Annastasya attrapa son bâton à deux mains et avança sur le tapis. En face d'elle, Nakessa présentait fièrement ses deux dagues en la défiant du regard.

- Attendez une minute. ( Ephraïm alla fouiller le bureau de Callum et revint avec un sablier qu'il posa au sol.) Un peu de magie, Floriel ?

Hochant la tête, Floriel se leva pour s'approcher du sablier et tendit la main. Lorsqu'elle se concentra et commença à murmurer un sort, Annastasya vit une aura de couleur verte s'échapper de son corps pour envelopper le sablier. Celui-ci grandit subitement. La princesse était fascinée par la facilité avec laquelle Floriel utilisait la magie. Chaque fois qu'elle s'y essayait, elle ressentait cette étrange douleur qui s'étendait dans tout son corps. Heureusement, grâce aux exercices qu'elle faisait avec Callum, la douleur diminuait à mesure qu'elle s'approchait de cette magie enfermée en elle.

- Bien, reprit Ephraïm. Vous allez vous battre jusqu'à ce que ce sablier se vide, cela ne devrait durer qu'une dizaine de minutes. Et n'oubliez pas : battez-vous comme si votre vie en dépendait. ( il posa la main sur le sablier et le renversa en même temps qu'il disait :) Allez-y.

Annastasya se mit en garde, les yeux rivés sur son adversaire. Cette dernière se mit en mouvement et la jeune fille la suivit. Ce manège dura plusieurs secondes avant que Nakessa ne lui saute dessus. Elle brandit la lame, visant le torse de la princesse. Cette dernière bloqua l'attaque avec son bâton et la repoussa. Mais Nakessa fit une pirouette et attaqua avec sa deuxième dague qui atteignit Annastasya à l'épaule. Elle recula prestement en clignant des yeux. La dague l'avait à peine effleuré, mais la lame effilée avait déchiré sa manche et entaillé son épaule. Essoufflée, elle souffla sur la mèche pourpre qui lui tombait dans les yeux. Nakessa affichait un sourire qui disait clairement : " Tu vois ? Tu ne m'arrives pas à la cheville. "

Annastasya serra les dents et passa à l'attaque. Nakessa était rapide et avait des gestes fluides, mais Annastasya n'était pas en reste, et elle allait le lui montrer. Nakessa sauta pour éviter le balayage de la jeune fille puis attaqua. La princesse qui s'y attendait se baissa et donna un coup de bâton derrière le genou de son adversaire. Elle mit de la distance entre elles tandis que Nakessa se relevait en lui lançant un regard mauvais. Sans attendre, elle se jeta sur Annastasya, les dagues brandies. La jeune fille bloqua le coup à l'aide de son bâton. Nakessa appuyait de toutes ses forces sur le bois et la princesse comprit : elle essayait de briser le bâton. Profitant de ce moment d'inattention, Annastasya donna un coup de genou dans le ventre de son adversaire qui s'écroula, le souffle court. La jeune fille recula en soufflant.

- Hé bien, hé bien, fit Ephraïm en les rejoignant sur le tapis. Ce fut un combat épique.

Annastasya cligna des yeux. Durant le combat, elle avait eu l'impression d'être enfermée dans une bulle avec Nakessa, oubliant tout le reste. Or, les autres les regardaient, tantôt stupéfaits, tantôt souriant. Surtout Jazz. Elle jubilait. Son frère s'approcha de Nakessa pour l'aider, mais elle le repoussa et se releva tant bien que mal.

- Ha, Votre altesse, vous vous êtes prise une sacrée raclée, dit donc. Remarquez que si vous suiviez mes conseils, vous vous en sortiriez mieux.

- Elle a juste eu de la chance, cracha Nakessa, ses yeux lançant des éclairs. As-tu vu sa technique ? Elle est lamentable.

Annastasya étrécit les yeux.

- Peut-être, mais vous n'auriez pas dû la sous-estimer. Annastasya, j'ignore où tu as apprit à te servir de ce bâton, mais c'est bien pensé.

La princesse haussa les épaules. Elle préférait le bâton à l'épée.

- Même si Nakessa a l'avantage d'être grande, ton arme a été comme un prolongement de toi-même. Avec un peu d'entraînement, tu seras une vraie guerrière, ajouta Ephraïm en souriant. Cela dit, je ne vois pas comment ce bout de bois a pu résister aux dagues d'acier.

- C'est un sideroxylon, déclara Floriel.

Tous se tournèrent vers elle pour la dévisager.

- Un sidequoi ? demanda Priam en fronçant les sourcils.

- Un bois de fer, si tu préfères. Ce genre de bois est aussi solide que du fer.

- Comment fais-tu pour mettre des mots pareils dans ta jolie petite tête ? Non, ne répond pas, dit précipitamment Ephraïm alors que Floriel ouvrait la bouche pour lui expliquer. Bien, passons au combat suivant.

Annastasya alla s'assoir au bord du tapis et Nakessa en fit autant, le plus loin possible d'elle.

- Ça va ? demanda Cyrus en se penchant vers elle.

La jeune fille examina son épaule qui la tiraillait un peu et hocha la tête.

- Tu t'es très bien battue. ( il sourit.) Et moi qui te croyais sans défense.

Annastasya esquissa un petit sourire qui s'évanouit lorsque Jazz se jeta sur elle.

- Anna ! Tu lui as donné une de ces raclées, je ne crois pas que j'aurais pu faire mieux. Elle fera moins la fière, maintenant.

- Tu crois ?

Elle jeta un regard à la concernée dont les yeux bruns exprimaient milles et une façons de supprimer Annastasya.

- Mais oui...

- Winter, appella Ephraïm. C'est ton tour.

Priam, qui était assit à côté de sa soeur, ramassa son épée puis se dirigea vers le centre du tapis.

- Ton adversaire sera... Jasmina.

- Hein ? s'écria Priam, stupéfait, ses yeux bleus écarquillés. Je ne peut pas me battre contre elle !

- Et pourquoi ?

Jazz marcha vers lui, ses bâtards glissés dans la ceinture de sa longue tunique vert clair. Elle se plaça en face du jeune homme, les bras croisés et les lèvres pincées.

- Pourquoi ? ( il regarda Ephraïm, les sourcils arqués.) C'est Jazz. C'est une fille.

- Merci de me le rappeler. J'oublie parfois que ma sœur est une fille. ( Ephraïm leva les yeux au ciel.) Tu n'as pas à t'inquiéter pour elle, elle sait se défendre. Allez-y !

Jazz se mit en garde tandis que son adversaire restait planter là, épée à la main et la mine contrariée. Priam n'était pas du tout disposé à se battre contre Jazz et, peut-être ne se défendrait-il pas si elle l'attaquait, réalisa Annastasya. Elle ne voyait pourtant pas où était le soucis, il ne s'agissait que d'un entraînement.

- Hé, dit Jazz en le désignant de son arme. Je n'en ai rien à faire de tes manières de chevalier servant. Bats-toi comme un homme.

Et elle s'élança sur lui. Il para le coup, mais Jazz lui asséna un coup de pied retourné si rapide qu'Annastasya le vit à peine. Priam grogna puis, après deux autres coups qui l'atteignirent au torse, il se décida enfin à répliquer. S'en suivit des coups de pieds, de mains et de bruits de lames se rencontrant. Annastasya était émerveillée par la souplesse et la rapidité de Jazz, ce qui n'était pas étonnant de la part d'une louve-garou. Lorsque le sablier se vida, annonçant la fin du combat, Priam se retrouva allongé sur le dos, Jazz à califourchon sur lui, sa lame sous sa gorge. Son épée reposait plusieurs mètres plus loin. Le jeune homme leva les mains.

- Je me rends, tu as gagné.

- Tu ne t'es pas battu, grogna Jazz, les lèvres retroussées sur ses dents blanches.

- Bien sûr que si. Cela dit, ne te presse pas de te lever, c'est très agréable, sourit-il en gigotant sous elle.

- Espèce de...

- Ça suffit, vous deux, s'interposa le professeur de combat. Laissez la place aux autres.

La louve-garou se leva en lançant un regard noir à son adversaire qui souriait. Et, sans crier gare, elle lui donna un coup de pied dans les côtes.
Priam émit un son plaintif et Annastasya grimaça comme si c'était elle qui l'avait reçu.

- C'est un coup bas : on ne frappe pas un homme à terre.

- Peut-être, mais c'était très agréable.

Fière d'elle, elle alla rejoindre Annastasya pendant que son frère aidait le jeune homme à se relever.

- Elle a raison, tu ne t'es pas vraiment battu. S'il s'était agit d'un véritable ennemi, ton hésitation t'aurait coûté la vie. Un ennemi, que ce soit une femme ou un homme, reste un ennemi.

- Oui, oui, bougonna le jeune homme en se massant le côté.

- Messieurs, dit Ephraïm en désignant Keenon et Cyrus d'une main, prenez place pour le dernier combat.

Annastasya fronça les sourcils.

- Le dernier combat ? Mais Floriel et Kallhan...

- Elles ne participent jamais à ce cours. Elles préfèrent utiliser la magie de manière défensive. ( Jazz haussa les épaules.) C'est leur choix.

Un choix qu'Annastasya pouvait comprendre. Merly n'avait-elle pas utilisé la magie comme une arme contre eux ?

Cyrus et Keenon se placèrent face à face sur le tapis en se toisant avec hostilité. La jeune princesse n'y comprit rien. D'où venait cette animosité ? Dans ses souvenirs, ils ne s'étaient parlés qu'une seule fois - le jour de leur rencontre - et même s'ils n'avaient pas semblé s'entendre, c'était quand même intriguant de voir à quel point ils se détestaient. Son ami serra le manche de l'épée qu'il avait choisi tandis que Keenon avait toujours la sienne dans le fourreau accroché à sa ceinture. Lorsque Ephraïm donna le coup d'envoi, aucun d'eux ne bougea. Cette tension dura plusieurs secondes puis, ils se jetèrent l'un sur l'autre.

Annastasya ne su à quel moment le vampire avait dégainé son arme, mais elle rencontra celle de Cyrus en un bruit de ferraille. Ils enchaînèrent les coups si vite qu'elle peinait à les distinguer. Ephraïm, un sourire extatique sur le visage, tournait autour d'eux.

- Excellent, murmura-t-il en passant à côté d'eux quand Cyrus para habilement un coup de son adversaire.

- Pas mal, complimenta sa soeur, admirative.

Pour sa part, la jeune fille ne voyait presque rien. Comme elle s'y attendait, Keenon était rapide, ses gestes aussi souple que ceux d'un félin. Ses yeux étaient vifs et ses cheveux sombres étaient en bataille.

Une panthère, avait-elle pensé la première fois qu'elle l'avait vu.

De son côté, son ami n'était pas en reste. Il suivait le rythme, attaquant et se défendant lorsque l'occasion se présentait. Contrairement aux combats précédents, celui-ci était plus intense. Comme s'ils se battaient contre leur pire ennemi. Lorsqu'il prit fin, tout deux étaient essoufflés et tenaient l'autre en joug de la pointé de leur épée.

- Magnifique, s'exclama Ephraïm, euphorique.

Les garçons se séparèrent en se fusillant du regard. Apparemment, ils avaient envie de remettre le couvert.

- Cyrus Sky, étais-tu cadet dans la ville où tu étais ? ( il hocha la tête et le sourire d'Ephraïm s'élargit encore plus.) Tu te bâts comme un guerrier et j'aime ça. Je te veux dans mon équipe. Et toi aussi, ajouta-t-il à l'attention d'Annastasya.

Stupéfaite, la princesse s'apprêtait à lui demander de quelle équipe il s'agissait lorsque Keenon la devança.

- Il en est hors de question, rétorqua-t-il d'un ton cinglant.

Ephraïm haussa les sourcils.

- Et pourquoi ? Cyrus est un bon combattant et la poupée est une sorcière. Et tu sais aussi que nous avons besoin de sorciers. Ceux que nous avons se comptent sur les doigts d'une seule main.

- Nous n'avons pas besoin d'eux, s'entêta Keenon, l'air méprisant. À moins qu'on veuille se servir d'eux comme appât.

- Comme appât ? intervint Cyrus en fronçant les sourcils. De quoi parlez-vous ?

Mais personne ne lui accorda de l'attention.

- Je les veux dans mon équipe et je ne te demande pas ton avis, énonça Ephraïm d'un ton calme mais ferme.

- On peut se passer d'eux, Sanderbolt, dit Keenon sur le même ton. Nous nous en sortons très bien sans eux.

- Peu importe votre position, seul le Conseil peut prendre une décision.

Annastasya se tourna vers Floriel qui venait d'intervenir. Son visage n'exprimait rien en particulier et Annastasya ne savait pas vraiment ce qu'elle pensait de la situation. Toutefois, les garçons ne lui jetèrent pas un seul regard, trop occupés à se défier, les yeux dans les yeux.

- Ha oui, le Conseil. Je vais les voir pour leur donner mon avis là-dessus. Le cours est terminé.

Sur ces mots, Ephraïm sortit à grands pas en claquant la porte.

- Tss, fit Keenon avec hargne. C'est une perte de temps.

Et il sortit à son tour. En passant par la fenêtre. Annastasya ouvrit de grands yeux, mais les autres ne semblaient pas choqués. Bien sûr, les vampires étaient immortels, n'est-ce pas ?

La pièce était silencieuse à présent, chacun plongé dans ses pensées. La princesse soupira puis s'aperçut que ses camarades avaient fait la même chose. Dans un éclat de rire, ils se dirigèrent tous vers la sortie. Annastasya s'approcha de Jazz.

- De quoi parlaient-ils ?

La louve-garou avait la mine étonnement grave quand elle lui répondit.

- Je ne peux rien te dire, pour l'instant. Tu dois d'abord rencontrer le Conseil et... cela ne saurait tardé.

* *

*

- Ho mademoiselle ! Qu'allez-vous faire ? se lamenta Myra en ouvrant brusquement la porte de la chambre d'Annastasya, les larmes aux yeux.

La jeune fille la dévisagea, abasourdie. C'était bientôt le couvre-feu et sa femme de chambre était censée être déjà rentrée, mais voilà qu'elle débarquait comme une furie. Myra, qui avait d'habitude une tenue irréprochable, avait la coiffe de travers, les vêtements débraillés comme si elle avait courut et une expression terrifié sur le visage. Elle leva les sourcils en chassant les mèches dorées qui lui tombaient dans la figure.

- De quoi parles-tu ?

- Je... Oh ! C'est affreux, mademoiselle. Pourquoi vous ?

Elle était livide et tremblait comme une feuille. Annastasya ferma son portfolio, se leva de son secrétaire pour s'approcher d'elle. Sa femme de chambre commençait sérieusement à l'inquiéter.

- Calme-toi, d'accord ? ( elles s'assirent sur le lit.) Explique-moi ce qui se passe.

Myra s'essuya les joues avec son tablier en hoquetant. Elle prit plusieurs inspirations avant de se lancer.

- J'étais à l... la lingerie lorsque j... j'ai entendu Nita dire à une autre femme de chambre qu'elle avait surprit Pillar, la femme de chambre de Son altesse qui racontait à un garde que le seigneur Goodson allait... allait...

Annastasya sentit son estomac se nouer. Que pouvait bien lui vouloir le père de Nakessa ?

- Le seigneur Goodson veux vous convoquer devant le Conseil.

Salut salut. Encore un autre chapitre. Laissez-moi vos avis. ;)