Matéo
A Els, j'espère que je n'ai pas oublié trop d'accents pour ton petit coeur.
Je n'ai jamais été doué pour mentir. Je n'ai jamais compris pourquoi, parce que je ne pense pas être quelqu'un dont le visage est de ceux si lisibles, qui peuvent être décryptés en un coup de cils. Les seuls moments où je suis un livre ouvert, c'est lorsque je joue de la musique. Mais dans un avion, un taxi, un bateau même, c'était impossible. Alors, je ne sais pas vraiment si les autres voient si je mens ou pas.
Ça a commencé quand nous avons pris l'avion. J'étais coincé à côté d'Elijah — je suspecte les deux autres de nous avoir fait le coup pour nous rapprocher, nous rappeler ce que nous étions avant — et je n'avais rien à lui dire. Enfin, plutôt, j'avais tellement de choses à lui dire que je ne savais pas par où commencer. Et je sentais que lui non plus, il n'était pas ouvert à la discussion. Nous ne faisions que nous regarder, par petits à-coups, comme si nous n'osions pas — ce qui était le cas pour moi. Ça a continué pendant tous nos transports en commun, jusqu'à l'arrivée au château qui avait hébergé notre tout premier voyage. Nous avions appris que la vieille femme qui le tenait avec plus ou moins de goût était décédée deux ans auparavant et que c'était son petit fils qui gérait le tout. Il semblait plus ennuyé que jamais de nous guider vers notre chambre et avait fait une tête très étrange lorsqu'il avait compris que nous dormions dans la même pièce, trois garçons et une fille. Je le sentais prêt à appeler la police si l'un de nous avait le malheur de toucher à Violine. Mais personne n'aurait eu une idée aussi saugrenue.
C'est un peu trop compliqué pour moi de faire comme si. Faire comme si de rien n'était, faire comme si tout était pareil qu'il y a cinq ans. Cela a beau être le même endroit, les mêmes personnes, rien ne se ressemble. L'ambiance me met extrêmement mal à l'aise, parce que je comprends complètement ce que Camille a essayé de faire. Réparer une amitié qui s'est craquelée sans que nous nous en rendions compte. Je ne suis pas doué pour faire semblant, exactement comme mentir. Alors, doucement, je m'échappe de la chambre et me promène dans le château vide. Le propriétaire ne s'en occupe pas beaucoup, comme si le lieu était une charge depuis la mort de sa grand-mère. Je suis presque certain que mes pieds craquent sur le parquet, mais je ne les entends pas. Ça enlève un peu de son charme à la vieillesse de l'endroit, mais je n'y peux rien. Pour mieux respirer et me dégager de toute cette électricité, j'entre dans une autre chambre. Elle est l'identique de la nôtre, mais sans les âmes qui les habitent. J'ouvre la porte-fenêtre et saute presque dehors. Il est tard, mais je n'ai pas envie d'aller me coucher. Je dors si mal en ce moment, sans que je n'en comprenne la raison. Il y a toujours un problème, un mal de crâne ou de dos qui m'empêche de faire une nuit complète et réparatrice. Peut-être le stress de toute cette histoire de voyage. Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté de venir. C'était une bêtise.
L'air et l'ambiance se prêtent bien à une cigarette. Si mes amis me voyaient fumer, ils seraient sans doute déçus de moi. Lorsque nous étions adolescents, je disais toujours haut et fort que je ne tomberais jamais là-dedans. Mais la vie adulte, les souffrances et le stress constant qui me prend parfois aux tripes ont fait que j'ai accepté un jour d'en allumer une avec des camarades et que je n'ai jamais arrêté. Parfois, je suis heureux de ne pas faire un instrument à vent, pour ne pas détruire mon souffle. Dans un sens, ça me permet de déculpabiliser.
Et en pensant ça, je ris un peu jaune, baissant les yeux vers mes chaussures. C'est ridicule, je suis majeur et vacciné, je n'ai pas à culpabiliser de fumer. Je ne romps pas de promesse. J'ai le droit. Et ça fait du bien.
Je la finis bien vite et je réfléchis à en prendre directement une deuxième pour me trouver une excuse pour rester sur ce balcon. Je n'ai pas trop envie d'y retourner, de décevoir Camille en lui annonçant que son voyage est une catastrophe pour moi et que je n'aurais jamais dire oui. Je n'ai pas envie de croiser les pupilles noisette d'Elijah. C'est trop pour moi.
Mais mon idée se fait déranger par du bruit dans le couloir, suffisamment fort pour que je l'entende. Une porte qui claque dans un sens puis dans l'autre. On entre dans mon antre secret. Je me recroqueville de peur sur mon balcon. Je pense en anglais pour réussir à parler. J'espère que l'autre va hausser la voix parce qu'avec la différence de langue, je ne vais jamais m'en sortir.
— Je me doutais bien que tu étais là. Je t'ai vu sortir.
C'est fort. En plissant un peu les yeux, je peux facilement voir quelqu'un qui signe. Je sais déjà de qui il s'agit.
— J'avais besoin de m'échapper. Je n'avais pas envie de décevoir Camille. Ni toi, par la même occasion.
On s'avance vers moi et mon balcon. On s'installe de la même manière que moi, les bras appuyés sur la pierre et le regard perdu au loin. Je pose les yeux sur les tatouages qui se dessinent sur la peau.
— Tu ne me décevras pas. Tu as le droit de ne pas vouloir me voir. C'est moi qui ai rompu, après tout.
— Mais c'est moi qui ai accepté Elijah. Je n'étais pas contre.
Il me fixe. Son nez se fronce. Il doit sentir le tabac. Tant pis. Il n'a pas intérêt à me juger.
— Je sais. Dis, tu fumes ?
Une phrase courte. Ça lui ressemble. Comme cette fameuse journée quand il est venu me voir a la fac, revenant dans la région sans me prévenir. Quelques mots autour d'un café, chez moi.
— On y arrive plus, n'est-ce pas ?
La réponse est la même.
— Oui.
— Moi aussi. J'ai commencé après t'avoir lâché. Je n'ai même pas compris pourquoi. Je détestais ça avant.
Je ris jaune, comme tout à l'heure.
— Je me disais la même chose. On a commencé à la même période. C'est comique.
Ça ne l'est pas du tout et il le sait. Mais il ne va rien dire parce qu'il ne sait pas quoi ajouter.
— J'ai une chanson en tête depuis qu'on est arrivé. Je ne parviens pas à me la sortir de la tête. Le pire, c'est que ça fait très longtemps que je ne l'ai pas écoutée.
— C'est quoi ?
Il se tourne vers moi et me souris discrètement. Il ouvre la bouche et je vois ses lèvres bouger. Mais je n'entends rien. Le vent et la fatigue n'aident pas. Rien n'aide, de toute façon. Alors, rapidement, il se met à signer. C'est à ce moment que je me rends compte que c'est important.
— Je t'emmène au vent... En effet, c'est étrange. Je suis déçu de ne pas t'entendre chanter.
— Ton audition a encore baissé ?
Il s'inquiète. Je lui fais un geste pour le rassurer.
— Un tout petit peu, mais rien de grave. Ce n'est pas à cause de mes oreilles que je dis ça. Mais à cause de mon cœur.
Il me fixe. Il ne comprend pas, ou alors il fait comme si. Je vais devoir m'ouvrir plus. Je n'en ai pas trop envie.
— J'ai toujours voulu te dire ça. Juste avant qu'on se sépare. Que je voulais t'emmener au vent, loin des études et tout ça. Pour nous retrouver tous les deux. Peut-être venir ici, avec Violine et Camille. Qu'on rattrape le temps perdu. Parce que je n'arrêtais pas de le chercher dans les moindres recoins de mon existence.
Il paraît surpris. Il ouvre même la bouche pour me le montrer.
— Pourquoi tu ne l'as pas dit ?
— Parce que je sentais que tu avais déjà pris ta décision. Je ne voulais pas te retenir contre ta volonté. J'ai accepté et chacun a continué sa route. J'ai commencé à fumer, j'ai sauté quelques cours pendant deux semaines et j'ai repris un cours normal d'existence, à faire courir mes doigts sur mon accordéon et étudier les musiques de film que je percevais à moitié.
— Tu ne voulais pas ?
J'ai l'impression qu'il me prend pour un imbécile, mais ça ne fait rien. Je crois bien qu'il faut que ça sorte.
— Tu étais mon premier amour. C'est toujours dur d'abandonner son premier amour, même si c'est très souvent inévitable. Alors non, je ne voulais pas. Mais je l'ai fait.
Je n'ai pas envie de passer pour un héros au grand cœur. Je me trouve égoïste et je m'attends un peu a ce qu'il me le dise.
Il semble un peu bloqué. Je fixe à nouveau ses bras. Ses tatouages sont beaux et je crois qu'il y en a de nouveaux. Ce n'est pas bon signe. Bien vite, il remarque mes yeux curieux. Je ne veux pas le gêner.
— Je faisais des crises d'angoisse. Lorsque je t'ai quitté, je faisais des crises à répétition. Je ne supportais pas le monde autour de moi, les gens, la vitesse de la capitale. J'avais peur de tout, tout le temps. Je ne savais pas ce que je faisais là, à Paris, alors que j'aurais pu rester avec toi dans notre ville natale. Alors j'ai recommencé. J'ai été hospitalisé sous ma propre demande. Je prends toujours des anxiolytiques. Je sors à peine de chez moi. Et j'ai de nouveaux tatouages. C'est ce sur quoi tes yeux s'interrogent, n'est-ce pas ?
Je me rapproche. J'ai envie de le prendre dans mes bras. Je n'ose pas. Je ne veux pas le brusquer après tout ça.
— Oui. Je suis désolé.
— Ça ne fait rien. Ce n'est pas une honte. Je me soigne. Je vais mieux.
— J'ai l'impression que c'est ma faute.
L'égoïsme a l'état pur.
— Pas du tout.
— Tu es sûr ?
— Oui. Ne va pas te mettre ça dans la tête. Je ne te raconte pas ça pour te faire culpabiliser. Je te raconte ça parce que tu es important pour moi.
Il fixe le lointain. Je sais qu'il m'évite. Pourtant il continue à signer dans le silence le plus complet.
« Tu me manques »
Le silence a raison, comme souvent. J'aimais bien lorsqu'il coulait entre nous. J'avais l'impression qu'il disait tout ce qui ne parvenait pas à sortir de nos lèvres closes. Et au moins, nous étions à égalité sur la compréhension. Mes oreilles n'avaient rien à voir là-dedans.
Le silence continue à parler à notre place. Nous nous fixons désormais. Les choses sont prononcées à toute vitesse, sans que nous n'ayons le temps de les retenir, de les analyser ou de les regretter. Et au fur et à mesure de cette conversation invisible, nos pas nous rapprochent.
— Tu veux vraiment faire ça ? prononcé-je du bout des lèvres.
Il se place bien en face de moi, comme avant, lorsqu'il voulait me faire de longues déclarations. Dans un sens, je sens que ça va être le cas et je suis prêt. Je suis prêt à l'entendre, parce que je crois que j'en ai besoin pour savoir si je dois passer à autre chose ou continuer à me raccrocher à notre histoire.
— Si tu savais comme je suis sûr de ce que je veux faire. Je veux le faire depuis que nous avons passé cette après-midi chez Camille, que je t'ai revu dans tes habits, ta chemise bleu foncé, tes bretelles un peu étranges et ton pantalon gris à carreaux, celui que j'avais finalement réussi à te faire acheter. Cette chanson, j'ai envie de te la chanter depuis que nous sommes arrivés ici, parce que forcément, ça ravive des souvenirs qui sont vraiment exceptionnels. Parce que c'est ici qu'on s'est dit qu'on s'aimait tous les deux. Qu'on avait fait ce choix de poursuivre le chemin des sentiments qui étaient venus occuper notre cœur, qu'on était non seulement amoureux, mais qu'on s'aimait mutuellement. Parce que c'était un moment fort dans notre histoire, parce que t'as raison, le premier amour, ça marque. Je te mentirais si je te disais qu'il n'y a eu personne d'autre, parce que j'ai essayé de t'oublier, parce que j'ai essayé de me soigner dans les bras d'autres personnes et que ce n'était pas du tout la solution.
Il baisse les yeux, se rapproche plus encore. Son souffle caresse mon menton et ça me rappelle ces moments spéciaux, ceux juste avant qu'on s'embrasse. C'était mes moments préférés. Comprenant qu'il n'a pas fini, je me tais et écoute la suite.
— Mais dès que j'ai remonté la pente, que j'ai senti que la vie n'était plus si compliquée à vivre, le poids des choses à porter, je me suis dit qu'il fallait que je te revoie, que je te dise que je t'aimais toujours, que je te voulais à nouveau pleinement dans ma vie, que j'étais prêt à faire je ne sais pas combien d'efforts, à me ramener au vent si je pouvais. Mais aussi te dire que je n'étais plus le même qu'en Terminale, que j'avais changé, bien malgré moi. Que j'avais fini par accepter ce changement, que ça n'avait pas été facile, que j'avais lutté, mais que finalement, j'étais en paix avec moi-même. Que je voulais te dire que si nous deux, ça devait reprendre, je ne voulais pas que tu essaies de me faire redevenir comme avant, que tu essaies de me réparer, parce que je ne suis pas brisé, je suis comme je suis. Et que bien sûr, je ferais la même chose pour toi. Parce que je sais que tu n'es pas brisé, que tu n'es pas cassé, que tu es toi et que tu es parfait comme ça, si tu savais.
Il m'arrache un sourire et mon cœur bat à toute vitesse au fond de ma poitrine. Je me revois en terminale, quand il m'a amené dans ce magasin de bricolage où nous devions travailler tous les deux un samedi soir, parce que l'entreprise appartenait à quelqu'un de sa famille. Je l'avais accompagné parce qu'il me plaisait comme ce n'était pas pensable et que je voulais passer le plus de temps possible avec lui, quitte à faire des choses bizarres comme se balader dans un magasin de bricolage un samedi soir. Il n'y avait personne, parce que c'était fermé et que nous devions faire l'inventaire, à la place d'une employée qui avait enfin pris son congé maternité — elle trainait parce qu'elle savait qu'il n'y avait personne pour la remplacer. Il m'avait amené dans le rayon des râteaux, m'avait avoué que je lui plaisais, qu'il voulait si possible sortir avec moi et qu'il voulait savoir ce que moi, j'en pensais. Il avait même rajouté en riant que si je devais lui mettre un râteau, j'en avais toute une panoplie à disposition à deux centimètres de moi. Ça m'avait fait rire et c'était à ce moment-là qu'on s'était embrassé pour la toute première fois. Et mon cœur semblait courir un marathon à 103 décibels. Comme aujourd'hui.
— Tu vas te décider à poser tes lèvres sur les miennes ou tu vas encore me faire un roman pour m'expliquer que tu m'aimes toujours ? Osé-je enfin, haussant la voix plus fort que je le voulais.
— Tu me devances. Ce n'est pas juste, rit-il en s'avançant encore plus. J'y arrivais, justement.
— Eh bien, je te donne déjà ma réponse. Fonce, s'il te plait ou c'est moi qui le fait.
Et il fonce, tout doucement, ce qui est un sacré oxymore — ou une antithèse, je n'ai jamais réussi à les différencier les deux-là. Si un enfant nous regardait faire, il dirait, une main devant la bouche, que nous nous faisons des bisous. Et cet enfant aurait totalement raison.
***
Nous revenons vers notre chambre en ayant du mal à cacher nos sourires. J'ai l'impression d'avoir été soulagé d'un poids d'une taille infernale. Les non-dits ont enfin des mots sur eux, les émotions sont correctement exprimées. Et ça ne passe pas inaperçu aux yeux de nos deux amis qui fixent nos mains avec un intérêt tout particulier. Avant qu'ils n'aient pu faire le moindre bruit, le moindre son qui peut être perçu par mes oreilles, je les devance et me place devant eux.
— Au début Camille, j'avais envie de te prendre entre quatre yeux, comme maintenant et de te dire que c'était la pire idée de tous les temps de nous avoir demandé de revenir ici, en Irlande, comme si rien ne s'était passé entre nous. Je l'aurais dit et je l'aurais pensé. Mais je crois bien que je n'en suis plus capable. Parce que je crois que le fait d'avoir eu des lèvres sur les miennes m'a amené à une réflexion bien plus intense que l'idée de vouloir partir d'ici plus vite que nous sommes arrivés.
Je baisse la tête, rougis un peu de ce que je viens de dire. Tant pis, ils ont bien remarqué dans quel état Elijah et moi nous nous trouvons.
— J'ai compris ce que tu as voulu faire. Ce qui t'a fait prendre ton téléphone ce fameux soir, le mois dernier, pour nous recontacter. Tu n'as pas voulu rattraper le temps perdu, comme tu nous le répétais, comme tu as appelé ton premier recueil de nouvelles. Tu voulais juste retrouver ces temps anciens, ces temps où tout était facile, où tout nous souriait aussi. Et je te comprends, parce que nos vies nous échappent un peu, à nous tous. On n'est pas heureux séparés comme ça, ou alors on ne l'est pas totalement. Je pense qu'on de ces groupes qui passent une bonne partie de leur vie ensemble. Et même si on devait encore se séparer avec Elijah, eh bien, je crois que je continuerais à vous fréquenter. Parce qu'il n'y a que comme ça que je me sens heureux. On ne cherche pas des temps perdus Camille, on en construit juste des nouveaux.
Je suis assez fier de mon discours, même si moi-même je n'ai pas tout compris. Mais ce que je n'avais pas prévu, c'est que Camille ait les larmes aux yeux et doive se les essuyer en souriant, le visage rouge et déformé. Je ne le pensais pas si sensible et si touché par mes mots. Je me sens un peu coupable de le mettre dans cet état.
— Tu peux signer s'il te plait Elijah, je n'y arriverais pas comme ça. Je veux lui expliquer ce qui se passe.
Je n'entends que quelques mots, mais je comprends rapidement ce qu'il en découle, parce que mon petit ami entre en scène en me fixant droit dans les yeux, ce qui ne doit pas être facile pour lui.
— Je te traduis, commence-t-il en souriant.
Je hoche la tête, ce qui est le signe pour le brun de commencer sa réponse à mon petit monologue.
— Tu as saisi le truc Matéo et ça ne m'étonne pas, parce que de vous trois, tu as toujours été le plus perspicace, sans vouloir vexer les autres. Violine est très douée pour deviner les choses aussi, mais toi, tu plonges encore plus profond et tu trouves le truc chez les autres. C'est assez impressionnant. Mais ce que tu as dit là, c'est assez difficile pour moi de me l'avouer. Parce que c'est vrai, mais que c'est douloureux. Je ne sais pas trop comment vivre sans vous quatre et sans blague, je ne sais pas quelle magie j'ai lancée sur moi les dernières années pour y parvenir. Peut-être que j'étais trop concentré sur mes études pour me rendre compte que ça n'allait pas trop, je ne sais pas. Mais en tout cas, je te remercie d'avoir dit ça. Et je vous remercie tous d'être comme vous êtes. Parce que vous êtes géniaux et que vous êtes les piliers de ma vie. Et que je veux vraiment construire de nouveaux souvenirs, tout un tas de nouvelles choses avec vous.
Je souris, ayant compris le gros des choses. C'est Elijah qui commence le mouvement qui, en se finissant, nous regroupe tous les quatre au centre de la pièce, en rond, souriant de toutes nos dents.
— Je vous propose un truc, commence Violine en parlant bien fort, pour se faire comprendre.
— Je crois que j'ai une petite idée de la question, mais tente toujours, souris-je, le cœur battant dans mes tempes.
— Ne gâche pas la surprise Téo, voyons ! Enfin, je me dis que ce serait pas mal qu'on retourne dans ce bar et qu'on fête dignement l'anniversaire de notre musicien préféré ici présent.
C'est exactement ce que je m'imaginais. J'ai envie de lui sauter au cou et je ne me gêne pas. J'ai l'impression qu'elle a lu dans mes pensées, parce que c'est ce que j'espérais secrètement en m'enfuyant dans l'autre pièce, qu'on finisse par nous proposer cette sortie et que les choses soient mises à plat.
Et nous arrivons tous les quatre en souriant dans le bar restaurant qui nous a accueillis il y a quelques années. Il y a toujours une scène ouverte, vide de monde. Je ne regrette pas de ne pas avoir pris mon accordéon, parce qu'aujourd'hui, je veux laisser toute la place à Violine. Parce qu'elle le mérite et parce que ça se voit que ça la démange. Notre anglais est bien meilleur que lorsqu'on sortait du lycée, alors c'est plus facile pour elle de demander si elle peut s'installer avec son instrument fétiche. On annonce une petite française, on l'acclame et puis ça nous vient comme ça. Je n'entends pas grand-chose, mais je crois que je m'en fiche. Parce que j'arrive à profiter, à prendre la main de mon petit ami, celle de notre meilleur ami qui lâche enfin son téléphone et à les mener dans cet espace libre, juste devant la scène. Et devant les yeux ébahis de notre fille préférée, nous dansons en cœur, en claquant des mains, en riant comme des tordus, en profitant, tout simplement.
Et pendant nos sauts de cabris, je me penche vers Camille, qui sourit, faisant remonter ses lunettes un peu plus haut sur son visage. Je ris, parce que je pense à ce que je vais dire.
— Hé, tu sais quoi ?
— Quoi donc ?
— Je crois que je vais me commander un jus de kiwi. T'en veux un ?
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