II. Et au milieu coule une rivière
A la faveur d'une accalmie, je suis allée faire un tour en contrebas, vers la mer. Quelle bonne idée d'élargir mon horizon, comme m'aurait dit Pat. Non seulement le vert de l'herbe sur les rochers et le sable noir étaient un régal de photographe, mais en plus, il y avait barbecue hawaïen. Sous abri bien entendu.
Là je n'ai pas du tout trouvé la fausse convivialité américaine décrite par Amy, dégoûtée de l'individualisme qui se trouvait jusque dans les barbecues où chaque invité se grille la saucisse qu'il s'est apporté. Au contraire, j'ai été accueillie par ce qu'on pourrait presque qualifier d'offrandes, tellement il y avait à manger !
Était-ce le sésame Max et Shirley ? A peine avais-je demandé comment aller chez eux, qu'on m'avait collé un hot-dog dans la main. Qui paraissait beaucoup moins minuscule dans la mienne que dans la paluche gigantesque de mes hôtes hawaïens ! Vu leur carrure, les saladiers entiers de cuisses de poulet, saucisses, côtes, bigorneaux géants, salades de fruits de mer, de poissons ou de pâtes, les plats de lasagnes, patates douces et autres légumes locaux seraient de toute évidence liquidés avant la fin de la journée par la quinzaine de personnes assise autour de la table.
Pendant que s'improvisait un petit match de volley sur le sable noir brillant de la plage, un dame m'a chargé dans son pick-up, direction ma nouvelle maison. Bonne idée de ne pas avoir tenté la route à pied : plusieurs kilomètres d'une piste qui monte, qui monte, qui monte tout là-haut à travers la jungle, sous une chaleur de plomb.
Et au bout de la piste, une clairière, avec une cabane sur pilotis.
Coups de klaxons.
Personne ne sort.
- Installe toi, ils ont dû partir en ville, me dit la femme, qui repart aussi vite qu'on est arrivé.
Me voilà donc seule, dans une clairière au milieu de la jungle.
Tour du propriétaire ? Bah, ce n'est pas comme si j'avais un programme hyper chargé !
Max et Shirley habitent un petit paradis. Enfin, pour celui qui peut se passer du superflu. Moi qui croyais que vivre sur la plage avec Amy et Pat c'était le retour aux sources, je ne mesurais pas le confort qui m'entourait. C'est simple, j'ai l'impression qu'ici, il n'y a que l'utile.
Par où commencer?
La cabane. Plus un abri d'ailleurs : un toit de tôles, un plancher, quatre murs en bois jusqu'à la taille et des moustiquaires au-dessus. Dans le « salon », une grande table en bois, quelques hamacs et des étagères de bric et de broc ou reposent des amas de bouquins (Yvette ma prof de français aurait adoré, même si l'humidité a ramolli les pages). Un peu plus loin, un bar de style Palette XV délimite une cuisine. Sur une planche sciée dans un bois du coin, qui fait office de plan de travail, un plaque de gaz, un évier qui semble s'évacuer dans les plantes au dessous, et une pile d'assiettes qui sèchent depuis l'éternité. En face, un foyer avec des braises où repose une marmite d'eau, des étagère d'épices, d'alcool, de pâtes et autres aliments emballés, et tout au bout, un frigo. Vu sa température et son contenu (du pain !), je me demande s'il sert à refroidir ou à empêcher l'invasion des fourmis qui ont déjà colonisé mon sachet de petits gâteaux !
Autant dire que je suis loin de l'îlot central en laqué grège, frigo encastré à côté du tiroir à l'anglaise, meuble d'angle avec plateaux à sortie totale, casserolier à aménagement magnétique et solution d'éclairage sur le meuble haut, le tout monté posé à moins de 4000 € TTC.
Les chambres sont dans une « annexe » derrière, et là aussi, la conception est rudimentaire : juste un lit à moustiquaire et une bougie sur une vieille caisse pas tout à fait vermoulue, le tout sous un toit de feuilles de cocotiers avec cloisons en bambous tressés, très joli sûrement au moment où ça a été fait, mais un peu décrépi aujourd'hui.
Juste derrière, une remise avec des panneaux solaires sûrement pour faire marcher le frigo et les ampoules.
Un peu plus loin, en contrebas, le « bloc sanitaire », fait de quatre pans de bois, d'une fenêtre (sans vitre bien sûr) et d'un toit de tôles, autour d'un WC et d'une dalle de béton trouée d'une évacuation qui sert de réceptacle de douche sous une arrivée d'eau sans pommeau. Pour la déco, un miroir taille A4 est accroché au mur sur un clou branlant, mais détail qui tue, le savon est joliment posé dans une coupelle ornée de fleurs fraîches. L'eau semble venir directement de la rivière, donc c'est vraiment pas sûr qu'il y ait de l'eau chaude. Mais qui a envie d'eau chaude avec une telle chaleur ambiante ?
Tu me prends pour une folle à te parler de paradis ?
C'est que je ne t'ai pas tout dit : Max et Shirley habitent dans une grande clairière au milieu de la jungle tropicale, une sorte de vallée privative d'herbe verte parsemée d'arbres fruitiers, où coule une petite rivière avec juste ce qu'il faut de dalles rocheuses pour se prélasser au soleil, avant de se refroidir dans les remous de la mini cascade qui doit faire massage-jacuzzi.
Alors, paradis ?
Comme je ne me permettrais pas de te raconter n'importe quoi, je me dois de vérifier. Je te laisse donc pour un moment. Le devoir m'appelle : je vais tester le jacuzzi naturel !
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