☠ Chapitre 39 ☠

- Allison ! Tu vas mieux ? Comment ça s'est passé ?

Lorsque je redescends à l'étage où Nathan repose, la tornade qu'est Cathy me fonce littéralement dessus à la recherche de réponses sincères. Ses yeux cherchent constamment les miens mais je les fuis. Je n'arrive pas à lui communiquer ma souffrance. C'est plus fort que moi.

- Tu as pu parler avec ton psychologue ? enchaîne-t-elle en m'attrapant le bras pour nous isoler un peu. Non, je suis bête. Je suppose que oui puisque tu es restée un certain temps là-haut. Non, désolée d'être indiscrète.

Je la repousse légèrement pour la regarder dans les yeux. Ils sont toujours humides mais elle n'a pas pleuré, pas encore. Mais Cathy mérite des réponses, elle est comme une seconde mère pour moi. Elle l'est depuis quelques années, elle m'a toujours accueillie à bras ouvert et m'a acceptée au sein de sa propre famille, je lui dois bien ça.

- Non, je ne suis pas allée voir mon psychologue, je lâche soudain, la laissant perplexe. Enfin si, mais pas de la manière dont tu le penses.

- C'est-à-dire ?

- Il y a une petite fille que j'ai rencontrée à l'hôpital, elle s'appelle Noémie. Elle est atteinte de bipolarité et d'un début de schizophrénie et c'est à elle que j'ai parlé de mes souffrances.

- À une petite fille ? s'étonne Cathy en croisant les bras sur sa poitrine.

- Oui, je me suis rendue compte que j'avais juste besoin d'extérioriser ce que j'avais sur le cœur, rien de plus. Et c'est avec elle que je l'ai fait.

Puis, soudain, je me sens plus lasse que jamais. Je m'appuie sur le mur et ferme les yeux quelques secondes. Cathy me tient de nouveau le bras, au cas où je m'écroulerai. Je suis épuisée au plus haut point. J'ai juste envie que cette matinée d'horreur se termine et qu'on ait une réponse par rapport à l'état de Nathan. Je veux savoir, je n'en peux plus d'être dans l'attente.

- Je suis désolée, Cathy. Je suis fatiguée, on continuera cette conversation plus tard ? je dis dans un souffle en soupirant lentement.

- Sans problème, Allison. Il n'y a aucun souci.

Mais tout en m'emmenant vers la chambre de Nathan, au bout du couloir, Cathy ne lâche pas mon bras gauche, comme pour s'assurer que je ne vais pas m'effondrer. Avant qu'elle m'y amène, je n'avais pas remarqué la vingtaine de personnes devant la chambre. C'est la famille de Nathan. Je reconnais quelques cousins, des oncles, des tantes, ses grands-parents du côté paternel. Et je les connais tous. Sans exception. Cela fait trois ans que je suis en couple avec Nathan, j'ai eu le temps en ces quelques années d'aller aux repas de familles, à certains mariages et aux baptêmes de quelques enfants.

- Bonjour, Allison ! me lance Jimmy, le cousin de vingt deux ans de Nathan.

- Salut, Jimmy ! Tu es là depuis quand ?

J'essaie de faire la conversation afin d'accélérer le temps et surtout, oublier la vie instable de Nathan, de l'autre côté du mur. Je parle ensuite avec d'autres membres de la famille et surtout, avec Margaux. Je ne retiens même plus mes larmes, elles sont comme un prolongement de mes yeux. Je les laisse couler même pendant les conversations, je n'arrive plus à garder ma tristesse pour moi.

- Je suis épuisée, mentalement, je soupire en posant ma tête sur l'épaule de mon amie.

- Courage ma belle, courage. Les médecins ne vont pas tarder, je pense. Ils ne sont pas venus nous annoncer une mauvaise nouvelle, prends-le comme un indice positif.

- Je n'y arrive pas, Margaux. Je n'y arrive plus...

Ma voix est à peine audible. Si mon amie ne me tenait pas par la hanche, je crois que je me serai écroulée sur le sol depuis longtemps. Et comme si ça ne suffisait pas, je commence à trembler de froid face aux légers courants d'air qui passent dans le couloir.

- Allison ? Tu claques des dents ? Mince, attends, tiens, prends ma veste.

Margaux retire son long, très long, trench blanc immaculé et me le pose sur les épaules. Je l'enfile complètement pour en ressentir les bienfaits.

- Merci, Margaux. Merci.

- Ne me remercie pas ! Puis, tu m'arranges finalement. Comparé à toi, je commençais à avoir drôlement chaud avec tout ce monde ici. Alors, je fais d'une pierre deux coups.

Elle sourit de toutes ses dents pour me soutirer un semblant de grimace et elle y arrive. Et heureusement que Margaux est ici aujourd'hui, elle me remonte un petit peu le moral.

Mais cette fille-là, elle ne pleurera jamais devant des inconnus. Jamais. Elle préférera que la douleur la bouffe de l'intérieur plutôt que de verser une larme devant des personnes qu'elle ne connaît ni d'Adam, ni d'Ève.

« C'est mieux ainsi, de toute façon. Dans l'histoire, on ne peut pas être deux à pleurer et à se morfondre. C'est contre productif », je songe en reposant ma tête sur l'épaule de mon amie en baillant.

- Tu veux t'asseoir ? me propose-t-elle en me jetant un coup d'œil de biais.

- Je veux bien, en effet.

Elle sourit et nous nous laissons tomber sur le sol, telles des larves. Jimmy revient nous parler quelques minutes avant d'être appelé par sa mère pour aller chercher à manger pour ses deux petites sœurs.

- Mais Maman, je suis en train de parler avec Margaux et Allison, geint-il en se tournant vers sa mère.

- Tu continueras ta conversation après, maintenant va chercher de la nourriture au distributeur.

- Maman, je n'ai...

- M'as-tu entendu te demander ton avis ? rétorque-t-elle en plaçant ses poings sur ses hanches.

Face au silence du cousin de Nathan, je ne peux m'empêcher de sourire. Mais Jimmy ne répond rien, prend l'argent que sa mère lui donne et s'en va en traînant des pattes. A-t-il vraiment vingt deux ans ? On dirait moi quand j'étais petite et que Maman me demandait de l'aider. Je pouvais être une vraie peste dans ces moments-là, à traîner des pieds et à grogner.

- Je vais aux toilettes, je déclare à mon amie en me levant.

Elle hoche la tête, elle comprend que je souhaite être seule un instant. Je ne demande qu'une seule chose : savoir si Nathan est mort ou vivant. L'attente est insupportable, je me sens défaillir. L'amour de ma vie a une chance sur deux de mourir, je ne peux pas tenir en place, c'est inhumain ! Comment fait Cathy pour rester aussi calme physiquement alors que dans sa tête ça doit être le souk ? Cette femme est tellement forte, j'envie mille fois sa force mentale.

Je sors alors de la cabine des toilettes, me lave les mains en inspirant et expirant très fort. Je veux faire écouler le stress que je ressens par mes voies nasales, si c'est faisable. Malheureusement, ça ne passe pas. Je relève la tête et croise mon reflet dans le miroir. Je ne me reconnais pas. J'ai à peine pris du poids en quelques semaines, je suis toujours aussi maigre. Mes joues sont creusées, les os du bas de mon cou sont beaucoup trop apparents et mes vêtements paraissent trop grands. Ce n'est pas la véritable Allison. Ce n'est pas elle.

- Il faut que ça change.

Au fond de moi, je sais que c'est le sort de Nathan qui va décider de la suite des événements. S'il revit, je sortirai enfin de mon trou, dans le cas contraire, je signe à nouveau ma descente aux enfers pour encore quelques mois. Nathan est vraiment le seul garçon que j'aimerai de toute ma vie, en dehors de ma famille. Je suis amoureuse, c'est un fait. Qu'on me rende l'amour de ma vie, c'est tout ce que je demande.

Je ferme alors doucement les yeux, sachant que je suis seule dans les toilettes, je joins mes mains devant moi et murmure doucement :

- Nathan, l'homme de ma vie, m'a toujours dit qu'un Dieu existait, quelque part dans l'univers. J'ai toujours eu un doute mais si vous existez bel et bien, Dieu, entendez ma prière. Ce garçon qu'est Nathan est entre la vie et la mort en ce moment même. Je vous en supplie, si vous existez, sauvez-le. Il n'est peut-être pas pratiquant mais il est croyant. Il croit en vous, alors croyez en lui et redonnez-lui la vie. Il la mérite après tout ce qui s'est passé. Je vous en supplie...

Ma prière résonne dans la pièce lumineuse. Ça m'a fait du bien, je ne peux le nier. J'espère seulement que ma prière puisse être entendue. Nathan croit en Dieu, il me l'a toujours dit. À lui de prouver qu'il existe.

Je retourne dans le couloir bondé de monde de l'hôpital. De nouveaux membres de la famille de Nathan sont arrivés mais aucune trace de ma mère. Je prends mon téléphone pour savoir où elle en est lorsque je vois son dernier message :

« Il y a un accident sur l'autoroute, les voitures n'avancent plus. Je suis bloquée depuis trois quart d'heure maintenant, je ne vais pas arriver maintenant. Désolée ma chérie ».

Je ne trouve rien à lui répondre, si ce n'est : « OK, ce n'est pas grave, à tout à l'heure ». C'est banal mais je n'ai rien trouvé de mieux. Je me réinstalle donc aux côtés de Margaux qui est en grande conversation avec Jimmy.

- Je te promets, continue le garçon, le bac c'est vraiment de l'eau.

- Oui, c'est ça, c'est ce qu'on dit puis après on ne l'a pas, rétorque Margaux en faisant la moue.

J'arrête de les écouter pour observer la famille de Nathan. Je vois sur tous les visages de la tension malgré les faux sourires. Mais Cathy est dans un pire état que toute l'assemblée réunie. Elle a de grosses cernes sous les yeux qu'elle n'a même pas essayé de camoufler, ses cheveux me paraissent plus blancs qu'avant, et ses rides sont deux fois plus présentes. Elle est fatiguée, épuisée et pourtant, elle garde le sourire et parle avec tout le monde. Cette femme est mon idole.

Et d'un seul coup, alors que j'étais en train d'observer une des deux petites sœurs de Jimmy, la porte de la chambre de Nathan s'ouvre sur un des médecins. Nous nous levons immédiatement et nous attroupons autour de lui tels des aimants. Je m'attendais à ce que tout le monde se mette à parler en même temps en posant des questions dans tous les sens. Pourtant, rien de tout cela ne se passe, au contraire, c'est le silence le plus total qui règne. Seule Cathy ose briser ce silence :

- Alors, docteur ?

Je me trouve au premier rang, à côté d'elle, et je dois dire que la tension est palpable. Le médecin fixe alors la maman désespérée qui me tient fortement le bras droit. Le docteur sait que Cathy est la mère de Nathan depuis le temps qu'elle vient lui rendre visite. C'est donc à elle qu'il s'adresse, tout particulièrement, même si toute la petite assemblée écoute attentivement.

- Nathan est en vie, dit-il simplement.

Mais les yeux du médecin pétillent, il doit être heureux quand un miracle comme celui-ci se produit. Moi, je ne retiens plus mes larmes de joie et pleure. Cathy me prend dans ses bras et je laisse échapper toute la tension que j'ai accumulé pendant ces derniers mois.

- Nathan est en vie ! C'est incroyable, c'est incroyable, je pleure dans le cou de ma seconde mère.

Je tourne la tête et croise le regard de Margaux, celui de Jimmy et d'autres membres de la famille qui se prennent dans les bras en pleurant. Nathan est vivant ! Je n'arrive pas à y croire. Je continue de laisser échapper les larmes en me détachant de Cathy qui a littéralement laissé échapper toute sa joie, sa colère, sa tristesse de tous ces funestes mois sous forme de larmes, de pleurs et de sanglots. Je la laisse prendre le médecin dans ses bras en souriant, d'un vrai sourire comme je n'en avais pas fait depuis des lustres.

« J'aime à croire que vous y êtes pour quelque chose, Dieu. Merci. Merci mille fois encore pour ce qui vient de se passer », je dis doucement dans cette cacophonie de pleurs et de rires, les yeux fermés.

Mais le médecin coupe court à toutes mes pensées. Lorsque Cathy le relâche enfin en s'essuyant les yeux, il lève la main bien haut pour capter l'attention de tout le monde avant de dire :

- Et le plus incroyable c'est que Nathan s'est réveillé. C'est pour cela que nous avons pris un certain temps. Nous lui avons parlé, il nous a répondu et n'est plus du tout fatigué. Il s'est rendormi une heure tout à l'heure avant de se réveiller.

Tout en l'écoutant, je laisse couler encore et encore mes larmes qui viennent s'écraser sur le trench blanc que Margaux m'a prêtée. Je vais enfin revoir l'amour de ma vie !

- Vous pourrez donc aller le voir et lui parler. Les amis comme la famille sont autorisés. Mais avant, vous devez savoir quelques détails.

Je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine panique et appréhension sur ce que le médecin va nous révéler.

- Lors des attentats, Nathan a reçu plusieurs armes dans le corps mais surtout, il a fait une grosse chute et vous le savez, il a eu quelques commotions cérébrales. En se réveillant, nous avons pu remarquer, même si nous en étions quasiment certains, que Nathan a perdu une partie de sa mémoire mais surtout de ses souvenirs. Il va les retrouver, évidemment, dans les prochains jours et les prochaines semaines, mais il est possible qu'il ne se rappelle pas de certains détails de vos vies alors, ne le brusquez pas.

- C'est compris, je dis en hochant lentement la tête et en souriant à Cathy.

Elle me rend mon sourire puis se tourne à nouveau vers le docteur, l'écoutant avec attention.

- Et pour finir, Nathan ne se souvient ni des attentats ni de ce qui l'a conduit ici. Nous avons jugé qu'il serait mieux pour lui que ce soit un membre de sa famille, enfin, quelqu'un qui lui est très cher, qui lui dise ce qui s'est passé.

Je commence à me poser un paquet de questions sur la suite des événements. Mais ce dont je suis certaine, c'est que c'est à Cathy de lui raconter tout ce qui s'est passé et qui a entraîné son coma. Je ne demande même pas à la concerner tant la réponse est évidente. C'est sa mère, c'est la personne qui lui est le plus chère.

- En revanche, ce sera une personne à la fois, pour ne pas le fatiguer et pour l'espace dans la chambre puisqu'elle n'est pas très grande. Une seule personne, c'est compris ?

Nous répondons tous à l'unisson à l'affirmatif avant que le médecin ouvre la porte, fasse sortir les infirmières et médecins qui se trouvaient encore à l'intérieur. Nous nous tournons tous vers Cathy en lui déclarant :

- C'est à toi d'y aller.

Elle hoche gracieusement la tête, nous remerciant en silence avant de me regarder et de lancer :

- Tu veux passer après moi ?

- Non, surtout pas, je rétorque en levant les mains. C'est hors de questions, la famille avant tout. J'attendrai que tout le monde soit passé. J'aimerais passer dernière si ça ne dérange personne.

L'assemblée à l'air d'accord, alors, pendant que Cathy entre dans la pièce, les larmes aux yeux, je m'écarte du demi-cercle qui s'était formé et m'en vais en retrait pour m'asseoir à ma place de plus tôt. Margaux me rejoint accompagnée de Jimmy.

- C'est incroyable ce qui vient de se produire, lâche celui-ci en s'asseyant en face de moi.

- Ça tu l'as dit ! Dis-moi, Allison, pourquoi tiens-tu à passer dernière ? me demande mon amie en prenant place à mes côtés.

- La meilleure pour la fin, ce n'est pas ça l'expression ? je ris en passant une main dans mes cheveux.

- Dans ce cas, je serai obligé de prendre ta place, sourit Jimmy en cherchant son portable dans la poche de sa veste.

Je lève les yeux en ciel en rigolant. La vie a pris une nouvelle tournure et j'aime ça.

- J'ai tellement hâte de revoir sa petite bouille ! déclare Margaux en essuyant quelques larmes de joie sur ses joues.

- Moi d'entendre sa voix, je réponds en repensant à sa belle voix grave.

- Et moi je vais en profiter pour lui remémorer toutes les bêtises qu'on a faite dans notre vie, ça lui changera un peu les idées.

- Ah ouais ! Bien vu. Ça va lui faire drôlement plaisir, j'acquiesce en souriant.

Nous continuons à parler de tout et de rien mais l'ambiance a tellement changé depuis tout à l'heure. La tension est partie, il n'y a plus que l'excitation de revoir ce garçon qui manque dans nos vies.

Puis, nous voyons la famille de Nathan s'exciter d'un seul coup, bouger, parler et se rapprocher un peu plus de la porte de la chambre. Je comprends alors que Cathy en est sortie. Elle pleure et dit quelque chose à l'assemblée que je n'attends pas de là où je suis. Et les personnes s'enchaînent les unes après les autres. Cathy vient nous raconter quelques détails que je me languis d'écouter :

- Il est toujours aussi beau, sourit-elle en me regardant.

- J'espère bien ! je réponds en riant. Et sa voix, c'est toujours la même ?

- Toujours, il n'a pas changé.

- Et sa mémoire ? demande Jimmy en frictionnant le dos de sa tante. Comment elle va ?

- Il a oublié pas mal de choses, je dois avouer. Mais le médecin a dit que tout allait redevenir normal au fur et à mesure. Alors je ne m'inquiète pas.

Mais une seule question me trotte à l'esprit.

- Et comment a-t-il réagi lorsque tu as évoqué les attentats ?

Cette question est sortie toute seule. J'avais besoin de savoir. Mais au moment où elle allait répondre, Cathy se retourne et Sandrine, sa sœur, arrive à grands pas en l'appelant, son téléphone à la main. Ma seconde mère soupire, comme un soupir de soulagement. Étrange.

- Cathy, tu peux dire à Georges que je ne blague pas, que Nathan est bel et bien réveillé.

- Oui, bien sûr, Sandrine !    

Puis, elle reparte toutes les deux dans le fond du couloir.

- Elle a esquivé ma question ou je rêve ? je demande, ahurie, à mes deux acolytes.

- Tu rêves, rigole Jimmy en levant les yeux au ciel. Son fils vient de se réveiller, elle vient de le voir, elle est émue, ça se voit, respecte un peu ça, non ? C'est normal qu'elle n'ait pas envie d'en parler ou encore qu'elle est gênée, je ne sais pas. Puis ma tante Sandrine est un peu folle sur les bords et son mari encore plus, tu le sais. Allez, ne t'inquiète pas et rassis-toi, repose-toi un peu.

- Tu as probablement raison. Je me fais du souci pour rien.    

Mais je suis tellement pressée de le revoir, je ne tiens plus en place. Je me relève finalement en prenant mon sac avec moi.

- Je vais appeler ma mère, je dis à l'attention de Margaux et de Jimmy.

Je vois que ça ne leur déplaît pas de rester tous les deux un petit moment. Je ne suis pas stupide, j'ai bien compris la petite complicité qui commence à naître entre les deux.

- Oui, ma chérie ? réponds ma mère au bout de seulement deux sonneries.

- Nathan s'est réveillé, je dis entre deux pleurs. On peut lui parler et le voir. C'est vraiment génial, Maman !

- Tu es partie le voir ?    

- Non, je préfère laisser la famille d'abord.

- Tu as tout à fait raison, Allison. C'est bien. Moi, je ne serai pas là avant une bonne heure. On ne circule plus ici, c'est exaspérant !

- Allez, prends tes calmants, je rigole à travers le portable. Je te retrouve après !

- Pas de soucis, merci de m'avoir appelée, ma chérie. Je suis heureuse pour Nathan. Vraiment. J'ai hâte de le revoir aussi. À tout à l'heure !

- Bisous.

Je raccroche et reste quelques minutes à l'autre bout du couloir pour mettre mes idées en place. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire à Nathan une fois qu'il sera face à moi ?

« Tu vas te mettre à pleurer toutes les larmes de ton corps, comme d'habitude », murmure sarcastiquement ma conscience.

Pas faux. Au pire, je verrai bien au moment opportun. Comme je l'ai toujours fait. Comme aux commémorations. Je n'avais rien préparé et pourtant, les gens ont adoré.

- En espérant que tout se passe bien, je soupire en traversant à nouveau le couloir.

Pas mal de personnes sont passés depuis le début. Cathy est toujours entrain de parler avec Sandrine mais la quitte lorsque Jimmy s'apprête à entrer dans la chambre. Elle lui murmure quelque chose à l'oreille avant de le laisser entrer. Je hausse finalement les épaules avant de me replacer à côté de mon amie.

- Alors, comment trouves-tu ce Jimmy ? je la questionne avant qu'elle ne me pose quelles que questions que ce soient.

- J'ai toujours aimé les blonds aux yeux bleus ou verts.

- Il est brun aux yeux noirs, je rétorque en haussant les sourcils.

- Oui, et pourtant, je l'apprécie énormément. Il est marrant, j'aime beaucoup.

- Plus que Clément, l'ami de mes frères ?

Je savais que Clément était gêné à chaque fois qu'il la voyait, comme s'il ressentait quelque chose pour Margaux. Je ne peux donc m'empêcher de poser la question.

- Clément ? Mais il est en couple, Allison ! Qu'est-ce que tu racontes ? rigole-t-elle.

- Tu plaisantes ? Mince, je l'ignorais. Mais comment tu sais ça, d'abord ?

- On est ami, il prend souvent de mes nouvelles. Et il me l'a dit. C'est tout.

Elle n'a pas envie d'aller plus loin dans la conversation, je n'insiste donc pas mais continue sur le cousin de Nathan.

- Et tu le connaissais avant, Jimmy ? je demande en lui lançant un petit regard.

- Je l'ai croisé quelques fois, on a déjà parlé mais rapidement et c'était il y a quelques années. J'étais encore jeune et naïve.

- Jeune oui, naïve non.

Elle se tourne vers moi. Ses petits yeux perçants m'analysent avec attention. Je me justifie donc.

- Tu es loin d'être naïve, Margaux. Avec tout ce que tu as vécu, je peux te dire que tu es loin, très loin d'être naïve.

- Je t'adore ! crie-t-elle en me prenant par l'épaules et en m'attirant contre elle.

Je rigole et nous continuons à discuter de tout et de rien jusqu'à ce que Jimmy revienne, laisse la place à quelqu'un d'autre et nous raconte les anecdotes de son enfance avec Nathan. Et les gens s'enchaînent les uns après les autres dans la petite chambre d'hôpital. Une heure passe et tout le monde est déjà entré, sauf Margaux et moi. Mon amie passe donc après Sandrine, la tante de Jimmy. Je ne la vois pas entrer dans la chambre avec les membres de la famille devant qui continuent de discuter mais cette fois, beaucoup plus détendus.

- Stressée ? m'interroge le cousin de Nathan en me souriant gentiment.

- Pressée, plutôt.

Nous parlons pendant une bonne dizaine de minutes avant que Margaux ne sorte. Je ne la vois que lorsqu'elle émerge de l'amas de personnes, amassées devant la porte. Elle a un sourire plaqué sur les lèvres et les yeux rouges mais elle a l'air terriblement heureuse.

- À toi, ma belle. Bonne chance !

Elle embrasse ma joue avant de me pousser un peu en avant. Je me fraie un chemin jusqu'à la porte et croise le regard de Cathy.

- La meilleure pour la fin, sourit-elle en me frictionnant l'épaule.

- Va dire ça à Jimmy, il ne m'a pas cru quand je lui ai dit ça, je ris en replaçant bien le trench blanc et en arrangeant un peu mes cheveux.

- J'y penserai. Allez, tu es belle Allison. Entre et prends le temps que tu veux, il n'y a plus personne après toi.

Je suis tellement heureuse à cet instant que je ne pense pas à prévenir Cathy que ma mère va débarquer.

« Peu importe, elle le saura au moment venu ».

Je pousse alors la porte de la chambre, terriblement anxieuse. Je vois le visage de Nathan se tourner vers moi au moment où je referme la porte. Il est toujours aussi beau. Il a repris des couleurs depuis que je l'ai vu, quelques heures plut tôt, et ça fait plaisir à voir !

- Salut, Nathan, je dis doucement, comme par peur de le brusquer.

- Bonjour, dites-moi, pouvez-vous me remettre le tube de mon bras, il me gêne.

Je le fixe, les yeux prêts à sortir de leur orbite. Mon visage se décompose. Mais malgré la tristesse et la colère qui naît en moi, je me dois de rester impassible, physiquement, face à ces émotions qui me submergent.

- Je ne suis pas une infirmière, je réponds simplement en faisant quelques pas vers lui.

- Pourtant, vous portez une blouse blanche.

Sa voix m'avait tellement manquée. Mais je n'aurai jamais pensé que ce qu'il était en train de me dire serait les premiers mots que j'entendrai de sa bouche.

- C'est un trench, un manteau. Enfin bref, Nathan. Pourquoi me vouvoies-tu ? Tu as oublié qui j'étais ?

Il semble déstabilisé. Complètement. Pourtant, il me répond d'une voix grave et assurée :

- Je suis désolée, je n'arrive pas à me souvenir de tout. Pourtant, tu es la seule personne que je vois et que je ne connais pas.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top