18 - Kosten

Waaaw premier chapitre de l'année 2020 ! Je vous souhaite une très bonne année et en profite pour tous et toutes vous remercier de vos lectures, votes, commentaires ! C'est grâce à vous que j'ai la motivation pour continuer cette histoire ! J'espère que la suite vous plaira, à bientôt !

***

La foule éparse clamait le nom d'Historia. Celle-ci, agenouillée devant le généralissime Daris Zackley, avait la main sur son cœur lorsque la couronne fut déposée au-dessus de sa chevelure blonde. Les discussions allaient de bon train, et ses camarades du bataillon entendaient tous les commentaires du peuple. Certains hurlaient avec joie qu'elle avait mis fin à la tyrannie exercée par son père, d'autres s'étonnaient de voir qu'elle avait exterminé un titan plus grand que le mur lui-même. De son côté, le caporal Levi observait son ami du coin de l'œil, souriant face à la réussite de son plan. Erwin devait être sacrément fier. Sur son piédestal, la jeune reine salua son peuple d'un air solennel, renforçant l'allégresse exacerbée des habitants venus assister au couronnement.

« C'est ma reine ! Regardez à quel point elle est belle !

- Oui, Ymir, elle rayonne. »

La détentrice du titan mâchoire se tourna vers Mikasa d'un air méfiant. Depuis son combat contre le caporal, sa camarade était froide avec elle. La soldate comprenait ses raisons ; après tout, leurs blessures auraient pu mettre à mal le sauvetage de son amour. À présent, elle pouvait imaginer ce qu'elle avait ressenti...

« Mmh. Je ne te pardonne toujours pas.

- Je me fiche de ton pardon. Si tu ne comptais pas autant sur moi et ma force, tu ne serais même pas énervée. Arrête d'attendre autant des autres et fais-toi confiance, un peu. »

Son interlocutrice écarquilla les yeux à la suite de ses remarques, et poussa un petit grognement. Le miracle de l'humanité s'était déjà éclipsé en direction d'Eren, et bientôt, tous les anciens de la 104e brigade se retrouvèrent dans les couloirs sinueux du grand bâtiment. Historia avait ôté son grand manteau rouge et sa couronne. Ses cheveux étaient défaits, et elle ne portait qu'une longue robe blanche.

Une pensée lui vint avec amusement. Alors qu'ils discutaient avec entrain, l'asiatique s'approcha de la jeune femme au sang royal.

« J'y pense. Tu es la reine, maintenant. Tu pourrais frapper Levi sans qu'il ne puisse y faire quoique ce soit. »

Un silence ponctua la fin de sa phrase.

« Mais... C'est une merveilleuse idée, Mikasa !

- Hein ? Historia, tu ne vas pas le faire... Je ne serai pas toujours là pour te protéger ! Tempêta Ymir, qui jetait un regard noir à la brune.

- Je suis la Reine ! Je fais ce que je veux !

- Eheh, si ça ce n'est pas un privilège... Ricana Jean. »

Ainsi, le petit groupe arpenta le château à la recherche du terrifiant ténébreux. Eren et Connie tentaient de dissuader la reine, alors que son amour avait décidé d'y renoncer. Au contraire, Jean l'encourageait, et Sasha déglutissait déjà. Armin tira doucement sur la manche de Mikasa, l'entraînant ainsi à l'écart de toute cette agitation. Elle remarqua l'indiscret regard que le blond jeta à Jean, et fronça les sourcils. 

« Mikasa. Sais-tu pour le caporal ?

- Savoir quoi ? »

Sa réponse hâtive la fit pester. Elle se renfrogna lorsqu'elle remarqua à quel point son cœur avait accéléré à la simple mention de son grade. Son meilleur ami l'observait d'un air suspicieux, guettant chaque ride qui laisserait entrevoir ses émotions.

« J'ai assisté à une de ses conversations avec Kenny l'égorgeur... »

La soldate laissa tomber sa grimace agacée pour laisser place à sa curiosité. Le blond aux yeux bleus inspecta les alentours. Ils pouvaient entendre, au loin, le rire gras de Connie.

« Notre ennemi était son oncle. Il lui a révélé que son vrai nom est Ackerman. »

Le soldat était très attentif à la réaction de Mikasa, mais celle-ci cligna simplement des yeux. Quelques secondes s'écoulèrent, et elle se sentit obligée de répliquer ; au risque de froncer davantage ses sourcils clairs.

« Je le sais, Armin.

- Il t'en a parlé ?

- Oui.

- Et vous avez parlé de votre relation ? »

Ce fut au tour de la combattante de froncer les sourcils. Soudain, le regard amusé de Sasha prit place derrière ses paupières, et elle dû respirer fort pour ne pas laisser apparaître quelques rougeurs sur ses joues.

« Comment ça, de notre relation ? »

Elle maudit tous les dieux et rois qu'elle connaissait, lorsqu'elle entendit les tons chevrotants de sa voix. Armin lui lança un regard exaspéré.

« Tu sais que je ne suis pas aveugle... Mais si tu continues de l'appeler « Levi » et non pas « caporal », les autres s'en rendront compte aussi. Fais attention à ton langage, aussi, tu utilises les mêmes expressions. Tu soupires presque comme lui. Ah, et tes lames. Parfois, tu les tiens comme lui. Tu sais à quel point Eren est possessif. »

Le discours de son ami la laissa sans voix. Elle ne s'était pas rendu compte de tout ce qu'il avait influencé, chez elle. Elle ne savait pas si elle ressentait un agacement profond, une panique sourde, ou un amusement sans pareil en voyant l'analyse de son meilleur ami. La mention de son frère lui faisait mal, et la brune détourna le regard. 

« Vu ses réactions à mon égard, ça m'étonnerait qu'il soit jaloux.

- Il tient tout de même à toi, tu le sais... Malgré ses actions.

- Maintenant, on est comme des inconnus. Il parle davantage à Jean qu'à moi. »

Elle observa attentivement l'expression de son ami d'enfance changer. En effet, Mikasa ne l'avait pas mentionné par hasard... Le visage infantile du blond prit une couleur rosée, pendant que ses sourcils se retroussaient. Un sourire invisible teinta sa propre expression d'une bienveillance maternelle. Pas besoin d'en parler. Elle savait, à présent. Les mots étaient inutiles pour décrire de telles émotions. Ils seraient vagues, flous, insipides. 

« Merci pour tes conseils, Armin.

- Tu vas lui en parler ? Au caporal ?

- Je... Je ne sais pas.

- Je ne suis pas spécialiste dans le domaine... Et même si vous êtes les deux soldats les plus forts de l'humanité, le monde est cruel... Tu pourrais ne plus jamais avoir l'occasion de lui dire.

- Rejoignons les autres. »

La jeune femme commença à marcher, dos à son ami. Non, elle ne voulait pas en parler à ce nain. C'était couru d'avance. L'homme qui hantait ses songes avait l'intelligence émotionnelle d'une petite cuillère. Il ne l'aimait pas.

« Mais, Mikasa... Si ce sujet te dérange, je n'en parlerai plus...

- Ce n'est pas ça. Je sais juste que ce serait inutile.

- Pourquoi donc ? »

En chemin, la cadette Ackerman étouffa un rire.

« Il ne ressent pas la même chose.

- Qu'en sais-tu ?

- Il m'a dit qu'il me haïssait. »

Arrivé à son niveau, le blond baissa la tête de gêne à la suite de ses paroles. Elle aperçut leur petit groupe, au fond du couloir, et pressa le pas pour les rattraper.

« Je suis désolé... Peut-être qu'il pense le contraire ? Vous êtes les mêmes, tous les deux. Il ne te déteste peut-être pas toi, mais les émotions que tu lui fais subir ?

- Sasha me l'a déjà dit.

- Tu en as parlé à Sasha, et pas à moi... ?

- C'est elle qui m'en a parlé, à vrai dire...

- Mmh... Bref. Qu'est-ce-que ça peut te coûter de lui dire, de toute manière ?

- Oh, Armin ! Viens raisonner Historia avec moi ! »

Le frère de la brune croisa le regard de sa sœur, et le détourna naturellement d'elle, comme si la jeune femme n'existait pas. Le cœur de la concernée se contracta sous la peine de cette constatation, et même la main rassurante d'Armin sur son épaule ne suffisait pas à contenir sa tristesse. Pour se distraire, Mikasa tenta de savoir ce que ça lui coûterait, d'avouer ses sentiments au caporal. Perdue dans ses pensées, elle ignora les complaintes de Sasha et Connie, les soupirs d'Ymir et la démarche royale de la petite blonde.

Lui avouer lui coûterait tout. Sa fierté, son image, son devoir. Elle ne pouvait pas s'adonner à de tels sentiments, dans ce monde. Car même si Eren la rejetait, elle devait s'accrocher à lui. Elle n'avait toujours pas trouvé la cause à cette nécessité, et ne cherchait plus à connaître son origine. Elle était une femme d'action, après tout.

« Attends, tu vas vraiment le faire, Historia ?

- Oui, Eren.

- Mais Mikasa rigolait ! Hein, Mikasa ?

- Après que tu l'aies frappé, dis-lui « ose me frapper en retour, sale nain ».

- T'étais pas sensée dire ça... Oublie ça, Historia...

- Si je ne peux pas faire cela, comment pourrais-je me proclamer comme reine ?

- Tu serais toujours celle de mon cœur... »

Les deux amoureuses se jetèrent un regard doux, alors que Connie mimait un vomissement. Jean lui jeta un regard, et la combattante regretta d'être l'objet de ses œillades. L'intervention d'Ymir n'atténua pas pour autant la volonté de l'héritière des Reiss. Soudain, une petite silhouette se refléta à travers la lumière du jour. Dos à la fenêtre, le visage du caporal était caché par l'ombre. Celui-ci s'avança au milieu du couloir, faisant face au petit groupe, et le cœur de la jeune femme continua de jouer son éternel concert. Malheureusement pour elle, ce n'était pas une douce mélodie qu'il jouait, mais une violente aubade. 

Ils s'arrêtèrent tous devant lui, et pendant que la reine des murs s'avançait d'un air effrayé, le regard gris de l'homme aux cheveux rasés croisa le sien. Mikasa se sentit tant oppressée par toutes ses émotions qu'elle retint son souffle. Puis, la soldate sortit de sa transe par le cri de guerre de la blonde, qui courut en direction de Levi. Celui-ci, surpris, l'observa venir vers lui, les sourcils retroussés. Puis, l'ancienne combattante lui asséna un léger uppercut dans le bras, créant la stupéfaction auprès de ses camarades.

« Ahahahah ! Tu vas faire quoi, hein ? Je suis la reine ! Si tu as un problème... »

Elle fut interrompue par le rire discret de celui qu'elle venait de frapper. Lorsqu'elle entendit ses notes amusées, la cadette Ackerman perdit le rictus que lui avait provoqué cette scène. Un sourire décora ce visage habituellement impassible, et elle crut que son cœur venait de s'arrêter.

« Merci à tous. »

Les recrues étaient tellement interloquées qu'un grand silence s'installa dans le couloir. Le haut gradé plongea à nouveau son regard dans celui de sa cadette, avec ce putain de sourire toujours accroché à son fichu visage, et la jeune fille crut qu'elle allait mourir sur place. Son cœur battait trop vite, beaucoup trop vite. Pourquoi la regardait-il ? Elle voulait qu'il détourne le regard, ou qu'il l'observe pour l'éternité, elle ne savait pas très bien. Cet air angélique qui décorait ses traits démoniaques avaient failli lui faire oublier l'angoisse qu'elle ressentait depuis deux jours. À cette pensée, son visage se rembrunit.

L'asiatique se perdit tellement dans ses pensées qu'elle se dirigea vers la salle du trône inconsciemment, dans laquelle les soldats devaient jurer allégeance à sa majesté. Elle détestait cette terreur qui l'assiégeait la nuit, lorsqu'elle songeait aux paroles de Reiner. Elle haïssait cette peur qui la suivait comme son ombre la journée, pendant que la jeune femme détaillait les traits de ces personnes qu'elle souhaitait protéger.

Le silence noyait la salle lumineuse. Des étendards arboraient fièrement le nouvel écusson de la reine. Tous les soldats étaient vêtus de leurs uniformes de défilé, portant fièrement leurs médailles. Tout le bataillon était agenouillé devant la blonde, qui tendait sa main diaphane afin d'y apposer un baiser. La main sur son cœur, Mikasa se sentait mal. Elle allait jurer allégeance à sa camarade, alors qu'elle avait pactisé avec l'ennemi quelques jours avant. Mais c'était pour mettre à l'abri Eren, n'est-ce-pas ? Ainsi qu'Armin, Levi, Sasha, Jean... Malgré cette conviction, la militaire se sentait nauséeuse. Comprendraient-ils ses actions ? La pardonneraient-ils ?

En embrassant la main infantile d'Historia, la brune croisa son regard bleu et eut l'impression de voir Annie. Serait-elle traitée comme elle l'eusse été ? Elle n'avait malheureusement aucun pouvoir qui lui assurait un isolement éternel. Elle eut envie de se plonger dans les yeux gris de son homologue masculin, mais il était à côté d'Eren, et la vision de son frère l'empêchait d'accéder à sa contemplation silencieuse.

Ainsi, elle assista à une scène qui resta à jamais gravée dans sa mémoire. Le visage de son frère se tordit en une grimace effarée, serrant dans sa propre paume la main glabre de la reine. Sous ses yeux, elle observa les sillons de la culpabilité, de la peur et de la haine, se creuser en un spasme douloureux.

« Eren ? »

Il redressa ses yeux vers la blonde, surpris dans sa torpeur effrayante, et déposa ses lèvres sur sa peau. Historia lui jeta un dernier regard inquiet, avant de tendre la main vers Levi. Mikasa fixa le détenteur du titan assaillant. Celui-ci, les yeux dans le vide, semblait apercevoir les hadales même de la souffrance humaine. Il semblait perdu dans la nuit noire, abandonné dans un océan sans fond, seul, terriblement seul. La jeune femme prit délicatement la main de Jäger, qui la serra dans la sienne sans une seule seconde d'hésitation. Elle se sentit heureuse de voir qu'il acceptait encore son contact et sa présence à ses côtés, malgré la froideur qui s'était installée dans leur relation.

Elle ignorait ce qui l'avait mis dans cet état, mais le tremblement de ses doigts contre le dos de sa main l'inquiétait.

***

« Tu voulais me voir ? »

Levi referma la porte en bois de chêne derrière lui, provoquant un bruit sec. Devant lui, Erwin arborait un sourire vaguement doux, et son visage serein adoucit légèrement la rancœur qui l'étreignait.

« Oui. Pourquoi as-tu bousculé Jäger comme cela, en sortant de la salle du trône ? Je suis sûr que malgré ton grand âge, ta vue n'a pas baissé.

- Tss, ce gamin ne devrait pas exister.

- Pourquoi ? C'est l'espoir de l'humanité, avec Ymir. Son titan est capable de beaucoup de choses utiles. Est-ce vraiment lui qui t'énerve ? Ou... Y aurait-il autre chose ? »

L'enfant des bas-fonds pesta de nouveau en entendant la voix prévenante de son ami. Si ça avait été quelqu'un d'autre, il lui aurait fait bouffer son putain de bureau... Mais c'était Erwin.

« Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Je n'ai absolument pas à répondre à de telles conneries. Si c'était ça l'urgence, je retourne nettoyer cette putain de chambre. Ce sont des putains d'incapables, ici.

- Oh, tant de vulgarité. Un sujet dont tu ne veux pas parler. C'est Ackerman ? »

Cette fois, un grognement retentit dans la petite salle. Pourquoi ça l'énervait tant ? Elle avait juste tenu la main à cette enflure. Il l'avait juste touchée. Le brun devrait lui couper la main. Puis, cela n'aurait pas d'incidence, vu qu'elle repousserait. Eren Jäger était une mauvaise herbe qui empoisonnait son entourage. Et il était pressé de déraciner ce parasite.

« Allons allons, ne fais pas cette tête. Assieds-toi. Je te sers une tasse de ton thé préféré ? »

Pour appuyer ses dires, le major sortit une théière de sous son bureau, et la déposa sur le bois sombre du meuble. Agacé par l'attitude de son supérieur, l'homme aux cheveux rasés ne résista cependant pas, lorsque la flagrance du thé noir vint caresser ses narines. Il tira violemment la chaise devant lui, s'assit précipitamment, et plaça un dessous de verre en dentelle sous la théière. À ce geste, le plus grand émit un petit rire.

« Alors ? Ce thé ne va pas se servir tout seul. »

Levant les yeux au ciel, le commandant du bataillon d'exploration sortit deux tasses, qu'il déposa avec soin sous les étoffes blanches, et versa dans leur contenu le liquide sombre. Une vapeur chaude s'éleva dans l'atmosphère. Le caporal Ackerman observa longtemps cette danse intangible, et pourtant si visible.

« Il me casse les couilles.

- Pourquoi ?

- Ils se tenaient la main.

- Oh. Pourquoi cela t'énerve ? C'est son frère.

- Je ne sais pas pourquoi. J'ai envie de couper sa foutue main, ça lui passerait l'envie de le faire.

- As-tu déjà songé que cela t'énervait, car tu souhaitais être à sa place ? »

La tasse de thé contre sa lèvre inférieure, le soldat crut qu'il allait cracher dans sa boisson. Il planta son regard horripilé dans les pupilles bienveillantes du major, qui lui souriait d'un air taquin.

« Tu m'as bien regardé, Erwin ? Moi, vouloir être à la place de ce putain d'Eren Jäger ?

- Oui. Tout du moins, tu aurais aimé tenir sa main.

- Tss. Arrête tes conneries.

- Tu penses que je ne vois pas comment tu la regardes ?

- Quatre yeux te monte la tête. Je ne la regarde pas.

- De quelle couleur sont ses yeux ?

- Pourquoi cette putain de question ?

- Réponds.

- Ils sont noirs. Beaucoup trop noirs. »

Sa réponse étendit le sourire qui déformait son visage serein, et il avala une gorgée de thé pour ne pas avoir à contrôler son rictus de gêne. Cette conversation l'emmerdait. En quoi ça concernait Erwin, de toute manière ?

« Je me doute que cette situation est compliquée pour toi. Mais tu le sais... Le monde est cruel. Et même si vous êtes les deux meilleurs soldats du bataillon, voire de l'armée dans son ensemble... Le destin est une chose impalpable.

- Où veux-tu en venir ?

- Tu sais où je veux en venir. Dis-lui avant qu'il ne soit trop tard. »

Habituellement, Levi ne recevait d'ordres de personne. Aucun individu sur cette terre ne pouvait lui imposer comment vivre sa vie. Alors pourquoi diable ce type était-il toujours vivant ? Il ne savait pas trop. Erwin était la seule personne qu'il tolérait vraiment. Et même s'il lui donnait des ordres, le conseillait avec ses bons sentiments... L'ancien assassin le suivait. Il continuait d'écouter ce qu'il avait à lui dire, et jamais auparavant il n'avait fait preuve d'autant de retenue envers quelqu'un.

« Pour qu'elle aille se foutre de ma gueule avec son putain de cheval ? Non merci.

- Cheval ? Mikasa parle aux chevaux ?

- Non, idiot. Je parle de Kirstein.

- Ce n'est pas très professionnel, de la part d'un haut gradé, de se moquer de l'apparence de ses soldats.

- Tu sais que je n'en ai rien à foutre.

- C'est vrai. Mais, Levi. As-tu déjà considéré la possibilité que ce soit réciproque ? »

Sa question l'interrompit dans sa déglutition, et le soldat le plus fort de l'humanité s'étouffa avec sa boisson. Levi toussa difficilement, et le liquide sombre remonta légèrement dans ses narines. Il émit une grimace de dégoût, et vit son ami le regarder d'un air inquiet.

« C'est donc ça, ton point faible... Seul le thé peut te tuer.

- Très drôle, Erwin. Qu'est-ce qui te fait croire que c'est réciproque ? On s'est battus presque à mort, tu ne te souviens pas ?

- C'est justement ça qui m'interpelle.

- Tss, t'es vraiment une brêle dans les relations humaines. Elle m'a dit qu'elle me haïssait.

- Levi, vous êtes pareils. Je suis certain qu'elle déteste ce que tu provoques, en elle. Tout comme toi. »

Le brun essuya les dernières gouttes de thé qui avaient fui sa cavité buccale. Il n'aimait pas cette conversation. Il se releva, faisant grincer la chaise sur le plancher en bois.

« Merci pour le thé.

- Levi. N'aimerais-tu pas davantage que des coups ? »

Son interrogation l'interrompit dans sa marche. Son souffle s'accéléra soudain, conscient de ce que cette phrase signifiait. Tenir sa main. Prendre possession de ses lèvres roses. Caresser ses cheveux longs. Le concerné grogna, conscient de ce que son ami tentait de faire.

« La ferme, Erwin.

- Penses-y. Tu mérites de recevoir et de donner un peu d'amour, toi aussi.

- C'est une gamine. Je suis son supérieur. Et en plus, on a le même nom de famille.

- Est-ce que ça change tes sentiments ?

- Non.

- Où est le mal, si elle ressent la même chose ?

- Ces sentiments sont justement mauvais, Erwin !

- Levi. Ce monde est suffisamment démoniaque pour t'arracher tous ceux à qui tu tiens. Ta mère, Isabel, Farlan... Moi aussi, probablement. Permets-toi ceci, au moins. Avant qu'elle ne te soit arrachée, elle aussi. »

L'homme aux cheveux rasés renversa la chaise lorsqu'il se retourna. La haine dansait dans ses prunelles d'acier, comme les flammes d'un brasier inextinguible. Il plaqua ses mains contre le bois sombre du bureau, créant une secousse qui renversa un peu de thé sur le meuble.

« Elle ne m'aime pas ! Qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?!

- Comment pourrais-tu le savoir, si tu ne lui demandes pas ? Après tout, ça te coûterait quoi, de le lui dire ?

- Tout, Erwin. Ça me coûterait tout. »

Sur ces mots, l'enragé fit marche arrière et claqua la porte derrière lui. Il oublia le thé qu'il avait renversé malgré lui, la chaise qui était encore au sol, et le bruit du craquement de la porte en bois. Il longea les couloirs, tel le chien féroce qu'il était. Il ne croisa personne sur sa route, et s'enferma dans la chambre mal entretenue qu'on lui avait attribuée.

« Putain d'Erwin de merde... »

Le colérique s'assit sur son lit et prit sa tête entre ses mains. Lui avouer tout, au risque qu'elle ne se moque de lui ? Elle allait le prendre pour un faible. Levi n'était pas faible. Une migraine prit soudain place derrière ses paupières closes, et il étouffa une plainte de douleur. Au fur et à mesure qu'il maudissait son supérieur, la douleur augmentait et engloutissait tout ce qu'il avait en lui : le goût âpre du thé encore présent dans son palais, l'odeur du produit ménager que le brun avait sorti pour nettoyer cette fichue pièce, les yeux sombres d'Ackerman qui ne cessaient de le hanter.

Lui avouer lui coûterait tout. Sa fierté, son image, son devoir. Il ne pouvait pas s'adonner à de tels sentiments, dans ce monde. Soudain, sa migraine laissa place à un souvenir inconfortable : celui du corps de cette femme, baignant dans son propre sang, dans ce couloir froid et insipide. L'ancien boucher des bas-fonds frissonna. Le nettoyage de cette scène avait pris une éternité... Il ne se permettrait pas de la perdre, ça non.

Résigné, le caporal Ackerman fixa le vide devant lui. L'angoisse enserrait son cœur en une danse insidieuse, berçant ses peurs au sein des affres de ses chimères. Avait-il enfin fait le bon choix ? 

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