Chapitre XXI : Des révélations ?

Dinael, le jeune homme qui travaillait au Marwin's. Lorsqu'elle l'avait aperçu dans l'auberge, elle l'avait trouvé banal. Or, le jeune homme qui ce tenait devant elle était loin de l'être. Il était mince et grand, mais il avait du charisme. Quelque chose en lui en imposait. Peut-être était-ce dû à son regard bleu glacial, ou était-ce les effet de la magie de la terre, Annastasya n'aurait su dire.

- Dinael, répéta Floriel qui n'en revenait toujours pas. Dinael Ahomira. Comment...?

Les yeux de Dinael qui les fusillaient un instant plutôt devinrent impassibles quand ils se posèrent sur Floriel. Comme s'il ne voulait lui témoigner aucun sentiment particulier.

- Êtes-vous sûr que c'est lui l'intrus ? demanda la sorcière aux Gardes.

- C'est bien lui, mam'zelle, répondit l'un d'entre eux. Quand on l'a surprit dans la réserve, il a presque totalement englouti Marco dans le sol. Les autres sont encore en train de l'aider à s'en tirer.

- Informez-en le Seigneur Goodson, il trouvera un contre-sort, recommanda Floriel.

- Pas de problème, mam'zelle. Nous l'emmenons au Labyrinthe, avant d'aller voir le Conseil.

Et ils sortirent avec le jeune homme. Annastasya se leva tant bien que mal. Son regard se troubla quelques instants avant de se stabiliser. Elle fit quelques pas vers Floriel. Elle était très pâle et son air débraillé inquiéta la princesse.

- Qu'y a-t-il ? interrogea-t-elle. Nous l'avons attraper, tu n'as plus à t'inquiéter.

Floriel serra les lèvres en se tournant vers elle.

- Au contraire, contra la sorcière. Dinael est un mage de la terre. Jusqu'à maintenant, nous pensions que Merly était la dernière de sa race.

- Où veux-tu en venir ?

- Cela signifie que nous nous sommes trompés : il se pourrait qu'il y ait plus de mages terrestres que nous pensions.

Annastasya n'était pas sûre de la suivre.

- Et alors ? N'est-ce pas une bonne chose ? N'était-ce pas un déséquilibre pour Illyaque qu'une race représentant un des quatre éléments ait disparu ?

- Sais-tu pourquoi les mages terrestres ont tous disparu ?

Annastasya fit non de la tête. Elle s'était posée la question plusieurs, mais n'avait pas eu l'occasion d'interroger Callum.

- Viens avec moi, proposa Floriel. Je vais tous t'expliquer.




Annastasya prit une gorgée du verre d'eau qui venait de lui servir Floriel. Elle était assise sur le confortable canapé de la chambre de cette dernière ; celui-là même où elle prenait place lors des cours particuliers que lui donnait la sorcière. La jeune fille se sentait mieux, mis à part l'élancement dans son crâne. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait faillit se briser la nuque quelque minutes plutôt.

- Je n'arrive pas à croire que tu lui aies sauter dessus, commenta Floriel comme si elle suivait le cours de ses pensées.

Elle avait pris place sur une chaise et se brossait consciencieusement les cheveux. Elle se tourna vers elle et Annastasya leva un sourcil. Avec leur petite course-poursuite, Floriel n'avait plus rien de la jeune fille parfaite et impeccable qu'elle était. Ses vêtements étaient froissés et ses courtes mèches sombres, malgré les coups de brosse, partaient dans tous les sens.

C'est un instant unique, songea Annastasya avec sarcasme.

- Tu étais censée le ralentir, pas le précipiter avec toi dans l'escalier, reprit Floriel, les lèvres pincées comme si elle réprimait un sourire.

Annastasya haussa les épaules.

- L'on me dit souvent que je suis impulsive.

- Je veux bien te croire.

Floriel s'approcha, s'assit à l'autre bout du canapé et dévisagea Annastasya. La princesse se demanda si elle commençait à l'apprécier où si, tout simplement, elle la tolérait. Personnellement, Annastasya ne détestait pas Floriel, même si son côté " je suis parfaite " , l'agaçait prodigieusement.

- Que t'as raconté le Conseil ? lâcha abruptement Floriel.

Annastasya reposa le verre sur la table basse avant de répondre.

- Grosso modo, l'histoire de la création de l'Ether.

- Alors tu ne sais rien sur les démons. Callum et Ephraïm se chargeront de t'enseigner l'essentiel. Ils n'auront sûrement pas le temps d'aborder cette partie que je vais te raconter.

Floriel se tut et sembla chercher ses mots.

- Les démons sont très puissants, mais pas immortels. Lorsqu'on les tue, ils partent en poussière.

- Quoi ? s'exclama Annastasya en fronçant les sourcils. Comment cela ?

- Parce que leurs corps est fait de terre. Ces démons que nous combattons ne sont pas les authentiques. Leurs âmes ont été invoqués dans ces corps de terre par de la magie noire. Et ces corps ont été créé par des mages terrestres.

- Mais pourquoi ces mages auraient-ils fait une chose pareille ?

- Cela importe peu. Le roi Gildric Everlight l'a découvert après l'invasion et a prit des mesures plutôt... drastiques. La communauté de mages de la terre était dirigée par le Gardien Conrad Barall. Il était l'instigateur de ce plan machiavélique. Aussi, le roi ordonna la suppression de cette race.

Annastasya en resta bouche bée. Supprimer une race entière pour les fautes de quelques-uns était d'une cruauté sans nom.

- Mais comment a-t-il pu...?

- Gildric Everlight était connu par son inflexibilité et son intolérance. Il avait jugé juste d'exterminer les mages de la terre et il en a été ainsi. À cette époque, il n'y avait pas de Conseil pour canaliser le pourvoir de la royauté, alors, le roi était souverain incontesté. Tous les mages terrestres ont été traqué et abattu sans procès.

La jeune fille secoua la tête, sidérée.

- Cela peut te paraître cruel et insensible, mais je comprends tout à fait ses choix.( elle leva la main pour faire taire Annastasya qui allait répliquer.) Ne m'interrompt pas. Je ne peux que me réjouir de leur... disparition. En ce moment, ils ne sont que deux et pourtant, ils n'ont de cesse de semer le trouble dans le royaume. Dans le cas de Dinael, j'ignore tout, mais m'est avis qu'il préparait quelque chose qui allait sans doute nous créer des problèmes. Merly cependant, je sais déjà de quoi elle est capable - nous le savons tous, et même toi, dans un sens. Elle a commis des atrocités sans noms il y a quelques années. Les mage de la terre amènent le chaos partout où ils sont.

La princesse secoua la tête, refusant de croire qu'ils étaient tous comme Floriel les décrivait.

- Ne crois-tu pas qu'ils agissent ainsi par vengeance ? A cause de ce qu'a fait le roi à leur peuple ?

- Par vengeance ? ( Floriel la considéra comme si elle était folle.) C'est nous qui devrions nous venger, pas eux. En outre, c'est vrai, j'ignore ce qui a poussé Dinael à fouiner dans le château. Avec Merly, c'est une autre histoire. Elle travaille pour le compte de quelqu'un qui hait les mages.

Inexplicablement, Annastasya se crispa. Une personne qui haïssait les mages. Cela lui rappelait quelqu'un. Mais c'était impossible qu'il s'agisse de cette personne-là.

- Pour qui travaille-t-elle ? demanda-t-elle quand même.

Floriel plongea son regard bleu sérieux dans le sien.

- Le roi d'Hérèbe, connu sous le nom de Daween Happen-Sloe.

Annastasya sentit son souffle se bloquer dans sa gorge. Les yeux écarquillés, le visage pâle, elle dévisageait Floriel. Elle sentit comme un souffle glacial s'infiltrer dans son corps. Impossible ! C'est impossible, il ne ferait jamais cela, aurait-elle voulut crier. Mais rien ne sortit de sa bouche. Elle prit une grande inspiration tremblante.

- C'est impossible. ( ce n'était qu'un murmure, alors qu'elle aurait voulu hurler.) Il déteste la magie. Pourquoi emploierait-il un mage ?

Cette fois, la sorcière paraissait exaspérée.

- Réfléchis un instant. Nous sommes en guerre et sans l'aide de mages, il ne peux rien contre nous. A ton avis, comment est-il au courant que le plomb inhibe nos pouvoirs ? C'est un mage qui le lui a dit - Merly.

Annastasya ignorait si Floriel disait vrai, mais six an plutôt, toutes les armes de l'armée d'Hérèbe avaient été forgées dans ce métal. A la bataille qui avait suivie un an plus tard, bon nombres de mages avaient péris au combat, de ce qu'elle en savait.

- Cela parait invraisemblable, mais c'est ce qui est. Merly à commis plusieurs crimes au nom de cet homme. Je le sais parce qu'elle me l'a dit pendant qu'elle assassinait mon père sous mes yeux.

Annastasya se leva en hoquetant. Elle se déplaça dans la chambre qu'elle trouvait soudain très froide. Elle frissonna.

Non. Non. Non.

- Elle ment.

- Je ne crois pas, non. Je ne connais pas vraiment Merly, on est pas ami. ( elle ricana.) On ne le sera jamais, même. Elle est folle, cinglée. Mais ne parle jamais pour ne rien dire, surtout si ce qu'elle a à dire peut blesser les autres.

Annastasya refusait de croire tout cela. Pourquoi son père ferait-il toutes ces choses dont Floriel l'accusait ? D'accord, il lui témoignait peu d'affection. Parfois, il se mettait dans des colères noires qui lui faisait peur. Il était en guerre contre Illyaque. Mais c'était là des choses qui arrivait à tous monarque, n'est-ce pas ? Cela ne voulait pas dire qu'il envoyait des mages fou-furieux assassiner des gens pour le plaisir. Elle refusait de croire que son père était ainsi.

Oui, il y avait une bonne explication à tout cela. Son père avait découvert le titane sûrement grâce à ses stratèges et conseillers après de nombreuses recherches. Merly était folle et avait pu mentionner son père dans l'un de ses délires parce qu'il était déjà un ennemi. Voilà. Elle respira un grand coup. Tout était clair. Mais pendant qu'elle trouvait toutes ces excuses, le doute s'insinuait dans son esprit, telle une mauvaise graine.

Quand elle se retourna vers Floriel, Annastasya la vit fouiller farouchement dans sa bibliothèque.

- Que fais-tu ?

- Je...( elle marmonna quelque chose qu'Annastasya n'entendit pas mais prit pour un juron.) Où est-il ?

Elle se déplaça vers son bureau, dans tous ses états. Puis Annastasya comprit. Elle cherchait le livre - le livre de conte que Cyrus avait... disons emprunté. Mais Floriel n'en savait rien. Ne voulant pas s'éterniser et susciter les soupçons de la sorcière, Annastasya commença à se diriger vers la porte.

- Bon, je vais te laisser...

- Ne parle surtout pas de ce qui s'est passé à qui que ce soit, la prévint Floriel d'un ton insistant.

- Pourquoi ? questionna la jeune fille en fronçant les sourcils.

Floriel lui fit face, le regard dur.

- N'en parle pas, c'est tout. Et surtout pas à Keenon. Il ne doit rien savoir.

Annastasya acquiesça. Elle n'avait aucune raison de parler à Keenon et encore moins de lui faire des confidences. Et ce n'était pas comme s'il allait apparaitre d'un coup et exiger de savoir ce qui c'était passé. Hochant toujours la tête, elle ouvrit la porte... et se figea comme une statue. Elle aurait voulu reculer, mais ses pieds ne bougeaient pas. Là, devant ses yeux écarquillés, se tenait Keenon, nonchalamment appuyé contre le chambranle.

Il portait comme à son habitude une tenue complètement noire qui soulignait le hâle de sa peau. Ses cheveux noirs en bataille lui tombaient sur le front. Ses yeux baissés étaient cachés par de longs cils noirs. Lentement, il les releva et Annastasya sentit son pouls s'emballé. Et cela lui déplut énormément. Chaque fois qu'elle le voyait, son corps entier était en émoi. Elle se sentait irrésistiblement attirer par lui. Alors même qu'elle ne l'appréciait pas. Et lui non plus. Et il le lui prouvait chaque fois qu'il en avait l'occasion.

Alors même qu'elle était juste devant lui - trop près, même - son regard la survola pour se poser derrière elle. Sur Floriel.

- Qu'est-ce que je ne dois pas savoir ? dit-il d'un ton tranquille, comme s'il ne venait pas d'apparaître comme par magie.

- Rien d'important, répliqua Floriel. Nous parlions de... trucs de fille.

Vue que personne ne semblait la remarquer, Annastasya préféra s'en aller. Elle fit un pas, mais Keenon ne fit pas mine de s'écarter. Au contraire, il posa une de ses mains de l'autre côté du chambranle. Le message était clair.

Tu ne bouges pas.

La princesse sentit la frustration monter en elle, mais tacha d'afficher un visage impassible. Il ne s'adressait pas à elle, mais ne voulait pas la laisser partir.

- Hmm. Je suppose que je suis exclu du club. ( il se tut, laissant planer un silence embarrassant, presque tendu.) J'ai ouï dire que les Gardes avaient capturé un mage terrestre. Tu sais quelque chose ?

Annastasya lança un coup d'œil à la sorcière. Elle était appuyée contre le bureau, l'air détendu. Comme si elle ne venait pas de presque menacer Annastasya de ne rien dire à son ami. Ami qui était déjà au courant.

- Pas vraiment. Je sais qu'ils l'ont emmener au Labyrinthe, rien de plus. Le Conseil va sûrement l'interroger, mais je doute que l'on nous fasse un retour.

- Je n'ai pas besoin du Conseil pour avoir les informations que je veux.

Quelles informations voulait-il ? Même s'ils n'étaient pas amis, la jeune fille ne pouvait s'empêcher d'être curieuse.

- Tu ne penses pas...? ( Floriel s'interrompit, les yeux brillants d'une lueur de compréhension.) C'est lui qui a prévenu Merly de notre escapade en forêt ?

Keenon eut un sourire pincé et fit danser ses sourcils.

- A ton avis ? Il était là lorsqu'on la planifiait. Ils sont sûrement complices et, je ne serais pas étonné d'apprendre qu'ils en ont d'autres. La vielle Hilda doit en savoir beaucoup sur le sujet.

Annastasya se crispa à la mention de ce prénom. Elle n'avait pas oublié que la tenancière connaissait son secret et qu'il pouvait à tout moment éclaté au grand jour.

- Tu vas encore te mettre dans les ennuis, commenta Floriel avec désapprobation.

- Je ne cherche pas les ennuis, ce sont eux qui viennent à moi. ( il haussa les épaules.) Je n'y peux rien.

Annastasya leva les yeux au ciel.

- N'importe quoi, marmonna-t-elle.

Brusquement, les yeux couleur feu se posèrent sur elle. Keenon fronça légèrement les sourcils comme s'il venait de remarquer sa présence. Cela irrita Annastasya qui lui jeta un coup d'œil morne.

- Que fais-tu ici, toi ?

- Cela ne te regarde pas, rétorqua-t-elle sur la défensive.

Son regard intense la détailla des pieds à la tête. Au fur et à mesure que progressaient ses yeux, le rouge lui montait aux joues. La princesse croisa les bras comme pour se protéger. Tout d'un coup, elle avait des difficultés pour respirer.

- La petite fille montre les crocs, on dirait. ( il sourit de sa propre plaisanterie. subitement, il perdit son sourire.) Je suppose que c'est ce qui a séduit le Conseil pour qu'il t'accepte parmi les Éclaireurs. Mais ne t'emballe pas : tu n'as jamais vu un démon et je doute que tienne plus de deux secondes devant un Numéro quatre. Tu es insignifiante.

Nous y revoilà, pensa Annastasya, furieuse.

Il la traitait encore une fois de petite fille et d'insignifiante. Cette fois, elle en avait mare.

- C'est quoi ton problème ? explosa-t-elle.

A peine quelque centimètres les séparaient. Il réduisit cette distance et se colla presque à elle. Ils ne se touchaient pas, pourtant, Annastasya sentit la chaleur qui émanait de lui. Et son odeur de pleine air et de feu. Le souffle soudain erratique, elle fut incapable de se dérober à son regard brûlant. Il se pencha vers son oreille. Quand il parla, son souffle chaud la fit frissonner.

- C'est toi, mon problème.

Il recula, sans la lâcher des yeux.

- A une prochaine, Flo.

Puis il disparu. En un clin d'œil. Annastasya soupira de soulagement. Elle ignorait qu'elle retenait son souffle. Floriel qui était restée silencieuse durant leur échange la regardait avec curiosité.

- Il a un véritable problème avec moi, commenta la princesse.

- Ne le prend pas personnellement : il est ainsi avec tout le monde. ( Annastasya arqua les sourcils et Floriel sourit.) D'accord, avec toi c'est différent.

- C'est bien ce que je pensais.

- Nous ne faisons pas exprès. Tu affiche un visage avenant, ce qui nous pousse à nous méfier de toi. Navrée, mais sommes ainsi : nous n'accordons pas notre confiance aussi facilement.

La jeune fille hocha le chef. Au moins, Floriel ne l'insultait, elle. Nous. Elle ne disait pas il. Comme s'ils étaient liés. Annastasya se demanda quel genre de relation ils entretenaient. Non que cela l'intéressait, c'était juste de la... curiosité. Oui, c'était cela.

Quand elle sortit dans le couloir, une brise fraîche lui secoua la chevelure. La jeune fille s'approcha d'une des fenêtres en arcades pour regarder le vent qui agitait les arbres du jardin en contrebas. Des nuages sombres avaient voilé le soleil : une tempête se préparait. C'était un soulagement après la chaleur presque étouffante de ces dernières semaines. Elle se détourna de la fenêtre et emprunta les escaliers pour rejoindre l'étage inférieur. Étant donné qu'elle n'avait rien à faire, elle décida de se rendre à la bibliothèque pour essayer de trouver des ouvrages sur les démons. Lorsqu'elle ouvrit la porte, elle tomba sur Callum, affalé sur une chaise, le nez plongé dans un livre. Ses cheveux étaient défaits et partaient dans tous les sens. Pourtant, cela ne changeait rien à son charme d'elfe. Quand elle s'approcha, il leva vers elle ses yeux violets. Il paraissait surpris.

- Annastasya. Je ne t'attendais pas si tôt. ( il avisa la pièce assombrit par le mauvais temps.) On dirait que j'ai perdu la notion du temps.

- Non, non. Je ne m'attendais pas à vous trouver ici non plus. ( elle s'approcha et jeta un coup d'œil à ce qu'il lisait. l'image présentait une plante bizarre qu'elle n'avait jamais vu.) Qu'est-ce que c'est ?

- Un harpagophytum. Une plante très rare.

- Un... ? s'interrompit Annastasya qui n'arrivait pas à prononcer le mot. A quoi cela sert-il ?

- Elle a des propriétés médicinales, répondit Callum avec satisfaction. Je compte m'en servir pour renforcer le sérum de Kallhan.

Le sérum de Kallhan ? La princesse fronça les sourcils.

- J'ignorais que Kallhan était malade.

Callum se passa une main dans les cheveux, soucieux.

- Elle ne veut pas en parler de peur que l'on ne la prenne pour une personne faible. ( il hésita quelques instants avant de continuer.) Elle a toujours été de santé fragile et le fait qu'elle soit loin des marées n'arrange rien.

Annastasya hocha la tête. Les mages d'eau vivaient généralement dans des environnements humides comme les marécages pour être plus proche de leur élément. Dans le cas contraire, cela avait un impact sur leur santé.

- J'ai appris que vous avez été convoqué par le Conseil, Cyrus et toi, commença Callum, changeant de sujet.

La jeune fille s'assit sur une chaise. Les nouvelles allaient vite dans ce château.

- En effet, confirma-t-elle. Nous avons accepté de rejoindre les Éclaireurs.

Une ombre passa dans le regard pourpre de son précepteur, trop vite cependant pour qu'elle en soit sûre.

- Ha. C'est bien, dit-il d'un ton qui contredisait ses mots.

- Pensez-vous que nous avons bien fait ?

Callum leva les sourcils, surpris qu'elle lui demande son avis sur la question. Pour Annastasya, cela allait de soi.

- Je ne sais pas. C'est très noble de votre part de vouloir vous battre pour protéger tous ces gens là-dehors qui ignorent tout de la réalité. C'est très courageux. Mais... ( il marqua une pause comme pour chercher ses mots. Il s'adossa à sa chaise, les yeux fermés.) Vous ne savez pas dans quoi vous venez de vous embarquer. C'est au-delà du mot dangereux et plusieurs perdent la vie dans cette voie. J'aurais préféré que vous en restiez éloigner, mais je n'y peux rien.

Tout d'un coup, il paraissait très âgé. Et Annastasya s'interrogea sur son âge. En apparence, il avait l'air d'être dans la vingtaine, mais elle savait que les fées et les elfes pouvaient vivre très longtemps sans faire leur âge. Elle ne savait que penser de son inquiétude. D'un côté, cela la rassurait de savoir que quelqu'un s'inquiétait pour elle. Mais de l'autre, elle devait lutter pour ne pas se laisser emporter par la peur, car, si Callum se faisait du soucis, cela n'était pas sans raison. Faire partie des Éclaireurs était sans nul doute très dangereux. Pour autant, elle avait déjà accepté et ne pensait pas qu'elle pouvait se rétracter.

Callum se redressa, le visage plus détendu. La jeune fille l'observa en arquant les sourcils. Elle était toujours étonnée de la facilité avec laquelle il changeait d'humeur.

- Je vais t'apprendre un sort très important, debuta-t-il en se frottant les mains. En tant que sorcière, ton rôle consistera premièrement à refermer le portail.

Il se leva et l'invita à en faire autant.

- Fundus, a porta et alium se orbem terrarum

- En quelle langue sont les sorts ? demanda-t-elle, soucieuse.

Cela faisait un moment qu'elle voulait poser la question, mais n'en avait pas eu l'occasion.

- C'est une langue très ancienne dans laquelle ont été inventé presque tous les sorts. Et un sort est plus puissant dans sa forme originaire, raison pour laquelle nous ne les traduisons pas. Vas-y, essaies. Fundus, a porta et alium se orbem terrarum.

- Fundus, a porta et alium se orbem terrarum, murmura la princesse.

- Cela signifie tout simplement " ferme-toi portail d'un autre monde ". Ce sort demande beaucoup d'énergies et de concentration. Nous y travaillerons avec Floriel pour que tu t'y habitus.

Elle hocha le chef. Quand elle prit congé, des éclairs zébraient le ciel à grands bruits et la pluie éclata en grosses goutes glacées. L'air se rafraichit progressivement. Dans ses appartements, Annastasya se laissa tomber sur son lit, les yeux rivés au plafond. Elle se sentait lasse, tout d'un coup. Elle ferma les yeux.




Elle se réveilla plus tard en sursaut. Se redressant, elle fouilla la pièce du regard. Il n'y avait personne. Pourtant, quelque chose l'avait réveillé. Elle remarqua enfin les fenêtres ouvertes qui laissaient entrer le vent et quelques goutes de pluie. La jeune fille alla les refermer, le front plissé. Elle était presque certaine qu'elles étaient fermées avant qu'elle ne s'endorme. Elle retourna vers le lit et se figea. Sur ses draps reposait une fleur écarlate. Une Osis. Encore une. Annastasya la prit, en huma le parfum sucré et acidulé et alla la mettre dans le vase sur le secrétaire à côté de l'autre qui n'avait pas fané avec le temps.

Elle jeta encore un coup d'œil à la ronde. Quelqu'un était venu dans sa chambre et lui avait laissé cette fleur. Une personne qui tenait à rester dans l'ombre. Mais Annastasya était bien résolue à la trouver et à lui demander ce que signifiait cette fleur.





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