I. Climat tropical humide


D'après ce que m'avait décrit Jean, Max et Shirley habitent au bout d'une piste qui monte depuis Punaluu, le dernier village de la côte est.

Si on s'est bien compris avec le chauffeur du car, je dois être au bon croisement.

Mais comment dire, ..., l'ambiance locale fait plus village fantôme du Far West que soirée Pina Colada à Honolulu ! Et, à part si le curé décide de sortir de son église pour se rendre tout là-haut dans la montagne, je ne vois pas qui pourrait me prendre en stop dans ce coin paumé.

Je me demande si je ne suis pas abonnée aux coins paumés, moi !

C'est fou comme on s'imagine toujours des trucs. Toi, tu aurais pensé qu'il n'y aurait pas âme qui vive (ou presque) à Hawaï ? Évidemment, tu penses aux cocotiers, au surf et aux chemises à fleur, non ? Mais pas aux dix maisons en bois autour de l'église (en bois aussi) qui composent les villages le long de ce qui semble être la seule route qui tourne autour de l'île ?

Tiens, je parie que tu as pensé aux belles plages de sable blanc. Eh bien, désolée de te décevoir, mais c'est noir. Et comme dirait Muriel Robin, noir noir. Tellement noir qu'il m'a fallu un moment pour distinguer, depuis le hublot, les falaises des plages. Faut dire qu'il n'y avait pas non plus la lueur éclatante d'un soleil rayonnant. Pas de risque de sur-exposition de mes photos ! Juste de noyer l'appareil sous des trombes d'eau. Parce que les averses ici, c'est quelque chose. Comme un seau qu'on te verse sur la tête, mais en continu. Une sorte de douche avec le jet au maximum, limite cascade. Mais tiède, la douche. C'est ça qui est déroutant en fait : il pleut des cordes, mais il ne fait pas froid. Et au bout d'un moment, un très long moment, le robinet s'éteint et l'eau du sol s'évapore. Alors tu réentends le chant des oiseaux. Et je peux enfin ressortir l'appareil photo de dessous le coupe-vent et capturer des belles images de vert intense et de fleurs multicolores.

J'aurais juste dû penser à piquer un ciré à Jean, je suis sûre qu'il en a plein sur son bateau. Parce que j'ai découvert que le K-Way, c'est pas étanche. En tous cas, pas à Hawaï.

Quel changement depuis la plage d'Amy et Pat. Depuis que je poireaute sous ce porche de l'église de Punaluu, j'ai déjà dû dépasser leur quota annuel de cumul de pluie.

Mais ne te méprends pas, si la nature a l'air parfois austère ici, si le kaki des pentes ciselées de ravins noirs montant tout droit du bleu hyper foncé de la mer vers la chape de nuages gris ,vu depuis le hublot, et les trombes tapant sur le toit en tôles de l'aérogare m'ont baptisée, il y a une atmosphère particulière qui n'ouvre pas que les sinus. Amy m'aurait sûrement parlé de chakras. Pat aurait souligné l'espace libéré dans le cerveau, comme si la pluie dissolvait aussi les tracas et les futilités. D'ailleurs je ne sais pas si c'est la pluie ou la terre, mais il règne une alchimie ici : je me sens connectée à l'univers.

Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression d'être à la bonne place au bon moment.

Ne vas quand même pas t'imaginer que tout est facile, loin de là. Je t'épargne les détails du trajet en bus et même ceux pour trouver le bus. Je t'épargne le sac complètement mouillé et la chaleur intense dès que la pluie s'arrête, celle que j'adore pourtant quand j'ai pris une douche hyper chaude et hyper longue l'hiver dans ma petite salle de bain. Mais je n'y reste jamais bien longtemps dans l'étuve, au bout d'un moment, j'ouvre la fenêtre pour faire entrer l'air frais et sec et enlever la buée du miroir. Sauf qu'ici, pas possible d'ouvrir de fenêtre, c'est l'atmosphère qui est comme ça.

Chaud et humide. Et éprouvant.

Ils devraient peut-être le préciser dans les agences de voyage : Hawaï, cardiaques, s'abstenir !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top