21 - Meteor

Précipitation était le maître-mot du bataillon. À la suite du signal de repli, tous les soldats s'étaient regroupés afin d'écouter les mots d'Erwin. Ferveur, motivation, dévouement. Ils récupéreraient Annie. Le haut gradé était clair là-dessus : l'humanité ne pouvait essuyer une telle défaite, s'ils voulaient en ressortir gagnants. Une bataille décisive se déroulait, et ils avaient besoin de la marquer du sceau de la victoire.

Les chevaux avaient l'air aussi paniqués que les soldats qui les chevauchaient. Leurs hennissements accompagnaient les bruits de leurs sabots contre la terre aride. L'organisation avait été formée à la hâte. Les hauts gradés avaient repris leurs escouades et s'enfonçaient derrière le mur Sina.

Mikasa était trop ailleurs pour se préoccuper de cette soudaine mission. Malgré la perte de leur seule otage, la soldate ne pouvait penser qu'à un seul être : celui qui ouvrait l'aile gauche de la formation. Sa nuque rasée était devenue son point de repère, et elle mourrait d'envie de glisser ses doigts dessus. Malgré ses vindicatives pensées à propos de son attitude, la jeune femme n'arrivait pas à se concentrer. Elle avait embrassé Levi Ackerman, au bout milieu de ruines causées par sa faute, et il l'avait embrassée en retour. Un baiser aussi doux qu'une caresse.

Elle avait encore la sensation de sa bouche chaude contre la sienne.

Avant de rougir dans son coin, elle interrompit ses pensées et tourna son visage vers celui de son frère. Les lèvres d'Eren étaient retroussées en une grimace haineuse. Celui-ci fixait l'horizon, d'une manière à la fois onirique et inquiète. Personne ne semblait remarquer à quel point il avait l'air d'être ailleurs. Littéralement. Néanmoins, l'asiatique ne pouvait pas l'apostropher. Pas avec ce qu'il avait vu...

Face à cette pensée, elle se sentait honteuse. La jeune femme ne souhaitait pas qu'Eren sache... Levi était une partie de sa vie qu'elle aurait souhaité préserver du regard extérieur. Son petit secret, bien gardé au fond de son cœur. Malgré cela, Ackerman se sentait presque coupable d'avoir de tels sentiments. Trahissait-elle Eren par ce simple fait ? C'était la sensation qu'elle avait.

Les pins défilaient. Les ramures des arbres sombres s'étiraient jusqu'à toucher le ciel bleu. Le caporal fixait l'horizon, concentré. Il n'oubliait pas le moment chaleureux qu'il avait partagé avec son homologue féminine, mais le brun pouvait y songer sans faire vaciller son attention.

L'enfant des bas-fonds plissa des yeux et aperçut, au loin, une masse bondir. Son sang sembla se figer dans ses veines, comme si son organisme avait momentanément cessé de fonctionner. Il jeta un œil vers le centre de la formation, et discerna la silhouette massive de son ami, à l'avant. Le caporal Ackerman se demanda si Erwin avait vu la bête. Sa main serra le pistolet de couleur entre ses doigts, puis il le haussa au-dessus de sa tête. À la suite de la déflagration, une traînée noire déchira le bleu éternel du ciel. La poudre sombre tacha celui-ci d'une ligne indélébile. Le projectile attira l'attention des deux petits titans, qui s'arrêtèrent pour observer derrière eux. Où était le singe ? Un rayon de soleil s'infiltra entre les couches d'une roche azur, et cet éclat leur révéla la présence de l'ancienne soldate des brigades spéciales.

Galvanisé, le major sortit une de ses lames, tendant l'arme en direction de leurs ennemis.

« Soldats ! Il est l'heure de dévouer vos cœurs à l'humanité ! »

Sa voix imposante fit trembler quelques recrues, qui hurlèrent à leur tour. Ce cri de motivation retentissait pour convaincre les troupes, et non pas pour effrayer les titans. Une œillade à Hanji, et celle-ci se détacha de la foule avec son escouade. Le bataillon chevaucha jusqu'à la lisière de la forêt. Les deux titans ne s'arrêtaient pas, malgré l'assaut imminent. Armin était anxieux. Il jeta un œil à Mikasa, qui semblait dans les nuages, à Eren qui semblait aussi agacé que stressé, à Jean qui parlait avec Sasha.

La situation était anormale. Le blond sentait, dans l'air, que quelque chose arrivait. Sur ce terrain, ils avaient l'avantage d'être dans le mur Rose. Il ne devait pas y avoir d'autres titans, ainsi, ils pouvaient se concentrer sur l'essentiel. Malgré cela, il ne reconnaissait pas ces deux spécimens. Le premier était très proche du sol, avec un dispositif humain attaché sur le dos. Il devait probablement porter Annie... Mais alors, était-ce un titan comme Eren, Reiner et Berthold ? Combien étaient-ils ? Son regard dévia sur la seconde silhouette, et son cœur loupa un battement.

« Impossible. »

Sa meilleure amie se tourna vers lui, et son œil sombre le fixait avec incompréhension. Les rênes entre ses mains tremblaient en même temps que ses doigts. Pourquoi Ymir était-elle avec eux ? Le stratège ne comprenait pas. Il était déjà compliqué d'affronter Annie, Reiner et Berthold, qui avaient été leurs camarades... Mais Ymir ? Le soldat nageait en plein cauchemar, et se noyait sous les liquides poisseux de l'angoisse.

« Pourquoi Ymir est avec eux ?

- Hein ? »

Mikasa détourna son regard vers l'horizon, et frissonna d'horreur en constatant qu'Arlert avait raison. Elle tira sur les brides de sa jument, et rejoignit le caporal Ackerman en quelques foulées.

« Levi. Ils ont Ymir !

- Hein ?

- Regarde le titan de droite. C'est Ymir. »

L'homme de ses songes fixa l'horizon, et quelques rides transformèrent l'éternel portrait d'indifférence qu'il arborait. Le haut gradé se tourna vers elle, l'air grave.

« Tu peux aller rapporter l'information à Erwin ?

- Décidément, c'est toujours sur moi que ça tombe.

- Tâche de ne pas te faire prendre pour un titan féminin.

- Tâche de n'accuser personne. »

Ils échangèrent un regard complice, et Mikasa se retourna afin de débuter sa course. Elle encouragea mentalement sa jument à se dépêcher. Il était difficile de passer entre les montures au galop, d'autant plus que leur cible se rapprochait de plus en plus. Cependant, elle réussissait à passer entre les soldats, s'excusant parfois des frôlements qu'elle causait.

Soudain, le ciel devint noir, et un éclair frappa la terre devant eux. La luminosité agressa ses pupilles, et l'asiatique ferma ses yeux avant qu'un choc ne la propulse sur le côté. Sa jument percuta un autre cheval, entremêlant leurs pattes dans un hennissement de douleur. Lorsque ses yeux se rouvrirent, la formation était totalement désorganisée. Le soldat qu'elle avait heurté hurlait de douleur, à quelques mètres d'elle. La brune faisait de son mieux pour éviter les sabots des équidés, roulant dans la terre avec difficulté.

Enfin, elle réussit à se relever, observant le bataillon s'éloigner devant elle de manière éparpillée. À côté de Mikasa, le soldat à terre n'était pas beau à voir. Il avait été écrasé par le reste de la troupe, ses articulations se tordant dans tous les sens. Avant de songer à courir après le major, la scène qui se déroulait devant elle la pétrifia d'effroi. Le titan-singe se tenait au loin, seul. À la lisière de la forêt, les arbres furent dépassés par des silhouettes anthropomorphes. Son sang se glaça. Ils étaient au sein de mur Rose. Comment était-ce possible ? Y avait-il une brèche dans le mur ?

Elle tourna les yeux vers le cheval qui l'avait percutée. Celui-ci s'était redressé, contrairement à sa jument. Ackerman murmura quelques excuses à celle qui l'avait portée jusqu'alors, avant de monter sur sa croupe et de trottiner afin de rattraper les autres. Elle devait se rapprocher. Bordel, ils arrivaient par la gauche ! La brune fut inquiète pour Levi, Eren, Armin et les autres. Mais elle ne pouvait revenir sans communiquer au major cette information... Sa monture, blessée, avançait lentement pendant l'attaque des titans.

« C'est un putain d'enfer ! »

Jean venait de trancher la nuque d'un second titan. Avec Armin, ils s'occupaient des plus petits pendant que Connie et Eren exterminaient ceux de moyenne taille.

« Ils sortent d'où putain ? On est dans le mur Rose !

- Je ne sais pas Jean, je ne sais pas ! »

Soudain, le singe au loin s'agita.

« Tuez-les tous. »

Levi se figea dans l'air. Dans ses yeux gris, l'horreur dansait un ballet endiablé. Cette même voix sifflante de ses rêves. Ce même visage de macaque. Cette même attitude nonchalante. Pourquoi ce putain de singe parlait-il, et pourquoi en avait-il rêvé ? Il fut soudain terrifié par la possibilité que son rêve ne devienne réalité. Quel idiot ! Il avait éloigné Mikasa ! Mais où était-elle ? Le brun s'accrocha à un tronc d'arbre, observant les titans se déchaîner contre ses soldats. Le sang giclait. Les tripes dégoulinaient sur l'herbe verte, les teintant d'une couleur écarlate. Les organes encore palpitants étaient écrasés sous les pieds des géants, ou sous les sabots des chevaux paniqués.

Où diable était-elle ?

Un mouvement attira l'attention de Mikasa. Devant elle, l'élégie du champ de bataille résonnait. Le singe-titan, à l'horizon, se positionna d'une étrange manière. Son coude se retrouva au-dessus de sa tête, et il semblait tenir quelque chose. Puis, il fit un mouvement de lancer en leur direction. Une pluie de roches arrivait sur eux, comme des météores façonnant la Terre. Elle fouetta ses pieds contre les flancs du cheval, espérant accélérer, mais l'asiatique fut témoin de l'implacable destin du bataillon. Le ciel de mitrailles s'acharna sur ses camarades. Quelques pierres teintées de sang s'envolèrent dans son sillage, roulant dans la mousse opaline. Elle vit des bras arrachés, des têtes envolées, des corps mutilés. Le miracle de l'humanité entendit les hurlements et les bruits des os qui craquent et se brisent.

Où était Eren ?

Face à la salve ennemie, le major se retenait d'improviser. Hanji devait faire le tour, avec son escouade, pour rattraper Annie et ses alliés. Malheureusement, il n'avait pas prévu ce titan et ses attaques à distance. Le blond espérait secrètement que son amie décide d'attaquer cette immense menace, quitte à laisser partir la traîtresse... Un regard sur le côté, et il aperçut des filets de poudre noirs et rouges déchirer le ciel. Des titans venaient depuis la forêt en groupes saccadés, et cette vision étreignit son cœur d'une horreur impalpable.

D'où venaient-ils ?

Il usa de sa voix bourrue afin de s'adresser aux soldats qui n'étaient pas tombés face aux météores. Son bras se tendit en direction de ses camarades attaqués, sur sa gauche. La pointe de sa lame menaçait un titan qui arrachait les jambes d'un soldat, hurlant avec l'agonie du désespoir.

« Soldats ! Que mon escouade aille aider les autres ! Le reste, essayez de faire tomber le titan devant nous ! Le destin de l'humanité est en train d'être décidé en ce moment même ! »

Dos au titan aux allures animales, l'homme usait de tous ses discours passés afin de motiver ses troupes une dernière fois. Il avait toujours eu peur que ses belles paroles ne soient balayées par la terreur, mais étonnamment, elles étaient la principale raison de vivre des soldats. Ainsi, par extension, ces mots d'espoir et remplis de promesses étaient leur principale raison de mourir.

« Il n'y a aucun futur où l'humanité pourra retrouver ses terres si Eren meurt ! Nous allons sauver nos soldats et battre en retraite ! Nous récupérerons Annie plus tard ! »

Devant lui, certains soldats peinaient à ne pas se chier dessus. D'autres avaient les visages ensanglantés. Certains rampaient, sans jambes, vers l'aura rassurante de leur leader. Devant ses soldats qui l'observaient, sans un mot, et buvaient ses paroles pour s'accrocher à une once d'espoir, son poing vint s'écraser contre son torse.

« Dévouez vos cœurs ! »

Il pointa sa lame vers les titans qui arrivaient en masse, et élança son cheval en leur direction. À sa suite, les soldats galopèrent derrière lui, hurlant des encouragements désespérés les uns envers les autres. Certains avançaient vers le singe, avec cette éternelle expression mortuaire sur leurs visages. Dans son mouvement, une pierre vint faucher le bras du major, et il perdit la sensation d'avoir une lame au creux de sa main. Son cheval, fauché par les météorites, s'écrasa contre le sol, et il fut projeté sur le côté. Voyant ses soldats terrifiés sans leur leader, il leur hurla :

« Avancez ! La cible est juste devant ! »

Où était donc Hanji ?

Un second éclair illumina le ciel de mitrailles. Un long hurlement interrompit les plaintes lointaines des cadavres. Au milieu de la tumulte, le titan d'Eren Jäger vint frapper le visage d'un géant, explosant sa maxillaire en un cri haineux. Cette chaleur autour de son corps était à la fois réconfortante et étouffante. Du haut de ses quinze mètres, le garçon avait une vue beaucoup plus globale du cimetière à ciel ouvert. Il entendit, parmi son souffle saccadé et le son de la chair tranchée, un ricanement. Ses yeux émeraudes fixèrent l'horizon, et le titan capable de parole eut un rictus qui déformait sa monstrueuse face.

« Intéressant... »

Où était donc Erwin ?

Le caporal usait beaucoup trop de gaz. Trop d'informations devaient être traitées, trop d'inconnues venaient l'embrouiller. Il ne connaissait pas la situation actuelle globale. L'escouade d'Hanji avait-elle changé d'objectif en les voyant dans cette situation ? Erwin allait-il bien ? Mikasa était-elle en train de trancher la chair de ses ennemis ? Eren s'était transformé après avoir utilisé ses dernières réserves de gaz. Les autres soldats n'avaient pas cette chance... Certains s'étaient déjà réfugiés en haut des pins, sachant pertinemment quel serait leur destin s'ils redescendaient.

Il se sentait étrange. Son cœur se comprimait en de virulentes contractions, comme si l'on venait de lui arracher une partie de lui-même. Ainsi, il tranchait les nuques avec cette douleur dans sa poitrine, sans jamais savoir d'où elle venait. Plus le soldat s'inquiétait pour son ami aux yeux bleus, plus elle s'étalait au sein de sa cage thoracique. C'était une sensation horrible, et les titans venaient toujours plus nombreux.

Il ne comprenait pas cette souffrance. Il ne comprenait pas cette présence. Il ne comprenait pas ces absences.

Où était donc Levi ?

La jeune soldate était arrivée au centre du champ de bataille. Mikasa quitta avec joie sa monture blessée et s'envola enfin en direction de ce ciel déchiré. Les bouts de chair volaient dans son sillage, laissant derrière elle une myriade de gouttes écarlates. On aurait pu la prendre pour la déesse des pluies sanguinolentes, s'il y avait eu quelqu'un d'assez sot pour s'aventurer dans ce champ de mort.

Elle aperçut, derrière la forêt de géants dénudés, la silhouette imposante de son frère, et le soulagement vint étreindre son cœur. Néanmoins, une question ne cessait de tapisser les recoins de son crâne. Où était passé le caporal ? Elle espérait, de manière étouffée, l'apercevoir parmi les battants. Ainsi, elle n'osait aventurer son regard vers les cadavres déjà grouillants de mouches.

Une troisième salve de pierre la désorienta dans sa voltige aérienne. Elle aperçut, derrière ses jambes athlétiques, la terre être retournée par les météores. Les corps furent d'autant plus ravagés. Certains titans perdirent un membre, d'autres avaient un trou dans le thorax, mais continuaient malgré tout de progresser vers les soldats. Son myocarde devenait lourd dans sa cage thoracique.

Elle ne comprenait pas cette souffrance. Elle ne comprenait pas cette présence. Elle ne comprenait pas ces absences.

Où était Armin ?

Jean avait perdu la trace de son partenaire. Paniqué, il se posa contre le tronc d'un arbre, cherchant la silhouette discrète parmi les cadavres. Les restes des géants s'évaporaient déjà. Merde, il ne savait plus où il était. Depuis combien de temps combattait-il seul ? Depuis combien de temps avait-il disparu ? Une boule d'angoisse se forma au sein de sa poitrine, et le soldat peina à respirer convenablement.

Dès qu'il avait l'occasion, il retournait les corps malmenés de ses camarades, en quête d'un visage glabre aux traits infantiles. Pourquoi était-il si paniqué à cette idée ? Le blond était un de ses frères d'arme. Il était normal qu'il s'inquiète autant, n'est-ce-pas ?

Où était Annie ?

Hanji progressait dans les fourrés, son escouade derrière elle. Le titan avec le dispositif sur son dos était encore dans son champ de vision, mais elle avait perdu de vue le second titan. Malheureusement, la soldate constatait que la bataille semblait perdue, et elle hésitait à revenir en support. Plongée dans ses réflexions, Moblit arriva à son niveau.

« Hanji. Peu importe ta décision, nous te suivrons.

- Rah... Je pense qu'on peut gérer ce titan qui la transporte... Mais il peut ne pas être seul.

- Tu fais référence à Reiner Braun et Berthold Hoover ? Cela fait un bout de temps qu'on ne les a pas croisés...

- Ils peuvent très bien être avec elle... Ou être avec ce singe... Raaaaah pourquoi c'est si compliqué ?!

- Pourquoi resteraient-ils à l'écart ?

- Je ne sais pas. Après tout, on ne les a jamais vraiment vus se transformer... »

Un silence ponctua sa phrase. Ses sourcils froncés procuraient une dimension sévère à son visage. Lorsque la troisième salve de pierres arriva, la stratège se tourna vers son groupe.

« Nous allons profiter de notre position pour attaquer le titan qui jette des pierres. Soyez aussi discrets que possible. Je doute qu'il nous ait vus, et dans son dos, on peut passer inaperçus. »

Où était Jean ?

Armin se sentait désemparé. Au pied d'un arbre, le jeune homme peinait à reprendre sa respiration. Entre les pierres à éviter et les mains des titans à découper, il avait utilisé beaucoup trop de gaz que prévu. Le jeune homme tentait de trouver une solution à cette situation, et il observait le champ de bataille tout en prenant garde à son environnement.

Il fallait agir vite. Ils allaient finir par être tous à court de gaz. Alors ils se feraient dévorer vivants, ou écraser par des pierres. Le plus gros problème, c'était ce titan... Mais depuis la transformation d'Eren, celui-ci fixait ses faits et gestes avec un intérêt non-dissimulé. Comme s'il s'amusait à découvrir les gestes d'un autre espèce. Peut-être pouvaient-ils utiliser cette attention à leur avantage ? Il fallait qu'il en parle au caporal.

Où était-il ?

Levi avançait de manière aléatoire. Il ne se préoccupait plus tellement des titans qu'il découpait, de leurs mains tendues vers lui, et de leurs mâchoires qui claquaient en l'observant. Ses lames semblaient lourdes dans ses mains moites. Son cœur était lourd entre ses côtes. Tout était trop lourd. Au milieu du champ de bataille, son cœur se glaça lorsqu'il aperçut une tignasse blonde au sol. Celui-ci tendait une lame vers la gueule d'un petit titan. L'anthropomorphe, à genoux au sol, devait faire dans les cinq mètres.

Il s'élança, hurlant son prénom dans une rage inconditionnelle. Ackerman tournoyait dans l'air, se propulsant à l'aide d'un peu plus de gaz, et il trancha la nuque du carnivore d'un seul coup. La tête du titan s'écrasa devant le corps fatigué du major, tandis que son corps s'affaissait. Son unique bras baissa sa lame, pendant qu'un sourire exténué décorait son visage. La souffrance dans son corps disparut. Tout devient léger. C'était comme si un océan avait entravé ses précédents mouvements, et qu'il venait de se hisser à sa surface.

« Levi. Je suis heureux de te voir.

- Bordel mais t'es un vrai boulet ! Comment t'as fait ?

- Un projectile habilement visé.

- Ne le flatte pas trop non plus. »

Il s'agenouilla devant son ami, retirant sa ceinture d'un geste vif. Rapidement, il serra la lanière de cuir autour de ce qu'il restait de son bras. Il dû réaliser un trou à l'improviste dans cette matière, avec la pointe de son épée. Une fois la ceinture nouée autour de son bras, l'afflux de sang s'estompa. Concentré sur sa tâche, Levi ne remarqua pas l'escouade qui s'approchait derrière le macaque. Il ne remarqua pas non plus que celui-ci s'était bien rapproché d'Eren Jäger, qui s'épuisait à force de frapper les géants autour de lui.

« Il faut nous sortir de là, Levi. Je ne suis pas très utile, et je ne sais pas où est Hanji...

- Commence pas à dire des conneries ! Avec le garrot, tu vas vivre. Je vais te poser dans un endroit haut. Et on reviendra te chercher.

- Je ne veux pas être un boulet. Donne-moi un cheval et je continuerai.

- Avec un bras en moins ? T'étais inutile contre un cinq mètres.

- Quel genre de supérieur ferais-je, si je reculais pendant que mes soldats meurent pour mes idées ? »

Frustré, le brun lui tendit sa main couverte de sang poisseux. Le major prit sa main dans la sienne et se releva difficilement. Un courant d'air lui fit tourner la tête, et Levi eut l'impression qu'une paire d'iris sombres l'observait.

« Tu as croisé Mikasa ?

- Non. N'était-elle pas avec toi ? »

Où était-elle ?

Mikasa essuyait le sang qui coulait de son front. Elle n'était généralement pas gênée par tout ce sang sur son corps : seulement par cette teinte écarlate. Il s'évaporerait bientôt. Si celui-ci coulait dans ses yeux, cela pouvait lui porter préjudice. Seule, la jeune femme progressait dans cette forêt de cadavres. Les corps désabusés gisaient. L'herbe auparavant verte avait la même couleur que son écharpe qui flottait au gré de ses mouvements.

Elle était seule sur cette montagne de cadavres, et elle ne se sentait pas mal. Ackerman ne se sentait pas bien non plus. Disons que la jeune femme était si concentrée dans sa tâche qu'elle en oubliait ses émotions et son être entier. Elle ne faisait plus qu'un avec sa lame, plus qu'un avec la mort. Le vent fit virevolter ses cheveux de jais, qui flottaient dans son dos.

Les cris, les bruits des pas lourds, les sons des respirations titanesques. Tout semblait lointain. Un courant d'air lui fit tourner la tête, et elle eut l'impression qu'une paire d'iris acier l'observait. Cependant, ses yeux se figèrent sur la silhouette de son frère. À trois cents mètres d'elle, son titan tomba au sol, et certains géants se précipitèrent vers sa nuque dégagée. Une sourde panique la sortit de sa léthargie.

Une main sale enserra sa silhouette gracile, et la jeune femme fut emprisonnée dans l'étau de ses hantises. 

***

Bonjour à toutes et à tous ! Juste pour vous dire que le prochain chapitre risque d'avoir du retard : du 29 au 05 mars, je suis en Islande pour mes vacances, et je ne suis pas sûre d'avoir le temps de poster le chapitre 22 le jeudi 05 ! Ainsi, il sera probablement en ligne exceptionnellement le lendemain, soit le vendredi dans deux semaines. Merci de votre compréhension !

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