Chapitre 7
Où est-ce que j'étais ? Et ma meute ?
Pourquoi j'avais si mal au cœur ?
Je regardais les gigantesques arbres au-dessus de moi, avec leurs branches acérées qui se découpaient en ombres noires sur le ciel bleu, sans comprendre ce que je faisais là. Je ne connaissais pas cette partie de la forêt. Où était le chemin de fougère qui menait à chez moi et que j'avais emprunté d'innombrables fois ? Qu'est-ce que c'était que ces grosses racines qui perforaient le sol pour me faire tomber ?
Cependant, je ne restais pas confuse longtemps et retrouvais peu à peu mes souvenirs douloureux, brumeux.
Je me souvenais du martyr que j'avais enduré, perchée sur cette branche. Avec un frisson, n'osant même pas les regarder, je touchais mes ongles redevenus courts et soufflai.
Je m'étais de nouveau transformée, complètement cette fois-ci. J'étais affaiblie et ma partie renarde en avait profité pour sortir.
Hébétée et toujours souffrante, je pris le temps d'observer le nouvel endroit où je me trouvais. Car je ne connaissais vraiment pas cette partie de la forêt, ce n'était pas là où je me trouvais avant. Je m'étais déplacée.
Du somnambulisme ?
Je réfléchis un instant mais non c'était autre chose. Je le sentais du fond de mes tripes.
Je fronçais les sourcils, agacée, et me massai durement le front pour chasser la brume de mon esprit.
Et je sursautai.
Ça sentait le fer. Ça sentait le sang.
Je me levai d'un bond, le nez en l'air, mais l'odeur avait disparu.
Je me rasseyai durement. Je devenais folle.
Malgré tout, mon instinct me soufflait que j'approchais. Que ce que je découvrirai sera capital pour mon avenir.
J'expirai bruyamment pour relâcher la pression accumulée.
Et je me souvins. La poursuite de l'oiseau. L'odeur de sang que je venais de sentir.
Retenant le geste qui me poussait à mordiller mes ongles, prise d'une intuition soudaine, je regardai mes mains. Elles étaient tachées d'hémoglobine.
Qu'est-ce que ça voulait dire ? Où se trouvait l'oiseau maintenant ? Où était le geai qui m'avait tenu compagnie ce matin ?
Non, je ne voulais pas savoir. Ça ne pouvait pas être son sang sur mes paumes.
J'avais dû m'ouvrir la patte quand j'étais transformée en marchant sur un caillou pointu. Oui, c'était ça.
Je me mordillai la lèvre, stressée, et crachai aussitôt. Du sang, encore. Et ce n'était pas le mien.
Mon souffle s'accélérait à mesure que j'acceptais ce qu'il se passait.
Depuis mon réveil, il y avait cette odeur métallique et omniprésente. Puis mes souvenirs brouillés d'où surgissait une unique pensée, une unique passion, la faim.
Je me pris la tête jusqu'à m'arracher les cheveux et remarquai à peine leur teinte rousse.
Non.
Non.
Non...
En levant mes yeux mouillés, j'aperçus une forme bleue à quelques mètres. Je me levai vivement, trébuchai mais continuai à m'élancer vers la silhouette que je ne pensais plus jamais revoir.
- Oh...
Je restai figée devant le corps étendu, sans vie et trempé de sang. De son sang.
Le petit geai était mort.
C'était moi qui l'avais tué.
Je ne pouvais m'empêcher de fixer avec dégoût ces entrailles, rosées dans la lumière matinale.
J'avais envie de vomir, la nausée me soulevait le cœur. Mais, en même temps...
Tout en observant l'oiseau, lacéré et à moitié dévoré, je passai doucement ma langue sur mes lèvres et déglutis, la bave aux coins de la bouche. J'en voulais plus.
Horrifiée par mon comportement, je reculai avant de m'enfuir de l'endroit sépulcral qui puait la culpabilité. Ma culpabilité.
Assise dans la boue, les jambes encore tremblantes de ma course, mes ongles rougeâtres et crasseux, je réfléchissais. Ou paniquais, c'était un bon mot, aussi.
Que faire si je recommençais ? Que faire si je tuais de nouveau ? Là, c'était un oiseau, mais qui savait ce que ce serait la prochaine fois ? Un promeneur égaré ?
J'avais déjà chassé, mais toujours consciemment. Le fait de tuer sans m'en souvenir ensuite me terrifiait
Je m'incitai au calme. Déjà, la probabilité qu'un humain se trouve dans cette forêt était proche de zéro - c'était d'ailleurs pour ça qu'elle abritait deux clans pourtant ennemis -, et ensuite les renards ne pouvaient pas tuer des humains.
Enfin, pas à ma connaissance.
Mais de quels savoirs pouvais-je me vanter ? Celui de savoir que l'espèce était sans cœur ? Que ma... Que mon ancienne meute les détestait ? Qu'ils pouvaient se transformer en renard, à la façon des loups-garous ?
La vérité était que je ne savais rien, strictement rien.
Et la seule solution était de demander directement à mes congénères renards.
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