Chapitre VIII. D'autres choix
Annastasya se sentait comme dans un brouillard. Elle avait les membres tout engourdis et ne sentait presque plus corps. La seule chose qu'elle ressentait vraiment était cette écrasante chaleur dont elle ignorait l'origine. Elle avait l'impression que du feu coulait dans ses veines et sur sa peau. Elle aurait aimé pouvoir bouger et aller se jeter dans une source d'eau fraîche pour apaiser la douleur. Elle essaya d'en faire abstraction mais ne réussit qu'à sombrer une nouvelle fois dans l'inconscience.
- Tu crois qu'elle va bientôt se réveiller ?
Silence.
- Je ne parirais pas là-dessus. Cela fait plusieurs jours ! Tu penses qu'elle est morte ?
- Ne sois pas bête, Jazz ! Tu vois bien qu'elle respire encore.
- Alors qu'est-ce qu'il l'empêche de se réveiller ? La fièvre est tombée la nuit dernière.
- Callum dit qu'il est normal qu'elle dorme; elle a besoin de se reposer.
- Quand même ! Cela fait trois jours !
Cela fait trois jours que suis dans cette état ? Suis-je morte ?
La jeune fille aurait voulu se réveiller mais n'y arrivait pas. Ses sens, mis à part l'ouïe, semblaient complètement endormis. Elle entendait ses voix qui conversaient tout près d'elle. Son esprit était encombré par un fouillis de rêves incompréhensibles. Elle se vit toute petite, courant à travers les couloirs du palais avec Cyrus. Elle vit aussi son père, la bouche maculée de sang. Puis elle se vit dans une bibliothèque, des livres lévitant au-dessus d'elle. Et enfin, un garçon lui apparut, ses cheveux sombres flottant autour de sa tête et ses yeux de feu la fixant avec intensité.
- Où est donc passé Keenon ? C'est lui qui l'a ramené alors il devrait s'en occuper.
- Il n'a pas remit les pieds ici depuis trois jours. De toutes les façons, il doit s'en moquer qu'elle aille bien ou non.
- N'empêche, je me demande si... Ha Kalhan, tu as vu ? Elle a bougé !
- C'est bon signe. Reste avec elle, je vais chercher Callum.
Annastasya avait l'impression que ses paupières étaient collées. Lorsqu'elle réussit à les ouvrir, elle les referma aussitôt, éblouie par une vive lumière. Elle cligna des yeux plusieurs fois pour s'y adapter. Au-dessus d'elle, la jeune fille distingua un plafond blanc au dalle craquelée sur lequel brillait quelques rayons de soleil.
Elle se redressa avec difficulté. Son corps était tout crispé et la faisait souffrir, surtout sa cheville. Elle regarda autour d'elle et vit qu'elle était allongée sur une paillasse. Derrière elle, une torche éteinte était accrochée à un mur et les trois autre côtés étaient encadrés de rideaux beiges. Sur le lit voisin, une jeune fille la regardait en enroulant des mèches de cheveux frisés autour de ses doigts. Elle lui était vaguement familière.
- Voilà que tu t'es enfin décidé à te réveiller, dit-elle. Bienvenue parmi les vivants. Tu as une sale tête, au passage.
Annastasya ne comprit pas vraiment ce qu'elle lui disait. Son esprit était encore embrumé.
- Je... ( sa voix était rauque et sa bouche sèche.) Je...
- Attends un peu. ( elle prit une tasse sur une petite table où reposait un récipient et des vêtements pliés puis la lui tendit.) Bois-ça, ça te fera du bien.
Le breuvage était épais et fumant et dégageait une délicieuse odeur. Elle y trempa les lèvres et constata que le goût égalait l'odeur. Sa chaleur fit un bien fou à sa gorge et à son estomac vide.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Aucune idée, répondit Jazz ( elle venait de se souvenir de son prénom.) avec un haussement d'épaules. C'est une des préparations de Callum. Ça va mieux ?
- Oui, merci. Qui est Callum ?
- C'est notre précepteur. C'est lui qui t'a soigné.
- Et où sommes-nous ?
- A la salle de guérison de Mysar.
- Mysar ? Tu veux dire...
- La capitale d'Illyaque, confirma Jazz. C'est Keenon qui t'a ramené alors que tu étais inconsciente.
Les souvenirs affluèrent dans l'esprit d'Annastasya. La forêt, le cimetière, Merly, Keenon et ses amis, Cyrus,... Cyrus !
- Où est Cyrus ? Demanda-t-elle en se dégageant de la couverture. Où est-il ?
Jazz la repoussa doucement dans le lit avec un air réprobateur.
- Ton ami va bien, d'accord ? Il ne va pas tarder à passer te voir, je pense. Pour l'instant, ne bouge surtout pas. Je vais aller chercher Callum pour qu'il puisse juger de ton état.
- Mais je...
- Pas de discussion, coupa Jazz. Je reviens tout de suite. Et ne bouge pas !
Elle tira l'un des rideaux puis sortit. Elle revint quelques secondes plupart.
- J'ai pris ça pour toi, dit-elle en désignant les vêtements sur la table. Tu ferais mieux de te changer, tu ne sens pas très bon.
Puis, Jazz s'en alla. Annastasya lui jeta un regard noir qu'elle ne vit pas. Elle se redressa puis posa les pieds sur le sol en marbre noir dont la fraîcheur la fit grimacer. Elle avait les pieds nus et ses vêtements étaient sales et déchirés par endroit.
Annastasya ouvrit la porte de la salle de guérison puis jeta un coup d'œil dans le couloir. Il était vide. Elle regarda sa tenue, les lèvres pincées. Après s'être débarbouiller, elle avait enfilé les jambières que lui avait laissé Jazz lui arrivant à mi-cuisse et la tunique bleu-foncé ressemblant à une robe sur elle. Elle avait dû retrousser les longues manches blanches jusqu'à ses poignées. Elle avait remit ses bottes trouvées a pied de la paillasse. C'était bien mieux que de se promener dans ses vêtements crasseux.
Elle s'avança dans le couloir en s'appuyant au mûr. Elle fit attention à ne pas s'appuyer sur sa cheville droite qui n'avait pas complètement guérit. Des lampes accrochées au mûr blanc éclairait cette vaste halée au sol en damier. Lorsqu'elle déboucha à un corridor, Annastasya vit quelques personnes défilées, sortant et claquant des portes. Elle comprit à la tenue de certains qu'ils étaient des employés. Aucun d'eux ne fit attention à elle, trop pressés qu'ils étaient. Une énième porte claqua, mais ce ne fut pas un employé qui sortit.
C'était Cyrus.
Il était habillé de noir de pied en cape et ses cheveux bruns frôlaient ses larges épaules. Il avait l'air frais, comme s'il venait de prendre un bain.
- Cyrus, appela-t-elle en faisant quelques pas dans sa direction.
Il se tourna vers elle, les yeux écarquillés de surprise. Puis il accourut et l'étreignit à l'en étouffer. Il était si grand qu'elle lui arrivait à peine aux épaules. La jeune fille sentit les larmes lui montés aux yeux, reconnaissant l'odeur de fougères si familière de son meilleur ami. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas ressentit ce sentiment de sécurité chaque fois qu'il la prenait dans ses bras.
Il la repoussa doucement puis la tint à bout de bras. Cyrus l'examina des pieds à la tête avant de croiser son regard.
- Ça va ? Tu te sens mieux ? demanda-t-il d'un ton inquiet. Tu n'aurais pas dû sortir si tôt, je vais...
- Je vais bien, d'accord ? Tu t'inquiète pour rien.
Il la lâcha, soupira puis se passa une main dans les cheveux. Annastasya remarqua qu'il avait de grosses cernes sous les yeux et les traits tirés. Il semblait complètement épuisé.
- Je suis soulagé que tu ailles bien, fit-il avec sincérité. Je présume que tu as parler à Callum. (elle fit non de la tête. Il fronça les sourcils.) Quoi ? Il faut absolument que tu le rencontre.
Sur ce, il la poussa dans le couloir. Malgré ses longues jambes, il marcha à petite enjambées pour qu'elle puisse le suivre sans difficulté.
- Annastasya Gray, lâcha son ami. Je leur ai dit que ton nom est Annastasya Gray. ( il haussa les épaules.) Je n'avais pas beaucoup d'imagination sur le moment alors j'ai prit le nom de ma mère. Cela te convient-il ?
Annastasya hocha la tête. Peu lui importait le nom que l'on lui donnait. L'essentiel était que personne ne découvre qu'elle était une Happen Sloe.
- Où est Kelia ? demanda-t-elle alors qu'ils traversaient une allée aux murs nappés de tapisseries. Et Elynor ?
- Kelia va bien, même si elle était hystérique de te voir inconsciente, fit-il avec un sourire. Quant à l'autre gamin, c'est un peu compliqué, je dirais.
Annastasya le regarda en coins. Il arborait un air étrange.
- Pourquoi ? Que lui est-il arrivé ?
- Rien du tout. Il s'est révélé être une personnalité très importante pour ce royaume, avança Cyrus.
- Ha bon ? Serait-il un prince ?
C'était probable. Personnalité très importante pouvait rimer avec membre de la royauté. Elynor, se rappela-t-elle, avait un certaine distinction dans sa manière de parler et de se tenir, comme un noble.
- Pas un prince, la contredit-il. C'est un Futurier.
- Un quoi ? ( elle se pencha pour éviter une servante très pressée.) qu'est-ce que c'est qu'un Futurier ?
- Lorsque vous étiez perdus dans la forêt, toi et l'autre-là...
- Keenon, lança-t-elle.
- ...On voulait aller à votre recherche, continua-t-il comme si elle n'avait rien dit, mais Elynor nous en a dissuadé. Il disait que votre seule chance était que nous sortions nous-mêmes d'abord. Et Kelia m'a raconté que c'était parce qu'on était hors de la forêt que vous avez pu vous en sortir.
- Il a prédit le futur, murmura la jeune fille. Elynor est une sorte d'Oracle, alors.
Cela ne la surprenait pas vraiment. Le garnement, avec ses yeux bleu-nuit qui semblaient à la fois vieux et jeune, lui donnait l'impression de connaître plus de choses que le vieux professeur d'histoire qu'elle avait laissé au Brisnates. Il avait su qu'elle avait des pouvoirs, à son grand étonnement et il lui avait aussi apprit qu'une barrière invisible protégeait la frontière et que seuls ceux qui avait des pouvoirs pouvaient...
Elle s'arrêta brusquement alors qu'une idée absurde lui germait dans l'esprit. Cyrus stoppa également et fit volte-face, l'air interrogateur. Un valet passa à côté d'elle en la bousculant; elle y fit à peine attention.
" il y a un mur invisible protégeant Illyaque que seules les êtres comme toi et moi peuvent traverser ", lui avait dit Elynor.
Or, Cyrus - chez qui elle n'avait jamais soupçonné une seule once de magie - se tenait juste devant elle. Soit Elynor etait un menteur éhonté, soit Cyrus...
Levant les yeux vers lui, elle constata qu'il avait deviné où ses réflexions l'avaient conduit. Son visage se ferma, son regard bleu-clair devint glacial.
Alors toi aussi, Pensa-t-elle la gorge nouée. Comment ai-je fais pour ne pas le voir ?
- Pourquoi tu...
- Tu comptes sérieusement me poser cette question ? coupa-t-il sèchement. Je ne crois pas que tu sois la mieux placée pour cela, étant donné que tu ne t'es pas confiée, toi non plus.
Annastasya soutint le regard assassin qu'il lui lançait. Il avait raison, bien sûr. Cependant, elle était beaucoup trop fière pour le reconnaitre.
- Et pourquoi aurais-je dû le faire alors que tu ne l'as pas fais, toi, rétorqua-t-elle avec mauvaise foi.
- Je t'en pris, ne joue pas à ça. ( il plissa les yeux.) J'entendais toutes ces rumeurs qui couraient à ton sujet pourtant, je n'y prêtais pas attention. Et tu sais pourquoi ? Parce qu'on était ami et que je pensais qu'au nom de cela, tu finirais par m'en parler !
La gorge serrée, la jeune fille ne su quoi répondre. Le fait qu'il ait mentionné leur amitié au passé la blessa profondément. Encore une fois, il avait raison. A la cour, les rumeurs couraient bon train à son propos. On racontait que sa mère était un démon et qu'elle-même était une sorcière. Heureusement, les gens se retenaient de la mener au bûcher parce qu'elle était la princesse héritière. Cyrus ne lui posait jamais de questions, se contentant d'être là pour elle.
Et je l'ai récompensé en m'éloignant de lui, songea-t-elle les larmes aux yeux.
Une femme de chambre rondelette portant des linges soigneusement pliés passa à côté d'eux en les bousculant.
- Écoute, commença Cyrus avec un soupire, ce n'est ni le moment ni l'endroit pour discuter de cela. Pour l'heure, il faut que tu vois Callum.
La pièce dans laquelle la conduit Cyrus était grande. Les murs gris étaient surplombés d'un plafond voûté en verre, d'où se déversait la lumière du jour. Des tables et des chaises étaient regroupées d'un côté. Des armes - épées, coutelas, dagues, arcs, arbalètes, hache, etc - occupaient le mur faisant face aux immenses fenêtres. Un large bureau en bois massif occupait un coins dans le fond près d'une cheminée. Un homme était assis dans le fauteuil noir juste derrière.
Il ne semblait pas les avoir remarquer. Lorsqu'ils firent quelques pas dans sa direction, il releva vivement les tête, surpris. Annastasya s'arrêta, étonnée de voir à quel point il était beau. Ses cheveux noirs reposaient en une longue natte sur son épaule. Il avait la peau pâle et son nez droit, son menton volontaire et ses prunelles améthystes lui donnaient un air angélique. Ce qui la surpris encore plus fut ses oreilles : longues et pointues.
Alors c'est lui, Callum ? Pensa Annastasya. Il est plutôt jeune pour un professeur.
Elle avait lu assez de livres de contes pour savoir qu'il s'agissait d'un elfe. Il se leva et elle remarqua qu'il était grand et mince. Il portait un long manteau et un pantalon blancs.
Il s'approcha d'eux, un sourire chaleureux aux lèvres.
- Ravis de voir que tu vas bien, dit-il d'une voix douce.
- C'est à vous que je le dois, apparemment. Merci.
- Non non ! Je n'aurais rien pu faire si Keenon ne t'avais pas ramené plus tôt. C'est lui que tu devrais remercier.
Il n'avait pas tors. Elle se souvint que Keenon l'avait rattrapé alors qu'elle perdait connaissance. Elle allait devoir le remercier.
Callum se tourna vers Cyrus.
- Cela t'ennuirait de nous laisser ? demanda-t-il poliment. Nous devons nous entretenir en privé.
La jeune fille jeta un coup d'œil en biais à son ami qui lui fit un signe de tête avant de s'éclipser de la pièce. Callum l'invita à prendre place dans l'un des fauteuils faisant face a la cheminée. Quand ils furent assis, il s'employa à la dévisager comme si elle était un nouveau spécimen à étudier.
- Je suppose que Cyrus ne t'a mis au courant de rien, commença-t-il.
- Non, pas vraiment, fit la jeune fille, méfiante. Que se passe-t-il ?
- Tu as été attaquée par une racine tueuse. (Il baissa les yeux sur sa cheville.) Tu as faillis y passer.
- Une racine tueuse ? Comment une racine a pu me blesser alors que j'avais mes bottes ?
- Elles sont épineuses et s'enfoncent dans n'importe quelles matières, attirées par le sang, expliqua le précepteur. Tu as été empoisonnée et le remède que je t'ai donné a, en quelque sorte, aggravé ton cas.
Annastasya se renforça dans le siège, les sourcils froncés.
- Comment cela ?
- Lorsque l'organisme d'un mage est attaqué, sa magie réagit pour combattre le virus. Tu me suis ? ( elle hocha le chef.) Il semblerait que mon remède ait interagit avec ton pouvoir, ce qui à dû te provoquer des sensations désagréables.
Annastasya frémit aux souvenirs des sensations désagréables qu'elle avait ressentit dans tout son corps.
- J'ai apprit que tu n'avais aucune maîtrise de tes dons et cela est très inquiétant. ( il sourit devant son air surpris.) Le Futurier m'en a parler.
Il faudrait qu'il apprenne à se mêler de ses affaires, ce Futurier, pensa Annastasya, agacée.
- Quoi de plus normal alors que je vivais dans un royaume où la magie est foncièrement punit, dit-elle d'un ton détaché.
Elle considéra ses mains, petites et aux doigts fins et aux ongles cassées. Était-elle vraiment capable de faire de la magie ? Elle avait méprisé la magie durant toute sa vie et ne s'était jamais demandée ce que ce serait de la pratiquer. Peut-être...
- Quoi de plus normal, en effet, reprit Callum, interrompant le fil de ses pensées, mais il faut que tu comprenne une chose.
Annastasya plongea les yeux dans les siens puis frissonna, sentant que son regard sérieux ne présageait rien de bon.
- Ta magie a été réveillée assez brusquement et deux options s'offrent à toi, souffla-t-il. Soit tu continues ton chemin comme si de rien était, soit tu reste à Mysar pour apprendre à contrôler tes capacités. Sache que, quelque soit ton choix, il aura un impact sur ton avenir.
Il se redressa sans la quitter des yeux.
- Réfléchis bien.
Salut !! Merci à ceux qui lisent ce livre. Cela me touche beaucoup.
J'apprecirai encore plus si vous me laissiez vos avis.
Bye
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