Chapitre III Danysis

- On est encore loin de Danysis ? Voilà des heures qu'on marche, se plaignit Kelia.

Cela faisait deux jours qu'elles avaient pris le chemin pour Danysis. Soit, depuis le jeudi. Elles campaient la nuit et à l'aube, elles se remettaient en route pour atteindre Danysis le plus tôt possible. Cette petite ville se trouvait dans une vallée à des dizaines de kilomètres du Brisnates, la capitale d'Hérèbe. À cheval, elles auraient pu y être en un seul jour. Cependant, un cavalier qui voyageait seul était une cible facile pour les brigands. A pied, elle avait plus de chance de passer inaperçu.

- Notre dernière pause remonte à trente minutes à peine, alors arrête de râler, marmonna Annastasya.

- Mais j'ai mal aux pattes, moi ! se lamenta le familier.

- Je te signale que la seule qui marche c'est moi, vu que tes pouvoirs te permettent de voler, déclara-t-elle d'un ton agacé.

- Hé bien, je suis fatiguée de voler. Si tu m'avais laissé me transformer, nous aurions pu y être en quelques minutes.

- Et ils nous auraient jeté dans un donjon en quelques secondes en te voyant, répliqua la jeune fille. Tu sais très bien que la magie est interdite à Hérèbe.

Kelia soupira. Elle trouvait stupide d'avoir des pouvoirs et ne pas avoir le droit de s'en servir. Tout cela à cause d'une éternelle guerre qui régnait entre deux grands États des Cinq Royaumes.

En effet, Hérèbe et Illyaque se livraient une guerre sans merci. Les hérèbiens étaient de simples humains et Illyaque étaient peuplé de créatures dotées de pouvoirs magiques. Ces deux peuples refusaient de cohabiter ensemble pour des raisons qu'elle ignorait. Ces mêmes raisons avaient fait l'objet de plusieurs guerres, dont la dernière remontait à cinq ans.
C'était pour cela qu'elle était invisible aux yeux des autres. Annastasya était la seule qui pouvait la voir car elle aussi possédait des pouvoirs magiques, héritage de sa mère.

Au bout d'un moment, Annastasya s'arrêta puis déclara :

- Nous y sommes !

Kelia leva les yeux pour observer les immenses portes de la ville grande ouvertes. Le mur d'enceinte était fait de pierre d'un gris terni par les années. Par delà, s'élevait le château en briques blanches du Conseiller de la ville. Annastasya pénétra dans Danysis qui grouillait de monde, le marché se trouvant juste à l'entrée. Un grand bâtiment en briques rouge s'élevait derrière le marché, des hommes et des femmes vêtus de longues robes blanches se promenaient sous le porche pour prêcher; c'était les consacrés de l'Assemblée Rouge.

- Rejoignez-nous, prêchait une consacrée. L'Assemblée vous protégera contre les envoyés du Damné.

Les envoyés de Damné était le terme que l'Assemblée attribuait aux mages du Royaume du Nord, autrement appelé Illyaque. Pour l'Assemblée Rouge, les mages étaient des êtres maudits.

Annastasya se détourna puis se faufila dans la foule brouillante. Plusieurs échoppes étaient disposées ça et là et proposaient différents produits. Sur sa gauche elle vit un poissonnier qui se disputait avec une femme maigre.

Un peu plus loin, sur des étagères en bois, étaient disposés des colliers et des bracelets de toutes sortes ainsi que quelques babioles. Le marchand, un homme grand et maigre à la longue barbe rousse, criait et vantait sa marchandise. Annastasya se dirigea vers lui.

- En voilà une charmante demoiselle, s'exclama l'homme en la voyant approcher. Alors qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? Ce collier en émeraude peut-être ?

Annastasya secoua le chef pour décliner l'offre.

- J'aurais besoin d'un renseignement, commença-t-elle. Savez-vous où je pourrais trouver les fanatiques de l'Ether dont parlent les rumeurs ?

Le marchant la considéra d'un air interloqué.

- Vous êtes pas au courant, petite demoiselle ? C'est que vous n'êtes pas d'ici. ( il se pencha vers elle.) Ces fous ont été chassé de la ville il y a une éternité.

- Mais pourquoi, donc ? Ils ne faisaient rien de mal.

- Rien de mal ? se récria-t-il. Ils remplissaient le crâne de nos mioches de sornettes. Me dites pas que vous y croyez, à ces histoires sur ce machin.

- Il n'y rien de mal à croire en l'existence de l'Ether, répliqua la princesse.

L'homme la dévisagea longuement comme pour savoir si elle plaisantait ou si elle était sérieuse. Voyant que son air était on ne plus sérieux, il éclata d'un fou rire.

- Vous en avez des bonnes, vous, s'exclama-t-il en riant de plus belle.

Annastasya lui lança un regard noir puis s'en alla. Elle reposa la même question à plusieurs passants et marchands mais sans succès. Certains l'ignorèrent et d'autres eurent la même réaction que le vendeur de colliers. Épuisée, elle s'assit au bord d'une fontaine se trouvant au milieu du marché. Elle voulut s'asperger le visage mais se retint; l'eau puait et était remplie de saletés.

- C'est peine perdue ! s'exclama Kelia. Je savais que c'était une mauvaise idée. Et si on rentrait ?

- Je ne renoncerais jamais ! On trouvera forcément quelqu'un pour nous renseigner.

- Mais tu as bien vu qu'ils te prenaient tous pour une folle. Et puis, ils pensent que l'Ether est un mythe.

- Peu importe ce qu'ils pensent, répondit Annastasya d'une voix impatiente.

- Sale gamin ! s'exclama une voix bourrue. Je vais t'apprendre à me voler.

- Vous n'avez pas honte de vous en prendre à un enfant, fit une autre voix scandalisée.

Annastasya se leva puis se dirigea vers l'attroupement de personnes d'où provenaient ces voix. Elle vit un homme corpulent qui tenait fermement la main d'un petit garçon se disputant avec une femme qui était entourée des trois enfants. Annastasya regarda autour d'elle, s'attendant à voir la Garde intervenir. Elle fut déçue. S'il y avait une garde royale dans cette ville, elle se fichait bien de la population.

- Il n'avait qu'à ne pas s'approcher de mes miches de pains !

- S'il l'a fait c'est parce qu'il avait faim. Vous êtes sûrement assez intelligent pour le comprendre.

- Qu'il aille se nourrir ailleurs s'il a faim ! Moi aussi je dois nourrir ma famille. Je suppose qu'une folle comme vous ne peut pas le comprendre.

- Je ne suis pas folle ! Est-ce ma faute si vous refusez de voir la vérité ? lança la femme.

Annastasya se dirigea vers l'homme sous le regard incrédule de Kelia. Elle se planta devant le boulanger puis redressa le menton en signe de défit.

- Lâchez-le ! fit-elle d'un ton sec.

L'homme la jaugea de haut en bas.

- Ça ne te regarde pas, la gamine !

- Vous voulez combien pour tout ça ? demanda-t-elle en désignant les miches de pain disposées sur la table.

- Va jouer ailleurs!

Ne se démontant pas, Annastasya plongea la main dans son sac à dos puis y retira sa bourse. Elle prit une dizaine de pièces d'or gravé à son image qu'elle jeta au pied de l'homme. Toute l'assistance poussa une exclamation de surprise. Qui était cette jeune fille ? D'où venait-elle ? C'étaient les questions que tous se posaient.

Voyant toutes ces pièces tomber devant lui, l'homme lâcha le petit garçon puis se baissa pour les ramasser. Annastasya ne lui jeta pas un regard puis se dirigea vers la table remplie de pain. Elle les ramassa morceaux par morceaux en les rangeant dans un panier qui se trouvait également sur la table; cela compensait les dix pièces d'or, étant donné que ces morceaux de pain n'en valaient même pas cinq. Elle prit le panier puis le tendit à la femme, qui jusque là n'avait pipé mot. Kelia sourit. Annastasya avait beau jouer les indifférentes, elle savait qu'au fond elle était quelqu'un de bien.

La dame la dévisagea tranquillement. D'où pouvait bien sortir cette jeune fille qui lui tendait ce panier tout plein de pain et qui, pourtant, n'affichait aucune émotion sur son visage ? Cette fille ressemblait à l'une de ses connaissances. Subitement, un sourire se dessina sur son visage. Elle attrapa le panier puis la main de la jeune femme et la tira à sa suite.

Elles traversèrent le marché puis se dirigèrent vers les habitations. Elles dépassèrent des grandes maisons aux immenses portails en fer et s'enfoncèrent dans un quartier aux habitats modestes. Annastasya se retrouva dans une petite maison et entourée d'une dizaine d'enfants. Certains jouaient dans un coin tandis que d'autres lisaient des livres. Son regard fut attiré par un petit garçon assis tout seul dans un coin et qui la dévisageait. Elle s'approcha puis s'accroupit devant lui. Il était mince, avait des yeux d'un bleu aussi sombre qu'une nuit sans étoile et de courts cheveux argentés. Ce qui l'intriguait le plus était qu'il ne la regardait pas elle, mais plutôt son épaule gauche où s'était assise Kelia.

- J'ai l'impression qu'il te voit, murmura-t-elle à Kelia.

- Moi aussi. Pourtant il semble le seul, vu que les autre ne m'ont pas remarqué.

- Comment t'appelles-tu ? tenta Annastasya.

- Il ne parle pas, répondit la femme à la place de l'enfant.

Annastasya se redressa puis se tourna vers la dame qui s'affairait sur une table en face de la cheminée où brûlait du bois.

- Ou du moins plus, continua-t-elle. Cela fait cinq ans qu'il est avec nous et il n'a ouvert la bouche qu'une seule fois, uniquement pour nous donner son prénom. Elynor.

- Pourquoi vous occupez-vous de ces enfants alors qu'il ne sont pas les vôtres ? lança Annastasya, sachant que cela ne la regardait pas.

- Voyez-vous, je n'ai pas eu la chance d'avoir des enfants alors je m'occupe de ceux qui n'ont plus de famille.

Annastasya fronça les sourcils. Sa mère l'avait eu elle, pourtant elle l'avait lâchement abandonné. Elle aurait préféré que cette femme soit sa mère. Elle ne l'aurait pas quitté, elle. Elle secoua vivement la tête. Qu'est-ce qui lui prenait de penser à ça maintenant ? Elle devait retrouver l'Ether et c'était tout ce qui importait.

- Vous avez déjà entendu de ces gens qui croient en l'existence de l'Ether ? demanda soudain Annastasya.

La dame se figea. Annastasya le remarqua puis fronça les sourcils.

Elle sait quelque chose. Peut-être fait-elle partie de ces " fous".

- Bien évidemment, murmura-t-elle.

Puis lentement, elle se retourna pour faire face à Annastasya. Celle-ci en profita pour la détailler. Elle semblait jeune, on lui donnerait à peine trente ans. Elle avait rassemblé ses longs cheveux roux en un chignon d'où s'échappaient quelques mèches qui encadraient son visage au menton pointu. Ses grands yeux bleus la scrutaient. Elle lissa les plis de sa jupe des ses doigts aux ongles cassés.

- Cependant, tout le monde s'accorde à dire que l'Ether est une légende, fit-elle avec un sourire forcé. Pas vous ?

Annastasya leva un sourcil sceptique, comme pour dire qu'elle n'y croyait pas pour un sou.

- Pourquoi vous intéressez-vous tant à cet objet ? l'interrogea la dame.

Voyant que la jeune fille ne répondait pas, elle n'insista pas puis se retourna pour terminer sa préparation. Elle sursauta lorsqu'elle entendit la voix froide d'Annastasya.

- Il faut que j'y aille.

- Mais non, restez dîner avec nous.

- J'ai déjà perdu assez de temps. Je dois me remettre en route avant le couché du soleil, dit-elle en se dirigeant vers la porte.

La femme la regarda partir puis l'interpella.

- Attendez !

Annastasya se retourna vers elle avec un regard interrogatif. Celle-ci alla farfouiller sur une étagère, prit un livre puis se dirigea vers Annastasya.

- Prenez ça, cela pourrait vous être utile, fit-elle en lui tendant le livre.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Une carte, dit simplement la femme.

Annastasya considéra le bouquin d'une mine sceptique. Un livre de contes pour enfants ?
Ne voulant pas froisser cette bonne femme, la jeune princesse la remercia d'un signe de tête puis s'en alla sans se retourner.



Coucou !!!! Vous en pensez quoi de ce chapitre ? Humm ? Bon c'est à partir de là que l'histoire commence vraiment. J'espère que la suite vous plaira. Bye😘😘😘

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