☠ Chapitre 28 ☠
- Ma chérie... Il est l'heure de se réveiller.
J'entends lointainement la douce voix de ma mère et je parviens à ouvrir un œil. Elle est repartie. Je repense alors à la journée d'hier. Les obsèques ce sont très bien terminée et nous sommes restés encore une heure pour discuter avec les familles de mes défunts amis. Les journalistes ont quand même essayé de nous décrocher quelques mots mais c'était impossible. Nous étions toujours en deuil et n'avions pas envie de leur divulguer quoique ce soit. De plus, la fatigue nous a vite pris et nous sommes rentrés rapidement. Mon père, accompagné de mes deux frères, ont ramené Margaux chez elle et ma mère, ma sœur, ma grand-mère et moi sommes rentrées. Personne ne parlait, tout le monde était dans ses pensées, à vaincre ses propres démons. À la maison, nous sommes chacun allés nous réfugier dans nos chambre respectives. Je me suis d'abord reposée quelques minutes avant de me rendre sur Internet. Je voulais voir les vidéos de la cérémonie. J'en ai finalement trouvé une qui avait été publiée avant toutes les autres et j'ai regardé les presque trois heures de cérémonies et les quelques interviews. Cela m'a fait du bien. J'ai enfin compris que la vie était faite pour qu'on la vive à fond,pour qu'on en profite pleinement. Les malheurs arrivent tous les jours mais nous nous devons de continuer, pour ceux qui sont encore parmi nous.
- Allison, tu descends ? crie ma mère depuis la cuisine.
- J'arrive, je parviens à dire.
J'aimerais me replonger sous les draps mais c'est impossible. J'ai une nouvelle vie qui s'offre à moi à présent. Je ne peux pas rechuter. J'ai une famille, une vie, une scolarité. J'ai des épreuves de baccalauréat à passer dans quelques mois. Je ne peux pas me permettre de retomber en bas.
Je descends au rez-de-chaussé pour prendre mon petit déjeuner. J'arrive à manger mes repas quotidiens à présent, mais je ne mange toujours pas assez d'après ma mère. Elle voudrait que j'aille voir un médecin mais je n'en ai aucune envie. Même si je n'exclus pas le fait que je suis encore trop maigre.
- Bonjour, Allison, me dit doucement ma grand-mère lorsque je viens lui faire la bise.
Je m'installe à table, où mon repas est déjà préparé, en compagnie de Matthew. Bavard comme il est, il entame directement la conversation, sans pouvoir s'en empêcher :
- J'ai appris que tu voulais retourner en cours, c'est très courageux petite sœur.
Il me fait son petit sourire en coin avant de continuer.
- Tu sais, je l'aime vraiment bien, Nathan. Je veux dire... T'as eu plusieurs petits amis dans ta vie, Allison et, je ne les aimais pas, tu le sais. Mais Nathan, c'est autre chose. Ce garçon, c'est comme un petit frère et il te rend heureuse. Je voudrais autant que toi qu'il se réveille.
Ces petits mots me réchauffe le cœur. Ça fait du bien d'entendre ce genre de choses dès le matin. Je l'aime mon grand frère.
- Merci, je réponds en souriant. J'espère seulement qu'il va sortir du coma. Je n'en peux plus... C'est épuisant d'espérer.
Il hoche doucement la tête pour me faire comprendre qu'il est d'accord avec moi. Puis il se lève et s'en va à la faculté. Ma petite sœur est déjà à l'école, Erwan est déjà reparti pour l'université, mon père est au travail, seules ma mère et ma grand-mère sont présentes.
- Tu sais, je dis à l'attention de ma mère, tu peux retourner travailler. Je vais mieux, tu le sais. Et puis, mamie est à la maison.
- Je ne sais pas..., marmonne-t-elle en s'affalant sur le canapé. La cérémonie, les caméras, les vidéos sur internet, tout ça m'a épuisée. Je pense retourner au travail demain. Pas aujourd'hui.
La voyant complètement fatiguée, je décide d'aller prendre place à côté d'elle pendant que ma grand-mère monte à l'étage. Je me blottis dans les bras de ma maman, comme un bébé.
- Je suis désolée, maman. Désolée de t'avoir fait vivre tout ça. Je suis désolée d'avoir été ignoble avec toi, de ne pas t'avoir traitée à ta juste valeur durant ces derniers mois. Aujourd'hui j'ai compris que la famille était ce qu'on avait de plus important dans la vie.
Elle reste muette pendant quelques instants avant de me répondre :
- Je te comprends, Allison. En fait, je me mets à ta place. Perdre tes amis, tes meilleurs amis, des personnes que tu côtoyais tout le temps, du jour au lendemain, je pense qu'il n'est pas donné à tout le monde de rebondir comme tu l'as fait.
- Je n'avais pas le choix, je dis doucement. J'ai un avenir à prévoir. Je vous ai vous. Je ne peux pas me permettre de me morfondre indéfiniment. Évidemment que je ne m'en remettrai probablement jamais, mais je me dois de continuer à vivre malgré tout ; comme l'a fait mamie après la perte de papy. La vie continue. J'ai un BAC et un destin à tracer. Rebondir était mon seul choix.
Le silence règne de nouveau avant que ma mère reprenne la parole :
- Je crois que tu n'en as pas conscience, Allison, mais tu es devenue le symbole d'un espoir. Beaucoup de jeunes ont commencé à prendre exemple sur toi. Sur les réseaux sociaux notamment.
- Les réseaux sociaux ? je demande incrédule. Explique-toi, je ne comprends pas très bien.
Elle se recale un peu plus dans le canapé pour être plus à l'aise, me gardant toujours contre sa poitrine.
- Durant les semaines qui ont suivi les attentats, tu as reçu énormément de lettres, tu le sais, tu les as lu. Mais j'avais pris malgré tout la décision d'en lire quelques unes, simplement pour savoir ce qu'elles contenaient. Par curiosité. J'étais avec Matthew quand je les ai lu.
Je l'écoute attentivement, ne ratant pas un seul mot. Je ne lui en veux même pas d'avoir lu ces lettres, elle a bien fait.
- Nous avons dû en lire cinq au total, mais dans chacune des lettres que nous avons lu, il y a avait un point commun : des messages d'espoirs. Les gens espéraient te voir revivre, et, toi-même, tu leur donnais un certain espoir en la vie. Alors, Matthew m'a parlé de tes différents réseaux sociaux. Nous sommes allés sur certains d'eux, simplement pour voir, et le spectacle se répétait. Des milliers de messages défilaient chaque jour, des messages de soutient et d'espoir. C'est fou à voir ! Des milliers de personnes inconnus mettaient tous leurs espoirs en toi.
Tout ce que me dit ma mère me laisse sans voix. C'est quand même fou que des gens mettent de l'espoir en moi.
- Alors, avec tes deux frères cette fois, nous avons créé un compte que nous nous sommes mis à alimenter tous les jours. Nous expliquions notre journée, ce que cela faisait de vivre avec un membre de notre famille en état de choc. Nous avons parlé de tes séjours à l'hôpital, de tes cicatrices, de tout. Et les internautes commentaient. C'était incroyable la façon dont tous ces gens s'intéressaient à toi. Et puis, les abonnés n'arrêtaient pas de se décupler de jours en jours. C'est Erwan qui s'occupait le plus de ce compte. Il postait tout le temps de nouvelles anecdotes, plus ou moins drôle. Les internautes suivaient ta vie comme une fiction. Mais cela nous redonnait espoir à nous, ta famille.
Je n'ai même plus de mots pour exprimer ce que je ressens. Cela fait tellement bizarre de savoir que des gens ce sont intéressés à ma vie.
- J'ai aussi commencé à recevoir des messages, en plus des messages de soutiens. Cela provenait de personnes qui avaient vécu la même expérience que toi : vivre un attentat. C'était des messages touchants. Je les ai toujours, si tu veux les voir.
Cette proposition est tentante.
- Pourquoi pas ? je déclare en haussant les épaules
Mais ma mère se tourne vers moi, le regard sérieux.
- Il faut vraiment que tu saches que pendant tes semaines de comas, d'hôpital et de dépression, tu es devenue un symbole. Tous les magasines ont parlé de toi, à la télé c'était pire, on s'est fait harceler des centaines de fois. Les internautes étaient toujours là, à nous demander des nouvelles. Les gens t'admirent, Allison.
Je n'étais pas forcément préparée à ce qu'elle me sorte une nouvelle pareille. Mais je ne vois pas le point final de cette histoire.
- Maman, va au terminus de cette histoire, je lui recommande. Pourquoi me dis-tu tout cela ?
- Allison, tu as toujours aimé écrire, pas vrai ?
- Oui, mais...
- ... et bien, plusieurs éditeurs nous ont contacté pour que tu écrives un livre sur ce qui s'est passé. Je pense que ce serait un moyen de tourner définitivement la page tout en exerçant ta passion. Certains des éditeurs sont prêts à donner beaucoup d'argents.
C'est une blague ? Si je m'y attendais à celle-là ! Je n'en reviens pas. Je ne sais même pas quoi en penser. C'est complètement fou.
- L'espoir passe aussi par les livres..., chuchote ma mère à mon oreille.
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