LECTEURS ET FANS : FORCE CRÉATRICE, FORCE DESTRUCTRICE
Bonjour à tous ! Cette semaine, on s'intéresse à un nouveau sujet assez tabou. A l'ère du numérique, on pense beaucoup trop rapidement que l'avis du lecteur est sacré et passe avant tout le reste. Sauf que c'est une grosse erreur, et nous allons voir ensemble pourquoi.
1. Le lecteur : Saint-Graal de l'écriture
Avec l'explosion de la littérature pour tous, comme nous l'avons déjà vu, la recherche de reconnaissance a pris le pas sur tout le reste : on écrit pour recevoir des avis, et on est prêt à tout pour en avoir, quitte parfois à se mettre la pression par crainte de décevoir un lectorat qui, au final, n'est là que par intérêt. Clairement, avec l'offre et la demande disponible en ligne aujourd'hui, le lecteur ne s'attarde pas sur les textes : un retard ? Pouf, on ne lit plus. Un auteur qui a répondu trop sèchement ? Pouf, on ne lit plus.
Des plateformes comme Wattpad ou Fyctia ont fait du lecteur un consommateur, juste comme sur Youtube : il lit ce qu'il veut, quand il le veut, et s'il se lasse, il s'en va. Cette nouvelle réalité ne colle plus du tout à cette image du lecteur fidèle qu'on pouvait encore avoir il y a une dizaine d'années. Malgré quelques irréductibles survivants de cette époque, le lecteur fidèle qui accourt après chaque chapitre, il n'existe plus. Il faut vous faire une raison.
Ce développement de la lecture de consommation a provoqué des catastrophes en chaîne, dont la plus connue est la course aux vues que l'on trouve malheureusement sur presque toutes les plateformes d'écriture aujourd'hui, même celles qui étaient encore épargnées jusqu'ici comme Fanfiction.net ou Scribay. Wattpad a jeté une bombe dans le milieu de la littérature et s'est imposé comme un modèle à suivre, en bien ou en mal, ça, c'est à vous de le décider.
Nous avons vu dans de précédents articles que cette course à la visibilité a l'avantage d'attirer, lorsqu'on s'y prend bien, pas mal de retours sur nos textes. Bien sûr, si la grosse majorité d'entre eux est bienveillante et encourage à l'amélioration, n'oublions pas que, malheureusement, toute popularité naissante a de gros désavantages et en particulier celui d'attirer le mauvais œil.
Dans un monde où le lecteur est roi, où est la place de l'auteur ? Doit-il s'abaisser à toutes ses exigences pour être lu ou au contraire lutter contre cette pratique ? Cette semaine, je vous entraîne dans le côté sombre des commentaires, ceux qu'on aimerait éviter, mais qu'on finit par rencontrer tôt ou tard dès lors qu'on pactise avec les réseaux sociaux et les plateformes d'écriture.
2. Le pouvoir aux lecteurs : une force créatrice
Bon, on en a déjà beaucoup parlé, mais avant de partir dans les choses qui fâchent, j'aimerais tout de même rappeler que le lecteur, c'est avant tout une aide précieuse et indispensable pour l'auteur. En effet, un auteur évolue principalement par la critique, bonne ou mauvaise, qui permet de se rendre compte des différents problèmes de notre texte. C'est ce type de lecteur que vous cherchez avant tout.
Les lecteurs, c'est aussi un soutien non-négligeable lorsqu'on manque de confiance en soi. Même si les avis ne sont pas forcément très construits, savoir qu'on est lu est toujours quelque chose d'encourageant. Le top du top, c'est bien entendu les lecteurs réguliers avec qui on finit par se lier d'amitié. J'en ai beaucoup pour ma part, et c'est en partie eux qui me poussent aux fesses quand j'ai des pertes de motivation sur certains textes.
Le lecteur agit comme un moteur. Lorsque l'on sait que quelqu'un attend la suite d'une de vos histoires, ça donne envie, ça booste à continuer, parce que ça fait au moins plaisir à une personne. C'est une très bonne chose. Je le dis et le répète, écrire parce qu'on a envie d'être lu, c'est un moyen totalement valide d'écrire et ne laissez personne vous dire le contraire.
Mais, on ne va pas se mentir, ce côté un peu idéaliste du lectorat est un peu contrebalancé par une façade beaucoup moins joyeuse qui peut pourrir votre expérience d'écriture, et c'est sur cette dernière que j'aimerais vous alerter aujourd'hui.
3. Donner le pouvoir aux lecteurs : une grosse erreur ?
On va commencer par un premier problème très classique dans lequel bon nombre d'auteurs débutants tombent : non, le lecteur n'a pas entièrement le pouvoir sur votre texte. Au cours de mes nombreuses bêta-lectures, j'ai remarqué que certains auteurs ont tendance à prendre la critique à cœur et à modifier absolument tout ce que pointe le bêta-lecteur, même lorsqu'ils ne sont pas d'accord avec les modifications. Refuser la critique en boucle, oui, c'est mal, ça témoigne d'une absence de remise en question. En revanche, vous avez parfaitement le droit de poser des questions sur certains commentaires critiques : pourquoi ce ressenti ? Dans le texte, qu'est-ce qui t'as dérangé ? Ce type de questions vous permet d'analyser une situation avec votre œil d'auteur.
La critique n'est pas là pour vous imposer des choses, jamais. Tout comme les conseils d'écriture de ce blog, c'est un outil de travail. On vous donne des clés en main, c'est à vous de choisir si elles sont pertinentes ou non dans votre cas. Les critiques, aussi bons et sincères soient-ils, ne sont pas dans votre tête et n'ont donc pas toutes les clés pour vous aiguiller correctement. Ils sont humains aussi. Par exemple, si vous faites passer un message dans votre texte et qu'un lecteur le comprend mal, plutôt que de vous braquer ou d'obéir à ses moindres désirs, demandez-lui ce qu'il a compris, ça vous permettra de réajuster le tir.
Aujourd'hui, l'écriture est collaborative, un auteur n'écrit jamais seul, il y a des yeux partout pour proposer des modifications sur votre texte. Si un point est soulevé et vous inquiète, demandez à d'autres personnes s'ils ont le même ressenti. Plusieurs avis valent toujours mieux qu'un. Mais la décision de modifier, elle revient à vous et vous seul.
Céder à tout les caprices des lecteurs, c'est risquer de perdre à la fois le plaisir d'écrire et la personnalité, le message de votre texte. Vous pouvez demander l'aide de vos lecteurs, mais il est impératif que vous gardiez la maîtrise de votre texte afin de vous interposer. Si une critique est infondée ou vous semble pointer un aspect mal compris du texte, dites-le, tout simplement. C'est comme ça qu'on avance.
3. Gérer les commentaires haineux et les remarques blessantes
Posez des limites claires à vos lecteurs sur ce que vous acceptez comme commentaires. Si tout commentaire constructif est bon à prendre, certains avis ne sont absolument pas les bienvenus. Si certains sont clairement orientés vers la haine et le plaisir de détruire, d'autres passent comme inaperçus mais sont tout aussi destructeurs.
Le cas le plus commun, c'est malheureusement celui des haters. En ligne, il suffit qu'un individu se détache du lot pour être la cible de moqueries de jaloux qui n'ont rien à faire de leur vie. J'en ai déjà eu, de nombreux auteurs en ont déjà eu, et on doit malheureusement faire avec. Pour commencer : ne leur accordez aucune importance. C'est exactement ce qu'ils recherchent. Ils attaquent souvent les points faibles d'un auteur dans le but de le détruire moralement, de lui faire mal. La meilleure défense contre eux, c'est le bouton "Bloquer". Si vous n'avez pas envie de discuter avec ce genre d'individus, bloquez et n'y accordez plus d'importance. L'ignorance est une arme efficace.
En cas de raid et de harcèlement, je vous rappelle également que vous êtes couverts juridiquement. Le cyberharcèlement n'est jamais une solution et doit toujours être fermement condamné. Ce n'est pas en se cachant derrière un pseudo que vos agresseurs ne seront jamais inquiétés. Ne leur montrez jamais que vous avez peur, ils vont en profiter.
Pour ce qui est des remarques maladroites sur vos textes, il y en a deux sortes vraiment horripilantes.
Les premiers sont les commentaires pas forcément malveillants, mais malheureusement très destructeurs. Ils ne sont pas considérés comme des remarques négatives, voire même par certains comme des compliments, mais tous les auteurs ne réagissent pas pareil et vous devez en avoir confiance. Le "ton style ressemble à celui de [auteur connu]" n'est pas du tout une bonne remarque et peut tuer un artiste dans l'oeuf.
Dans cette société où l'individu est placé au cœur, on a vu plusieurs syndromes apparaître, l'un d'entre eux, c'est le syndrome de l'imposteur. Celui-ci s'accouple souvent avec une anxiété créatrice : un auteur ne se sent pas légitime de créer et hésite donc à montrer son travail. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, énormément d'artistes sont touchés par ce mal, tout simplement parce que la reconnaissance du statut d'artiste en France est misérable. De ce fait, lorsque vous dites à un auteur que son style ressemble à celui de quelqu'un d'autre, il l'interprètes comme "mon travail n'est pas original et ne vaut pas la peine d'être vu". Et ça peut détruire des vocations. Attention donc avec ces remarques.
Le deuxième problème, bien plus volontaire, apparait chez les critiques expérimentés, notamment sur les forums. Lorsque l'on est installé dans une communauté, on a tendance à prendre les nouveaux de haut, tout simplement par sentiment irrationnel qu'ils vont chercher à prendre notre place. Eh bien votre inconfort n'est pas une raison pour descendre les textes qui ne vous conviennent pas. Le manque de bienveillance de certains critiques fait très froid dans le dos. Je ne donnerais pas le nom du forum qui me trotte en tête, mais non, ce n'est pas et ça ne sera jamais une bonne façon de critiquer un texte. Lorsque vous commentez, on vous demande de trouver des points faibles et des points forts, on ne vous demande pas d'utiliser les points faibles pour planter l'auteur. Ce manque de bienveillance tue de jeunes artistes parce qu'ils n'ont pas le recul nécessaire pour capter vos sarcasmes et piques ironiques. La majorité des auteurs en ligne ont entre 15 et 25 ans, ils sont jeunes ! Ce serait bien de le prendre en compte, parce que clairement, certains gros cons ne méritent même pas d'être lus.
4. Les dangers du fanatisme
Dernier point, celui qui me tient le plus à cœur, ce sont les dérives liées au fanatisme. Ici, je vais surtout pointer les auteurs de fanfictions, parce que je connais mieux ce milieu et que j'ai été victime de ce que je vais vous raconter, mais ça concerne vraiment tous les textes étant donné que cette pratique se répand de plus en plus. Et c'est un fléau.
Premièrement, catégoriser les fans, c'est débile. Il n'y a pas de bons fans et de mauvais fans, de gentils et de méchants fans. Il faut bien l'avoir en tête. Lorsqu'on aime un sujet, on est fan et c'est tout. Ainsi, en tant que fan, vous êtes priés de respecter le fait que l'auteur (qu'il soit celui du fandom des fanfictions, ou l'auteur du texte que vous lisez) n'a pas la même vision des choses que vous. Lorsqu'on écrit des fanfictions ou un roman, le processus est le même : on s'approprie un univers, on le travaille à notre sauce et on l'offre à nos lecteurs. Cet univers créé, dans le cas des fanfictions, peut être plus ou moins proche de celui de l'univers original, MAIS ce n'est PAS l'univers original. C'est l'univers de l'auteur, avec sa vision du monde, des personnages, de l'intrigue. Si elle vous déplaît, vous avez le droit de le manifester, mais vous n'avez pas le droit de l'invalider sous prétexte que vous ne l'écrivez pas de la même façon.
Je trouve parfaitement intolérable que certains membres de communautés agressent jusqu'à l'auteur original de l'univers sur lequel ils écrivent tout simplement parce que LEUR vision n'est pas la même. Je vais vous raconter par exemple mon histoire, et celle du fandom Sherlock, parce qu'elle est quand même assez incroyable.
Dans le fandom de la série Sherlock, on trouve beaucoup de fans du JohnLock (à savoir une vision FICTIVE, retenez-bien ce mot, d'une relation sexuelle entre Sherlock Holmes et John Watson). Le problème, c'est que les membres de cette communautés ont décidé de faire de leur pensée la seule et unique. Ils ont commencé par harceler l'actrice qui jouait Mary, la femme de John dans la série, qui était aussi la compagne à l'époque de l'acteur qui joue John Watson afin qu'elle le quitte pour qu'il puisse se mettre en couple avec l'acteur qui joue Sherlock. Le couple a volé en éclat sous la pression, et pire encore, tous les acteurs de la série n'ont plus jamais remis les pieds sur les réseaux sociaux. Sympa, n'est-ce pas ?
L'autre exemple, qui m'a touché personnellement, c'est que cette communauté a décidé qu'elle serait la seule valide dans le royaume des fanfictions. Tout auteur écrivant autre chose que du Johnlock se faisait donc harceler jusqu'à ce qu'il craque et arrête d'écrire. Pour ma part, l'affaire a été plus loin puisqu'un taré en est venu à chercher mon adresse et m'envoyer des menaces de mort par courrier. Oui, pour une fanfiction. J'ai quitté ce fandom et n'y ait plus jamais remis les pieds depuis.
Vous pensez que c'est un cas unique ? Essayez donc de formuler une remarque négative sur Avengers : Endgame sur les réseaux sociaux et attendez quelques jours. Les remarques qui vont pleuvoir sur vous sont effrayantes.
Le fanatisme extrême, c'est mal. Ça détruit des auteurs, ça détruit l'esprit original et bon enfant d'un texte. Même si vous êtes fan, l'auteur reste la seule figure d'autorité sur son texte, vous n'avez aucunement le droit de lui imposer votre vision d'un texte et encore moins de le pousser à simplement cesser tout contact avec d'autres auteurs tout simplement parce qu'on vous a dit non.
En tant qu'auteur, protégez-vous et prenez des mesures contre le fanatisme. Tempérez ceux qui se montrent trop enthousiastes sur vos textes pour éviter que leurs réactions deviennent agressives si le texte ne prend pas la direction qu'ils veulent. Ne vous laissez surtout pas faire si vous devenez la cible d'un groupe de fans trop extrêmes, c'est le pire moyen pour leur donner raison et c'est quelque chose que je regrette encore aujourd'hui : depuis mon départ, le fandom Sherlock s'est radicalisé encore plus et je peux vous dire que, tout comme les acteurs, je suis heureuse que la série soit arrêtée parce que ça fait extrêmement peur.
Malgré tout, vous avez le droit d'être fan, hein ! Ce ne sont que des cas mineurs, ne vous interdisez surtout pas de soutenir et créer autour de vos auteurs préférés, faites-le juste avec bienveillance et modération.
C'est tout pour cet article ! Il aura mis du temps à arriver et je m'en excuse. J'ai eu ma soutenance de stage, et j'ai appris très récemment que j'ai obtenu un entretien pour le Master Création Littéraire du Havre. On croise donc les doigts en espérant que tout se passe bien mercredi. Je souhaite un bon courage à tous ceux qui sont encore coincés dans les exams et on se retrouve bientôt pour de nouveaux articles ! Des bisous !
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