Chapitre XIII. Explications

Comme Annastasya l'avait prédit, Floriel refusa catégoriquement de l'aider. Vêtue de jupes qui lui arrivaient aux chevilles et d'une chemise blanche impeccable, elle était assise à une table et arborait un visage neutre. Du moins, Annastasya le devinait : assise derrière celle-ci, elle ne voyait que son dos bien droit. Cependant, Floriel s'exprima très poliment comme à son habitude.

- Sauf votre respect, Callum, je me vois dans l'obligation de refuser.

- Mais pourquoi ? fit Callum complètement sidéré.

Il se tenait devant la jeune sorcière et semblait vraiment surpris. La jeune princesse se retint de lui faire une remarque sarcastique. Après tout, ne l'avait-elle pas prévenu ?

- Eh bien, les cours que vous dispensez sont destinés à une certaine élite, nous en l'occurrence. Tous ces gens là-dehors n'y prennent pas part. Alors pourquoi ces deux-là y ont-ils droit ?

- Très bonne remarque, enchérit Nakessa. Je n'arrive vraiment pas à comprendre comment vous avez pût les accepter non seulement à vos cours mais aussi à la cour. J'ignore de quel droit vous vous êtes permis cela, mais je doute que ma tante, la reine, apprécie le fait qu'ils séjournent au palais sans son autorisation.

Annastasya n'en revenait pas. Nakessa venait de manquer ouvertement de respect à son précepteur. Princesse héritière ou non, elle n'avait pas le droit de lui parler de cette manière. Elle s'apprêtait à le défendre puisque s'était à cause d'elle qu'il se faisait insulter, cependant Callum la devança en s'exprimant d'un ton aussi glacial qu'un lac gelé.

- Mlle Goodson, je crains que vous ne vous plaignez à la mauvaise personne. En l'absence de Sa Majesté, le Conseil seul est en droit d'admettre ou non une personne à la cour. Si vous avez une complainte, allez donc la faire à votre père qui en fait partie. Par ailleurs, comme vous venez de le dire, ce sont mes cours qui sont dispersés dans cette pièce. Des l'instant où vous pénétrez ici, dites-vous que c'est moi qui fait la loi et j'accepte qui je veux. Si cela ne vous convient pas, vous êtes libre de partir.

Après ce long discours, personne n'osa ajouter quoique ce soit. Nakessa, refusant de faire plaisir à tout le monde en sortant, s'enfonça dans sa chaise, les bras croisés et air buté plaqué au visage. Callum se tourna vers Floriel, toujours aussi grave.

- Florilda, si je te demande d'aider Annastasya ce n'est pas parce que tu es ma seule élève sorcière, mais parce que tu es la meilleure. ( un sourire éblouissant se dessina sur ses lèvres.) Acceptes-tu d'accéder à ma requête ?

- Je... Je, bafouilla la jeune sorcière en clignant des yeux. Bien sûr, Callum, ajouta-t-elle avec plus de fermeté.

- Bien, s'exclama Callum, ravis en tapant des mains. Nous allons commencer notre cours sur la Royauté Illyaquine.

Annastasya se tourna Cyrus, assis à côté d'elle. Il écoutait attentivement en prenant note sur un parchemin.

- Il faut qu'on se voit ce soir, lança-t-elle.

- Hum ? fit-il en levant les yeux vers elle.

- On doit parler de... choses importantes.

Elle lui coula un regard entendu auquel il répondit par un hochement de tête grave. La jeune fille regarda les autres participer au cours. C'était une journée ordinaire. Un peu trop ordinaire à son goût parce que... Keenon était absent. Malgré le fait qu'il se soit montré désagréable avec, Annastasya était impatiente de le revoir. Elle avait été déçue de ne pas le voir et n'avait pût s'empêcher de se demander s'il était encore partit en mission.

Le cours se poursuivit sans incident au fil de la journée et Annastasya en apprit beaucoup sur les quarante-deux reines qui s'étaient succedées jusqu'à celle qui était présentement sur le trône, nommée Nathalina Everlight. Ces reines que l'on appelait aussi Reines Maudites à cause de la particularité physique de chacune. La quinzième reine, Alyssia, changeait de sexe à chaque nouvelle lune. L'actuelle reine, elle, était surnommée la Reine Aux Milles Visages pour une raison obscure.

Le soir, après le dîner, la jeune princesse retrouva Callum dans la bibliothèque où ils commencèrent les recherches sur ses pouvoirs cachés. Lorsque la cloche du Temple sonna la dixième heure, elle se dirigea d'un pas traînant vers sa chambre. Elle était si épuisée qu'elle regrettait presque d'avoir donner rendez-vous à Cyrus. Elle s'arrêta soudainement au milieu du couloir éclairé par la flamme des torches. Floriel sortait silencieusement d'une pièce en refermant derrière elle. C'était la même où Annastasya l'avait vu avec Keenon. Elle regardait à gauche et à droite quand son regard tomba sur elle. Elle sursauta d'abord puis avança à grand pas vers la jeune princesse.

- Tu passes une bonne soirée, j'espère, lança-t-elle avec courtoisie.

- Heu...oui... Et toi ? répondit-elle, passablement surprise.

- Très bien. Retrouve-moi mardi dans mes appartements à la huitième heure. Ne sois pas en retard. Bonne nuit.

Puis elle tourna les talons. La jeune princesse la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse à l'angle du couloir avant de continuer son chemin pour s'arrêter devant ce qui semblait être la chambre de Keenon. Elle tendit l'oreille, à l'affût du moindre son, mais n'entendit rien. Annastasya savait qu'elle n'avait rien à faire là et qu'elle ne devrait pas faire cela, mais sa main se posa d'elle-même sur la poignée de la porte. Peut-être pouvait-elle jeter un coup d'œil, histoire de s'assurer que Keenon n'était pas cloué au lit par une quelconque maladie puisqu'il avait été absent toute la journée.

- Anna, retentît une voix derrière elle.

Avec un sursaut, elle se retourna. Cyrus se tenait dans le chambranle de sa chambre.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Je... heu... balbutia-t-elle, les joues rouges. Je... crois que je me suis perdue.

Son ami s'effaça pour la laisser passer puis referma derrière elle. Annastasya regarda sa chambre avec surprise. Le lit avait été fait, les affaires qui traînaient rangées et sa mystérieuse fleur reposait dans un petit pot sur son secrétaire.

- C'est toi qui a fait ça ? demanda-t-elle.

- Je viens à peine d'arriver et je n'ai touché à rien.

C'était peut-être une femme de chambre, pensa Annastasya, décidant de ne pas s'appesantir sur le sujet. Elle posa ses affaires sur le lit et s'assit en tailleur. Cyrus, lui, prit place en face d'elle sur la chaise du secrétaire. Il la considéra d'un air grave en attendant qu'elle commence. Mais Annastasya ne savait pas par où commencer. Elle préféra aborder d'emblée un sujet moins délicat.

- Callum et moi avons parlé de ton père, hier.

- Pardon ? fit son ami avec surprise .

Apparemment, il ne s'attendait aucunement à ce qu'elle lui parle de son père.

- Il a fait une allusion au fait que tu sois mage de la foudre alors je lui ai posé des questions à ce sujet. D'après lui, c'est de ton père que tu tiens cette capacité. Il s'appelait Garrow Sky et, comme je sais que ta mère ne t'a pratiquement rien dit à son propos, j'ai prit ça pour toi.

Dans ces affaires, elle prit un livre qu'elle lui tendit. Sur la couverture blanche était écrit " Le foudroyant Sky " .

- C'est une biographie. Je me suis dit que tu voudrais en savoir plus sur lui.

Cyrus prit le livre en hochant la tête. Il arborait un air indéchiffrable. Un silence pesant s'installa, au cours duquel Annastasya réfléchit à ce qu'elle devait lui dire.

- Tu ne veux plus en parler ? demanda-t-il après un moment.

- Non, non. Je ne sais pas par où commencer, en fait.

- Commence par le début, l'encouragea-t-il.

Elle prit son courage à deux mains puis se lança. Elle lui raconta sa conversation avec son père la veille de son départ, comment elle était arrivée à Danysis. Elle lui parla aussi du livre que lui avait donné cette femme où il y avait une carte. Cette même carte qui l'avait conduit dans la forêt où elle avait rencontré Keenon et les autres. Elle lui dit aussi qu'elle était restée à Mysar pour apprendre à se servir de ses pouvoirs et faire des recherches pour retrouver l'Ether. Cyrus l'écoutait attentivement, son visage exprimant successivement de la suspicion, de la désapprobation puis de l'inquiétude.

Quand elle eu finit son récit, la jeune fille n'osa pas regarder son ami. En fait, elle appréhendait sa réaction. Au bout d'un moment de silence, elle se décida à l'affronter. Mais Cyrus la contemplait avec un air impassible qui l'agaça.

- Dis quelque chose, je t'en prie, murmura-t-elle.

- Que suis-je censé te dire ?

Elle-même ne savait pas vraiment à quoi elle s'attendait, mais surtout pas à ce qu'il reste aussi silencieux.

- Te rends-tu au moins compte qu'il se sert de toi ? finit-il par déclarer.

Oui, elle s'en rendait compte. Ou du moins, elle s'en ait rendu compte après avoir mis le pied dans le plat.

- Ce n'est pas le plus important, dit-elle.

- Tu plaisante, dis-moi ! ( il se leva de sa chaise, l'air furieux.) Tu as faillit en mourir ! Il sait que tu tiens à lui et il utilise cela à son avantage.

- Mon père est malade ! Cria-t-elle. Qu'aurais-tu fait à ma place ?

Cyrus se détourna en se passant une main dans les cheveux.

- Probablement la même chose, répondit-il sincèrement.

- Alors tu me comprends. Je n'ai personne d'autre que lui...

- Non. ( il s'approcha d'elle et lui prit les mains dans les siennes.) Je suis là, moi... Et il y a ma mère. Et Kelia...

- Mais vous ne faites pas partir de ma...

Annastasya se mordit les lèvres. Mais c'était trop tard, les mots étaient clairs et semblaient résonner dans la chambre.

Mais vous ne faites pas partir de ma famille

- Navrée, chuchota la jeune princesse. Je ne voulais pas...

- Ne t'excuse pas, il n'y a pas de mal.

Il reprit laconiquement sa place sur la chaise. Elle l'avait blessé, elle le savait. Durant toute son enfance, Cyrus et Kaitline avaient toujours été sa seule famille. Le fait qu'elle désavoue cela devait être dure à entendre. Son but n'était pas de le blesser, mais de lui faire comprendre sa position. Elle avait déjà perdu sa mère et ne voulait pas perdre son père sans avoir tout tenter pour le sauver. Lui-même n'avait plus qu'un seul parent, alors pourquoi ne comprenait-il pas l'angoisse qu'elle ressentait à l'idée de perdre son père ?

- Il y a quand même quelque chose qui m'intrigue, reprit Cyrus.

- Quoi donc ?

- Tu pensais vraiment trouver l'Ether en demandant à tous ceux que tu croiserais sur ton chemin ? questionna-t-il avec un sourire incrédule.

Annastasya rougit en détournant la tête. Elle s'était montrée impulsive sur le moment et avait mit le cap sur Danysis sans réfléchir. Ce n'était qu'une fois arrivée qu'elle s'était rendue compte qu'elle n'avait pas de plan.

- Je reconnais que ce n'était pas très avisé. Mais la ville était tout de même bien pensé, non ? Après tout, les gens racontaient au Brisnates qu'il y a à Danysis des personnes qui croient dur comme fer à l'existence de l'Ether. Mon but était d'essayer de les dénicher.

- Oui, j'avoue. ( Cyrus se passa une main sur la nuque.) À l'époque, on disait qu'ils étaient fous. A présent, je me rends compte qu'ils n'étaient pas aussi fous que nous le pensions.

Annastasya hocha la tête et ils se turent quelques instants.

- Je vais t'aider, annonça Cyrus d'un ton brusque.

- Vraiment ? fit Annastasya qui ne s'attendait pas à cela.

- Oui. Par contre, je ne sais pas comment.

- J'ai une piste, dit-elle en sautant du lit.

Elle prit le livre de conte sur le secrétaire et le lui montra. Cyrus le prit pour le feuilleter.

- La dernière fois, au cimetière, j'ai remarqué que Floriel avait à peu près le même. Et je croit que le sien contenait aussi une carte qui les a conduit dans la forêt. Alors si on arrivait à mettre la main dessus...

- ...On pourrait essayer de trouver un autre indice, termina son ami avec un sourire.

- Exactement. Mais ça ne va pas être facile de prendre le livre. Je me vois mal aller demander à Floriel de me le donner. Elle aurait des soupçons.

Cyrus réfléchit quelques instant puis lui demanda où et quand est-ce qu'elle devait commencer à étudier la sorcellerie avec Floriel.

- Mardi soir dans ses appartements, répondit-elle. Pourquoi ?

- Tu m'indiqueras sa chambre et je me chargerai du reste.

Annastasya lui lança un regard soupçonneux.

- Tu ne comptes quand même pas le lui voler ?

- Bien sur que non ! répliqua Cyrus d'un ton condescendant. Je vais gentiment lui demander de me le prêter. Voyons Anna ! Que puis-je faire à part voler ce bouquin à Floriel ?

La jeune fille serra les lèvres, pas du tout convaincu. S'ils volaient le livre, que se passera-t-il lorsque Floriel s'en apercevrait ? Elle ne voulait pas que cette fille qui la soupçonnait déjà d'être une espionne la prenne pour une voleuse.

- Écoute, contente-toi juste de me dire où est sa chambre et je me chargerai du reste, reprit Cyrus comme s'il lisait dans ses pensées. Pour l'heure, tu devrais te reposer : tu as l'air épuisé.

Il se leva, lui souhaita bonne nuit puis se dirigea vers la porte.

- Attends, Cyrus.

Cyrus se retourna, interrogateur.

- Merci, dit-elle avec un bref sourire.

- C'est pour toi que je le fais, pas pour ton père, répliqua-t-il avant de ressortir, le livre à la main en refermant derrière lui.








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