Chapitre 6

La pointe acérée de mes canines chatouillait ma langue tandis que je m'enivrais du parfum dégagé par l'animal, la bouche entrouverte.

- Hm, un mélange de baies et de châtaignes, soufflai-je avec bonheur.

Je passais ma main dans son duvet coloré, plongeant les griffes que je ne me souvenais pas avoir sorties entre ses poils et rêvant de son sang. Je revoyais en boucle l'image de la petite plume envolée et ce fut ce qui m'acheva.

Perdant mon sang-froid, je bondis et cherchai à croquer l'oiseau.

Il fut plus rapide que moi et se libéra de mon étreinte pour s'envoler hors de portée sur la branche d'un arbre à une dizaine de mètres. J'entendais le battement effréné de son cœur fragile grâce à mes sens devenus surdéveloppés.

Je voulais ce cœur.

Et j'allais l'avoir.

Je poussai un glapissement aigu et le poursuivis.

J'allai l'avoir.

Il s'était réfugié à la cime du chêne, qui devait dépasser les trente mètres, mais cela n'allait pas m'arrêter. J'avais faim et il y avait de la nourriture. Je n'allais pas me priver.

Je courus jusqu'à l'arbre et plantai mes griffes dans le tronc avant d'entreprendre la montée. Au-dessus de ma tête, j'entendais les tremblements de mon repas et ça ne m'excitait que davantage.

C'était dur.

Ma migraine n'avait pas disparu et me broyait le crâne aussi efficacement que si je le cognais contre un rocher.

La faim me faisait trembler de tout mon être et, si elle me motivait, elle me ralentissait également, à bout de force comme j'étais.

Et pour finir, j'étais coincée entre ma forme humaine et animale, comme en témoignaient mes mains recouvertes de poils roux et pourvues de longues griffes tranchantes.

Mais je persistais, guidée par l'envie tenaillante qui m'ensorcelait et décuplait mes forces.

Arrivée sur la branche, perchée à quarante mètres du sol, je souris. D'un sourire bestial et cruel.

Puis je m'effondrai, agitée de soubresauts si violents que je manquai plusieurs fois de tomber. La tête me tournait et j'avais la nausée. Je ne pouvais plus bouger, terrassée par cette force venue de mes entrailles. Accablée par cette douleur inimaginable qui me brûlait et me gelait à la fois, j'avais l'impression de me trouver dans un brasier.

J'avais envie de mourir.

Par pitié, qu'on m'achève pour que cette abominable torture s'arrête !

Un éclair blanc s'était imprimé sur ma pupille et peu importait que je fermais les yeux ou non, je ne pouvais effacer la clarté sépulcrale de mon crâne.

J'avais si mal.

Il me semblait qu'on m'écartelait, me découpait puis versait du sel sur mes plaies avant de cautériser les blessures dans les flammes de l'enfer.

Je n'arrêtais plus mes hurlements. Ils m'arrachaient la gorge mais sans ça, j'avais l'impression de devenir folle.

Encore plus que maintenant.

J'émis un gargouillement étranglé avant de vomir du sang. Celui-ci était étrangement sombre, coagulé.

Je retombais à bout de force contre le tronc.

Alors que j'avais réussi à trouver un étrange équilibre, étendue le long de la branche, un nouvel éclair me traversa, vibrant dans chaque fibre nerveuse de mon corps et métamorphosant mes cellules, je tombai.

Mourir, j'allais mourir.

J'atterris brutalement sur la branche en-dessous, le choc me coupant le souffle. Ne prenant pas le temps de me remettre de la douleur, tâtant l'écorce, je m'accrochai le plus fort possible de mes doigts tremblants à une des excroissances sur laquelle j'avais failli m'empaler.

Maintenant je pouvais souffrir en paix.

Mes yeux aveugles libéraient des larmes de sang qui venaient couler le long de ma mâchoire pour se perdre dans mon cou.

Je reçus une décharge brusque dans la colonne vertébrale et m'arc-boutais violemment en hurlant. Je sentais mes os se disloquer pour se souder autre part. Déjà, un poids nouveau se trouvait dans le bas de mon dos.

Mon visage s'était allongé, rétréci.

Je brûlais sous le soleil levant, chaque cellule de mon corps était en ébullition tandis qu'elle changeait de nature...

Je ne distinguais plus l'oiseau. Je...distinguais...plus...rien.

Et là, enfin, enveloppé dans une brume blanchâtre, le geai.

Je m'élançai.

- Raaaah!

Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim. Faim.

Repas.

Pas savoir ce que suivit ensuite.

Juste faim. Faim. Impitoyable et résonnant plus profond mes veines.

Et avoir oiseau en face, repas en face ! Moi vais dévorer.

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