Mot de la fin

Je pense très franchement, en ma qualité d'écrivain de cette nouvelle, que ces vacances entre amis n'ont été qu'un prétexte. Pendant plusieurs mois, elles ont été un but, un moteur même pour moi, et pour les autres aussi. Mais maintenant que nous sommes à l'aéroport de Dublin et que tous mes camarades sont endormis sur les sièges, je me rends compte qu'elles étaient un prétexte. Cela se ressent même dans ma propre écriture.

Je suis quelqu'un qui s'attache plus aux sentiments qu'aux descriptions et aux actions. Mais en écrivant cette petite histoire, je n'ai pas eu à me forcer. Parce que je crois que l'Irlande n'était qu'un beau paysage et que ce qui s'est passé se serait passé n'importe où.

Je ne dis pas que je regrette ce voyage. Absolument pas, c'était la première fois que je partais sans mes parents ou même mon frère. Mais je crois que nous l'avons tous utilisé comme prétexte de notre peur la plus viscérale. Celle de la séparation.

La fin du lycée et nos départs dans des universités différentes signent forcément la fin de quelque chose. La fin d'une époque où nous nous voyions tous les jours, à discuter autour des petits-suisses de la cantine, à parler à voix basse dans le CDI, à observer les gens à la dérobée. Personne ne l'avouera jamais, mais nous allons regretter un temps cette époque.

Cela s'est vu au travers des gestes. Le fait de toujours vouloir sortir à quatre, pour ne rien louper. Le fait de se faire de grandes révélations, des déclarations amicales. Le fait de parler à cœur ouvert. Le fait de se regarder tout le temps dans les yeux — sauf pour Elijah parce qu'il déteste ça — comme pour s'imprimer ces moments quelque part dans le cerveau.

Nous avons peur, mais je crois que ça ne fait rien. La peur, c'est naturel. Tout le monde la ressent. Alors j'ai arrêté de chercher à comprendre et j'ai profité un maximum de mon temps.

Il y a un livre qui traine depuis des années sur ma bibliothèque et que j'ai fini par amener dans ce beau pays irlandais. C'est un pavé de la littérature, réputé sur à lire. Je comprends Proust lorsqu'il a choisi son titre. On est tous à la recherche du temps qu'on a perdu. On veut tous retrouver ces moments où tout allait bien dans le meilleur des mondes. On veut tous réparer nos erreurs, demander pardon aux personnes qu'on a blessées, savoir quand faire si et ne pas faire ça. C'est un peu pour ça qu'on est partis hors de France. Pour nous mettre dans notre petite bulle temporelle, celle qui fait que le temps, là-haut, ne s'écoule pas à la même vitesse que chez nous.

J'ai donc donné un titre assez étrange à cette nouvelle, comme mes amis me l'ont dit. Le mot temps est important parce que justement, il me fait penser à Proust et rappelle qu'il faut qu'on avance dans nos vies. Les citrons, c'est un clin d'œil à un court métrage, qui, sans le savoir, parle de la même chose que cette nouvelle. De temps qui passe et de nous, qui nous faisons remuer dans tous les sens. Mais au moins, le jus de citron est toujours là pour nous réconforter.

Camille Aubry


En espérant que ça vous ait plu :)

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