☠ Chapitre 14 ☠
Voilà maintenant une heure que je regarde mon psy dans le blanc des yeux. Il me jauge du regard, attendant que je parle la première. Mais, ce qu'il ignore, c'est que je ne parlerai pas. Je ne veux pas. Je ne veux pas qu'on sache tout ce que j'ai ressenti, tout ce que je ressens encore aujourd'hui. C'est une sensation qui se passe à l'intérieur de moi. Ils croient tous pouvoir m'aider mais ils n'ont pas encore compris que j'étais la seule à pouvoir me sortir de là ! Ils ne peuvent pas me venir en aide. Je suis seule, seule avec moi-même.
Le médecin soupire pour la énième fois depuis le début des séances et me dit avec sa voix lasse :
- Bon, la séance est terminée... Á demain ! Et bon courage...
Il me répète toujours les mêmes paroles tel un robot. Je baisse respectueusement la tête et m'en vais sans demander mon reste. Comme d'habitude, les couloirs sont quasiment vide à cette heure tardive du soir. Je reprends l'ascenseur pour descendre mais je ne vois pas Noémie. Dommage, je l'aime bien cette petite !
Je retrouve mon père sur le parking après cette journée éreintante. Il essaie de lancer la discussion mais je ne suis pas tellement d'humeur à parler. Je le lui fais savoir, ce à quoi il me répond :
- Mais Allison, tu n'es jamais d'humeur à discuter ! Il faut que tu te réveilles, que tu te reprennes en main. L'accident date d'un mois maintenant. Il faut que tu fasses ton deuil... C'est important... C'est important pour toi, pour ton avenir, ma Chérie...
Je mords ma lèvre inférieur pour ne pas sortir de vulgarité ou des propos que je regretterai. Alors, je ne parle pas. Aucun son de sort de ma bouche, ce qui irrite encore plus mon père.
- Profite des commémorations pour tourner la page sur ce qui s'est passé...
Maman lui en a donc parlé. Ce qui est tout à fait normal, d'ailleurs, mais j'aurai peut-être préféré qu'elle m'attende pour le dire. Tant pis, c'est fait de toutes manières.
« Les commémorations... », je pense avec tristesse en laissant tomber ma tête contre la vitre glacée de la voiture.
Tout le monde va attendre mon discours avec hâte. Attendez, ce n'est pas tous les jours qu'on peut avoir le discours d'une survivante en avant-première, si je puis dire. C'est sûr, il y aura des caméras. J'en suis persuadée, mais j'ai oublié de le demander à mon proviseur. Je ne pourrai pas leur demander de partir, ils le savent. Je ne peux pas me permettre de ruiner la commémoration de mes amis pour des caméras, je n'ai pas le droit. Alors, je vais faire avec. Je sais qu'ils seront tous impatient ! Je n'ai pas parlé une seule fois aux journalistes depuis mon accident, alors, forcément, avoir tout un discours de ma part, quoi de mieux ?
Je soupire et continue de ne pas répondre à mon père. Lorsque nous arrivons enfin à la maison, j'embrasse mes frères, ma sœur ainsi que ma mère. Ils sont tous en train de mettre la table sauf Erwan qui est affalé sur la canapé. Ce n'est pas son tour aujourd'hui, je crois.
- Tu viens manger avec nous... ? me demande gentiment ma mère, les larmes aux yeux.
C'est devant cette scène d'impuissance que je me rends compte de tout le mal que je fais vivre à ma mère. Je vois dans son regard mélancolique qu'elle me supplie de venir manger. Elle me supplie de rester en bonne santé, de ne pas me laisser aller par les sentiments. Personne n'a l'air de remarquer qu'elle pleure presque. Mais moi je l'ai vu. J'ai vu la femme brisée qui essaie de se montrer forte.
« Qu'est-ce qu'elle serait devenue si j'étais vraiment morte... ? », je ne peux m'empêcher de penser.
J'observe ensuite mon père qui aide ma mère à la cuisine. Ils sont tellement beaux ensemble. Ils ont affronté tellement d'épreuves dans la vie, mais toujours main dans la main. Seuls contre tous !
Lorsque je sors un peu de ma torpeur, je remarque que toute la petite famille me fixe avec insistance. Je me rappelle alors la question de ma mère.
- Je... Je veux bien essayée de manger un peu, je réponds, doucement.
Les visages retrouvent leur sourire tandis que le mien n'est toujours pas réapparu. Je retourne à l'entrée pour retirer mes chaussures. Je sens que mes mains tremblent sur mes bottines. Manger... Qui aurait pu croire qu'il serait un jour difficile pour moi d'avaler quoique ce soit ? Moi, Allison, reconnue pour son addiction à la nourriture !
Je m'avance à petit pas vers la table de la cuisine où tout le monde est déjà installé. Ma mère me sert de la salade composée, en moyenne quantité. Elle ignore si je vais tout manger ou si je me voile la face. Je bois la totalité du verre d'eau qui se trouve en face de moi et mon père me jette un regard de travers. Il sait très bien ce que ça fait un verre d'eau avant le repas : ça coupe l'appétit. Mais ce n'est pas du tout pour cette raison que je l'ai pris. Loin de là. J'avais juste un grand besoin de me réhydrater.
Je regarde ma salade, presque avec dégoût. Des envies de vomir me prennent et j'ai l'impression de devenir une de ces mannequins qui se font vomir pour perdre le plus de poids possible. Mais je ne le fais pas exprès. Je n'ai vraiment pas faim. Aucun sentiment de besoins alimentaires ne se fait sentir et c'est ça le pire. Mes parents croient que c'est volontaire alors que non.
- Bon appétit ! lance ma mère, de nouveau requinquée.
Mais pour combien de temps ? Quand elle verra que j'aurai à peine touché à mon assiette, comme sera-t-elle ? Je n'ose même pas imaginer. Voir sa fille maigrir à vu d'œil ne doit pas du tout être marrant à voir et à vivre ! Alors, après un dernier regard, je plonge pour la première fois depuis longtemps, ma fourchette dans la salade. J'ai un léger moment d'hésitation lorsqu'elle atteint ma bouche mais je la mets finalement à l'intérieur. Des élans de vinaigrettes s'incrustent dans tous les recoins de ma bouche où mes papilles se font un plaisir fou ! Mais mon estomac en décide autrement. Il se contracte. Tellement fort que j'ai peur de recracher ma première bouchée. Je m'empresse donc de l'avaler et regarde ma mère. Un petit sourire s'affiche sur ses lèvres et me donne le courage de prendre une seconde bouchée. Malgré ma douleur à l'estomac et l'envie de partir en courant, je fais passer de la nourriture dans mon ventre.
Je pose lentement ma fourchette pour me consacrer à mon grand verre d'eau. Je bois plusieurs gorgée en prenant mon temps mais j'ignore comment faire comprendre à ma mère que je ne peux plus rien manger. Elle serait tellement déçue. Tellement triste... Je n'arrive pas à me l'imaginer, alors je reprends mon couvert en tremblant mais au moment où j'allais la planter dans ma salade, le téléphone de la maison sonne.
Je lâche d'un seul coup ma fourchette pendant que mon père se lève. Ma main reste en l'air et ma respiration est saccadée. Je mise tout sur l'espoir que ce soit Cathy, la mère de Nathan. Je veux qu'elle me dise qu'il s'est réveillé, qu'il est vivant. Je veux pouvoir m'imaginer dans ses bras, me protégeant pour toujours.
- Allison ? m'appelle mon père. C'est pour toi !
********************************
À partir de maintenant, et j'en suis complètement désolée, je n'aurai plus aucune publication régulière 😶 les études avant tout !
Je vous souhaite alors bonne chance, une bonne rentrée et j'espère que vous apprécierez toujours cette histoire 😏
Bye bye 😘
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top