☠ Chapitre 31 ☠
Après encore quinze minutes de bus, j'arrive à l'hôpital et monte directement à l'étage des psychologues. Le mien me prend dès mon arrivée et je suis malgré tout déçue de ne pas trouver la petite Noémie.
- Comment vas-tu, Allison ? me demande-t-il en s'asseyant sur son éternel fauteuil en cuir.
- Mieux.
- Mieux ? C'est-à-dire ?
Je place mes mains sous mes cuisses, nerveuse, comme toujours.
- C'est-à-dire que je ne vais pas bien, mais mieux. Je m'en sors, si vous voulez tout savoir.
- Quelque chose de nouveau est survenu ? m'interroge-t-il, connaissant déjà la réponse.
- Oui, je retourne au lycée dans quelques jours.
- C'est une excellente idée que tu as eu. Et puis, si j'ai bien compris, le proviseur de ton lycée est un ami de tes parents. Je suis sûr qu'il va tout faire pour que ta réintégration se passe de la meilleure des façons.
Les psys parlent beaucoup trop à mon goût. Ou alors, je suis seulement tombée sur le plus bavard. Et il continue avec son baratin.
- Et tu penses que ça va se passer comment, une fois là-bas ?
- Bien, je suppose. Je serai mise dans la classe d'une de mes amies. Ça me rassure un peu.
- En effet, c'était une bonne idée de te mettre dans sa classe.
Et la séance continue sur cette lancée pendant près d'une heure. Nous avons surtout parlé des commémorations, par la suite. Lorsque je sors de là, j'ai les yeux rouges de larmes et un nœud à l'estomac, comme la plupart du temps. Une fois la porte refermée, je m'assois sur une des chaises de la salle d'attente pour reprendre mes esprits. Tout me perturbe en ce moment. Tout va beaucoup trop vite. J'ai l'impression de louper mes journées, comme si je ne les vivais pas.
- Allison ? j'entends un voix surprise à ma droite.
Noémie. Je souris en relevant la tête.
- Bonjour, ma belle. Comment vas-tu ?
- Comme toujours, me répond-elle du tac au tac.
Cette petite m'impressionnera toujours de sa franchise. Mais je remarque qu'elle est seule.
- Où est ta maman ? je demande doucement en la mettant sur mes genoux.
- Elle est encore avec le médecin, elle voulait lui parler toute seule.
J'adore terriblement cette petite fille. Elle est mignonne comme tout, gentille et tellement touchante. Et je veux profiter des quelques minutes que j'ai en ma possession pour lui faire part des interrogations qui me brûlent la langue.
- Je peux te poser une question ? Mais tu n'es pas obligée d'y répondre, tu sais.
- Oui.
- Pourquoi es-tu agressive avec la plupart des gens, pour ne pas dire tous, mais pas avec moi ? Je voudrais savoir pourquoi tu me fais confiance au point de me raconter tes cauchemars de fantômes.
Je plonge mes yeux bleus dans le noir des siens. Mais elle tourne la tête face à elle, comme pour réfléchir. Et quelques secondes plus tard, elle replace sa tête face à la mienne en murmurant :
- C'est toi qui vient me sauver, chaque nuit. Quand les fantômes m'attaquent, c'est toi qui me sauve du mal qu'ils me font.
Je reste complètement muette face à cette révélation. Noémie me touche à un point inimaginable.
- Et depuis quand ? je la questionne en ignorant la sueur froide qui me parcourt l'échine. Depuis combien de temps suis-je dans tes rêves ?
- Depuis longtemps. Très longtemps.
Je n'en reviens pas.
- Dis-moi, Noémie, je dis doucement. Est-ce qu'un jour, tu veux guérir de tes maladies. Est-ce qu'un jour, tu voudrais ne plus voir de fantômes ?
- Plus que tout, déclare-t-elle d'une voix aiguë.
- Alors, il faut parler de ces histoires de fantômes à ta maman et à ton médecin.
- Mais je ne veux pas en parler, panique-t-elle en sautant de mes jambes pour se placer face à moi.
- Je peux le faire pour toi, si tu le souhaites. Mais dans ce cas, tu devras affirmer tout ce que je dis.
- Affirmer ?
- Ça veut dire que tu diras si ce que je dis est vrai ou faux.
- J'ai compris.
Je tends ma main vers elle.
- On fait comme ça ? je demande avec un petit sourire pour la rassurer.
- On fait comme ça, dit-elle en claquant sa main dans la mienne.
À ce moment-là, sa mère apparaît dans mon champ de vision et à l'air heureuse de me revoir.
- Bonjour, Allison.
- Bonjour, Madame. Comment allez-vous ?
- Un peu débordée, je te l'avoue, me sourit-elle. Mais je voulais te féliciter en personne pour les commémorations d'hier. Tu as été la meilleure. Ton discours était magnifique. Bravo pour ton courage face à tout ce qui t'est arrivé.
Ses mots me vont droit au cœur. Je la remercie sincèrement, toujours la main de la petite Noémie dans la mienne. Puis, je lui jette un coup d'œil et, dans un accord de regard, j'entame un petit discours pour la mère de ma petite préférée.
- Madame, il faut que je vous parle de quelque chose d'important en rapport avec votre fille.
- Je t'écoute, acquiesce-t-elle en s'asseyant sur un chaise, à côté de moi.
- L'autre jour, nous étions toutes les deux ici même et, elle m'a avouée voir des fantômes. Elle en fait des cauchemars. Ces fantômes qu'elles voient lui font du mal.
- C'est vrai, affirme Noémie.
Sa mère ne s'attendait probablement pas à cette révélation. Puis, elle se tourne vers sa fille et, lui demande, sérieusement :
- Pourquoi tu ne m'en as jamais parlée ?
- Tu vas dire que je suis folle.
« Mais tu l'es déjà, Noémie ». Je sais que cette pensée nous traverse l'esprit, à sa mère et à moi. Je décide alors d'intervenir.
- Noémie m'a aussi dit que c'était moi qui venait la sauver dans ces cauchemars. La raison pour laquelle elle est gentille avec moi, je suppose.
Mais au lieu de continuer ses interrogations, la mère de Noémie se lève.
- Allison, as-tu un peu de temps pour raconter ce que tu viens de me dire au médecin de ma fille ?
- Oui, tout ce que vous voulez, je dis d'une traite.
Et toutes les trois, nous retournons dans l'espace des cabinets. Après trois petits coups à la porte, un petit homme chauve nous ouvre. La mère raconte en quelques mots la situation et nous entrons. Je m'assois sur un siège avec Noémie sur les genoux. La mère de la petite commence :
- Voici la jeune fille, Allison, dont je vous avais déjà parlé auparavant.
Le médecin semble me reconnaître comme étant la survivante des attentats du pont, pourtant, il ne relève pas. Il se contente de hocher la tête.
- Allison, raconte lui ce que tu m'as dit, m'invite la mère.
Je me mets alors à conter tout ce que Noémie m'a confiée. Celle-ci opine de la tête, comme je lui ai recommandé plus tôt.
- Mais comment pouvais-je être dans ses cauchemars avant de la connaître ? je demande au médecin, terriblement sérieuse.
- C'est le subconscient, dit-il simplement en croisant ses mains sur le bureau.
- Comment ça ? renchéris-je.
- Noémie a dû te voir quelque part. Dans un centre commercial, dans une boulangerie, n'importe où. À ce moment-là, elle a dû penser quelque chose sur toi. Peut-être que tu étais belle, que tu avais l'air protectrice. J'ignore dans quelle situation elle t'a vue. Le subconscient a fait le reste et ça a marqué son esprit.
Ça m'épate les conclusions qu'il en tire. Je sers un peu plus Noémie dans mes bras et lui chuchote à l'oreille :
- Tout va s'arranger, ma belle.
Elle hoche simplement la tête et le médecin attire à nouveau notre attention.
- Nous parlerons en détails de ces visions de fantômes, conclut-il. Nous allons suivre une nouvelle thérapie basée sur le subconscient. Tu vas guérir, Noémie.
Je sers ses petites mains dans les miennes avant que nous nous levions toutes les trois d'une seule personne. Noémie et moi-même sortons les premières de la petite salle et, je décide de lui dire quelques mots.
- À présent, tu devras tout raconter à ta maman et au médecin. Il va te guérir, comme il a dit.
Je vois sa petite mine paniquée et je continue :
- Mais si tu veux me parler, on se verra ici, à l'hôpital. Tu pourras me dire tout ce que tu voudras, pour te rassurer.
Je me baisse pour être vraiment à sa hauteur.
- Tu me promets de tout leur dire ?
- Promis.
Et elle m'embrasse sur la joue lorsque sa mère referme la porte.
- Merci pour tout, Allison, me remercie-t-elle en posant une main sur mon épaule.
- Ce n'est rien, Madame. Votre fille, je l'aime beaucoup. Je fais ça pour elle, vous savez.
Elle hésite quelques secondes avant de dire, sur le ton de la confidence.
- À propos de cela, j'aurai une faveur à vous demander.
- Allez-y, je dis gentiment.
Nous avançons dans les couloirs. Noémie est partie s'asseoir sur les chaises de tout à l'heure.
- Dans trois jours, samedi, mon mari et moi allons au théâtre. Et, tu dois t'en douter, ma fille ne supporte personne, et les baby-sitters en font parties. Pourrais-tu la garder le temps d'une soirée ? Chez toi, bien sûr. Je ne vais pas te faire déplacer.
- Oui, avec plaisir. J'ai des cours à réviser mais je ne pense pas le faire en soirée alors, ça me va très bien.
Son visage rayonne d'un grand sourire.
- Puis-je alors avoir ton numéro ? Et, bien sûr, je te paierai pour ce temps où tu devras t'occuper d'elle.
Elle me tend son téléphone pour que j'y entre mon numéro de portable. Je le fais tout en lui répondant :
- Vous n'êtes pas obligée de me payer, vraiment. Ça me fait vraiment plaisir de la garder.
- Ne discute pas, me contredit-elle en balayant l'air d'un revers de la main.
Je lui rends son téléphone, tout sourire. Puis nous nous dirigeons toutes les deux vers l'accueil pour notre prochain rendez-vous. Emma est toujours là, fourrée dans ses dossiers.
- Salut, comment vas-tu ?
- Très bien, Allison, merci. Un nouveau rendez-vous ? enchaîne-t-elle.
- Je vois que tu es surbookée, rigole la mère de Noémie.
- Oui, je n'en peux plus. Et puis, ce ventre prend beaucoup trop de place, soupire-t-elle en regardant son ventre arrondi.
Je souris de toutes mes dents. Ça fait tellement de bien. Et voyant qu'Emma est, en effet, en retard dans ses papiers, je décide de raccourcir la conversation.
- Peux-tu me mettre le rendez-vous de demain à la même heure que celui d'aujourd'hui, dans la mesure du possible ?
- Oui, c'est possible, en effet, déclare-t-elle après quelques secondes de recherches.
- Merci, dans ce cas. Bonne fin de journée à toi.
Elle me salue de la main et je m'en vais en souhaitant la même chose à la mère et la fille. Puis, je monte dans l'ascenseur et m'arrête quelques étages en dessous. Mais j'ai une idée fixe de mes projets pour la fin de journée. Alors, quand j'arrive dans la chambre de Nathan. Je me dirige directement vers Cathy. Elle m'embrasse les deux joues et s'apprête à partir quand je la retiens.
- Je ne veux pas voir Nathan, aujourd'hui. Ça me fait plus de mal qu'autre chose de le voir dans cet état. Je suis désolée.
- Tu n'as pas à t'excuser, ma chérie.
Elle me frotte le bras gentiment et me demande :
- Tu rentres chez toi, maintenant ?
- Non. Papa doit venir me chercher dans une heure. Je vais sûrement aller au parc, à côté, pour rester un peu seule.
- C'est hors de questions, rétorque-t-elle en secouant la tête. Tu ne vas pas aller dans un parc alors que la nuit est presque tombée. C'est hors de questions, pas moi vivante, Allison. Je te ramène.
Cathy a toujours été comme une mère avec moi. Très gentille et pas mal protectrice. Mais c'est sa façon de faire, je ne vais pas la contredire.
- Je ne peux pas dire non, pas vrai ?
- Tu me connais. Allez, envoie un message à ton père pour le prévenir que c'est moi qui te ramène.
Je le fais sur le champ et nous quittons l'établissement hospitalier. Sur la route pour aller jusqu'à sa voiture, je brise le silence.
- Cathy, tu devrais rentrer chez toi plus souvent. Tu ne devrais pas rester autant de temps seule, ici. Ce n'est pas bon pour le moral.
- Mais je ne peux pas laisser mon bébé tout seul.
- Tu sais, il ne risque pas de faire de bêtises, là.
J'ignore si mon attention est de mettre un froid glacial ou de faire rire. Néanmoins, Cathy sourit et me motive à continuer.
- Si, à son réveil, il te voit aussi fatiguée, il ne va pas être content, tu le connais. Déjà que moi, quand il va me voir aussi maigre, ça ne va pas l'enchanter. Mais sa propre mère, ce sera pire.
Elle passe son bras sous le mien en me disant qu'elle reverra son emploi du temps demain. Je pose ma tête sur son épaule, épuisée par les événements de la journée. Le trajet jusqu'à la maison est apaisant. Nous discutons beaucoup de livres, pour changer. Nous sommes toutes les deux passionnées de lectures et, dès que nous avions du temps ensemble, avant, nous en parlions. Ça fait du bien de revenir à cette époque.
- Cette conversation m'a donnée envie de me remettre à lire, je dis en souriant.
Elle rigole et je lui raconte ensuite les propositions que m'ont envoyées les maisons d'éditions. Elle s'enjoue et, du même avis que la plupart des gens, déclare que c'est une bonne idée pour moi d'écrire un livre. À ce moment-là, nous arrivons devant chez moi.
- Tu descends ? je demande. Ça ferait plaisir à maman de te voir.
- Je suis désolée mais ce ne sera pas possible, s'excuse-t-elle. J'ai encore quelques trucs à faire avant de rentrer.
- Tu as besoin d'aide ? je l'interroge en serrant mon sac contre moi
- Non, ce ne sera pas nécessaire. Mais merci pour la proposition.
Je lui souris et ouvre la portière. Je claque un bisou sur sa joue et m'en vais. Je la salue une dernière fois de la main avant de rentrer à la maison, ma robe au vent. Mais lorsque j'ouvre la porte, je vois une grande valise ainsi qu'un sac dans l'entrée. Qui est sur le point de partir ?
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Gros chapitre pour me faire pardonner du retard ❤️ la fin est proche les amis !
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