☠ Chapitre 29 ☠
Son annonce jette un froid glacial entre nous. Un frisson me parcourt l'échine et je décide de me lever tant bien que mal du canapé pour me sentir mieux. Une fois debout et face à ma mère, j'inspire fortement avant de lui répondre :
- Je ne pense pas que ce soit une excellente idée comme tu as l'air de l'imaginer. Tout ce que je veux, c'est oublier et essayer de passer à autre chose. Mais ce livre, si je l'écris, il me fera du mal. Je vais devoir me souvenir de chaque détails de cette soirée de l'enfer. Je vais être mal durant plusieurs semaines dans le seul but de quoi ? Donner encore plus d'argents à ces maisons d'éditions ? C'est hors de questions.
Ma mère m'a écoutée tout au long de mon petit monologue, le regard neutre. Cette expression est mauvais signe : elle est contre mon refus. Elle soupire longuement, désespérée.
- Si tu es contre cette idée, dans ce cas, je clos le sujet. Ça ne sert à rien que je me batte contre toi pour une chose qui n'en vaut pas la peine. Tu ne veux pas écrire ce livre. Je le conçois. Je pensais seulement qu'il t'aurait aidé à y voir plus clair.
- Et bien tu t'es trompée, je souffle en quittant la pièce.
Elle ne me retient pas et reste sur le canapé. Je décide de monter à l'étage pour me laver. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire depuis mon retour, hier, des commémorations. J'ai réussi, avec les semaines, à surmonter ma nouvelle peur de l'eau. J'entre dans la douche et me nettoie, doucement. Je frôle les différentes cicatrices que comptent à présent mon corps. La plus grande est celle de mon abdomen. Le couteau qui y est entré a laissé un énorme trou que les médecins ont recousu. Un frisson me parcourt à cette pensée. Mon état en arrivant à l'hôpital, ce soir-là, devait être lamentable. Je soupire et finis ma douche, le regard vide. Ma vie est devenue une routine de pensées négatives. Je ne fais plus rien de ma vie à part les allés-retours entre l'hôpital et la maison. J'ai besoin de revivre, de retourner au lycée.
- Le plus tôt sera le mieux, je lance en entrant dans ma chambre, une serviette autour du corps.
Au moment où je m'apprête à la retirer, on frappe à ma porte. C'est ma grand-mère.
- Qu'est-ce qui se passe, mamie ? je l'interroge en passant entre mes jambes ma culotte.
- Ma chérie, mets ta plus belle robe et rejoins moi en bas dans une quinzaine de minutes. Ça te va ?
Je ne suis pas une grand fan des secrets.
- Qu'allons-nous faire ? je demande en mettant, cette fois, mon soutient-gorge noir assorti à son bas.
- Discuter, c'est ce que je sais faire de mieux. Allez, je t'attends dans un quart d'heure devant la porte.
Puis j'entends ses pas dériver dans le couloir et finalement s'en aller. Je n'appréhende pas les conversations avec ma grand-mère. Elles sont toujours instructives, intelligentes et m'ouvrent les yeux sur un panel d'options qui peuvent s'offrir à moi.
Mais elle souhaite que je porte une robe. Je n'en ai pas envie. Hiver ou non, le problème est que je ne suis plus à l'aise dans mon corps. Je ne l'aime pas. C'est une triste vérité pour une jeune fille de dix-sept ans qui adorait les vêtements. Mais je me dois de porter une robe, pour ma mamie. Je lui dois tout. Alors, je me dirige vers mon armoire et après un rapide coup d'œil je choisis une robe dans un camaïeu bordeaux, à manches longues. Une broderie agrémenter de grosses perles orne le col de mon habit. Cela ressemble à une sorte de collier. La robe me tombe juste au dessus de mes genoux maigrelets. Heureusement, cette robe m'était un peu juste lorsque maman me l'avait achetée. Aujourd'hui, elle me va donc très bien. Avec cela, j'enfile des collants noirs, opaques, et des petites baskets blanches. Je retire la serviette de mes cheveux et sèche ces derniers. Il me reste à peine cinq minutes, alors je décide de laisser ma crinière blonde tomber naturellement sur mes épaules. Je mets ensuite quelques bracelets et sors de ma chambre, laissant mon portable sur mon bureau.
Lorsque je descends, enfin prête, je vois que ma grand-mère est déjà devant la porte, elle aussi habillée et coiffée. Mais, comparée à moi, elle s'est maquillée. J'ai arrêté, pour ma part, de me cacher derrière cette peinture erronée.
- Comme tu es belle, ma chérie ! s'exclame-t-elle lorsque j'arrive à son niveau.
Je la remercie timidement et la complimente à mon tour sur son look. Ma grand-mère a toujours été belle et élégante. Un exemple pour moi.
- Maman sait que nous sortons ? Je lui demande en enfilant une de mes vestes en cuir.
- Oui, je l'ai prévenu tout à l'heure, me sourit-elle.
Puis son sourire retombe d'un seul coup lorsqu'elle me regarde.
- Tu vas attraper froid, Allison, si tu mets cette veste par un temps pareil.
- Ne t'inquiète pas, mamie. Même en plein mois de février il n'est pas interdit de s'habiller de la sorte. Et puis, le temps s'est adouci depuis quelques jours.
- Si tu le dis, admet-elle en levant les yeux au ciel.
Et sur ce geste, nous sortons toutes les deux de la maison pour s'engouffrer dans le vent frais de cette saison hivernale. Ma grand-mère ressert son gros manteau contre elle et nous nous engageons dans la grande rue qui borde notre maison. Dans un premier temps, nous gardons le silence, puis, lorsque nous arrivons au croisement de la rue perpendiculaire à la notre, les mots sortent de ma bouche.
- De quoi voulais-tu me parler, mamie ?
Je passe mon bras autour du sien, comme j'ai l'habitude de le faire à chacune de nos sorties.
- Ta maman m'a parlée de la demande des maisons d'éditions pour que tu écrives un livre.
- J'allais justement venir t'en parler. Pour avoir ton avis là-dessus, je fais en respirant à pleine narine la fraîcheur de l'hiver.
- Et bien, continue-t-elle, je pense que c'est une bonne idée. Mais avant que je ne m'explique, j'aimerais entendre de ta bouche les raisons qui te poussent à refuser une telle proposition.
Je tourne mon regard vers elle, plus exaspérée qu'autre chose.
- Maman a déjà dû tout te raconter.
- C'est vrai, concède-t-elle. Mais je veux l'entendre de ta voix, et non celle de ta maman.
Je reste sans voix, essayant d'organiser mes idées avant de parler. C'est ce que ma grand-mère m'a toujours conseillée de faire.
- Me rappeler cette soirée de l'horreur. C'est cela que je vais devoir faire en écrivant ce fichu livre. Et je ne veux pas. Je ne veux pas souffrir une nouvelle fois, pas après tous les efforts que j'ai accompli pour m'en sortir.
- Je sais. Et je comprends ce côté là de la chose. Mais tu ne pourras jamais oublier ce qui s'est passé ce soir-là. Jamais.
Elle a raison. Encore une fois.
- Oui, je n'oublierai jamais, c'est un fait. Mais je ne vais pas m'en rappeler volontairement.
- Tu t'en rappelleras toujours, me dit-elle, presque sévèrement.
- Je ne pense pas.
L'atmosphère est tendue et, pourtant, je sais que ça ne durera pas. C'est toujours comme ça entre nous.
- La mort de ton grand-père, Allison, je m'en souviens encore, comme si c'était hier. Et je sais que, jusqu'à ce que je disparaisse et que j'aille le rejoindre, je m'en rappellerai. C'est comme ça. Les choses qui nous touchent au plus profond de nous, on s'en remémore. C'est la vie, on n'y peut rien.
On tourne au coin d'une rue, toujours bras dessus, bras dessous.
- Tout ça pour t'expliquer, ma chérie, poursuit ma grand-mère, que, quoiqu'il arrive, tu devras te rappeler de cette soirée. Elle va rester graver en toi pour toujours. Tu vas peut-être encore en faire des cauchemars dans quelques années. Dans ce cas, vie avec cette douleur et apprivoise-la.
- Mais ce livre va me rappeler constamment ce que j'ai vécu, moi, sous ce pont.
Je suis complètement perdue et désespérée. Je ne sais plus quoi faire. Ces pensées me mettent dans tous mes états. Je sais que ma grand-mère a raison. Elle a toujours de bons arguments, de toute façon.
- Attends, viens, on va prendre un petit chocolat ici.
Nous entrons dans un café choisit au hasard et nous installons à une table. L'odeur est chaleureuse et les gens souriant. Ça change de mes allés-retours à l'hôpital où les patients sont toujours tristes et affaiblis. Ici, la joie de vivre est bel et bien présentes. Un serveur, qui a l'air de débuter dans le métier, prend nos commandes puis repart vers le bar.
- Pour en revenir à ce que je t'expliquais tout à l'heure, reprend ma grand-mère, c'est que tu n'es pas obligée de faire de toi l'héroïne.
- Comment ça ? je demande, un peu perdu.
- Tu m'as toujours fait lire ce que tu écrivais et, à chaque fois, tes héros étaient fictifs, n'est-ce pas ?
- Oui, c'est vrai.
Je commence à comprendre où elle veut en venir.
- Et donc, conclut-elle, tu n'es pas dans l'obligation de te représenter toi, Allison, mais une jeune fille, ou même un garçon, qui sait, que tu as inventé de toutes pièces. Ce sera comme conter l'histoire de ce héros fictif, et non ton histoire.
- Tu penses que je peux le faire ? Je veux dire, les éditeurs, ils veulent mon histoire.
Le serveur revient avec nos commandes et nous les dépose sur la table. Je bois une gorgée de mon café tandis que ma grand-mère mélange son chocolat à la cuillère. Elle relève les yeux pour les planter dans les miens.
- Les éditeurs, on s'en fiche, dit-elle en balayant l'air d'un revers de la main. Ils sont à tes pieds, ma chérie. Tu fais ce que tu veux et ils vont l'accepter. C'est toi qui a les reines, pas eux.
Je hoche doucement la tête, distraite.
- C'est ton rêve, continue-t-elle. Tu me l'as toujours répétée. Tu as toujours voulu sortir un livre. C'est le début de ta renaissance crois-moi. Je suis ta grand-mère, je ne veux que ton bien. Et je te le dis droit dans les yeux : tu devrais écrire ce livre. Tu dois écrire ce livre.
********************************
Je n'ai pas d'excuse pour ce retard, surtout que dans moins de dix chapitres cette histoire sera sûrement terminée 😅 j'espère que ce chapitre vous plaît en tout cas ❤️
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top