Chapitre 6

La pièce était assez simple. Il comportait une chaise de bureau poussée sous un pupitre où étais posé un ordinateur portable, ainsi que trois piles de feuilles. Il y avait deux fauteuils l'un en face de l'autre et une petite table au milieu, ainsi qu'un tapis beige. Une fenêtre laissait passer la lumière du jour. Et une chaise trônait dans le coin à côté de la porte.

Le docteur Mayor tira sa chaise de bureau, s'assit dessus et m'invita de la main à faire pareil avec l'un des fauteuils.

- Pour commencer, est-ce que tu es d'accord que j'appelle par ton prénom et que je te tutoie, il demande.

- Oui, répondis-je.

Il me fait un sourire chaleureux que je finis par lui rendre après quelques secondes.

- J'imagine que ça a dû te faire un choc quand les policiers sont venus chez toi, mais on avait peur que tu n'acceptes pas de venir si on t'avait laissé le choix. Est-ce que tu comprends ?

J'hoche de la tête et il reprend.

- Bien. Je vais devoir te poser quelques questions avant de te laisser rejoindre ta chambre.

Un coup frappé à la porte me fit tourner la tête vers mon père qui entra dans la pièce.

- C'était ta mère, informe-t-il. Elle était devant l'entrée, mais dès qu'elle a appris que c'était l'hôpital psychiatrique et non les urgences, elle est repartie.

Je levai les yeux au ciel, ça ne m'étonnait pas. C'était elle tout craché. Dès que j'avais le moindre problème, elle laissait mon père s'en occuper. Depuis le temps, j'avais l'habitude.

Le docteur fronça les sourcils, mais ne dit rien. Je voyais bien qu'il était troublé et qu'il voulait poser une question, et je le remerciai silencieusement de ne pas le faire. Je n'avais vraiment pas envie de parler des problèmes avec ma mère dès mon arrivée à l'hôpital.

- Asseyez-vous seulement, invita le docteur Mayor. J'étais en train d'expliquer à votre fille que j'allais devoir lui poser quelques questions, reprit-il.

- Bien sûre, répondit mon père.

- Alors, se tourna-t-il vers moi, qu'est-ce qu'il t'amène ici ?

Je pris quelques instants pour réfléchir avant de répondre.

- C'est les médecins du centre de désintoxication de New York qui ont décidé de me faire venir ici, je réponds.

- Et pourquoi tu penses qu'ils ont pris cette décision ?

- Parce que je suis folle...

- Tu n'es pas folle, ma chérie, intervient mon père.

Il se penche vers moi et me prend la main.

- Tu n'es pas folle, il répète. Tu es juste en proie à des hallucinations.

Je relève la tête et fronce les sourcils en retirant ma main de la sienne.

- Juste ?

- Non pardon, ce n'était pas le bon mot. Ce que j'essaie d'expliquer au docteur Mayor c'est que ce n'est pas de ta faute.

- Si, je me suis plongée dans l'alcool toute seule ! je m'exclame.

Mon père soupira.

- Ce n'est pas de ta faute si tu subis des effets secondaires à cause de ça, tente-t-il d'expliquer.

- Alors c'est la faute de qui ? je commençais sérieusement à m'énerver. A cause de maman, c'est ça ? Vas-y, dis-le !

- Doucement Emma, intervient le docteur. Est-ce que tu peux laisser ton père expliquer ce qu'il veut dire ?

- Non ! C'est de ma faute si j'ai plongé dans l'alcool. C'est de ma faute si je ne suis pas toute seule dans ma tête. Ma mère a juste « aidé » à ce que je subisse plus facilement les effets de l'alcool, je mime les guillemets avec les doigts.

- D'accord, on pourra reparler de ta maman à un autre moment, si tu veux. Je comprends que c'est un sujet qui pose problème.

- Merci, je souffle.

- Est-ce que tu veux bien me parler de ces hallucinations, s'il te plait ?

- J'entends des voix. Des voix dans ma tête, je précise. Et je vois des ombres. Des ombres qui me suivent partout où je vais.

- Et elles parlent ces voix ? est-ce qu'elles te disent quelque chose ?

- Des fois, c'est juste des discussions de tout et de rien. Elles commentent mes faits et gestes. Enfin quand je fais quelque chose.

- C'est tout ? elles ne disent rien d'autre ?

Je voyais bien qu'il essayait de me sortir les vers du nez, mais je n'aimais pas en parler. Surtout pas devant mon père. Je l'avais déjà avoué à un médecin du centre de désintox. C'est pour ça que j'étais là maintenant. Il avait dit que j'étais malade.

- Est-ce que tu veux que ton père sorte ? ce serait plus simple pour toi de m'expliquer ?

Je fais oui de la tête.

- Monsieur, vous voulez nous laisser seuls un moment, demanda le docteur à mon père.

Celui-ci acquiesça et sortit du bureau.

- Tu veux bien m'expliquer un peu plus ?

- Quand elles parlent de tout et de rien, ça ne me dérange pas trop. Mais des fois ce sont des choses pas gentilles.

- Comme quoi ?

- Elles disent que je ne devrai pas être là. Que je ne le mérite pas.

- Que tu ne devrais pas être à l'hôpital ? ou que tu ne devrais pas être vivante ?

- Les deux, j'avoue d'une petite voix.

- D'accord, je ne vais pas t'en demander plus pour l'instant. On en reparlera à un autre moment.

Il se leva et alla appeler mon père qui attendait dans le couloir. Le médecin l'invita à se rasseoir.

- Merci d'avoir patienter, le remercie-t-il. Est-ce que vous savez pourquoi votre fille vient d'être admise ici ?

- Je sais que c'est parce qu'elle entend des voix dans sa tête. Et qu'elle voit des ombres. Ou des silhouettes, je ne sais plus.

- Ça ne fait rien. Vous ne savez rien d'autre ?

- C'est tout ce que les médecins de New York m'ont expliqué.

- D'accord. Maintenant Emma, je vais te poser une question et il va falloir que tu me répondes sincèrement. Ça va me permettre d'évaluer la situation.

J'hochais la tête de haut en bas, signe que j'avais compris.

- Est-ce que tu as déjà eu des envies suicidaires ? ou est-ce que tu en as ?

Je le fixai du regard. Je ne voulais pas en parler, mais je finis par répondre.

- Oui, répondis-je dans un souffle.

- Très bien. Et est-ce que tu t'es déjà faite du mal ?

Cette fois je ne répondis pas, mais mon silence en disait long. Mon père se prit la tête dans les mains. Ça, je ne l'avais pas avoué à New York. On ne m'avait pas posé la question en fait. Ça m'avait bien arrangée, mais maintenant j'étais confrontée à la réalité. Je n'allais pas bien.

Le docteur Mayor m'avait remercié pour ma coopération et avait décidé que ça suffisait pour le moment. Mon père et moi avions été accompagné dans ma nouvelle chambre d'hôpital par l'infirmier de garde cette nuit.

Il était à présent 21 heures et j'étais assise sur mon lit. C'était une chambre toute simple. Le lit une place avait été poussé contre le mur sous la seule fenêtre de la pièce. Un bureau et une chaise se situaient en face du lit et un long miroir vertical était accroché contre le mur à côté du pupitre. Et à droite de la porte en entrant, il y avait une armoire vide et un lavabo. J'avais posé ma valise au pied du lit et l'avais ouverte pour en extraire mon pyjama.

- Je vais devoir y aller, m'avertit papa.

- Ok, je réponds simplement.

Il se leva de la chaise de bureau où il était assis et vient s'asseoir à côté de moi.

- Je comprends que tu ne veuilles pas tout me raconter ce qu'il se passe dans ta tête en ce moment, commença-t-il. Mais les médecins sont là pour aider et tu peux leur faire confiance.

- Ok, je répète.

Il me prit dans ses bras une dernière fois avant de partir. Devant la porte, il se retourna, me souffla un courage, ma chérie, et finit par s'en aller.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top