Chapitre 1

Ce soir avait lieu la lune rousse et pour cette occasion une grande chasse était organisée. Tous les loups seront présents,  des plus jeunes aux plus âgés. Tous sans exception.

C'était un grand événement. Toute la meute vibrait d'impatience et il arrivait quelques querelles. Rien d'inhabituel, ce n'était que des loups, après tout.

J'évitais les chahuteurs et courais de droite à gauche, proposant d'accrocher des banderoles ou des fleurs et aidant les louveteaux à rejoindre leurs parents... J'admirais en même temps les membres de ma meute qui s'entraidaient naturellement.

Je souris et m'apprêtai à repartir de l'autre côté du camp quand Léna me rejoignit, sous sa forme humaine comme d'habitude.

La louve-garou était petite et menue mais son air assuré empêchait qu'on la sous-estime. Au contraire, on voulait lui ressembler tant elle était charismatique.

Ses cheveux couleur argent lui tombaient au-dessus des épaules et brillaient sous le soleil. Je remarquai qu'elle avait changé de boucles d'oreille, préférant mettre ses grosses perles nacrées.

C'est vraiment la plus coquette des louves, pensai-je en m'inclinant.

Léna était la fille de l'alpha. C'était ma meilleure amie depuis toujours mais je lui devais le respect. C'était une des règles de la meute, c'était pourquoi je m'inclinais.

Sa voix amusée m'ordonna de me redresser. Elle disait que je n'étais pas obligée de m'abaisser si je le voulais mais je persistais à le faire. A chaque fois que je la saluai, malgré le temps et l'habitude, elle souriait toujours, contente.

Elle soupira avec amusement en voyant mes cheveux ébouriffés et mon visage rouge d'effort.

- Encore à courir partout, t'es pire qu'un louveteau, Lou.

- Bah merci !

Je ris face à sa remarque pertinente.

J'étais incapable de rester sans rien faire, il fallait absolument que je coure partout, que je participe à l'effervescence de la meute.

Avec un peu de tristesse, je me rendis compte que c'était pour montrer que j'en faisais partie. Qu'ils avaient eu raison de m'accueillir dans leur famille, alors que je n'étais qu'un bébé braillard que des humains avaient laissé à la porte de leur territoire. Qu'ils avaient besoin de moi, malgré le fait que j'étais humaine.

Mon amie, rieuse, reprit.

- J'étais venue te chercher à l'entraînement. Je pensais que tu t'entraînais avec ton Julien chéri.

Je réagis, j'en suis sûre, exactement comme elle s'y attendait en me lançant sa pique et m'exclamai avec gêne.

- Arrête ! C'est pas drôle, il va nous entendre !

Mes joues brûlaient tandis que mon amie s'en donnait à cœur joie en mimant des baisers. Au bout d'un moment qui me sembla interminable et durant lequel j'essayais de la renverser en me jetant sur elle, sans réussir et provoquant nos fous rires, elle se calma et continua.

-Genre que vous faisiez la course ou un combat...ou chassiez... ou, bref tous les trucs cools que tu rends barbants à force de les répéter, énuméra-t-elle.

Je soupirai.

Elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas ce que c'était de ne pas pouvoir jouer avec un autre loup, de lui courir après puis de le mordiller pour le taquiner, parce qu'on était trop faible, que nos muscles de jambes n'étaient pas assez développés pour courir à leur vitesse moyenne pendant les chasses. Que chaque jour, on devait donner le meilleur de soi-même, s'entraîner jusqu'à l'étourdissement, jusqu'à ce que les jeux ne soient plus drôles, pour se renforcer, pour essayer d'atteindre le niveau d'un louveteau. Pour espérer, un jour, pouvoir faire jeu égal avec eux.

- Qu'est-ce que tu fais là d'ailleurs ? poursuivit-elle. Et pourquoi il y a autant d'agitation ?

Je m'arrêtai. Elle n'avait pas osé, si ? Elle avait osé oublier. Non, impossible.

Avec un air plein de sous-entendus, je lui répondis.

- Léna, il y a la chasse ce soir.

- La chasse ? fit-elle, interloquée.

Sa tête penchée et ses sourcils, si fins qu'ils semblaient transparents, se froncèrent pour afficher une expression confuse.

J'aurais rigolé si je ne me retenais pas de me taper le crâne au sol face à sa réaction.

Ce n'était pas une jeune louve introvertie et écervelée mais la fille unique de l'Alpha, avec un réseau plus étendu que son père !

- Tu sais, démarrai-je en me répétant que ce n'était pas bien de frapper ses amies, la grande chasse qui a lieu lors de la lune rousse, tous les ans. Celle qui est tellement importante que chaque meute dans le monde y participe sur son territoire. L'évènement si incroyable que c'est uniquement à cette période de l'année que les loups-garous arrivent à communiquer avec leur partie animale . Que c'est durant cette nuit que les Kitsunes se transforment. Tout ça seulement quelques heures par an.

Elle souffla mais je ne lui laissai pas le temps d'enchaîner, consternée par son ignorance, et conclus.

- Tu ne peux pas dire ça.

Elle leva les yeux au ciel, puis me regarda avec peine, comme si c'était moi qui exagérait, alors qu'elle ne réalisait même pas l'importance de cette soirée.

Dire que c'était moi l'humaine !

J'avais beau la connaître depuis toute petite, elle arrivait encore à m'étonner.

Elle prit une expression boudeuse.

- Je comprends pas pourquoi vous vous embêtez à faire tout ça au lieu de rester bien au chaud. Ce n'est qu'une chasse, brutale et sauvage, après tout.

- T'abuses...

Elle plongea ses yeux dans les miens, plus sérieuse que je ne l'avais jamais vue.

- Et si je te dis que c'est à cause des occasions comme celles-là que je préférerais habiter avec des tantes fées comme ma mère avant ? Même avec des humains, tout plutôt que des loups-garous !

Son affirmation me fit mal au cœur, même si je savais qu'elle nous aimait énormément.

Elle réfléchit un instant et corrigea.

- Et les Goupils, bien sûr. Jamais je n'approcherai un Goupil, beurk.

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