'enfance détaillèrent les feuillages avec attention. Eren se tourna vers la jeune femme.

« C'est si proche...

- Je peux entendre la rivière.

- Finalement, nous sommes revenus... Murmura Armin. C'est la première fois qu'on revient... Depuis cette fois-là. »

Ils arrivèrent à l'entrée d'une clairière. Devant eux, le mur Maria se dessinait. Quelques lueurs le rendaient sombre et mystérieux, comme si l'édifice de pierres n'était qu'un vestige oublié de l'humanité. Comme s'il cachait davantage qu'un monde inconnu.

Tout semblait mort. Il n'y avait pas un animal, pas un être humain, ni une seule vie, qui semblaient interrompre la perpétuelle léthargie de la nature. La végétation avait envahi les habitations. Les toitures, parfois, étaient recouvertes d'herbe verdoyante. Malgré cette apparence paisible, l'ambiance que dégageaient les lieux était tout, sauf agréable. Une sorte de tension faisait courber l'air autour d'eux. Quelque chose de lourd appuyait sur les épaules du bataillon.

Shiganshina, le point de départ de tout. Le commencement des souffrances de toute l'humanité. Les foyers éventrés, les bouts de squelettes qui étaient éparpillés sur les pavés, les tristes relents des passages des titans. Tout inspirait la crainte.

Le Bataillon arriva aux abords de la ville au galop. Les capuches recouvraient les têtes de chaque soldat. Le mouvement de l'escadron fit trembler cette terre si paisible. La voix tonitruante du major Erwin parvint à chaque militaire qui chevauchaient les animaux essoufflés.

« Prenez garde aux titans cachés dans l'ombre ! Notre opération commence dès maintenant ! Soldats, passez en manœuvre tridimensionnelle ! »

Une myriade de capes vertes s'envolèrent au-dessus du mur. Erwin était confiant. Ils allaient jouer la rapidité, en ce début de bataille. Avant toute chose, ils devaient sceller les trous internes et externes du mur. Dès que cela serait fait, Shiganshina serait isolée ; et ils pourront alors exterminer les titans coincés à l'intérieur. Si jamais l'ennemi avait deviné leur plan, le 13e commandant du Bataillon d'Exploration avait anticipé le fait qu'ils chercheraient Eren : d'où le fait de dissimuler les visages et cheveux de tous les militaires. Ainsi, ils ne trouveront pas l'espoir de l'humanité avant que la porte externe ne soit comblée.

Jäger s'arrêta en haut du mur, et admira pendant quelques secondes les vestiges de son passé. Mikasa et Armin le rejoignirent dans sa contemplation, et bientôt, les fantômes d'un temps révolu dansèrent devant leurs yeux. Ce fut le caporal qui, dans sa course, interrompit les rêveries du trio.

« Ne vous arrêtez pas ! Foncez vers la porte extérieure !

- Reçu ! »

Alors que ses camarades s'élançaient sur le mur, un détail accapara l'attention du blond. Des cendres encore fumantes semblaient être éparpillées vers le vide. Le blond leva le bras vers le haut pour accaparer l'attention de son supérieur. Les restes de feu attestaient qu'ils étaient proches, bien plus proches qu'ils ne le pensaient.

Eren aperçut, dans le sillage de son envol, les débris de sa maison. Des images bienheureuses se superposèrent alors. Il songea à tout ce qu'ils avaient laissé derrière eux. Leur foyer, leurs parents. Leur enfance heureuse, balayée d'un coup de main par des gamins ignorants. Il jeta un œil en arrière et ancra ses pupilles dans celles de sa sœur, et il se sentit soudain déterminé à reprendre cette partie de leurs vies qui avait été arrachée. Le brun songea à ses camarades, et au fait qu'ils étaient tous nés pour une bonne raison. Ils étaient tous spéciaux. Ils allaient être tous libres.

Après avoir aperçu les fumigènes verts, le détenteur du titan assaillant s'envola dans le ciel. Un éclair effaça les doutes d'Hanji, sur le fait qu'il n'y ait aucun géant dans les environs. La déflagration balaya quelques brins d'herbe qui s'envolèrent jusqu'au l'orée de la forêt. Les feuillages virevoltants dansèrent devant les prunelles attentives de deux guerriers, qui attendaient patiemment le moment de sortir de leur cachette.

En quelques secondes, le titan d'Eren s'engouffra dans la brèche et devint aussi limpide que du cristal. À la dernière seconde, il s'extirpa des chairs solides, et Mikasa vint l'aider à s'arracher de cette prison translucide pour l'emmener avec elle en haut du mur.

« Le trou ? Hurla Levi depuis le haut du mur.

- Bouché, caporal ! »

Une fumée verte s'échappa alors, annonçant la réussite de la première étape. Eren n'était pas étonné d'avoir réussi si facilement. Après tout, il savait... Néanmoins, comme s'il avait entendu ses pensées, le haut gradé Ackerman se tourna vers les deux soldats qui couraient à ses côtés, sur l'arête du mur.

« Tant que nous n'avons tué ni Berthold, ni Reiner, ni Annie ou autres, l'opération de reconquête ne sera pas terminée. »

Il se permit, durant un instant, de croiser les sibyllines prunelles de Mikasa, et se concentra sur ses foulées. Après tout, il ne pouvait pas se risquer à tomber à cause de ses beaux yeux- même si cela semblait tentant.

Pendant ce temps, de l'autre côté de la cité, Armin expliquait ses peurs au commandant Smith.

« Je suis certain qu'il y a eu un campement, juste ici.

- S'ils avaient été là, ils auraient eu deux minutes pour réagir, qu'ils nous aient repéré par la vue ou le son. Cela m'étonnerait qu'ils aient tout mis en place en deux minutes. Ils ont dû avoir cinq minutes, peut-être plus.

- Peut-être qu'ils avaient un éclaireur. Ymir, ou le titan avec la cage sur le dos. Ils m'ont l'air rapides.

- Tu penses qu'ils auraient pu se dissimuler où ?

- Je l'ignore... Peut-être les bâtiments aux alentours, cela me semble le plus logique.

- Je te laisse gérer les recherches, alors. Je sais que tu en es capable. »

Le sourire confiant que lui jeta son mentor fit paniquer Armin. Le poids de la responsabilité appuya de manière douloureuse sur son échine- celle de faire réussir ou échouer la reconquête. Il déglutit, et fixa d'un air effrayé chaque soldat qui attendait ses ordres.

« Je... Fouillez tous les bâtiments aux alentours de la porte intérieure ! Envoyez un groupe de chaque côté du mur ! S'il-vous-plaît ? »

Un silence parcourra le groupe militaire, avant qu'ils ne s'exclament « reçu ! » d'une seule voix. Les soldats s'engouffrèrent dans les habitations, retournèrent les meubles fragiles, fouillèrent chaque recoin. Bercé dans le vide, le jeune stratège regardait leurs recherches d'un air angoissé. Plus le temps passait, plus la peur d'échouer montait dans sa gorge. Peut-être perdaient-ils un temps précieux ? Ces cendres fraîches étaient peut-être déjà là, lorsqu'ils étaient gamins ? Impossible, elles étaient encore chaudes. Que faisait-il, au juste ? Eren allait arriver pour sceller la porte intérieure, et ils n'avaient aucune idée d'où était l'ennemi. Pourquoi ne les trouvaient-ils pas, peu importe où ils cherchaient ?

Ses pensées continuèrent de divaguer vers l'océan de ses interrogations. Ils avaient toujours eu le désavantage d'être ignorants. Ils ne savaient rien des titans, ni de ces ennemis qui furent leurs proches. Il redressa la tête, et un souvenir incroyablement terrifiant s'imposa devant ses prunelles. Il se souvint de la capture d'Annie. Il se souvint de la brèche qu'avait causé son escalade saccadée. Le titan immense qui se cachait alors derrière le mur Sina était devenu une perpétuelle source d'angoisse. Il n'était probablement pas le seul. C'était effroyable, que d'imaginer cela : pendant tout ce temps, ils avaient été là. Les murs qui les protégeaient, et les enfermaient, n'étaient en réalité qu'une immense armée qui attendait son heure pour anéantir l'humanité. Mais qu'attendaient-ils ?

Armin sortit de sa léthargie et envoya un signal noir dans le ciel. Les soldats en charge des recherches se rassemblèrent rapidement autour de lui, lorsqu'il fut remonté en haut du mur.

« Vous avez trouvé quelque chose ?

- Non ! Il faut fouiller les murs !

-Mais nous l'avons déjà fait ! S'écria une jeune femme avec des taches de rousseur sur le visage.

- À l'intérieur des murs ! »

Sa déclaration interloqua tout le monde, même le major qui écoutait en retrait. Les yeux bleus d'Armin brillaient à la fois de peur, d'angoisse, et d'une impulsion protectrice. Un soldat le prit par les épaules, excédé par son discours burlesque.

« Tu nous fais perdre notre temps !

- L'ennemi utilise toujours le pouvoir des titans d'une manière inattendue ! Si on suit la logique ou notre raison, on a déjà perdu ! »

Le conflit fut interrompu par un fumigène rouge. Derrière eux, l'unique bras du major pointait un pistolet vers le ciel dégagé.

« Il y a un temps pour être strict, et un temps pour être flexible, débuta le leader charismatique. Obéissez à la chaîne de commandement. Nous sommes ici pour être victorieux ! »

Galvanisé par l'autorisation tacite du major à continuer les recherches, Armin s'agita. Il aperçut ses amis, essoufflés, qui avaient couru jusqu'ici depuis l'autre côté de la ville. Leur présence le conforta dans son momentané courage.

« Refaites deux groupes et cherchez à la surface des murs ! Particulièrement autour de la porte !

- Reçu ! »

Il fut soulagé de voir ses camarades lui faire à nouveau confiance. Son regard accrocha celui du major Erwin, et il crut lire, dans son regard, un profond respect. Le blond se mit également à frapper les murs avec ses lames, convaincu d'être sur la bonne piste. Si l'ennemi ignorait qu'ils connaissaient l'existence des titans dans les murs, et qu'ils pensaient qu'ils ne les verraient pas venir... Alors il avait confiance. Arlert fut gonflé d'une confiance presque aveugle envers leur plan. Ils allaient tous réussir.

« Hey ! Il y a une cavité ici, ça sonne creux ! »

Le chef des recherches tourna la tête vers le militaire qui avait crié cette information, et pendant que son doigt appuyait sur la queue de détente pour libérer le signal de fumée, le pan de mur bougea. Des iris d'or croisèrent les prunelles effrayée du soldat qui avait fait cette découverte, et une lame acérée se planta dans sa poitrine. C'était la première fois qu'Armin était confronté à Reiner, depuis son altercation avec Mikasa. Voir son ancien camarade transpercer l'un des leurs comprima son cœur en une inique trahison.

« Reiner ! »

Son cri alerta les soldats postés sur le mur. En un éclair, le caporal Levi se retrouva au-dessus du traître, qui n'eut presque pas le temps de se tourner vers son visage furieux. Une lame s'enfonça dans la gorge de l'ancien soldat, et pendant qu'il profitait de la gravité pour courir sur l'édifice de pierres. La puissance de son attaque fit lâcher la lame de Braun, qui vola pendant quelques secondes entre leurs deux corps. Ackerman détacha sa poignée de la lame qui lacérait la peau de sa nuque, et enfonça sa seconde lame dans la poitrine du cuirassé. Sa rage était inextinguible. Il voulait lui faire autant de mal qu'il l'avait fait à Mikasa. Son visage comateux revint dans sa tête, et le soldat ressentit une satisfaction incroyable à voir les yeux de Reiner virer au blanc.

Cependant, quelques mètres avant leur chute, les deux prunelles dorées du jeune homme se posèrent sur lui. Levi eut le réflexe de s'appuyer sur son ventre pour retirer sa lame, et planter ses grappins en hauteur pour le laisser tomber au sol, seul.

« Merde !

- Caporal ? L'interpella Armin.

- C'est encore une de leurs capacités ?! J'y étais presque, mais je ne l'ai pas tué ! »

Au sol, le corps du guerrier fut secoué par saccades. Du sang ruisselait depuis son menton et son torse exposé. Soudain, une lumière surgit depuis ses yeux et sa bouche. L'explosion, au sol, recouvrit Shiganshina d'éclairs vifs, et l'onde de choc fit virevolter les soldats encore attachés au mur. Lorsque la foudre disparut, le corps allongé du titan cuirassé fixait les soldats d'un air carnassier.

« Restez sur vos postes d'observation ! Localisez les ennemis ! Hurla le major Smith. »

Le haut-gradé fut interrompu par une seconde salve d'éclairs. Derrière eux, en amont de la clairière depuis laquelle ils avaient envahi la cité, l'horizon se teinta d'éclats aveuglants. Mikasa se retourna, détournant ainsi son attention du caporal qui pendait encore dans le vide à côté de son ami d'enfance. Elle vit avec horreur une myriade de titans qui semblaient les encercler. Ils étaient tous apparus d'un coup ? Au milieu, le titan-singe de la dernière fois observait le bataillon. Elle ressentit, au plus profond d'elle-même, une sensation à la fois étrange et maladroite. Celle de n'être qu'un oiseau en cage.

Tous les soldats tressaillirent lorsqu'ils suivirent du regard les gestes précis du géant. Celui-ci se saisit d'une immense pierre, et comme il l'eut fait quelques semaines auparavant, il la colla contre sa nuque. Allait-il faire un trou dans le mur ? Rapidement, il leva la jambe et lança la roche- qui ressemblait de loin à une immense montagne.

« Projectile ! Tous à terre ! »

Tous les militaires exécutèrent l'ordre d'Erwin, mais la pierre qui s'écrasa dans la seule cavité du mur les firent tout de même trembler. Les soldats qui gardaient les chevaux, au pied de l'édifice, retinrent ceux-ci de partir au galop sous l'effet de la peur. Certains observaient, sur le mur, les miettes de rocher qui s'effritaient sur le sol.

« Il a raté ?

- Non, répondit le commandant du bataillon. C'était un bon tir. Il a bloqué l'entrée de Shiganshina. Les chevaux ne peuvent plus passer. Ils vont viser les chevaux et nos chariots pour bloquer notre échappatoire et nous annihiler ici, dans la ville. Nous espérons la même chose, tous les deux... En finir une bonne fois pour toutes, juste ici ! »

Le leader sortit une de ses lames. Malgré le vent qui masquait quelques mots, presque tous les soldats pouvaient entendre sa voix bourrue.

« L'humanité, ou les titans ? Qui vivra ? Qui périra ? »

Un long silence s'installa entre les deux camps. Tous les soldats encore accrochés au mur rejoignirent les autres pour observer l'ennemi. De son côté, le cuirassé changea ses doigts et ses orteils en entités cristallines, et fit trembler le mur lorsqu'il commença son escalade. Levi posa sa main sur l'épaule de son supérieur.

« Erwin, il va monter jusqu'à nous.

- Ne vous approchez pas, restez loin du cuirassé ! »

Les yeux de rapace du commandant s'attardèrent sur le titan près du sol, qui transportait des caisses. Ce devait être celui qui avait transporté Annie... Cette pensée lui fit apparaître le manque d'informations dont ils disposaient.

« Prenez garde, nous ne savons toujours pas où sont le colossal, Ymir et le féminin ! »

Soudain, le macaque frappa le sol en hurlant. Les petits titans s'agitèrent en quelques spasmes écœurants, et commencèrent à courir en direction de leur camp. Ils allaient donc s'en prendre aux chevaux d'abord, pour leur couper toute possibilité de fuite... L'immense édifice sur lequel ils se tenaient tremblait de plus en plus.

« Commandant ! Le cuirassé se rapproche !

- Pourquoi il ne dit rien ? S'inquiéta Connie.

- Il observe la stratégie ennemie, lui répondit Hanji. »

Erwin était davantage effrayé par le massacre de leurs chevaux. En effet, c'était la seule variable permanente qui leur assurait une certaine mobilité... Les réserves de gaz s'épuisaient rapidement.

« Tu vas finir par dire un truc ? Demanda Levi. J'aurais pu prendre le petit-déjeuner en attendant.

- Les escouades de Dirk et Marlene, protégez les chevaux en bas du mur avec l'aide de l'escouade de Klaus ! Les escouades de Levi et Hanji, occupez-vous du titan cuirassé ! »

Alors que tous les soldats volèrent en direction de leurs objectifs, le commandant retint Levi et son escouade.

« J'ai besoin de toi avec moi, Levi. J'ai confiance en ton escouade pour se débrouiller sans toi. Tu es le seul capable de faire tomber le titan bestial.

- Reçu. »

Une dernière fois, Levi se tourna vers sa cadette qui l'observait en silence. Il voulut la prendre contre lui, lui faire promettre de ne pas se précipiter ou la rassurer quant à sa réussite. Elle souhaita sentir encore une fois son odeur, ou ses lèvres contre les siennes. Néanmoins, les deux Ackerman s'observèrent une dernière fois en silence. Ils n'avaient pas besoin de mots. Un regard avait suffit à ce qu'ils comprennent.

Tous les soldats étaient en place quand Reiner arriva en haut du mur. Ses yeux croisèrent les prunelles azur du major, mais il se fustigea. Son objectif était d'aller tuer les chevaux, et on ne devait pas le détourner de cette tâche importante. Néanmoins, un éclair projeta son ombre gigantesque sur la plaine en contre-bas, et le titan d'Eren l'observa en silence avant de commencer à courir. Le guerrier devint confus. Il pouvait contourner aisément la cage qu'ils avaient construite et s'enfuir en direction du mur Maria... Si le brun fuyait, ils n'avaient plus aucune raison de se battre. Mais les chevaux... Il regarda encore le major qui continuait de le fixer, et ricana. Tant pis pour les chevaux : avec les titans et les lancers de Sieg, il était possible de les priver de cela quand même.

Ainsi, le guerrier doré glissa le long du mur, retenant sa chute par son coude planté dans la pierre. Eren savait qu'il allait mordre à l'hameçon. Il continua à courir, Reiner à ses trousses, jusqu'à ce qu'il n'arrive au centre de la ville.

Les deux géants se tournèrent autour pendant quelques secondes. L'ancien soldat ne voyait pas ses camarades aux capes vertes. Où étaient-ils passés ? Il s'inquiétait pour Galliard. Les deux combattants durcirent leurs phalanges, et une valse violente fit voler quelques vautours, au-dessus d'eux. Eren esquivait, anticipait ses mouvements. De ses poings, il fit craquer la maxillaire du cuirassé, le fit tomber au sol. Le combat des Titans faisait trembler la terre sous leurs pieds.

De l'autre côté du mur, Levi tranchait la chair ennemie en une facilité déconcertante.

« Tuez les plus petits, et ne crevez pas ! »

Tout comme le faisait son opposant aux poils bruns, Erwin observait. Certains avaient du mal contre des titans de 3 ou 4 mètres... Le Bataillon n'était plus aussi fort qu'auparavant, c'était certain. Même si son plan échouait, il pourrait peut-être atteindre la cave d'Eren avant de mourir... Il pourrait découvrir la vérité sur ce monde. Son regard céruléen s'attarda sur Jäger. Braun encaissait ses coups comme le ferait un boxeur, attendant une ouverture pour le mettre au tapis. La moitié de l'armure du cuirassé, sur son visage, était effritée. Les muscles chauds étaient à l'air libre. Trop confiant, l'idiot suicidaire fut pris par la cheville, et fut lancé sur une poignée de maisons par son opposant. Puis, les coups du guerrier créèrent une fissure dans le sol, tant ceux-ci étaient puissants. La tête d'Eren se tordit dans un angle peu naturel.

Derrière un bâtiment, les deux escouades attendaient. Certains étaient équipés de lances foudroyantes, d'autres ne constituaient que des supports, comme Armin. Mikasa eut envie d'aller aider son frère, mue par cet éternel devoir, mais Hanji la retint.

« Attends. Eren nous offrira l'ouverture dont on a besoin. Sois patiente. »

Les deux titans finirent au sol, l'un sur l'autre. Les membres s'enlaçaient comme des serpents les uns autour des autres. Les articulations étaient comprimées, les mouvements étaient bloquées. Chacun tentait de briser l'autre, par tous les moyens physiquement possibles. Jean tourna les yeux vers un soldat, dont la capuche recouvrait les cheveux. Il ne le connaissait pas. C'était probablement, comme Marlowe, un type venu des brigades et qui avait intégré l'escouade d'Hanji...

Finalement, Eren réussit à envoyer Reiner au loin. Sur les genoux, le cuirassé fut surpris de voir les soldats bouger enfin. Il aperçut ses anciens amis virevolter dans l'air, mais quelle importance ? Ils ne pouvaient pas percer ses défenses. Mikasa et Hanji avancèrent vers lui, mais il remarqua les sortes de lances trop tard. Celles-ci se plantèrent dans ses yeux. Braun fit un mouvement pour les retirer, mais les deux femmes tirèrent sur un fil qui les liait encore à leurs armes.

Reiner ne vit plus que du rouge, puis du noir. Il hurla, tant la douleur était atroce. Aveuglé, il ne pouvait pas se battre de manière efficace. Le guerrier avait besoin d'aide. Il sentit une pléthore de piques s'enfoncer dans sa chair, et sa nuque fut secouée d'explosions. Dans son dos, le trio comique hésitait. Sasha et Connie s'extasièrent sur le fait que les armes améliorées d'Hanji fonctionnaient. Néanmoins, ils ressassèrent tous les bons moments qu'ils avaient passé avec leur ennemi, et les deux amis n'eurent pas envie de continuer.

« Hey, interpella Jean. Je croyais que vous vous sentiez prêts à l'affronter ! C'est pas le moment de flancher ! »

D'un cri commun, les cinq soldats plantèrent leurs secondes lances dans la nuque à découvert du cuirassé. Celui-ci, à l'intérieur de ses chairs protectrices, écarquilla les yeux. Il n'eut le temps que de dire « Attendez ! », mais personne ne l'entendit. Lorsque les déflagrations retentirent une nouvelle fois, les soldats du bataillon observèrent le corps du blond choir vers l'arrière. Il n'y avait plus que le bas de sa mâchoire qui restait de son visage. L'escouade d'Hanji cria face à cette victoire. Les traits de Jean se crispèrent, tant de joie que de désespoir.

« Ahah, ça a marché ! T'étais vraiment un sale con, hein ? »

Quelques sanglots retentirent à ses côtés, et il ne put s'empêcher de prendre ses deux amis par le col.

« Arrêtez de chialer et relevez-vous, c'est pas fini ! Pourquoi vous pleurez ? C'est nous qui l'avons tué ! »

Ils furent rejoints par les autres membres de l'escouade de Levi, qui étaient à l'écart. Armin observa avec tristesse les restes fumants de Reiner.

« Il n'y avait pas d'autre alternative... »

Derrière lui, un homme avec une capuche avait du mal à utiliser son équipement tridimensionnel. Il atterrit difficilement à ses côtés, pestant contre cet appareil démoniaque. Le blond fut interloqué. Les types des brigades avaient pourtant eu la même formation tridimensionnelle. De plus, ils étaient sensés être les meilleurs de leur promotion...

« Tu veux de l'aide avec ton équipement tridimensionnel ? On dirait que c'est la première fois que tu l'utilises. »

L'inconnu tourna le visage vers lui, et son expression faciale glaça le sang du stratège. Ses prunelles claires semblaient lui lancer des éclairs, tant la haine débordait de celles-ci. Quelques mèches rousses tombèrent devant son front, et son visage furieux fut déformé par un sourire- qui ressemblait davantage à une grimace animale.

« Oh, merci pour ta proposition, démon. J'apprécie. »

Il n'eut pas le temps de réagir. L'inconnu sauta vers lui, et sortit dans son élan un couteau de sa poche. Dans sa précipitation, sa capuche vola vers l'arrière, dévoilant une chevelure de flammes.

La douleur fit crier Armin. La lame se logea dans le creux de son épaule, à proximité de son cœur qui battait furieusement- probablement mu par une terreur sourde. Dans son sursaut, il avait réussi à éviter que l'arme ne se plante dans son organe vital. Mikasa, à quelques mètres de là, vit la scène au ralenti. Son corps s'élança tout seul en direction de cet homme. Elle ne le connaissait pas, mais la brune imaginait déjà quelle expression aurait son visage, si celui-ci était mort. En un éclair, elle repoussa l'assaillant, coupant un de ses bras dans son sillage. Le roux se laissa tomber sur les tuiles rouges, roulant vers le vide. Son hurlement, à la fois furieux et implacable, annonça une prophétie funeste. Un éclair secoua son corps, et les soldats virent avec horreur un titan, semblable à celui d'Ymir, bondir entre les bâtiments, en direction d'Eren. 

Le corps d'Armin Arlert tomba vers l'arrière, et Jean hurla de fureur. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top