II. Bas les masques

- Tu ne peux pas finir comme ça ! me lance Letizia, la tasse de café serrée dans sa main.

- Bonjour, ça va toi ? je lui réponds, le corps encore ruisselant de mon plongeon matinal.

- Ton cahier, tu te rends compte que tu ne peux pas finir comme ça ! Tu l'as d'ailleurs écrit : c'est bâclé !

Ces lignes ? Elle n'a quand même pas ... Pas elle ?

- Tu as lu mon cahier ?

- Ce n'est pas la question.

- Si justement c'est ma question ! Ce cahier, c'est ... c'est ma vie privée ... et toi tu as osé ... tu t'es permis de ...

- Permis de quoi ? De venir à ta rescousse ? C'est ça que tu me reproches ?

Je m'arrête net, atteinte en plein cœur, une larme sur ma joue.

- Ecoute Estelle, peut-être je n'aurai pas dû. Mais je voulais comprendre. Et toi ... cherchant ses mots ... toi tu ne dis rien.

- Je n'ai pas envie de m'étaler, en effet.

- Estelle, on se connaît maintenant depuis plusieurs jours. Est-ce que tu crois que je te voudrais du mal ?

- Non.

- Est-ce que tu crois que c'est normal de faire des cauchemars toutes les nuits ?

- Comment tu ... ?

- Timothé t'aime bien, mais il aime aussi dormir !

- Désolée. Si tu veux, je dors dans le carré à partir de maintenant.

- Ca ne réglera pas le problème.

- Il n'y a rien à régler. C'est fini.

- Je ne crois pas. Les ecchymoses ont peut-être disparu, mais tu as toujours une blessure. Et ça, je crois qu'il faut que tu l'acceptes.

- ...

- Tu n'es pas obligée de me raconter ce qui s'est passé. Dans le fond, ça ne m'intéresse pas. Moi, la Estelle que je connais, elle est vivante, elle est drôle et elle est sérieuse. Les enfants t'adorent. Mais si tu veux passer à autre chose, il faut le faire sortir. Ne surtout pas l'enfouir. Alors pourquoi pas le raconter sur ton cahier ? Qui sait, celui à qui tu dédies ces lignes saura peut-être t'aider. Et puis, tu lui dois la vérité, non ?

- Quelle vérité ? Tu crois que c'est une histoire sordide qu'il veut lire ?

- Comment saura-t-il que tu ne lui as pas menti plusieurs fois ? Pourquoi croirait-il plus ce que tu as fait pour cette Mexicaine plutôt que cette fin à l'eau de rose que tu lui sers ?

- Je ne peux pas Letizia.

- Tu ne PEUX pas ou tu ne VEUX pas ?

- ...

- Tu ne veux pas abîmer ton image d'héroïne sur papier glacé, c'est ça ? Tu as tort, ce ne sont pas les victoires qui rendent les gens humains, mais leurs défaites.

- C'est pas ça. Ce qu'il pense de moi le lecteur, je m'en fiche, c'est juste que ... je veux pas parler de ce qui s'est passé. Je veux oublier tout ça, et vite. Si je l'écris, ce sera gravé dans le marbre et ...

J'ai la gorge serrée, une boule dans ma poitrine, c'est con, il fait beau, le paysage est magnifique, l'eau est d'un clair.

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