24 - Ausländer
L'agitation contrôlait le bataillon depuis quelques semaines. La perte de leur seul otage avait laissé à l'humanité un amer goût de défaite. Les soldats s'observaient d'un air morne. Les entraînements, habituellement pleins d'entrains et de bonne volonté, étaient réalisés par dépit et habitude. Pourtant, le major Smith avait tenté d'insuffler dans les esprits du bataillon la motivation nécessaire pour continuer. Le blond avait annoncé l'opération de reconquête de Shiganshina quelques jours auparavant, mais la morosité semblait toujours mener ses soldats par le bout du nez. Ils avaient une pléthore de temps avant de retourner au front, puisqu'il fallait recruter de nouveaux soldats et laisser les minutes panser les plaies.
Le Bataillon d'exploration n'était pas le seul à demeurer apathique. La reine Historia, ces dernières semaines, avait dépensé une fortune afin d'envoyer en mission tous les soldats capables à la recherche d'Ymir. Tous revinrent les mains vides. La détentrice du titan mâchoire semblait s'être envolée en même temps qu'Annie, et son amante tentait de se raccrocher à l'espoir futile de la trouver. Elle ignorait le sentiment diffus qui la rongeait. Elle ignorait cette sensation de vide et ses larmes dans la nuit. Elle ignorait cette certitude qui lui murmurait que, plus jamais, elle ne verrait son visage.
Cette attitude était le sujet principal des conversations de ses anciens amis, lorsqu'ils étaient attablés pour manger. Certains critiquaient le fait qu'elle gaspille tant de ressources « juste pour une fille ». D'autres la défendaient au nom de l'amour.
L'amour. Cela leur faisait faire n'importe quoi. Armin jeta un regard à la dérobée à Jean. Il défendait son amie quitte à hurler dans tout le réfectoire, Sasha à ses côtés. Ces deux-là étaient de grands romantiques, songea le blond.
« Je comprends totalement Historia ! De mon vivant, jamais je n'aurais arrêté de chercher celle que j'aime ! Jamais ! Bougonna le soldat. Elle a les ressources pour le faire, et je suis totalement de son côté !
- Historia est reine, l'interpella Eren. C'est son devoir de faire passer les intérêts du peuple avant le sien.
- Ymir est un titan ! C'est l'intérêt du peuple de la récupérer !
- L'intérêt du peuple est de reconquérir les murs ! Et de toute façon, je ne vois même pas pourquoi tu t'identifies à Historia... Mikasa ne risque pas de disparaître, vu qu'elle me colle toujours aux basques. »
Un long silence suivit sa remarque acerbe, et tous les regards convergèrent vers la jeune femme. Désintéressée par les tirades de ses amis, elle fixait d'un œil étrange sa soupe, jouant avec sa cuillère à faire onduler l'épais liquide. Elle n'avait même pas entendu les mots durs de son frère, trop perdue dans ses songes. Ce fut Sasha qui, rieuse, répondit pour son amie.
« Je n'en serais pas si sûr, à ta place, Eren... Le petit oiseau va bientôt quitter son nid !
- Pff, n'importe quoi... Je sais que ça ne changera pas. Jamais, murmura Jäger.
- Enflure, je ne te permets pas de parler comme ça de Mikasa ! »
Et la dispute était repartie. Au lieu de s'interroger sur ce que souhaitait dire Sasha, le stratège se perdit également dans ses pensées. Ses yeux faisaient les contours du visage de son ami bagarreur, et il se souvint malgré lui de cette fois où il avait compris. Il avait compris, au moment où ses doigts avaient pressé la queue de détente de son arme, que sa vie s'était accrochée à la sienne de manière inextricable. Il ne voyait que Mikasa, mais Armin ne voyait que lui. Il n'en voulait pas à son amie, ni même à Jean... Mais la douleur était bien là. Réelle, abrupte, inévitable. Le regard effrayé de son ami, le corps de leur ennemie qui chutait, et la souffrance. Cette souffrance d'avoir arraché une vie de ses petites mains. Cette certitude qu'il n'était qu'un assassin, et que plus jamais, il ne pourrait revenir en arrière... Arlert soupira et détourna le regard vers la taciturne, interrompant son examen de conscience en silence.
« Tout va bien, Mika ? Tu n'as pas dit un mot depuis tout à l'heure. »
La concernée releva enfin les yeux, et observa son ami d'enfance d'un regard interrogatif.
« Oui... Oui, tout va bien. Pourquoi ça n'irait pas, Armin ?
- Tu as vraiment l'air préoccupée ! À quoi tu penses ? »
À ces mots, le cœur de la cadette Ackerman accéléra légèrement, et elle s'efforça de garder ce masque d'impassibilité sur son visage. Elle fit une pause, observant Jean et Eren se battre avec hargne, s'attardant sur le regard entendu de Sasha, dérivant vers la silhouette de Levi, dans le fond de la salle.
« Pas à grand-chose en particulier... Juste à l'opération.
- Tu n'as jamais été aussi silencieuse juste avant une expédition.
- Si tu le dis... »
Ce regard furtif n'échappa pas à son ami d'enfance, qui émit un petit rire. Il comptait bien se tenir au courant de cette petite histoire... Mais pas maintenant, pas devant tout le monde. Au moment où ses yeux allaient encore être attirés par son camarade aux yeux rieurs, il tomba sur Eren. La colère déformait ses traits juvéniles, et dans ses yeux émeraudes dansaient les affres de l'incompréhension. Le colérique se planta devant sa frangine, qui observait éternellement sa soupe. Elle semblait ne même pas avoir remarqué la présence d'Eren.
« Mikasa. J'ai à te parler. »
L'asiatique sortit de sa léthargie à l'entente de son prénom. Elle planta ses yeux sombres dans ceux de son frère, calme.
« Eh bien, parle.
- Pas ici. »
Ce fut la jeune femme qui soupira en premier, excédée par son interlocuteur. Puis, elle se leva lentement, croisant le regard de celui qui ne cessait d'habiter ses rêves et ses songes.
« Je te suis. Sasha, pas touche à ma soupe.
- Rooooooh... Mais elle va être froide !
- J'aime les soupes froides. »
Les deux bruns s'éloignèrent du mess en silence, pendant que Sasha s'attristait dans son coin. Armin, attentif au supérieur qui semblait si proche de sa meilleure amie, eut un sourire attendri lorsqu'il l'observa la suivre des yeux. Puis, Hanji sembla lui murmurer quelque chose d'indécent, et son visage détendu se transforma en une grimace agacée.
« Tss. Mikasa devrait le renvoyer chier une bonne fois pour toutes, grogna Jean. Elle ne voit que lui... J'aimerais qu'elle me voie, moi ! »
Celui-ci s'assit à ses côtés, et Armin ne put empêcher son cœur de battre plus fort. Puis, désolé de sa situation, il admira avec tristesse les sourcils froncés de son camarade. Il ne voyait qu'elle. Et il souhaitait tant qu'il commence enfin à le voir, lui...
***
Mikasa se sentait nerveuse. Ils avaient longé les couloirs, frôlé les murs froids, en silence. Les deux enfants innocents s'étaient évaporés pour donner place à deux jeunes adultes renfrognés et éloignés. Elle n'avait jamais voulu cela... Mais à présent, ils semblaient être comme deux lignes incapables de se rencontrer à nouveau. La douce chaleur du foyer des Jäger s'était évaporée.
Ce n'étaient plus des frères et sœurs. C'étaient deux inconnus.
L'étranger s'arrêta à la limite du campement. Devant eux, une forêt de conifères s'étirait jusqu'à la ville. D'épais nuages gris cachaient le ciel clair et empêchaient les rayons du soleil de rebondir sur les ramures des arbres.
« J'aimerais que tu m'expliques ce qu'il se passe avec le caporal. »
Sa voix agacée donna naissance à une pointe de colère dans sa poitrine. Les sourcils de la jeune femme se froncèrent face à l'air implacable de son interlocuteur. En même temps que sa colère, une aiguille se forma derrière sa rétine, et commença lentement à gratter l'intérieur de son crâne.
« Je ne vois pas en quoi cela te regarde.
- T'es conne ou quoi ? Tu es ma sœur, évidemment que ça me regarde ! Si tu crois que je vais le laisser faire ce qu'il veut de toi, tu te trompes ! »
Sa phrase décupla sa colère et sa migraine. Le visage de la brune se tordit en une grimace vindicative. Plus elle songeait à lui négativement, plus l'aiguille s'agitait, dessinant dans ses os la trace indélébile de la souffrance.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi vous vous enlaciez, sur le champ de bataille ? Ce n'était pas sensé se passer comme ça ! Sieg ne devait pas se montrer maintenant ! Et on a perdu Annie... Je ne comprends pas ! Je ne comprends plus rien ! S'il-te-plaît, aide-moi à comprendre... »
L'air perdu de son frère adoucit légèrement ses émotions, et le miracle de l'humanité vit enfin dans son regard cette détresse sans pareille. Néanmoins, l'asiatique ne comprenait pas tout ce qu'il disait.
« Qui est Sieg ?
- Peu importe... Mais je crois que j'ai peur, Mika... J'ignore ce qui a changé... Mais tout est perturbé, rien ne se passe comme je l'ai vu... »
Son interlocutrice fronça les sourcils, et songea un instant qu'Eren était bel et bien perturbé. Malgré ses insultes et remarques incessantes, elle ne pouvait laisser son frère dans la peur... Elle prit doucement sa main dans la sienne, et ses maux de crâne s'envolèrent.
« Tu n'as pas à avoir peur... Je suis là, tu sais. Et tu es devenu fort, Eren. Tu n'as plus besoin de moi pour lutter contre les monstres qui te font peur, la nuit. »
Le visage de Mikasa se tordit en un sourire, pendant qu'elle se rappelait les fois où ils se rassuraient, lorsque l'un d'eux faisait un cauchemar. Eren avait besoin de longs câlins, pendant que Mikasa n'avait besoin que de sa main dans la sienne... Ces enfants s'étaient envolés. L'ombre des monstres dans la nuit était devenue réelle, et ils la combattaient.
« Je n'ai pas peur des monstres, Mika... J'ai peur de l'avenir... L'ordre des choses est bouleversé, j'ignore par quoi... Ce qui doit arriver doit correspondre à ce que je sais ! Sinon, on va tous mourir... Et je ne veux pas tous vous perdre... »
Il serra sa main dans la sienne, et Mikasa eut l'impression de faire face au petit garçon d'avant. Elle était troublée par ses dires étranges, ne comprenait même pas de quoi il voulait parler... Malgré cela, elle lui rendit son étreinte lorsqu'il la prit dans ses bras. Elle n'avait jamais vu son frère dans cet état...
« Calme-toi, il ne nous arrivera rien... L'opération se passera bien... Tu ne nous perdras pas... Je suis là, d'accord ? »
Ses doigts effleurèrent les mèches hirsutes de ses cheveux, et elle les fit glisser pour détendre celui qu'elle avait juré de protéger. Eren s'accrocha à sa chemise, pressant ses mains contre les muscles de son dos, posant son front dans son cou.
« Je dois trouver ce qui cloche avant... Alors je t'en prie, dis-moi ce qu'il se passe avec le caporal. Je dois savoir, pour notre survie... Pour la survie de l'humanité. »
Elle fronça les sourcils et se raidit lorsqu'elle croisa ses prunelles froides. Où était passé son Eren ? L'inconnu en face d'elle n'était pas lui. La cadette Ackerman recula d'un pas, mais le jeune homme serra tant sa main que cet écart ne suffit pas à la séparer de lui.
« En quoi cela pourrait nous faire survivre ? Il ne se passe rien avec le caporal... Ce que tu as vu n'était qu'un accident.
- Tu me prends pour un demeuré ? »
Elle resta silencieuse face à sa remarque, et le garçon qui était autrefois sa famille soupira bruyamment. Puis, il lâcha sa main et posa la sienne sur son épaule.
« Mikasa. Je vois qu'il se passe un truc. Cet homme... A au moins dix ans de plus que toi, si ce n'est pas plus. C'est ton supérieur, bon sang ! Rien ne peut arriver, rien ne doit arriver ! »
Agacée, elle rejeta sa main et s'éloigna de manière furibonde. Toute sa vie était rythmée par les désirs d'Eren, par ses décisions, ses aspirations. Elle avait passé sa vie à le suivre, à faire en sorte que sa vie soit agréable. Pendant tout ce temps, elle n'avait été que son ombre.
Mikasa Ackerman avait décidé de ne plus être dans l'ombre d'aucun homme.
« Ferme-la. Je n'ai aucune leçon à recevoir de toi, Eren. Je t'ai soutenu assez longtemps...
- Non. Ce n'est jamais assez... Mikasa, pourquoi est-ce que tu te soucies autant de moi ? »
Sa sibylline colère s'estompa soudainement. Le jeune homme aux yeux verts se rapprocha de celle qui avait partagé son enfance, et cette proximité la fit soudain rougir. Néanmoins, le visage de Levi Ackerman se superposa à celui d'Eren Jäger, et la soldate se sentit nauséeuse.
« C'est parce que je t'ai sauvé la vie quand on était gamin ? Ou bien parce que je suis ta « famille » ?
- Hein... ? Je... Hein ? »
Elle ne put empêcher quelques rougeurs de décorer son visage. Il était proche, beaucoup trop proche. Pourquoi faisait-elle d'Eren sa priorité ? Même elle l'ignorait...
« Que suis-je pour toi, Mikasa ?
- Hein ? Tu es... Ma famille... »
Un sourire fendit son visage en un rictus amusé, et il s'éloigna de quelques pas.
« Bien... Au moins, ta réplique n'a pas changé...
- Hein ?
- Rien... Je vérifiais juste... »
Mikasa se sentait confuse. Jean avait-il frappé trop fort son frère ? Lorsqu'il observait l'horizon, Eren ne semblait pas voir la même chose qu'elle. Et cette impression l'effrayait. Où était passé celui qu'elle connaissait ? Depuis quelques temps, il semblait avoir disparu. Le petit garçon qui jadis marchait à ses côtés semblait hésiter à prendre le même chemin.
***
Sasha observait, de loin, son amie se défouler sur le sac de frappe. La séance était terminée depuis quelques minutes à présent, et leur combat avait laissé à la mangeuse de patates quelques hématomes douloureux. Dans ces cas-là, la rousse ressentait une frustration sans pareille, lorsqu'elle n'arrivait même pas à frôler le miracle de l'humanité. Comment faisait-elle pour anticiper chacune de ses frappes ? Soupirant face aux fouettés qui mouvaient le sac, elle ignorait les borborygmes de Connie qui pansait ses foulures. Combattre devenait un véritable art entre les poings de Mikasa.
L'effrayant caporal entra dans la salle d'entraînement, et l'archère sentit tout son corps se raidir à sa vue. Chaque cellule de son être lui hurlait de s'enfuir loin. Elle s'attendait à trembler au premier contact visuel, mais celui-ci ne vint jamais. Aussitôt entré, les yeux gris de l'homme le plus fort de l'humanité s'étaient posés sur la silhouette de la combattante qui soufflait à chaque coup, pour ne plus jamais voir autre chose.
Une sensation de satisfaction étreignit le cœur de l'amoureuse de la nourriture. Elle fixa, amusée, ce regard qui détaillait chaque mouvement, et elle imaginait bien que ce n'était pas pour la corriger. Alors il agissait comme cela, lorsqu'il pensait que personne ne le voyait ? Elle ne put s'empêcher de glousser, et la terreur de ses nuits la remarqua. Pris sur le fait, son visage se tordit en une grimace vindicative. Elle regretta tout de suite cette malheureuse incartade, et ne put que déglutir devant l'aura malfaisante du caporal.
« Braus, tu peux vaquer à tes occupations. »
Effrayée par ce ton glacial, elle tira Connie avec elle en dehors de la salle d'entraînement. Sasha réussit à capter le regard de la combattante, et cet air troublé qu'elle affichait lui donna envie de crier de joie pour son amie. Leur relation avait l'air d'avancer, et la rousse se sentait si heureuse pour Mikasa !
« Mais Sasha arrête de me tirer-
- Oh pardon ! Mais tu es super lent en même temps, faut pas trois plombes pour faire un bandage !
- Ça va, ça va ! »
Le soldat se redressa, époussetant ses vêtements qui avaient traîné dans la poussière à cause de miss patate. Un dernier regard derrière lui, et une idée lui vint en tête.
« Tu les trouves pas bizarres, Mikasa et le caporal ? »
La jeune femme se retint de rire, alors que le duo comique déambulait dans les couloirs. Elle prit une expression faussement neutre, comme si elle souhaitait imiter parfaitement la face de marbre du caporal – n'en faisant qu'une vague satire.
« Je ne vois absolument pas de quoi tu parles. »
Connie s'arrêta, et fronça les sourcils en fixant la grimace de l'éternelle affamée. Puis, son visage se tordit en une grimace éberluée.
« Putain, t'es au courant et tu veux pas me le dire ! Espèce de pince !
- Quoi ?! Moi, une pince ?!
- Parfaitement ! On s'échange nos infos normalement, et toi, tu gardes un truc si important pour toi ?! Ils sont en couple ?!
- Que- Mais- Hein ! Oh. Pas du tout. C'est juste que...
- Putain non ! Le caporal et Mikasa ? J'y crois pas ! Moi qui pensais qu'elle aimait Eren !
- Eren est comme son frère, espèce de crâne d'œuf débile !
- Et toi, espèce de pince ultime !
- Moi, la pince ultime ?! Oh tu vas goûter de ma serpillière toi !
- Quel rapport avec le ménage ?
- Bah le caporal !
- Aaaah j'avais pas tout suivi !
- Qu'est-ce que vous faites encore ? »
Jean arriva au niveau des deux énergumènes, qui faisaient des positions de garde extravagantes. Sasha, se tenant sur un pied, avait levé ses bras vers le ciel. Son acolyte avait les genoux fléchis, avec ses deux mains vers l'arrière, faisant semblant de tenir quelque chose d'invisible.
« Oh Jean ! Tu sais pas la nouvelle ! Mikasa- »
La jeune femme bondit sur le malheureux, faisant tomber le combattant sur les pavés froids. Dans son mouvement, elle tenta de lui couvrir la bouche, mais les dents du comique mordirent précipitamment cette main qui souhaitait le faire taire. Sasha cria de douleur, frappant le crâne de son ami pour qu'il relâche sa peau endolorie.
« Espèce de con ! Faut pas lui dire-
- Hein ? Qu'est-ce qui ne va pas avec Mikasa ? »
Les deux militaires arrêtèrent leur combat. Les prunelles du jeune homme reflétaient les affres de sa profonde inquiétude, et la meilleure amie du miracle de l'humanité eut le cœur serré. Une enclume la traînait dans les profondeurs, mais elle ne pouvait s'en détacher au risque de blesser son amie. Tout le monde savait à quel point Kirschtein était fou de Mikasa. Ce n'était un secret pour personne. Comment pouvait-elle briser ainsi le cœur de son camarade ?
« Espèce de folle !
- Mikasa... Est juste triste par rapport à Eren. Mais elle ne voulait pas que tu le saches, car elle pensait que tu provoquerais encore un conflit-
- Ce petit bâtard ! Je vais lui latter le cul bordel ! »
Furibond, l'éternel amoureux passa à côté d'eux, déblatérant des injures à l'égard de l'idiot suicidaire. Connie l'observa, encore à terre à côté d'elle.
« Pourquoi tu lui as menti ?
- L'apprendre va lui faire mal ! Et en plus s'ils ne le montrent pas, c'est pour une bonne raison, crétin ! »
Parmi les soupirs éreintés des deux clowns du bataillon, un troisième regard détailla avec froideur le duo des blagues nulles. L'éternel chant des condamnés retentissait dans ses tympans fatigués. Eren Jäger longea les couloirs vides, la tête pleine de souvenirs qui n'étaient pas les siens. Il voyait une ville avec des bâtiments étranges, des visages qu'il n'avait jamais vus, des regards froids et dégoûtés. L'espoir de l'humanité posa sa main sur son crâne, soufflant face aux maux de crâne qui l'assaillaient.
Cette situation était trop pour lui. Entre ses visions et la réalité, tout semblait se mélanger. Certains événements étaient sensés se produire beaucoup plus tard... Le soldat se demandait pourquoi tout était bouleversé. Ce chaos le faisait penser, jour et nuit, à ce qu'il devait faire et comment l'adapter aux nouvelles variables.
Tout était parti de Mikasa, il le savait. En premier lieu, jamais elle n'aurait dû être soupçonnée d'être le titan féminin. Peut-être avait-il trouvé la variable qui perturbait ainsi l'univers ? Est-ce que tout cela avait un rapport avec le caporal ? Sasha et Connie disaient-ils vrais ? Elle n'avait pas voulu lui répondre, et commençait à se détacher inexorablement de lui. Dans la bataille, elle avait même abandonné son écharpe pour la lui donner... Il sortit de sa poche droite un morceau de l'étoffe rouge, et la fixa avec nostalgie. Sa propre voix couvrit ses songes, et son regard glacial fixa son reflet dans la vitre.
« Les choses vont se précipiter. Il faut agir plus vite que prévu. Éliminer les variables ne sera pas suffisant. »
Dans l'ombre de l'héritier de l'assaillant, une silhouette caligineuse semblait maudire le monde.
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