Je tentais de me dégager, sans succès. Sa poigne semblait être faite de fer. Qu'allait-il se passer maintenant ?

Je redoutais la suite,comment tout avait pu changer ? Ça ne devait pas se passer comme ça, je devais juste faire mes preuves et rentrer dans leur meute !

J'inspirai pour me calmer. Tout n'était pas terminé, il m'avait juste attrapée par l'épaule. Si je semblais marcher dans son histoire de vengeance absurde, il relâcherait son attention.

Parfait.

Imitant la surprise, je lui demandais quel était le rapport avec mon père.Je m'interrogeai en même temps comment, dans son délire avec mon père, il connaissait Zab, qui restait tout le temps dans le territoire de la meute.

Il allait me répondre mais Kirsten, la femme au regard scrutateur, le coupa.

- Pas un mot, Johan. Ne te laisse pas attendrir par la fille de Felix, tu le regretteras encore une fois.

Le Kitsune au cheveux mi-longs prit un air peiné et se fit tout petit, ne remarquant donc pas qu'ils m'avaient livrée une précieuse information.

C'était qui ce Felix ?

Je n'eus pas le temps de réfléchir qu'aussitôt les autres sentinelles tombèrent souplement des arbres. Ils étaient en fait bien plus de quatre.

J'avais envie de courir loin, très loin. Je ne le pouvais pas. Johan venait enfin de me lâcher mais les autres Kitsunes venaient vers moi. J'étais encerclée, trois derrière, deux devant et deux sur chaque côté.

La peur me paralysait. J'allais vraiment mourir ? Mais pourquoi ? A cause de ce Felix contre qui on semblait avoir tellement de rancune qu'on tuait des inconnus de quinze ans ? Ils avaient dit que j'étais sa fille.

Mon cerveau tournait à toute vitesse pour comprendre ce qu'il se passait.

et réussir à trouver un moyen de m'échapper.

Felix était mon père Kitsune, enfin d'après eux. Il avait dû faire une grosse gaffe qui se répercutait sur moi. Les renards l'avaient tué, lui aussi ?

Mon cœur tout entier tremblait face à la menace, et quand un des renards m'effleura la joue d'une de ses griffes, comme jouant avec une proie, je tombai sur les genoux, la peur me vidant de toute énergie.

Je n'aurais pas dû venir ici.

Je me rendis compte une seconde trop tard que je n'aurais pas dû tomber à terre non plus car ils se servirent de ce moment de faiblesse pour m'attaquer.

Je reçus un coup de pied entre les omoplates de ceux de derrière et, face contre terre, je dus subir la férocité de leur méchanceté. Mon corps était en feu, je ne pensais plus à rien excepté la douleur de mes membres. Impossible de réfléchir, impossible de résister. Ils s'en donnaient à cœur joie et je ne pouvais rien faire.

Je ne voulais rien faire.

J'étais lasse de tout ça, lasse de la méchanceté de la meute à ma transformation, lasse de la dureté de vivre seule, lasse des forts qui s'en prenaient aux plus faibles sans leur laisser de chance.

J'en avais marre, la voilà la vérité. Pourquoi devrais-je chercher un refuge si personne ne m'acceptait, hein ?

Et pourquoi tu ne leur montrerais pas ce que tu vaux vraiment ? Pourquoi les laisser te battre ? Lasse, tu ne l'es jamais ! Tu es Lou, tu es toi. Respecte ta façon de vivre, de sourire, respecte ce que tu es. Une humaine, une Kitsune ? Et alors ?

Mais j'en peux plus... Je...

Je veux être la renarde de quelqu'un de bien, pas d'une fillette peureuse. J'ai vu tes souvenirs.

Et alors ?

Alors tu devrais t'en agacer, t'énerver ! J'ai tout vu, j'te dis. Les amis, les déceptions, ton caractère, aussi.

Je ne sais pas ce que tu as, mais essaye de rester un minimum fidèle à toi-même ! Quand t'avais huit ans, une louve de ta meute t'avais provoqué en duel parce qu'elle était trop nulle pour battre ceux de son espèce. Qu'est-ce que t'as fait ? Est-ce que tu t'es laissée démonter par le fait qu'elle était plus grande et plus musclée ? Non, tu as acceptée son défi et tu t'es entraînée comme une malade pour réussir.. T'étais une vraie folle et t'as pas changée.

Je soupirai, un sourire enfin sur les lèvres. Alicée en avait bavé ce jour-là.Ce fut après ma victoire que l'alpha m'avait félicitée.

Lou ?

« Je préfères le mot battante, mais t'as raison. »

J'étais Lou. Je n'abandonnais jamais. Jamais.

« Merci, la renarde. »

Les yeux brûlants, honteuse d'être ainsi trainée dans la boue, je me relevai, ignorant les lacérations dans mon dos.

Mes attaquants émirent une exclamation surprise. Ils ne s'attendaient pas à ce que je me relève, hein ? Ils pensaient que j'étais une faiblarde qui subiraient leurs coups ! Et bien ils pouvaient se les mettre là où je le pensais leurs claques ! Je me relevais et personne n'allait m'en empêcher !

Je fis remonter à la surface toutes les émotions dures de ces dernières semaines. J'allais souffrir, mais eux aussi.

Mes blessures étaient là, pas encore guéries et prêtes à servir pour ma transformation. Mon souffle se fit brûlant et le monde vira blanc. Face à moi, leurs regards se firent plus acérés et je devinai qu'eux aussi étaient prêts à user des grands moyens.

Alors que nous allions commencer nos transformations, une voix se fit entendre.

- Eh ! Lâchez ma Lou !