Huit ★ Cœur perdu

Cœur à prendre, pas à vendre, à donner
Un peu naze, un peu d'occase, un peu cassé
Cœur en miettes, en détresse, en compote
En morceaux, en lambeaux, au fond des bottes


7 juin 2014

Il avait contenu avec difficulté ses larmes lorsqu'ils l'avaient pris dans leurs bras avant qu'il ne remonte dans un taxi en direction de Dortmund, et puis il s'était effondré derrière les vitres teintées de la voiture qui devait le ramener chez lui. Il avait pleuré tout le trajet. Y avait que le sommeil qui l'avait arrêté.

Il avait fini par rentrer chez lui, avait coupé son téléphone n'en pouvant plus des mots sympathiques au fond desquels il ne lisait que de la pitié. De la pitié pour celui qui restait comme un couillon à domicile pendant que ses potes et coéquipiers allaient s'éclater au Brésil. Pendant qu'ils allaient jouer un mondial. Un mondial ! C'était son rêve depuis qu'il était gamin ce maillot et cette compétition. Une fois tous les quatre ans et le destin venait de lui arracher l'une de ses cartouches.

Il s'était enfoui sous sa couette et il n'en était pas sorti pendant deux jours. Il n'avait pas été ouvrir quand ça avait sonné plusieurs fois même s'il savait très certainement que c'étaient sa famille qui cherchait à le joindre. Mais il ne voulait pas parler. Non, il voulait juste ne rien faire. Alors même quand il finit par quitter son lit, ce fut pour rejoindre son canapé. Regarder des vidéos débiles et manger de la glace matin, midi et soir. Essayer de ne penser à rien. Voilà ce qu'était son programme.

quelques jours plus tard

Marco, ça suffit maintenant tu vas bouger ton gros cul de ce lit.

Y a les rideaux qui sont tirés et la couette aussi.

Yv, s'te plait pas les rideaux !

Y a le regard de la sœur qui se pose sur son cadet, le petit frère, celui qu'elle a toujours protégé.

Allez bouge-toi, va prendre une douche et rase-toi par pitié.

Elle avait toujours été 'sympathique' comme ça. Mais au moins elle n'y allait pas avec la pitié. Il ne lisait rien d'autre dans son regard que ce qu'il avait toujours lu, de la tendresse, de l'inquiétude, de l'amour.

J'ai pas envie.

Je m'en moque. Tu crois que j'avais envie de faire appel à un serrurier parce que je savais pas si mon frère était toujours en vie étant donné qu'il ne donnait plus signe de vie depuis des jours. Alors maintenant tu vas me faire le plaisir de te bouger, te préparer. Tu viens avec moi en soirée ce soir.

Yv, j'ai pas envie...

C'est avec les potes d'enfance et je ne te demande pas ton avis, il est hors de question que tu restes dans ton lit pendant des jours.

Et sur ces mots elle quitte la pièce.

Douche et rdv dans un quart d'heure pour le repas. J'ai fait des lasagnes au saumon.

Son plat préféré. Mais il en a même pas envie à ce moment précis.

Eh ben tu vois, c'était pas si difficile. Je retrouve enfin un frère correct.

Et la voilà qui lui met une énorme part de pâtes dans son assiette.

J'ai pas très faim...

Pourtant pour la malbouffe, y avait l'air d'avoir de la place.

Et d'un geste de la main, elle montre les détritus éparpillés dans son salon.

Mange au moins un peu Coco.

Elle arrive à lui arracher un léger sourire alors qu'elle use du surnom qu'elle utilisait lorsqu'ils n'étaient que des bambins. Mais ça veut pas passer. Y a l'appétit coupé. La fourchette reposée après quelques bouchées. Pourtant c'était bon, elle l'avait pas raté son plat préféré.

Bon c'est déjà ça.

Elle le lâche pas du regard.

Maintenant, enfile des pompes, on décale chez Martin et Sonia.

Il a même pas la foi de la contredire. Alors il se laisse traîner dans la voiture. Y a son regard qui glisse sur le décor sans l'imprimer. Zombi. Oui, c'était ce qu'il était. L'ombre de ce qu'il était.

Ils arrivent à peine à faire apparaître un sourire sur ses lèvres ses amis. Parce qu'il est trop brisé, trop triste pour ça. Et il sombre encore un peu plus quand le sujet dévie sur l'événement du moment. La fameuse, l'unique, la grandiose coupe du monde.

J'vais aller prendre l'air.

Il a le regard qui brille un peu trop, les larmes contenues avec difficulté, la gorge nouée, le cœur en lambeaux. Y a quelques pas qui se résonnent derrière lui et il se retourne pour faire face à un grand homme châtain aux yeux bleus.

T'en veux une ?

Paquet de cigarettes tendu et il se pose pas trop la question. Il en récupère une bien rapidement allumée par l'ami. Et les voilà assis sur l'escalier menant au jardin côte à côte et silencieux. Il le sait qu'il aurait pas dû la prendre cette cigarette, mais il s'en contrefiche.

On lui a volé son rêve alors le foot, la suite de sa carrière, en ce moment précis, il s'en moque. Il est en vacances et il compte bien tout oublier le temps que ça durera.

Marco, tu viens, on va regarder le match chez Martin.

Pas envie.

Elle rentre dans sa chambre sa sœur.

Arrête ton cinéma et viens. Si tu le fais pas tu vas le regretter et tu le sais aussi bien que moi.

La voix de la sagesse. Elle le connaissait trop bien, beaucoup trop bien. Alors il finit par enfiler un débardeur, un bermuda et le voilà parti. Et c'est étrange les sentiments qui se mêlent dans son cœur. L'envie de les voir gagner et la tristesse de ne pas y être. Il peut pas s'empêcher de sourire quand y a la tête de son meilleur ami qui apparaît en grand sur l'écran.

Il vibre avec les autres, il crie, il s'énerve, il laisse exploser sa joie. Et ça se répète, match après match. Les mêmes événements. Clopes, boissons, barbecue, potes, cris, chants, drapeaux marqués sur les joues.

Ça se répète jusqu'au dernier match. Parce que celui-là c'était différent. Parce qu'il était plus sûr de vouloir les voir gagner celui-là. Parce que si c'était le cas, son rêve serait définitivement brisé. C'est chez lui qu'ils la font leur soirée.

Pourtant, quand il les voit tous, il est tellement heureux pour eux. Il s'énerve quand la balle est arrêtée ou qu'elle s'envole dans les tribunes à la place de rentrer dans le cadre. Il a les battements de cœur qui accélèrent quand Manu est obligé d'intervenir ou qu'elle heurte le poteau. Et il hurle sur le but de Mario, son Mario qui avait réussi à marquer.

Et puis y a les trois coups de sifflet qui retentissent et y a son cœur qui implose, qui se désagrège. Y a son rêve qui vient de s'envoler alors qu'ils sont devenus champions du monde sans lui. Parce qu'il a laissé passer son tour et il leur en veut.

Peut-être qu'il aurait préféré que ça se termine mal. Il sait plus. Ce qu'il sait c'est qu'il veut pas le voir leur bonheur. Il ne le supporte pas. Parce que leur bonheur, il lui rappelle qu'il n'y est pas alors que ça aurait aussi pu être le sien. Il quitte le salon.

J'vais m'coucher.

Et y en a pas un seul pour le rattraper, comme s'ils comprenaient ce qui lui arrivait. Il se glisse dans son lit, y a les larmes qui coulent doucement, qui mouillent l'oreiller.

Parce que ce soir, alors qu'eux avaient fait de leur rêve une réalité, le sien s'était brisé à Dortmund en même temps que son cœur.

fin juillet

Le bref passage de Mario et Robert à qui il avait réussi à cacher son mal-être n'avait pas suffi à réparer son cœur qui avait explosé en milliers de particules par un beau soir de juillet. Se perdre dans l'alcool était désormais ce qu'il faisait de mieux le blond. Il le laissait prendre possession de l'ensemble de son organisme, se mêler à son sang. La fumée de cigarette envahissait ses poumons, calmant sa nervosité et sa tristesse perpétuelle. Les rencontres avec des personnes inconnues pour un peu de chaleur peuplaient ses nuits. 

Il se perdait dans un monde parallèle un peu plus chaque jour et pendant quelques heures la douleur qui l'oppressait s'envolait. Parce que pendant quelques heures il arrivait à oublier qu'il était blessé. Il arrivait à oublier que Robert et Mario n'étaient plus là. Il arrivait à oublier que ses coéquipiers étaient champions du monde et que lui il avait eu son rêve brisé la veille du départ.

Le regard est fixé sur lui et il se sent presque comme un gosse inexpérimenté face aux yeux bleus du corps se tenant au dessus du sien. Pourtant, c'était exactement ce qu'il avait voulu. 

─ Fais attention à ma cheville, c'est tout ce que je te demande. 

Unique demande énoncée. Sa voix est peu assurée, abimée par la boisson et les paroles prononcées trop fortement à cause de la musique hurlante de la salle. 

C'est vraiment ce que tu veux ?

─ Je sais ce que je fais et je te demande juste de faire attention à mon pied blessé. 

Il voulait juste oublier un instant, faire le vide et tous les moyens étaient bons. Il se laisse guider par ses sensations et uniquement elles le temps que cela dure. L'arrière d'une main glisse doucement sur sa joue alors que le flot d'émotions diminue. La douleur mêlée de tristesse remonte immédiatement. Ce n'était jamais suffisant. Cela ne suffisait jamais à supprimer la boule qui se formait dans sa gorge et les cordes enserrant son cœur.

T'es sûr que ça va ? 

Il ne répond pas. Il se lève, enfile ses habits et fuit la chambre d'hôtel. L'air frais de la nuit fouette son visage. Ses doigts fouillent dans ses poches pour en sortir son paquet de clopes. Il en allume rapidement une qu'il porte immédiatement à ses lèvres. 

Il s'adosse contre un mur et laisse les larmes rouler sur ses joues pâles. Il se sentait si seul dans cette ville, si seul à avoir mal, si seul à avoir le cœur brisé, si seul avec sa peine qu'aucun autre que lui ne pouvait comprendre. Si seul sans la personne dont il avait toujours eu besoin pour sécher ses larmes. 

et voilà un nouveau chap (le suivant va suivre direct après vus qu'ils se suivent dans le temps).

on y découvre un peu plus marco & ses (trop) nombreux excès.  

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