☠ Chapitre 19 ☠
L'appétit me revient tout doucement mais je ne suis toujours pas comblée de mes efforts. Il m'en faut plus. Je finis mon petit déjeuner dans le silence, entourée de ma famille. Je réfléchis au fil de ma journée en buvant lentement mon verre de jus d'orange. Comment je vais m'organiser ? Comment vais-je vivre se tournant de ma vie ? Mais ma mère coupe le court de mes pensées en me posant la même question :
- Tu comptes faire quoi aujourd'hui, pour cette nouvelle journée ?
Tout le monde me fixe, attendant ma réponse. Je suppose qu'ils voudront chacun m'aider de quelques façons que ce soit. Je m'essuie alors la bouche avant de commencer :
- Je vais aller me préparer et j'irai chez la fleuriste acheter des fleurs. Ensuite, je me rendrai au cimetière et je commencerai enfin à faire mon deuil. Après... Hum...
J'ignore comment formuler ma requête et ça me met plutôt mal à l'aise.
- Tu peux tout nous dire ma chérie, me susurre doucement mon père.
Ma mère hoche la tête, comme pour encourager ma demande.
- Et bien... J'aimerais bien avoir un nouveau téléphone. Je suis prête pour ça, enfin.
Le visage de Matthew s'illumine et il se précipite pour dire :
- Prem's ! C'est moi qui vais avec elle pour aller le choisir.
Un petit rire sort de ma bouche, je suis heureuse de sa réaction. Par contre, Erwan, lui, fait semblant de bouder :
- Je veux venir aussi...
- Mais ! Ce n'est pas juste, se plaint ma sœur, moi j'ai danse, je ne pourrai pas vous accompagner.
- Tant pis pour toi ! hurle mes frères à l'unisson, la faisant éclater de rire.
Je n'écoute pas vraiment le reste de la conversation mais je comprends que mes deux frères m'accompagneront car mes parents sont dans l'impossibilité de venir.
- Excusez-moi, je les interromps. Je vais me préparer...
Un faible sourire se dessine sur mon visage mais ce n'est qu'une face passagère. Á vrai dire, je me sens bizarre. Faire mon deuil maintenant ? Qui l'aurait cru ? Sûrement pas moi ! Je quitte alors la table, cachant mon angoisse du mieux que je peux. Je ne prends pas la peine de débarrasser et retourne d'un pas rapide dans mon antre préférée : ma chambre. Je me douche tranquillement, les pensées dans le vague. Mes tremblements ont presque disparu. La bonne volonté doit y être pour quelque chose, je pense. Je décide alors d'enfiler un bas noir et un pull noir après avoir passé mes crèmes sur les bleus de mon corps. Ils sont beaucoup moins voyant qu'il y a quelques semaines mais ils font toujours autant souffrir, surtout ceux de mes mains.
Après m'être séchée les cheveux, je décide de prendre un sac à dos et d'y mettre les lettres auxquelles j'ai répondu pour pouvoir les poster sur la route. Je prends ensuite mon porte monnaie où mon argent économisé se trouve et descends au rez-de-chaussée mettre mes bottines à talons. Ma mère m'y retrouve et me demande, sur le ton de la confidence :
- Tu veux que je t'emmène ou que je vienne avec toi ?
- Non, ça va aller, mais merci quand même.
Elle secoue la tête et s'assoit à côté de moi dans l'escalier avant de me poser une nouvelle question :
- Tu as mis quoi dans ton sac ma Chérie ?
Je me relève pour lui faire face avant de lui répondre, tout en mettant ma veste.
- Hier soir, j'ai lu une bonne partie des lettres qui m'ont été envoyées et j'y ai répondu. Je voudrais aller les poster en chemin.
Elle hoche la tête en souriant. Un sourire sincère. Un sourire débordant d'amour maternel.
- Je t'aime, Allison. Je t'aimerai toujours, rappelle-toi en à chaque fois que tu ne vas pas bien. Je serai toujours là pour toi si tu as un problème. Nous serons toujours là.
Je la prends alors doucement dans mes bras maigres, le cœur un peu plus léger. Ma mère, je l'aime à un point inimaginable. Je m'en veux tellement pour toutes les atrocités que j'ai pu lui dire. Elle ne mérite pas ça. Pas après toutes les épreuves que la vie lui a faite passer. Je me détache alors doucement d'elle pour partir à la conquête de cette journée bouleversante. Cette journée va changer ma vie. Je le sais.
- Au revoir, Maman.
Je lui embrasse tendrement la joue et pars presque comme une voleuse. Au moment où je me retrouve seule face au froid de l'hiver, je me rends compte que mon portable et ma musique me manquent plus qu'autre chose. Je sais que les cicatrices de mon accident seront toujours là mais je compte vivre avec. Je ne compte plus survivre mais bien vivre. Car vivre, ce n'est pas survivre !
Mon trajet en bus se fait plutôt rapidement malgré le fait que j'ai dû changer une deuxième fois de transport. Étant donné que le fleuriste se trouve avant la boite aux lettres de la poste, je décide d'aller acheter les fleurs en premier. Lorsque j'entre dans la boutique, l'odeur de lys m'arrive en pleins dans les narines et combien savent que je déteste cette odeur. Ça ressemble tellement à l'odeur de la pisse, ce n'est pas croyable !
Je souris aux quelques personnes âgées présente chez la fleuriste et me dirige vers celle-ci. Elle est en train de préparer de nouveaux bouquets, magnifiques d'ailleurs !
- Besoin d'aide ? me demande-t-elle en souriant.
Elle doit avant la quarantaine, plutôt ronde et un visage d'ange. De quoi vous mettre tout de suite à l'aise.
- Hum, oui..., je réponds timidement. Je souhaiterai savoir si vous avez trente-quatre roses ?
- Trente-quatre, précisément ? m'interroge-t-elle en levant un sourcil, son sourire toujours plaqué aux lèvres.
Je me tortille les mains, légèrement mal à l'aise.
- Oui, trente-quatre précisément.
Elle hoche la tête et part tout de suite dans ce qui semble être un atelier en m'intimant de rester où je suis, qu'elle revient tout de suite. En attendant son retour, je regarde les compositions florales. Je trouve ça très jolie. Nous n'avons jamais eu de fleurs ou de bouquets à la maison car ma mère et Erwan y sont allergiques. Dommage, j'aime beaucoup les fleurs. La vendeuse me fait presque sursauter quand elle revient, en criant :
- Le compte est bon ! Voici trente-quatre roses, précisément !
Je souris sur le « précisément » qu'elle a ajouté. Et m'avance vers le comptoir. L'odeur des roses arrivent jusqu'à mes narines pour mon plus grand plaisir. Je sors mon petit porte monnaie avec mon argent pendant que la fleuriste tape sur son écran tactile.
- Ça fera trente-quatre euros précisément, m'affirme-t-elle en m'emballant les fleurs dans un sac en papier où de l'aluminium y a été placé au préalable.
Je sors l'argent, le lui tend et, pendant que la fleuriste fait le compte, elle me demande :
- Si ce n'est pas trop indiscret, pourquoi achètes-tu ces trente-quatre fleurs ?
Sa question me prend un peu au dépourvu et je mets un certain temps avant de lui répondre.
- C'est... pour mettre sur plusieurs tombes..., j'avoue finalement, sachant que je n'ai finalement rien à perdre.
Son corps tout entier se crispe au son de ma réponse. Elle me fixe avec de grands yeux mais me pose encore une autre question :
- Trente-quatre personnes sont décédées ? Des proches à toi, simplement des connaissances ou c'est pour un mémorial ?
- C'est... Pour toutes les personnes de ma classe qui sont décédées...
Je n'ai pas besoin d'en rajouter qu'elle comprend immédiatement la situation.
- Oh... Tu es Allison... Je suis vraiment désolée, vraiment. Tiens, je te rends ton argent, tu n'as pas besoin de payer, je te les offre.
Je secoue la tête, pas tellement d'accord avec elle.
- Non, ne vous inquiétez pas. Je ne veux pas qu'on s'apitoie sur mon sort. Prenez l'argent, c'est normal que je paie.
Je n'attends pas mon reste et m'en vais, avec le paquet, laissant la fleuriste un peu perdue à son comptoir. Je lui souhaite une bonne journée et m'en vais ensuite poster mes lettres. Je préfère garder les fleurs dans mes mains pour éviter qu'elles ne s'abîment dans mon sac. Lorsque je prends mon troisième bus de la journée pour me rendre au cimetière, la tension est palpable dans les moindre recoins de mon esprit. J'appréhende tellement. Je vais enfin me rendre compte que je ne reverrai plus toutes ces personnes qui ont tant comptées pour moi. Elles ne seront plus à mes côtés, je ne rigolerai plus jamais avec. Mais une chose est sûre : elles seront à jamais dans mon cœur.
Lorsque le bus me dépose à une vingtaine de mètres de toutes ces croix, une sueur froide me traverse le corps. Mes mains sont moites et j'ai l'impression que le paquet que je tiens va tomber sous mes paumes humides. Mais je respire profondément en calmant ma respiration saccadée de mon mieux et avance. Au moment où je me trouve devant le grand portail du cimetière ouvert, je prends conscience que je ne peux plus reculer. Je balaie toutes les croix du regard, me disant que mes meilleurs amis sont sous une d'elles et cette idée me révulse. Je sers un peu plus les fleurs contre moi, complètement perdue dans mes pensées. Les lettres me reviennent à l'esprit et leurs textes encore plus. Je me dois d'y entrer.
- C'est maintenant ou jamais...
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