25 - Jemand

Notes de l'autrice : Bonjour ! Je tenais d'abord à vous souhaiter bon courage en cette période compliquée de confinement, j'espère que vous, et vos proches, vous portez bien. Je vous propose, au lieu d'un chapitre toutes les deux semaines ; d'un chapitre par semaine. En effet, j'ai fini la rédaction du chapitre 31 hier, et je pense être suffisamment avancée pour pouvoir faire cela ! Dites-moi ce que vous en pensez !

"À mon signal, déchaîne les enfers" a bientôt un an, et je vous remercie encore pour toutes vos lectures, votes, commentaires. Merci aux lecteurs qui commentent et votent, merci aux lecteurs fantômes, j'espère vraiment que vous passez un bon moment en lisant mes lignes ! Sur ce, bonne lecture !

***

La sueur coulait le long de son front. Essoufflée, la combattante essuya le liquide salé qui perlait sur son menton. De sa main droite, elle immobilisa le sac de frappe qui oscillait toujours de gauche à droite. Les deux Ackerman étaient seuls, dans la pièce. Le caporal se racla la gorge, ce qui interrompit leur longue contemplation.

« J'ai à te parler.

- Est-ce que ça peut attendre que je prenne une douche ?

- Tu pues la transpiration, mais je crois que je m'en fous. Viens. »

Tout en tournant le dos à Mikasa, l'homme tarda à décrocher son regard de son visage rougi par l'effort. Ces prunelles grises qui la détaillaient, priant pour qu'elle marche à ses côtés, n'arrangeaient en rien sa fréquence cardiaque précipitée. Durant quelques minutes, ils marchèrent l'un derrière l'autre. La soldate se demandait où il se rendait, car son itinéraire semblait s'être basé sur le hasard plutôt que sur son éternel pragmatisme. Enfin, Levi fit face à un arbre fruitier à l'orée de la forêt. Il posa son pied sur le tronc imposant, et débuta son ascension vers une branche épaisse.

« Bah alors ? Viens poser ton cul là.

- C'est si gentiment demandé. »

À son tour, la jeune femme posa son pied sur l'écorce brune et se hissa vers le siège naturel. Depuis la branche, ils pouvaient voir la forêt s'étirer jusqu'au ciel bleu. Les nuages, parfois, entamaient une course avec le soleil qui se cachait derrière les ramures de certains pins. L'asiatique pouvait entendre le chant guilleret de quelques oiseaux. Elle avait l'impression d'être seule au monde, avec lui à ses côtés. Malgré ce sentiment, Mikasa se sentait terriblement nerveuse.

« De quoi tu veux parler ?

- N'est-ce pas évident ?

- Je ne sais pas quoi dire.

- Tirons ça au clair avant d'aller voir Erwin. »

Il s'en voulait de remettre sur le tapis cette affaire muette, couverte du voile amer d'une trahison dévouée. Quelques années auparavant, pour Farlan et Isabel, il aurait fait la même chose. Il comprenait parfaitement Ackerman, comme si le reflet de ses yeux sombres n'était qu'un écho de lui-même. Si ces deux êtres miroitaient du même éclat, ne devaient-ils pas ressentir la même chose ? Cette lueur vulnérable dans ses prunelles, la partageait-il ?

« Je ne te considère pas comme une simple soldate.

- Je ne suis pas une simple soldate après tout.

- Roh mais laisse-moi essayer... De te dire ça. »

Il prit son temps pour souffler, comme si expirer allait faire s'envoler les affres qui le rendaient muet. Et s'il s'était trompé ? Ces baisers qu'ils avaient partagé, étaient-ils révélateurs de ces émotions altières qui le gardaient éveillé jours et nuits ?

« Quand je suis avec toi, tu m'agaces d'une manière assez agréable.

- Tu es vraiment nul à ça, hein ?

- La ferme ! Tu n'as qu'à faire mieux, gamine. »

Ce fut à son tour de soupirer pour laisser s'échapper ce qui tordait ses organes. Mais peu importe ses expirations ; ces mains assassines s'amusaient à tirer son cœur, à désagréger son foie, à effiler ses tissus jusqu'à ce qu'il n'en reste rien.

« Je suppose que, tant que je peux combattre à tes côtés, j'aurais eu une belle vie.

- Bordel, tu es aussi nulle que moi. »

L'aube d'un sourire se dessina sur leurs visages, et de manière spontanée, les doigts de Levi s'accrochèrent à ceux de sa cadette. Sa main était chaude, si chaude qu'elle pouvait réchauffer toutes ces nuits glaciales dans lesquelles se glissaient les démons d'autrefois. Leurs deux cœurs battaient d'une manière à sourdre leurs cages thoraciques. Le vent dans les feuillages se joignaient aux percussions cardiaques, créant la mélodie d'une promesse amoureuse.

« Je suppose qu'entre nuls, on se correspond bien. »

Il souffla d'amusement, et vint embrasser sa tempe en la décoiffant. Une odeur de citron et de thym vint caresser ses narines, et Levi se sentit si léger qu'il crut qu'il pouvait s'envoler. Puis, Mikasa passa le bras autour de sa taille, rapprochant leurs côtes dont la chaleur rassurait et pansait les plaies des batailles d'autrefois.

« Soyons nuls ensemble, alors.

- Tu deviens niais.

- C'est toi la niaise. »

Leurs regards s'accrochèrent et ne purent se défaire l'un de l'autre, comme lorsqu'on fixe notre reflet dans le miroir : plongez votre regard dans le miroitement d'une flaque d'eau, et la surface scintillante plongera en vous. Le temps n'effectuait plus sa folle course. Le soleil s'immobilisa dans son éternelle chute. Les oiseaux ne chantaient plus. Mikasa sentait son cœur s'affoler, au fur et à mesure que sa main s'approchait de ce visage diaphane.

Sa joue froide était étonnement douce. De la part du soldat le plus fort de l'humanité, elle s'était attendue aux rugosités des cicatrices, ou à la rudesse des marques de la vie. Comment aurait-elle pu savoir, la première fois que son prénom était parvenu à ses oreilles, que cet homme prendrait une telle place dans sa vie ? Comment aurait-elle pu savoir, lorsque leurs regards haineux s'accrochèrent pour la première fois, qu'il compterait autant pour elle ?

Un instinct poussa ses lèvres contre les siennes. Quelque chose d'animal, de précipité, qui hurlait des choses innommables, des choses incompréhensibles. Ces cris ne contenaient aucune langue qu'elle parlait, et pourtant, Mikasa comprenait cette clameur de manière limpide. Elle voulait davantage, toujours plus. Elle voulait tout.

Leurs lèvres se mouvaient et s'écartaient, reprenant un assaut abandonné en cours de route. Comme une vague de soldats s'écrasant sur un mur de boucliers, elle revenait toujours à la charge, cherchant à faire basculer l'autre. Mais où ? Où devait-il basculer, sur cette branche instable d'un petit arbre ? Où devaient-ils s'échouer pour continuer cette guerre ? Les mains se cramponnaient aux membres qu'ils trouvaient : des épaules, des hanches, des bras, des jambes. La bataille devint un naufrage, et pendant que leur raison coulait dans l'océan de leur hâte, les rescapés s'accrochaient à la seule bouée qui pouvait les sauver.

Ces gestes voulaient dire bien plus de choses que quelques mots timides. Cette langue chaude qui s'enroulait autour de la sienne, il aurait voulu la faire danser éternellement. Il ne pouvait plus penser à leur devoir, à leur situation ou à l'endroit dans lequel ils se trouvaient. Levi ne pensait qu'à ce corps chaud qui s'écrasait contre le sien, qu'aux bouffées de chaleur qui s'agitaient dans son ventre. Comment avait-il pu survivre sans ses lèvres contre les siennes ? Comment avait-il pu être, sans elle ?

Un tremblement les interrompit dans leur valse erratique. Levi entendit un craquement du bois, et avant qu'il ne lui dise qu'ils feraient mieux de partir, la branche craqua. Les deux amants, dans l'air, s'accrochèrent à l'autre avant de tomber au sol. Le caporal écrasa la jambe de Mikasa, qui grogna de douleur.

« Pour un petit homme, tu es bien lourd. »

Puis, sous son regard agacé, la jeune femme ricana d'amusement. Ce n'était pas un éclat de rire comme Levi pouvait en voir au réfectoire. Ce n'était pas un fou rire comme Mikasa pouvait en observer dans son groupe d'amis. Et les deux riaient de manière si imparfaite, si grotesque, que ce moment paraissait absolument parfait à leurs yeux. La nuit recouvrit de son manteau sombre les éclats d'allégresse des deux Ackermans, rendant leurs soupirs invisibles aux yeux des autres soldats.

Mais quelqu'un ne pouvait pas être aveugle. Dans ce monde fait de tornades d'étoiles qui dansaient dans un cycle éternel, quelqu'un observait. Elle avait été réveillée trop tôt. Beaucoup trop tôt. Qu'est-ce qui avait bouleversé l'univers ?

La petite fille ne pouvait pas poser de telles questions. À celle que l'on n'avait jamais écoutée, on l'avait privée de parole. À celle qui avait aimé fouler la terre aride, on lui avait coupé les pieds. À celle qui avait prié la fin d'un calvaire indéfectible, on l'avait condamnée à veiller sur son peuple. Quelqu'un voyait les affres d'un jeune homme, les amours de deux soldats, les peines d'un stratège. Quelqu'un observait les tiraillements d'un guerrier, les hésitations d'un guerrier, le réveil d'une guerrière. Quelqu'un constatait que le monde n'était pas ce qu'il aurait dû être, et dessina quelques formes dans le sable froid.

Cela faisait bien longtemps qu'elle était spectatrice du monde. Assez longtemps pour arrêter de compter les décennies. Elle avait vu guerres et amours, soupirs et hurlements. Elle avait écouté chaque prière, mais privée de voix, n'avait jamais pu y répondre. Que pouvait-elle répondre, de toute manière ? Elle n'était que le témoin impuissant d'un monde qui hurle et qui pleure.

Quelqu'un savait que tout allait basculer. Que la lumière deviendrait ténèbres, que la nuit engloutirait le jour, que la lune avalerait le soleil. Quelqu'un savait que ce moment arrivait, bien plus vite que prévu. Elle s'impatientait. Quels étaient les éléments qui avaient précipité l'ordre ? La jalousie ? L'amour ? Les regrets ? Quelqu'un n'avait pas la réponse.

Devait-elle agir ? Ses dessins sur le sable se précisaient. Peut-être, oui. Envoyer un signe. Précipiter un événement. Lequel ? La mort d'un ami ? Un amour interdit ? La haine d'un frère ? La rencontre de deux ennemis ? Que choisirait-elle ? Quelqu'un ne savait pas encore. Le combat de deux rivaux ? Le dernier soupir d'une soldate ? L'arrivée d'un autre Mal ?

Une forme de marteau se distinguait parmi toutes les esquisses sableuses. Elle l'avait délaissée. Cela pourrait être intéressant. Quelqu'un voulait que le marteau du jugement dernier s'abatte sur le monde. Ce monde qui l'avait privée de tant de choses. Sa colère n'avait fait que grandir, d'année en année, pour devenir aussi tumultueuse que l'ouragan d'astres qui tourbillonnait derrière elle.

Quelqu'un n'avait jamais voulu être le témoin d'un monde en sang.

Quelqu'un voulait juste être libre.

***

« Ton état s'améliore. Les tissus auraient pu s'infecter. L'inflammation s'est stoppée avec mes soins, et par chance, il n'y a eu aucun abcès localisé, ni de nécrose...

- J'avais pleinement confiance en tes capacités, Hanji.

- Tu n'avais pas trop le choix non plus ! »

La doctoresse rangeait les bandages stériles dans une boîte, qu'elle utilisait bien trop souvent à son goût. Dans cette petite chambre donnant sur le camp militaire, Erwin pouvait observer le ciel s'obscurcir depuis son lit de convalescence. Autour de son épaule, les bandes molles enserraient sa blessure afin qu'elle se renferme. Il faisait tout son possible pour guérir rapidement. Le major sentait que l'opération de reconquête de Shiganshina devait être menée rapidement. Plus ils attendaient, plus ils risquaient de voir cette mission refusée par le gouvernement.

« Tu m'as l'air beaucoup plus préoccupé que d'habitude. Ce n'est pas la perte de ton bras qui te rend si pensif, je me trompe ?

- Toujours aussi perspicace. Quelque chose n'allait pas, pendant la bataille. Mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur la cause de notre défaite.

- Il faut dire qu'ils étaient sacrément organisés... Nous ne savions pas qu'ils avaient Ymir avec eux. Et ces deux autres titans, celui près du sol et le singe... Déjà trois inconnues qui expliquent cela.

- Non. Il y a autre chose. Je ne sais pas si c'est l'ennemi qui a réussi à me manipuler via Ackerman, ou si c'est Ackerman qui m'a manipulé. »

La soldate interrompit son rangement, pour poser son regard ambré sur le visage austère du haut gradé. Elle savait que Mikasa était à l'origine de l'information qui les avait guidés en dehors de Stohess... Mais jamais elle n'avait douté de sa bonne foi. Après réflexion, la jeune femme aurait-elle vraiment pu être à côté de Reiner Braun sans le lacérer ? Auraient-ils vraiment pu parler ?

« Mikasa n'aurait pas d'intérêt à nous trahir, n'est-ce-pas ? Eren est avec nous... Et elle ne voit que lui, hein ?

- Je ne sais pas. Depuis la dernière bataille, elle ne porte plus son écharpe.

- Tu penses qu'ils sont en froid ? Mais même si c'était le cas... Elle ne peut pas être alliée aux autres.

- Je ne sais pas, Hanji. »

Deux coups contre la porte retentirent. Sans attendre l'autorisation du major, Levi entra en inspectant les environs. Il prit une chaise en silence, la retourna et s'assit en laissant tomber ses bras contre le dossier. Derrière lui, Mikasa Ackerman s'adossa à la porte de l'infirmerie de fortune, fixant d'un œil désintéressé la blessure de son supérieur.

« Tu as l'air en forme, constata Levi.

- Je guéris vite. Tu voulais me parler ?

- Elle voulait vous parler. »

La concernée tressaillit de manière imperceptible en entendant le ton froid, et pourtant plein de chaleur, de son partenaire. En voyant le membre absent du major, la culpabilité était revenue l'étreindre de ses bras mortels. Toute sa vie, elle se demanderait si elle avait fait le bon choix. Mais pour le moment, il s'agissait de convaincre ses supérieurs que c'était bel et bien le cas.

« Lors de l'attaque de Reiss, j'ai été menacée par Reiner Braun. »

Sa phrase eut pour effet de couper la respiration des deux hauts gradés. Toute l'attention était portée sur son visage fermé, derrière lequel Levi pouvait voir les affres de ses doutes.

« Il voulait faire un marché avec moi. Il voulait que je lui donne la localisation d'Annie, en échange de quoi j'aurais une heure pour éloigner ceux à qui je tiens. Aucun bain de sang, aucune perte civile, rien. J'ignore si la meilleure chose à faire était de l'ignorer ou accepter. J'ignore si j'ai fait le bon choix. Mais lorsque j'ai imaginé toutes ces personnes qui se seraient précipitées pour leur donner la mort... Lorsque j'ai imaginé toutes les horreurs qui auraient pu en découler... J'ai préféré repousser la confrontation. »

La jeune femme reprit son souffle. Dans les yeux ambrés de Hanji, elle pouvait voir un mélange de pitié et de compassion danser. Mais dans les prunelles mystérieuses d'Erwin Smith, Mikasa ne pouvait lire qu'un profond intérêt. Comme si elle racontait une histoire dont il voulait absolument savoir la suite.

« Le jour J, c'est un enfant qui est venu me dire qu'ils arrivaient. Dites-moi, qu'auriez-vous fait à ma place ? Si vous aviez moins d'une heure pour éviter un massacre, ou faire une embuscade ? »

Le regard orageux de la combattante plongea dans deux iris gris, et ce contact visuel relâcha l'étau d'angoisse dans lequel elle s'étouffait. Néanmoins, le caporal prit la parole, et tourna les yeux vers les prunelles amusées de son ami.

« On ne saura jamais quel choix aura fait le moins de victimes. Entre une confrontation avec Ymir, le macaque, les titans cuirassés et colossaux, dans une ville qui a déjà souffert avec les titans ; et une bataille extra-muros sanglante qui nous a offerte de précieuses informations, malgré nos pertes ? Mikasa a fait le choix de ne pas se battre, ce qui est une décision courageuse.

- Je suis d'accord avec Levi. C'était courageux de ta part de prendre cette décision seule. Peu de soldats auraient pu supporter une telle responsabilité. »

Le poids de sa culpabilité s'échoua à ses pieds. Elle se sentit beaucoup plus légère avec Hanji à ses côtés. Puis, lorsqu'elle croisa les iris sibyllins du major, elle ne put respirer davantage face à la tension qui tiraillait ses muscles. La brune avait l'impression que son cœur allait casser ses côtes et faire jaillir ses poumons, là, dans cette petite salle.

« Merci pour ton honnêteté, Ackerman. Il est vrai que je ne sais pas, moi non plus, ce que j'aurais fait si j'avais été à ta place. Tu as pris une décision difficile, en tentant de rester lucide, et ce n'est pas à la portée de tout le monde...

- Tu penses la sanctionner ? »

La question pleine d'inquiétude de Levi fit battre un peu son cœur. Elle ne s'était pas encore habituée à ce qu'il se montre si expressif quand il s'agissait d'elle. Hanji, quant à elle, alternait ses regards sur les deux Ackerman, la bouche grande ouverte.

« Non. Je ne pense pas devoir sanctionner une soldate qui a tenté de faire de son mieux, si les autres ne sont pas au courant.

- Dis donc, vous deux... »

Un sourire effrayant déformait les traits joyeux de la cheffe d'escouade. Mikasa sentit les muscles de ses épaules se relâcher face à la parole d'Erwin, mais ses deltoïdes se tendirent à nouveau sous l'assaut de la scientifique. Elle prit leurs deux bras dans ses mains moites, des étoiles plein les yeux.

« Vous êtes ensemble, pas vrai ? Demanda l'éternelle curieuse.

- Tss, si ça sort d'entre ces quatre murs, je t'explose la gueule.

- Oh mon dieu ! Tu entends ça, Erwin ?! Shorty en couple !

- J'ai entendu, Hanji. Félicitations à vous deux, je suis heureux pour vous. »

D'un air gêné, la soldate se contenta d'hausser la tête en direction de son supérieur, en guise de remerciement. Elle se sentait affreusement mal à l'aise à l'idée que les hauts gradés soient au courant de cette relation. Levi, quant à lui, observait la femme extatique d'un œil terrifiant.

« Quatre-yeux, laisse ce bras ou je te le coupe.

- Le mien ou celui de ta dulcinée ?

- Les deux, grognasse.

- Oh mais je suis si heureuse ! »

La scientifique commençait à déblatérer ses plans pour leur avenir commun, dressant déjà la liste des invités à leur mariage. Elle prenait les mesures de Mikasa pour la robe, sous les grognements et injures de Levi, et cette scène fit sourire Erwin. Il se sentait soulagé que son ami ait décidé de laisser place aux émotions. Cela faisait bien trop longtemps qu'il les refrénait, encore et encore, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Jusqu'à ce que les autres partent, le laissant seul, survivant misérable aux sentiments échoués sur le rivage.

Par-delà la fenêtre, le major vit une silhouette s'éloigner. Eren Jäger avançait dans le camp militaire, de manière hasardeuse. Il marchait pour pouvoir penser plus clairement. Le crépuscule scindait le ciel en quelques couleurs lumineuses, propageant un camaïeu bigarré. Il se sentait à l'écart. Trop à l'écart. Il savait que cela était prévu, mais aussi tôt ? Mikasa l'avait éloigné pour Levi. Armin l'avait éloigné pour Jean.

Le titan assaillant était seul avec ces souvenirs qui n'étaient pas les siens. Mais malgré ça, il restait déterminé. Le brun aimait ces personnes avec lesquelles il combattait. Et pour elles, il ferait n'importe quoi... Pour qu'elles soient enfin libres. Il songea tristement à celle qui l'appelait, autrefois, son frère. Le brun allait devoir lui faire mal. Lui faire très mal. Mais si cela pouvait lui permettre d'être enfin libre...

Le détenteur d'un pouvoir trop grand pour lui observa quelques oiseaux voler dans le ciel. Il se mit à songer, tristement, à ces ailes que tout le monde cherchait à obtenir. Sa détermination n'en était que plus forte.

Peu lui importait si ces ailes seraient faites des lambeaux de chair de ses ennemis, tant qu'ils pouvaient voler librement.

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