III. La thérapie

Comment raconter ce qu'on veut taire ?

Ce que j'essaie d'enfouir depuis quelques jours sous des tonnes de bons moments qui sont autant de souvenirs que je me confectionne au fur et à mesure ?

Les îles.
Les lagons.
Les couleurs.
Les récifs.
Les dauphins.
Les baignades matinales.
Le vent dans les cheveux.
Le thon cru.
Les ti'punch sous les étoiles.
Les parties de Uno.
Les fous-rires.
Blacky, la petite chienne, frétillant avant de faire sa pissette, harnachée dans une bouée.
Emilie et Timothée se chamaillant pour gratter du temps de devoirs.
L'harmonie qui règne sur ce bateau.
Cette famille qui m'a adoptée.


Par où commencer ?

Mon cerveau a déjà décousu le fil du temps. Il a mélangé les pièces du puzzle pour les ranger plus facilement dans une boite que j'avais la ferme intention de ne jamais ouvrir.

Mais à quoi bon ? Tous les traumatismes ressortent un jour. Comme l'acné. Ne vaut-il pas mieux les exhumer tant qu'ils sont encore frais et facilement accessibles ? Tant qu'ils n'ont pas sédimenté et que la végétation n'a pas repoussé dessus ? Ne vaut-il pas mieux tout déterrer maintenant pour éviter de détruire au bulldozer plus tard le joli jardin japonais que j'aurai planté sur ces décombres ? Et ne vaut-il pas mieux semer des fleurs sur une terre, certes toute retournée mais dépolluée, que sur un sol irradié ?

De toute façon, je ressens toujours ce mal au cœur quand mon cerveau n'est pas occupé. Cette envie de vomir. Cette tête qui va exploser, mais qui semble pourtant si vide. Cette boule dans le thorax, ancrée sur le plexus solaire, qui m'enserre dans un état mélancolique, voire dépressif. Ce froid qui me saisit. Et parfois cette impression d'étouffer, d'inspirer sans que l'air n'entre, comme le poisson que Jean avait péché.

Dois-je souffrir comme ce poisson ?

Pourquoi ? Qu'ai-je fait de mal pour mériter toute cette souffrance ?


J'ai donc écouté Letizia : je me suis isolée à l'avant du bateau, à l'ombre de la voile, le dos bien calé sur le roof. Devant moi : l'étendue bleue de la mer et du ciel, quelques petites vagues mais rien d'autre pour me distraire. Et sur mes cuisses repliées : mon cahier. Emilie et Timothé n'auront pas cours aujourd'hui, je pense qu'ils seront ravis.

Il est temps que tu saches.

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