☠ Chapitre 13 ☠

Elle ne répond rien et fait demi-tour, direction le salon. Quant à moi, je quitte la maison en saluant le proviseur de la main et m'en vais, sans oublier ma carte de bus. Le vent d'hiver me prend au visage mais il est beaucoup plus doux qu'habituellement. La manche longue que j'ai rajoutée sous mon sweat n'est pas de trop.

- Aller, courage, Allison..., je me dis en serrant les poings.

Je me parle de plus en plus souvent toute seule pour me donner du courage afin d'affronter les obstacles de la vie. Je souffle dans mes mains pour les réchauffer et me décide finalement à les mettre dans ma grande poche de devant. Mon arrêt de bus est à cinq minutes à pieds. En été c'est bien mais en hiver c'est juste infernal ! Lorsque j'arrive enfin à l'arrêt de bus, je suis soulagée de voir qu'il n'y a personne de présent. Je n'ai pas envie, encore une fois, de recevoir leur pitié en plein visage. J'ai juste envie qu'on me laisse tranquille, quitte à paraître insociable.

Heureusement, je n'attends que cinq minutes et me dépêche d'entrer pour trouver la chaleur du bus. Je montre ma carte et avance dans le bus. Il y a un peu plus d'une dizaine de jeunes, que je connais tous, qui me regardent comme si j'étais un zombie mangeant un beignet à la framboise. J'ignore tous les regard et vais m'asseoir sur un double siège vide. Je me mets du côté fenêtre pour admirer le paysage. Les arrêts se succèdent jusqu'à se remplir de plus en plus. Je vois quelqu'un arriver dans mon champ de vision mais je ne fais même pas attention. De toute façon, ma capuche me cache assez bien des regards. Malheureusement, pas du sien.

- Euh... excusez-moi mais... vous n'aurez pas l'heure ? me demande-t-il en bégayant presque.

J'ignore s'il m'a reconnu ou non mais cette voix, je la connais. Je n'arrive pas à mettre un visage dessus mais je la connais, j'en suis sûre et certaine. Je secoue la tête pour lui donner une réponse mais celui-ci persiste :

- Tu as perdu ta langue... ?

Voyant que je ne réponds pas à sa question idiote il continue :

- Pourquoi tu ne me réponds pas ?

Je me tourne d'un seul coup vers lui, pour lui faire ravaler sa langue trop bavarde à mon goût :

- Mais tu vas la boucler, oui ?!    

J'allais continuer quand je me rends compte de la personne qui se trouve à côté de moi.

- Romain ? Mais qu'est-ce que tu fous ici ?

Je regrette tout de suite mes paroles. Mon ex va commencer à parler et ne va jamais s'arrêter. Alors, je décide de mettre directement un terme à la conversation :

- Non, en fait, je ne veux pas savoir. Bon lève-toi, j'arrive à mon arrêt.

- Attends, il va bien Nathan... ?

Je lui lance un regard noir. Il sait très bien dans quel état est Nathan et il ose me poser la question. Romain et Nathan ont toujours été pires ennemis. Ils ne se sont jamais supportés une seule seconde. En fait, ça n'a pas plus à Romain Tides que je le quitte pour Nathan Fire. Au début il m'a fait culpabilisé, et puis ensuite je ne l'ai plus regretté. Mais Romain est toujours sur l'affaire et ne nous lâche plus avec cette histoire de gamins d'il y a trois ans.

- Bouge de là avant que je ne te frappe !    

Je crie pour le faire réagir mais, au lieu de ça, il me dit :

- Tu ne le feras pas.    

Il articule lentement, comme si j'étais une pauvre demeurée. Toutes les personnes alentours regardent la scène et je ne peux rêver mieux comme vengeance pour toutes ces années et surtout, pour ce qu'il vient de dire sur Nathan. Alors, la gifle part toute seule. Elle claque tellement fort que la quasi-totalité du bus se retourne. Romain me fixe, complètement abasourdi.

- Il ne fallait pas me chercher ! je lui lance en passant au dessus de lui pour descendre.

Il sait très bien qu'il ne peut rien dire car, tout le monde ici sait qui je suis à présent. Tout le monde me connaît comme la fille qui a survécu aux attentats du Pont. J'ai l'immunité, il ne peut pas répliquer. Malgré tout, je n'attends pas mon reste et sors du bus. Bizarrement, la fraîcheur de l'extérieur me fait le plus grand bien, j'étouffais à l'intérieur.

- Nathan...

Cet imbécile de Romain m'a mise en rogne pour le restant de la journée, merci ! Parler de Nathan comme cela, c'est m'atteindre sentimentalement au plus haut point. Nathan, c'est tout ce qui me reste. S'il survit, je sais que je passerai l'épreuve du deuil et de la reconstruction beaucoup plus facilement car nous serons deux. Nous aurons tous les deux survécus à ces attentats. Ce serait vraiment le scénario idéal mais pour le moment il est toujours dans le coma...

Lorsque j'entre dans la chambre de mon petit copain, sa mère n'est pas là et une infirmière m'informe qu'elle est partie en urgence chercher la petite sœur de Nathan qui s'était blessée à l'école. Je prends ensuite place à mon emplacement habituel et je lui raconte ma journée, en particulier l'histoire du bus, mais aussi le moment où le proviseur est venu chez moi.

- Il veut que j'écrive les éloges funèbres de la classe en général. Ça va être dur... C'est pas le fait de parler en publique qui me dérange, tu vois, c'est... De devoir écrire leurs éloges. Je n'aurai jamais pensé devoir faire ça pour des adolescents de dix-sept ans...

Je remets les cheveux de Nathan en ordre et l'embrasse avant de me rasseoir.

- Mais ce qui me manque le plus dans toutes cette histoire c'est toi, Sarah et Dylan. Vous étiez tous les trois les personnes que j'aimais le plus au monde. Mes deux meilleurs amis et toi, mon petit ami. Deux sont morts et toi, tu es entre la vie et la mort. Vous me manquez tous les trois. C'était sur vous que je pouvais compter à tous moments. Vous étiez les épaules sur lesquelles je pouvais me reposer. Mais aujourd'hui, je n'en ai plus aucune. Je n'ai plus aucun support, aucun soutien sur lequel relâcher la pression. Vous n'êtes tous les trois pas là et je dois tout supporter toute seule...

C'est un flot de larmes incontrôlable qui s'empare de moi. Je me replie sur moi-même, sur la chaise et laisse les pleurs couler comme bon leur semble. J'ai l'impression que mon corps ne m'appartient plus, qu'il se contrôle lui-même, sans me demander mon avis.

- Vous me manquez tellement... Je suis complètement seule et perdue moi. En plus, il y a ce taré de psychologue qui veut me faire parler mais moi je ne veux pas. Il n'y a qu'à toi que je veux parler, Nathan...

Je reste encore un peu plus d'une heure dans la chambre et ensuite, je m'en vais prendre l'ascenseur pour monter au dernier étage, celui des psychologues.

Je m'en vais attendre l'ascenseur et appuie sur le bouton d'arrêt. Lorsqu'il arrive à mon niveau et qu'il ouvre les portes, je reste quelques secondes figées en voyant la petite Noémie d'il y a une semaine. Il y a deux autres personnes aussi, une jeune femme ainsi qu'une infirmière.

Quand la petite me voit, elle me sourit de toutes ses dents mais je n'arrive pas à lui rendre la pareille. Je rentre donc, et me place au fond après avoir appuyée sur le bouton du quinzième étages.

- Oh... Tu vas au même étage que moi ! s'enjoue Noémie.

Je lance un regard incrédule à sa mère, ne comprenant pas. La petite fille doit avoir six ans à tout casser. Qu'est-ce qu'elle vient faire dans le secteur des psys ? Mais sa mère répond à ma question silencieuse :

- Elle a des troubles psychologiques, m'apprend-elle. Elle parle de sujets qui nous dépassent et elle a été diagnostiquée bipolaire.

- Á son âge ? je m'étonne.

Elle hoche la tête.

- Oui, à son âge, déjà...

Mais la petite brune n'est pas du genre à rester silencieuse très longtemps :

- Elles guérissent tes blessures ?

Je me baisse pour être à sa taille et lui réponds :

- Oui, elles guérissent. Doucement mais sûrement.

- Tu as pleuré ? T'as les yeux rouges.

J'essaie de sourire mais je n'arrive à exprimer qu'une simple grimace. Les petits voient tout. C'est cela qu'est tellement déstabilisant. Mais je préfère ne pas répondre. Je la fixe sans parler et sa mère coupe brutalement le silence en s'étonnant :

- C'est vraiment étrange... Lorsque Noémie pose une question et qu'elle    n'a pas de réponse, elle se met d'un seul coup en colère et casse tout ce qui lui passe par la main. Là, elle ne fait strictement rien...

Puis elle rajoute pour elle-même :

- Il va falloir que j'en parle au médecin...

Elle attrape ensuite la main de sa fille et nous sortons toutes les trois de l'ascenseur, l'infirmière et la jeune femme étant descendues deux étages plus tôt.

« Qu'est-ce que ça pue les psys ! », je me plains mentalement.

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