Chapitre 15
Avec une moue de coquetterie mutine, Rosa compta le nombre de bout de pain qu'elle avait rattrapé.
Elle mangea le dernier sous le regard amusé du comte.
- Vous en avez perdu trois ! Et moi quatre.
- Cinq ! Vous en avez perdu cinq petite menteuse. Rectifia-t-il en débarrassant la table qui s'était transformée en un véritable champs de bataille.
- C'est faux ! Le dernier s'est cassé, ça ne compte pas !
Rosa espérait avec ce jeu en apprendre plus sur lui.
Notamment sur l'armée.
- Très bien, je cède. Dit-il en buvant une gorgée de vin. Qui commence ? Moi ?
- Non c'est moi.
Il croisa les bras tel un maître tout puissant et l'invita à commencer.
- Je peux poser n'importe quelle question ? Demanda-t-elle prudemment.
- Si elle me paraît trop poussée je vous le ferais savoir.
- Très bien ! Alors humm, pourquoi êtes-vous partit à la guerre ?
Il inspira bruyamment en faisant gonfler son torse. Son regard erra sur la baie vitrée qui donnait sur la rue.
Rosa regrettait d'avoir commencé par cette question.
- Pour me canaliser. Dit-il enfin en rivant son regard au sien.
Surprise, Rosa se redressa sur sa chaise en avisant sa prochaine question.
- Vous n'aviez pas l'air d'avoir besoin d'être canalisé à l'époque. Glissa-t-elle prudemment.
- Je n'étais pas de cet avis. Répondit-il sans s'étaler.
Rosa baissa un instant les yeux sur son assiette et se pinça la lèvre.
- Question suivante ?
- Où avez-vous rencontré Kelly ?
L'homme rit sombrement en décroisant les bras.
- C'était à une soirée mondaine. Expliqua-t-il en tournant le pied de son verre pensivement. Je n'ai pas réellement cherché à la connaître en profondeur pour être tout à fait franc.
Rosa déglutit péniblement et se garda de riposter. Dans son monde est-ce qu'il y avait de l'amour ? Rosa commençait peu à peu à comprendre qu'il n'y en avait pas.
- Comment pourrait-on creuser une coquille vide, continua-t-il le regard soudainement assombri.
- Alors vous ne l'aimez pas ?
Il planta son regard dans le sien. Immédiatement, Rosa frémit mais refusa de faiblir.
- Qu'est-ce que l'amour ? Existe-t-il vraiment ?
- Mais parents s'aimaient. Argua Rosa en refusant qu'il brise cette amour avec son seul jugement. Ils s'aimaient aussi fort que la mort qui les a séparé.
- Les miens se détestaient, murmura-t-il sans la quitter des yeux. Ce mariage était voué à l'échec avant même qu'il ne commence.
Rosa se mordit la lèvre pour s'empêcher de riposter.
Il était évidemment que Kelly n'était pas faite pour lui. Devait-elle se payer le luxe de lui dire ? S'interrogea Rosa en prenant une gorgée de vin.
Très mauvaise idée, songea-t-elle en sachant qu'elle prenait le risque de perdre son emploie.
- À votre tour Rosa. Dit-il en s'approchant de la table pour y poser son avant bras.
- Allez-y je suis prête !
- Pourquoi organisatrice de mariage ?
Rosa haussa des épaules.
- Je veux participer au bonheur des couples. Au début je travaillais dans une brasserie. Ça a été horrible ! Je détestais le patron et ses clients.
Rosa se souvenait encore de la claque qu'elle avait reçu au postérieur par un client pervers.
- Puis ensuite, complètement par hasard, j'ai rencontré Stacy. Nous sommes très vite devenues amies. Elle m'a trouvé un travail dans un restaurant plus chic et plus respectable de ses employés. Un jour on m'a sollicité pour apporter un dessert qui contenait une bague de fiançailles.
Elle marqua une pause en souriant rêveusement à ce souvenir.
- Vous auriez dû voir la tête du marié il était totalement stressé ! Tous le monde avait les yeux braqués sur lui ! Puis lorsqu'elle a accepté sa demande elle s'est mise à paniquer pour le mariage, ses idées fusaient sans qu'elle puisse en trouver une qui lui corresponde vraiment.
Rosa plongea son regard dans le sien.
- Alors ça m'a donné envie de participer davantage à ce bonheur.
Il hocha de la tête pensivement avec un faible sourire en coin.
- C'est une très bonne raison en effet, vous m'impressionnez Rosa.
Elle rougit aussitôt en balayant une mèche de son visage.
- Pourquoi avoir accepté de travailler pour moi ? Demanda l'homme en la prenant de court.
Elle redoutait cette question depuis le début de ce jeu qu'elle avait elle-même provoqué.
- Faire table rase du passé me semblait la meilleure décision. Répondit-elle en inspirant difficilement.
Il ne la quittait pas du regard, ce qui accentua son trouble.
- Vous avez raison Rosa. Murmura-t-il d'une voix profonde.
Rosa esquissa un sourire timide.
Elle leva la main pour prendre son verre mais il la stoppa en attrapant son poignet si vivement qu'elle hoqueta.
La chaleur de ses doigts immobilisa sa main. Rosa sentit une étrange brûlure naître dans son bas-ventre. Son cœur se mit à battre si fort que les tintement de vaisselles lui parurent inexistants.
- Je suis sincèrement désolé de vous avoir traité de la sorte il y a sept ans. Déclara l'homme en pressant son pouce et son index sur l'intérieur de son poignet.
Rosa déglutit péniblement et ferma brièvement les yeux.
- Je sais, je ne vous en veux pas Izar.
- Moi je m'en veux, rétorqua-t-il fermement. Je me suis mal comporté alors que vous n'étiez qu'une enfant.
Devait-il sans cesse lui rappeler ça ?
Qu'elle était une enfant.
- Vous pensez toujours que j'en suis une ?
- Non, répondit-il sans la moindre hésitation. Vous êtes une belle jeune femme avec beaucoup de talents.
- Vraiment lesquels ? Je ne vous ai encore rien montré.
Il relâcha lentement son poignet. Aussi hypnotisée que mal à l'aise Rosa ne parvenait pas à quitter son regard.
- J'ai vu vos croquis.
Sous la surprise, Rosa chercha dans ses récents souvenirs à quel moment elle avait pu lui montrer.
- Vous les avez montré à Kelly hier, vous les avez laissé sur la console. Vous êtes doué en dessins Rosa, d'ailleurs cela m'étonne que vous vous soyez dirigé dans les mariages, le dessin était votre désir adolescente, je m'en rappelle.
Désorientée qu'il se souvienne de cela, Rosa baissa les yeux.
- Les études étaient au-dessus de mes moyens. Avoua-t-elle d'une voix résignée.
Izar ne trouva aucun plaisir d'avoir obtenu la réponse qu'il souhaitait. Rosa avait dû abandonner ses rêves. Sous la lumière de l'hiver qui baignait sur son visage, ses yeux bleus brillaient. Un éclat de couleur miel colorait ses iris. La pâleur de son visage était si éclatant, si lisse, qu'il pouvait deviner à quel point la douceur de sa peau était comme un tissu de soie.
Izar réprima la ténacité du désir qui l'assaillait et décida de mettre un terme au jeu.
- Le jeu est fini.
- Oui ! S'empressa de dire la jeune femme en esquissant un sourire. Je n'ai plus envie de jouer.
Conscient d'avoir ravivé une peine enfouie en elle, Izar demanda l'addition et ils quittèrent le restaurant dans une ambiance morose.
Heureusement, l'hélicoptère permit à l'ambiance de redescende très vite. La jeune femme était subjuguée par la vue panoramique que lui offrait ce vol au-dessus de Londres.
- Merci pour cette matinée. Le remercia-t-elle une fois de retour au manoir.
- Tout le plaisir était pour moi Rosa.
Izar mit de la distance entre eux.
Ses fantasmes n'avaient de cesse de grossir dans sa tête. Pendant un instant il se crut fou.
- Bien, alors je commence quand ?
- Certainement pas aujourd'hui. Dit-il en l'aidant à retirer son manteaux pour le suspendre.
- Oh...vous avez du travail ? Conclut-elle en ne cachant pas sa déception.
- Oui, nous commencerons demain, profitez de votre fin de journée pour faire ce qui vous plaira.
Elle opina de la tête en s'effaça en aidant Henri à monter ses paquets.
Izar la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaître puis expira difficilement par la bouche en rejetant sa tête en arrière.
Il fallait à tout prix qu'il s'enferme dans son bureau et qu'il se noie dans le travail pour échapper au flot de désir interdit qu'il ne parvenait plus à contrôler.
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