Chapitre XI. Interrogations

- Je n'y arrive pas, se lamenta Annastasya.

Cela faisait plus d'une demi-heure qu'elle essayait de faire exactement ce que Cyrus avait fait en quelques secondes. Elle avait beau se concentrer de toutes ses forces, rien ne se passait. Peut-être n'avait-elle pas de pouvoirs magiques, finalement. Peut-être, s'était-elle trompée. Peut-être n'avait-elle pas sa place au milieu de ces gens qui avaient tous des pouvoirs.

Elle leva un regard angoissé vers Callum. Ce dernier s'approcha d'elle en souriant.

- Ne t'inquiète pas, dit-il. Cela peut parfois prendre un peu de temps.

- Peut-être que je ne suis pas faite pour faire de la magie, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.

C'était peut-être vrai. Étrangement, penser cela la dérangeait plus qu'elle ne l'aurait crû. Elle détestait ses pouvoirs et même la magie à proprement dit. Alors pourquoi était-elle préoccupée quant à la possibilité de ne pouvoir la pratiquer ?

- Entièrement d'accord, lança Nakessa assise sur une chaise à cote de Keenon. Tu devrais retourner d'où tu viens, ce n'est pas possible d'être aussi nulle que toi.

Annastasya cligna des yeux, s'efforçant de ne pas répondre. Elle n'en valait pas la peine.

- Excuse-moi, Nakessa, mais il me semble que tu as mis exactement huit jours pour y arriver. Il n'est pas très ingénieux de ta part de faire de tels commentaires.

Contre toute attente, c'était l'amie de Keenon qui avait parlé. Annastasya ignorait si elle avait voulu la défendre ou si, comme les autres elle n'appréciait pas Nakessa, et avait voulu la remettre à sa place. Pour autant, cela ne la rassurait pas du tout. Savoir que Nakessa avait mis plus d'une semaine pour ce exercice signifiait qu'elle-même pouvait mettre des mois, des années, peut-être pour y arriver. Or, elle n'avait pas assez de temps devant elle. Son père était malade, elle devait trouver l'Ether pour lui venir en aide. Combien de temps pouvait-il tenir encore ? Elle ne pourrait pas...

- Voyons, ne panique pas, intervint Callum. Je vais te donner un coup de main.

Vous auriez pas pu le dire plus tôt ? pensa-t-elle.

Callum lui présenta sa main droite et repoussa sa manche. Elle commença à s'entourer d'une lueur verte et Annastasya se demanda quelle genre de magie pouvait générer une aura verte.

- Il arrive que certaines auras soient attirées par d'autres, expliqua-t-il. La tienne fait peut-être partie de cette catégorie. ( il tourna sa paume vers elle.) Vas-y, réessaie.

La jeune fille pris une grande inspiration avant de se lancer. Elle ferma les yeux puis se concentra.

- La magie ne vient pas d'ailleurs, elle est en toi, murmura le professeur. Elle coule dans tes veines. Fais appelle à elle.

Progressivement, la voix de Callum s'éteignit, toutes pensées s'évanouirent pour ne laisser qu'un silence paisible. Elle avait l'impression d'être au bord d'une mer calme et immobile. Puis, brusquement, son corps tout entier s'enflamma. Ses veines étaient en feu et le sang circulait à vive allure. Son coeur s'emballa tandis que sa respiration s'entrecoupait. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle ne distingua rien d'autre qu'un rideau de lumière dorée. Elle voulu parler mais elle manqua de souffle.

Aussi soudainement qu'elle était apparue, la sensation disparue. Annastasya tomba à genoux, la respiration sifflante et le coeur battant la chamade. Des mèches de cheveux se collèrent à son visage en sueur.

- Comment vas-tu ? fit la voix de Callum.

Elle dégagea les cheveux de sa figure en essayant de repérer quelque chose avec sa vue un peu floue. Elle distingua les rangées où étaient ses camarades mais pas nettement. Une mains pâle au doigts longs et fins se présenta devant elle. La jeune princesse la prit pour se relever difficilement. Callum la soutint pour qu'elle ne tombe pas.

- Est-ce toujours aussi... douloureux ? demanda-t-elle.

- Épuisant, certes, mais pas douloureux, répondit Callum d'un ton préoccupé. Cependant, comme je le pensais, tu es un cas très... spécial.

Annastasya chercha son regard mais il s'obstina à détourner le sien, comme s'il lui cachait quelque chose. C'était sûrement important, vue qu'il avait l'air inquiet. Elle voulu lui demander des comptes mais il la devança.

- En tout cas, je sais quel genre de mage tu es, déclara-t-il sur un ton ravis.

- Ha bon ? Je suis quoi, mage du feu ? De l'eau ?

À moins que je ne sois une sorcière, pensa Annastasya avec amertume. Au moins, ça confirmerait les rumeurs à mon sujet.

- En fait, c'est assez...( il s'interrompit puis jeta un regard vers les rangées.) Cela ne regarde que toi, alors nous en discuterons un peu plus tard, si tu veux bien. Tu peux marcher ?

Avec un hochement de tête, Annastasya se dirigea vers ses camarades. Elle se laissa glisser à côté de Cyrus en faisant mine de ne pas remarquer les gestes que faisait Jazz pour l'inciter à être sa voisine.

- Alors ? demanda-t-il.

La jeune fille souffla. Elle se sentait tellement épuiser qu'elle regrettait presque - presque - ses trois jours d'inconscience.

- Alors rien du tout. ( elle s'affala sur la table.) On est sensé en discuter plus tard.

Son ami la considéra un moment avant de se tourner vers Callum qui s'avançait vers eux.

- Bon, je crois qu'on va continuer avec les guerres historiques, dit-il. Celle d'Aea, par exemple. Annastasya et Cyrus, vous pourrez trouver des livres sur le sujet plus tard à la bibliothèque. Alors, qui commence ?

La fille qui était arrivée en retard leva la main.

- Vas-y, Floriel.

Floriel se tint debout, le dos bien droit.

- Aea était une forêt située entre le comté des vampires et celui des mages de feu. Ce territoire étant libre, les vampires décidèrent d'en faire leur terrain de chasse personnel. Les mages de feu, ne voulant pas que les " suceurs de sang " ( elle jeta un coup d'œil rapide à Keenon qui semblait intéressé par un point invisible sur le mur à côté de lui ), se rapprochent aussi dangereusement près de leurs terres s'y opposèrent. C'est ainsi qu'a éclaté cette guerre qui dura plus de cinquante ans. En ce moment, Aea est le territoire privé des ogres.

Annastasya en resta ébahie. Floriel venait de débiter avec une telle rapidité qu'elle avait du mal à la suivre. En tout cas, elle avait bien entendu les mots " vampire " et " ogre ". Elle était la seule à être surprise, en fait. Les autres, même Cyrus, avait l'air habitué.

- Merci Floriel pour ce ... Bref résumé, fit Callum. Qui d'autre voudrait bien retracer la guerre... avec plus de détails ?

Ainsi, le cours sur la guerre d'Aea se poursuivit avec la participation de Jazz, Kalhan, Priam, et de rares interventions de Nakessa et de Floriel. Annastasya prit des notes sur plusieurs feuilles avec attention. Elle trouvait ce cours bien plus passionnant que ceux de bienséance qu'elle suivait à la cour d'Hérèbe. Elle apprit qu'il existait plusieurs peuples à Illyaque. Il y avait les différents groupes de mages; mage d'eau, de feu et de l'air, ceux de la terre avait été exterminés, les vampires, les loup-garous, les ogres, les sorciers et les magiciens. Ces communautés ne s'entendaient par très bien, et toutes semblaient haïr les vampires, en particulier.

A midi, un repas froid leur fut servit dans l'arrière salle des cuisines. Lorsqu'elle vit le pain, le fromage, la viande séchée et autres, elle ne pu s'empêcher de se jeter dessus. Elle n'avait pas mangé depuis trois jours ! Elle mangea autant que son estomac pouvait supporter avant d'aller reprendre le cours d'histoire de Callum. Il fut aussi intéressant que celui du matin. Elle avait hâte de trouver ces livres dont il parlait pour en savoir plus.

Elle était tellement curieuse de savoir ce qu'allait lui dire Callum qu'elle ne tenait presque plus en place à l'heure du dîner. On leur avait servit du porc grillé et un ragoût de légumes qui firent gronder son estomac. Alors que Jazz et Priam se moquaient, elle fit semblant de n'avoir rien entendu. Une servante vint leur verser du cidre dans leur verre. Annastasya regarda les deux chaises libres en face d'elle. Keenon et Nakessa manquaient à l'appelle, et s'était pareille au déjeuner. Ils s'étaient sûrement éclipsés pour faire des choses qu'elle ne voulait surtout pas savoir.

Quand la servante fut près d'elle pour lui remplir le verre, la jeune fille remarqua qu'elle était très jeune, sûrement plus qu'elle. Elle leva les yeux vers Annastasya d'un air timide avant de se détourner.

- Hé toi ! Tonna une voix aiguë, les faisant sursauter.

Nakessa venait de débouler dans une longue robe au jupes volantes dans les tons saumons. Annastasya se demanda si elle s'habillait toujours de cette manière rien que pour dîner ou si elle avait rendez-vous avec quelqu'un. Comme Keenon, par exemple. Un rendez-vous romantique sous le ciel étoilé et...

Stop ! S'écria-t-elle mentalement. Ça ne te regarde pas.

- Tu es sourde ? C'est à toi que je parle, espèce de souillon.

La servante accourut immédiatement et fit une révérence si basse qu'elle finit à genoux.

- Veuillez m'excuser, Votre Altesse, s'excusa-t-elle. Je... Je suis...

- Épargne-moi ton babillage, siffla Nakessa. Tu vas filer aux cuisines dire à ces idiotes de me cuisinier du riz au lait et une soupe aux légumes. Apportez-moi encore vos bêtises au porc et je vous ferai virer sur le champ ! Qu'est-ce que tu attends ? Dégage !

La servante s'en alla en courant, comme si elle avait un monstre à ses trousses. Lorsqu'elle disparue, la pièce fut si silencieuse qu'on pouvait entendre les mouches voler.

- Je vois que certains n'ont pas peur de se goinfrer, se moqua Nakessa à l'attention d'Annastasya. Enfin bon, tout le monde ne peut pas être aussi parfait que moi.

Sur ce, elle tourna les talons en direction des escaliers. Annastasya pria intérieurement pour qu'elle se brise la cheville - ou même la nuque ! - sur une marche.

- Pouah ! fit Jazz en plissant le nez. Elle s'est baignée à l'eau de rose ou quoi ?

Annastasya repoussa son assiette presque vide avec dépit.

- Ne me dit pas que tu vas écouter cette peste, s'indigna Jazz. Elle te provoque, c'est tout. N'y fait pas attention.

Annastasya se tourna vers la jeune fille assise à sa droite. Jazz était mince et élancée et pourtant, elle venait de finir son troisième plat ! Elle soupira. Elle n'avait jamais été jalouse de personne mais Nakessa semblait éveiller ce sentiment en elle. Elle était jalouse de sa taille, sa minceur, sa beauté et...

Elle se souvint brusquement de l'appellation de la servante.

Votre Altesse...

- Dites-moi, pourquoi la servante l'a-t-elle appelé, Votre Altesse ?

- Nakessa est la nièce de la reine, répondit Priam en se caressant le ventre, repu.

- Et alors ? fit Cyrus. Cela ne lui confère pas un titre spécial.

Il était assis à côté de Kalhan de l'autre côté de la table. Il replaça ses cheveux défaits derrière son oreille en adressant un regard à Floriel. Elle était en bout de table et s'essuyait le coins de la bouche avec une serviette soigneusement pliée.

- En fait, si, ( Kalhan reposa son livre et leva les yeux.) La reine n'ayant pas eu d'enfant, Nakessa a été désigné comme héritière du trône.

Annastasya haussa les sourcils. Voilà qui expliquait beaucoup de choses. Une princesse méprisante, hautaine et snobe. Tout à fait charmant.

- Et bien, commença Jazz avec enthousiasme, vous venez de rencontrer Nakessa Goodson Sale Garce, première du nom !

Annastasya sourit tandis que le rire des autres emplissait la pièce.

- Avoués quand même que Nakessa est sacrement canon, ajouta Priam. Pas étonnant que Keenon se soit laisser prendre au piège.

Cette remarque, par contre, n'amusa personne, pour des raisons différentes. Cela n'amusa pas Annastasya parce qu'elle ne portait pas Nakessa dans son coeur. Oui, c'était cela et non parce qu'elle était la copine de Keenon. Non, pas du tout.

- Par tout les Esprits ! s'exclama Jazz. Comment peux-tu mettre " Nakessa " et " Sacré " dans la même phrase ?

- Jazz, intervint Floriel, il n'est pas convenable pour une demoiselle de parler des gens dans leur dos.

- Tu aurais préféré qu'on le fasse devant elle ? Retorqua-t-elle d'un ton outré. Désolée, mais sa voix trop aiguë est très désagréable pour mes pauvres oreilles sensibles.

Nouvel éclat de rire. Floriel retira ses lunettes puis en essuya les verres avec un bout de tissu blanc. Annastasya trouva bon de changer de sujet avant qu'elle ne leur serve un cours de bienséance.

- La reine est-elle absente ? demanda-t-elle à personne en particulier. Je ne l'ai pas aperçu depuis que je suis ici.

- Elle est en mission secrète, acquiesça Priam.
( il passa les doigts dans les cheveux de Jazz. Celle-ci lui donna une tape sur la main.)
En tout cas, c'est ce que j'ai ouïe dire.

- Secrète ? fit Jazz, sceptique. Je crois que c'est en rapport avec...

- Jazz ! l'interrompit Floriel. Une mission secrète est sensée rester secrète. Sa Majesté s'est absentée pour une durée indéterminée. C'est tout ce que tu as besoin de savoir, lança-t-elle à l'attention de la jeune princesse.

Elle ne doit pas beaucoup m'apprecier, celle-là, songea Annastasya en portant son cidre à ses lèvres.

- Dis-moi, Annastasya, reprit Floriel, tu poses beaucoup de questions. Cela t'ennuirais-t-il si je te renvoyais la balle ?

La jeune princesse suspendit son geste. Elle jeta un regard surpris à Floriel.

- Pardon ? fit-elle pour gagner du temps.

Elle savait parfaitement ce qu'avait voulu dire la jeune fille par lui " renvoyer la balle ". En fait, elle s'était attendue à ce que l'un d'entre eux se montre assez curieux pour la questionner. Elle avait juste besoin de quelques secondes pour trouver des réponses.

- C'est que, expliqua Floriel, le Futurier ne nous a pratiquement rien dit sur vous.
(Elle désigna Cyrus d'un geste du menton.)
Tu comprends donc qu'on ait envie d'en savoir plus sur vous.

Sa voix était polie, mais son regard était suspicieux. Pendant quelques instants, Annastasya crû qu'elle était au courant de tout. Puis elle se souvint qu'Elynor, bien qu'il en sut plus qu'il ne devait, n'avait rien dit. Cyrus, quant à lui, ne se serait jamais confié à des gens qu'il connaissait à peine. C'était donc à elle de formuler les réponses comme elle l'entendait.

D'un air faussement décontracté, elle s'appuya contre le dossier de sa chaise. Elle allait s'atteler à mentir à cette fille qui se croyait maligne.

- Vas-y, je t'écoute.

Elle ne se fit pas prier.

- D'où venez-vous, lança-t-elle aussitôt.

La réponse fusa :

- D'Hérèbe !

Jazz toussota, mais Annastasya remarqua qu'elle essayait de masquer son rire. Floriel l'ignora.

- Et d'où exactement, à Hérèbe ?

- D'une petite ville près de la capitale qu'on appelle Danysis, mentit Annastasya. Elle se trouve un peu plus au nord. Mais je ne suis pas sûre que tu sache de quoi il s'agit.

- Je sait très bien de quoi il s'agit, rétorqua Floriel avec calme. Je ne suis peut-être jamais aller à Hérèbe - et je ne compte sûrement pas y mettre les pieds - mais j'en connaîs les villes.

- Tant mieux pour toi, dit la princesse avec une nonchalance feinte.

Le fait que Floriel en sache plus qu'elle ne croyait ne la rassurait pas du tout. Elle espérait surtout qu'elle ne connaissait pas les membres de la royauté.

- Je me suis laissée dire que vous viviez dans un orphelinat, continua-t-elle. Est-ce vrai ?

Annastasya ne se fit pas prier pour mentir. De toutes les façons, Elynor avait déjà entamé les choses.

- En effet. Il est dirigé par la mère de Cyrus. C'est elle qui nous a élevé, ajouta-t-elle en évitant le regard de son ami.

Un sourire apparu sur les lèvres de Floriel. Annastasya su que la suite ne lui plairait pas beaucoup. Du tout.

- Il y a aussi des orphelinats ici, tu sais. Et, à ma connaissance, aucun des occupants ne s'expriment aussi bien que vous. Et encore, vos manières sont curieusement distinguées pour des gens qui prétendent être orphelins. Comment expliques-tu ce fait ?

Annastasya se pétrifia. Tous les regards convergèrent dans sa direction. Ils semblaient en attente d'explications qu'elle ne pouvait donner.

Floriel l'avait prit au piège. Elle l'avait amener à confirmer qu'elle avait vécu dans un orphelinat pour pouvoir lui jeter son mensonge à la figure. Ceux qui vivaient dans les orphelinats s'exprimaient rarement aussi correctement qu'elle le faisant, et ils n'étaient pas connus comme connaissant les bonnes manières à table. C'était pour cette raison que Floriel avait attendu la fin du dîner pour la questionner.

A présent, elle ne savait plus quoi inventer pour se sortir d'affaire.

- Je ...bredouilla-t-elle en se disant que si elle ne trouvait pas un mensonge dans l'immédiat, Floriel verrait ses doutes se confirmer.

- Annastasya était la femme de chambre de la fille du conseiller de Danysis, intervint Cyrus en attirant tous les regards. C'est elle qui, dans sa grande bonté, lui a apprit les bonnes manières.

La jeune princesse considéra son ami avec surprise. Elle savait qu'il avait horreur du mensonge et pourtant, là, il mentait avec tellement de nonchalance qu'elle faillit le croire. En tout cas, il l'avait tiré d'affaire. Temporairement.

- Excuse-moi, mais ce n'était pas à toi que je m'adressais, répliqua Floriel de ce ton toujours poli.

- Excuse-moi, mais je crois avoir le droit de défendre mon amie, retorqua-t-il.

- La défendre ? ( les yeux de Floriel lançaient à présent des éclaires.) Ce n'est pas comme si je l'attaquais.

- Permets-moi d'en douter.

Ils se fusillèrent mutuellement du regard. Les autres, toujours silencieux - même Jazz ! - les regardaient sur le qui-vive comme s'ils s'attendaient à les voir se sauter à la tête. Annastasya préféra d'intervenir. Elle se leva brusquement, faisant racler sa chaise sur les dalles noires.

- Je crois que le dîner est terminé, je me retire.

Puis, elle traversa rapidement la pièce, empruntant le même chemin que Nakessa. Elle grimpa les escaliers quatre à quatre, déboula dans l'immense halle d'entrée puis grimpa les marches vers l'aile ouest. Là, elle s'arrêta pour reprendre son souffle.

Si elle avait crû que les choses se passerait sans encombre, elle s'était trompée. Alors que les autres ne semblaient se douter de rien, Floriel avait trouvé de quoi se méfier d'elle au point de la prendre pour une espionne, ce qui, en un sens, était le cas. Bien qu'elle ne fusse pas une espionne à la solde de son père, elle n'en demeurait pas moins coupable, étant donné qu'elle mentait sur la véritable raison de sa présence à Illyaque. Si quelqu'un venait à la connaître, c'en serait fini d'elle et de Cyrus. Et de son père.

Respirant un grand coup, elle s'élança dans les couloirs à la recherche de la bibliothèque où l'attendait Callum. Après une demi-heure passer à chercher, la jeune fille dû se rendre à l'évidence : elle était complètement perdue. Il y avait tellement de couloirs et de portes et aucunes de celles qu'elle avait ouvert ne donnaient sur une salle remplit de livres.

Au détour d'un couloir, elle s'arrêta devant une porte à double battant en chêne. Elle les ouvrit, espérant que se serait la bibliothèque.

La pièce était vaste et plongée dans la pénombre, mais Annastasya su que ce n'était pas celle qu'elle cherchait. Dans la faible lueur des chandelles, elle distingua des statues - certaines représentant une scène -, des tableaux, des sculptures et des tapisseries. Elle s'avança dans la salle, comme attirée par les tapisseries qui couvraient tout le mur du fond. Elles semblaient raconter une histoire.

La première montrait une ville où les habitants semblaient heureux. La deuxième présentait des nuages noirs au-dessus de cette même ville et sur la suivante, d'étranges créatures aux yeux luisants fondaient sur des hommes et des femmes aux visages déformés par la terreur. Il y en avait encore d'autres un peu plus loin sur sa droite. Alors qu'elle s'avançait vers elles, la jeune fille bouscula une petite sculpture qu'elle rattrapa avant qu'elle ne touche la sol.

- Ouf ! soupira-t-elle.

- C'est toi, Nakessa ? fit une voix masculine derrière elle.

Annastasya se retourna. Une tête blonde dépassait d'un des fauteuils près de la cheminée. Un feu doux brûlait dans l'âtre et faisait s'étirer l'ombre du fauteuil sur les murs. Lorsque le garçon se retourna - avec le fauteuil -, Annastasya remarqua qu'il s'agissait d'un fauteuil roulant. Le jeune homme portait une tunique et un pantalon noirs. Ses cheveux étaient courts et son visage aux traits fins lui donnaient une beauté douce et presque efféminée. Cependant, ce qui marqua le plus la jeune princesse fut son regard : une couleur émeraude qui lui semblait familière.

Il pencha la tête sur le côté, l'air interrogateur.

- On se connaît ?








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