LE ROMAN EPISTOLAIRE
Bonjour ! Cette semaine, nous nous intéressons à un sous-genre de roman encore assez méconnu aujourd'hui et qui mériterait pourtant une bonne renaissance : le roman épistolaire !
1. L'épistolaire, c'est comme d'la crème solaire ?
Au risque de vous décevoir, non, ce n'est pas de la crème solaire. Le roman épistolaire, régulièrement rétréci à « genre épistolaire » ou « l'épistolaire » tout court est un sous-genre de notre bon vieux roman classique. Cependant, sa forme est un peu particulière puisqu'il se présente sous forme de lettres, d'un personnage à un ou plusieurs autres. Généralement, chaque chapitre correspond à une lettre.
Le genre est né au XVIIe siècle et deviendra extrêmement populaire au XVIIIe siècle avant de s'essouffler progressivement et de presque disparaître aujourd'hui. Et c'est intolérable messieurs, mesdames, nous y reviendrons ! Parmi les auteurs emblématiques du genre, on trouve Les Lettres Persanes de Montesquieu, qui nous présente la vie de Paris du point de vue de deux étrangers persans. On a ensuite La Nouvelle Héloïse, de ce cher Jean-Jacques Rousseau (que je déteste de toute mon âme. Nan, mais sérieux, il a fait que chouiner. TOUTE SA VIE.) qui est un très bon roman si vous voulez pleurer un peu. C'est un des textes emblématiques de la Philosophie des Lumières, n'hésitez pas à foncer dessus. Et, bien sûr, le maître du genre, Choderlos de Laclos (à ne pas lire comme Brice de Nice, bande d'hérétiques), avec Les Liaisons Dangereuses. Même moi qui n'aime pas la romance, j'ai suradoré ce livre. Il est encore extrêmement d'actualité et vous devez le lire au moins une fois dans votre vie. Il n'y a pas à discuter.
Le roman épistolaire, notamment celui de Laclos, a eu une postérité extrêmement forte. Au XVIIIe siècle, ils se vendaient comme des petits pains et beaucoup pleuraient devant ces histoires d'amour abracadabrante. Et j'espère aussi qu'ils gueulaient sur la Marquise de Merteuil comme moi je le faisais parce que cette meuf est vraiment démoniaque et horrible. Mais je l'aime bien, étrangement. C'est ce qui explique qu'on l'étudie encore aujourd'hui, d'ailleurs.
2. Les caractéristiques de l'épistolaire
Pour commencer, dans sa version classique (puisque ça a évolué depuis), les lettres devaient respecter beaucoup de contraintes. Bah oui, parce qu'on est loin des cartes postales que t'envoient pendant les vacances ici. L'épistolaire, c'est comme la crème solaire, c'est quelque chose à ne pas prendre à la légère.
En fait, il faut que ça respecte les codes de la lettre. Comme on n'en écrit plus des masses, voici un petit rappel de ce qui doit s'y trouver :
- Une date, qu'elle soit en haut ou en bas de la lettre, ce n'est pas le plus important. Cela servait, lorsque la correspondance se faisait sur plusieurs centaines de lettres, pour pouvoir dresser des archives. C'était également l'excuse de plusieurs auteurs du XVIIIe siècle, qui, pour éviter la censure, disaient avoir trouvé un paquet de lettres datés complètement par hasard pour le publier. Nah, personne n'y croyait, même pas vous.
- Une salutation, ou non. Quand on en met pas, cela peut être un indicateur d'agacement ou d'énervement par exemple. C'est le fameux « Cher Bidule ». Bien sûr, ça, c'est la formule classique, mais ça peut varier. Si vous appelez votre petit ami « Ma petite saucisse », vous pouvez très bien noter « Ma chère petite saucisse » en haut de votre lettre, personne ne dira rien. En effet, le principe de l'épistolaire, c'est que le lecteur entre dans l'intimité de vos personnages. A partir de là, vous pouvez caser autant de références sexuelles que vous voulez, personne vous le reprochera, c'est personnel :3
- Le corps de la lettre est le contenu, le message que vous voulez faire passer à votre lecteur, nous y reviendrons juste après.
- La conclusion de la lettre se présente généralement par une formule d'adresse, le traditionnel « Cordialement » que là aussi vous pouvez remplacer par des mots gentils, et une signature, le prénom et nom de votre personnage.
Donc, ça, c'était pour la construction de la lettre. Si l'on s'intéresse maintenant à son contenu, on peut remarquer que c'est un peu plus compliqué qu'un simple échange de lettre. Pour commencer, n'oubliez pas que vous écrivez un roman. Il faut donc une intrigue et c'est peut-être la chose la plus difficile à installer dans votre échange de lettre. Dans le cas classique d'une liaison amoureuse, vous devez faire évoluer la relation de votre personnage uniquement via les lettres. Plus de descriptions extérieures pour vous aider, seulement une feuille de papier et des états d'âme.
En revanche, là où un roman exige une maîtrise de la langue pour décrire, dans un roman épistolaire, il est très facile d'adapter le langage utilisé à l'époque d'écriture. On pourrait très bien imaginer des rencontres. Cela ne veut cependant pas dire qu'il faut bâcler et mettre des fautes partout ! Ca reste un exercice littéraire et il faut prévoir des images. Je vous rappelle que la littérature ne se lit pas, elle se voit et s'entend. Une lettre qui renvoie des images, via les figures de style pour ceux qui ne comprennent pas ce que je vois, sera mieux comprise par votre lecteur. Dans le roman, il est facile d'attacher le lecteur à un personnage, dans le roman épistolaire, le rapport est plus froid, il faut donc redoubler d'efforts !
Enfin, comme je le disais plus haut, les lecteurs entrent dans l'intimité des lecteurs. Il y aura donc forcément le même problème qu'en fantasy : comment expliquer votre univers aux lecteurs ? Ils ne sont pas dans votre tête, c'est vous qui devaient les inclure. Il faut donc bien expliquer les relations, ne pas aller trop vite et bien ouvrir la scène pour permettre aux lecteurs de saisir les personnages. Je vous conseille par ailleurs d'éviter d'en mettre plus de deux ou trois si vous n'arrivez pas encore à leur trouver une identité propre et distincte au niveau du style. De même, n'hésitez pas à utiliser le récit inséré, c'est-à-dire raconter des scènes de vie, à la manière d'un roman, pour illustrer des actions importantes que vos lecteurs ne verront pas, eux !
3. Comment renouveler le genre épistolaire ?
Maintenant que vous avez les bases, il est tant de faire un constat important : en 2017, plus personne n'écrit de lettres. Et c'est une des raisons pour laquelle le genre épistolaire est en voie de disparition. Voici donc quelques idées et pistes pour l'adapter à aujourd'hui.
Premièrement, si l'on veut vraiment garder le principe des lettres, je pense qu'il serait bon de varier le thème des romans épistolaires. Dans une grande majorité des cas, ça traite d'amour, de liaisons dangereuses : bref, inspiration de Laclos, c'est totalement normal. Montesquieu, dans Les Lettres Persanes, a lui engendré un mouvement moins connu : celui des étrangers qui, plongés dans une société inconnue, la décryptent via des lettres envoyées le plus souvent à des personnes restées dans le pays dont ils sont originaires. C'est un concept très intéressant, qui permet de parler social, religion, politique. Si vous aimez critiquer la société, c'est fait totalement pour vous ! Cette idée peut également être adaptée au XXIe siècle, puisque, pour moi, c'est vraiment ce qui manque aujourd'hui : des jeunes qui expriment ce qui ne va pas dans cette société stupide et dépourvue de sens. Alors n'hésitez pas ! (et si vous en écrivez, ma boîte MP est grande ouverte !) Pensez aussi aux correspondances de guerre, comme avec les Poilus qui écrivaient à leurs femmes depuis le champ de bataille. Ca peut faire un très bon roman épistolaire historique !
Bien, maintenant, imaginons un instant que ce concept de l'étranger, on le déplace aux genres de l'imaginaire. Un alien débarque sur Terre et doit s'adapter chez les hommes (ou inversement), un nain se retrouve coincé chez les elfes, ... J'ai pas d'exemples qui me viennent en tête, donc je suppose qu'il y en a très peu. Le genre est donc presque vierge, pourquoi ne pas tenter ? Que ce soit dans le domaine de la critique, de l'amour ou même une guerre. Pas de limite, vous pouvez même critiquer notre société par des biais cachés. N'est-ce pas le genre idéal pour faire ça ? Je ne peux que vous encourager à foncer et, si vous en écrivez déjà, à m'envoyer tout ça parce que j'avoue être très, très intéressée.
Parlons actualité maintenant ! On est en 2017 aujourd'hui, qu'est-ce qu'il y a en masse, partout autour de vous ? Des boîtes mails et des téléphones ! L'échange d'E-mails fictifs a eu un petit succès il y a quelques années, qui est vite devenu démodé. En même temps, les mails sont de moins en moins utilisés pour écrire des lettres d'amour enflammées aujourd'hui, donc cette disparition est logique. En revanche, un autre genre se développe à la place : les échanges de SMS fictifs. Même si c'est beaucoup moins beau qu'une lettre, et plus court, c'est un très bon moyen d'écrire de l'épistolaire aujourd'hui. Il me semble que c'est en pullulation sur Wattpad actuellement et que vous ne devriez pas avoir trop de mal à en trouver.
Enfin, dans un genre totalement méconnu alors que c'est tout simplement du génie, on a les hyperfictions. Qu'est-ce que c'est que ce nom barbare, me direz-vous ? C'est une littérature exclusivement numérique (comme quoi, vous voyez qu'il y a pas que des Ebooks !), qui se base sur un concept assez étrange : un auteur, plusieurs personnalités. Un auteur se crée un ou plusieurs personnages, le plus souvent, chacun possédant un blog ou un site. Les personnages, au fil de l'expérience, vont interagir entre eux, à la manière de lettres, mais sur leurs blogs respectifs. Par exemple, un personnage A dit du mal d'un personnage B, ce dernier tape un scandale à propos du personnage A sur son propre site. La liaison n'est donc pas directe, mais sous-entendue. Le but du jeu, c'est de perdre le lecteur. Tout doit avoir l'air tellement réel qu'il ne doit plus savoir si le personnage est un deuxième auteur ou bien une création de ce dernier. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous encourage à découvrir La Disparition du Général Proust, de Balpe et « Hodges ».
C'est tout pour cet article, j'espère qu'il vous a autant plu que j'ai eu de plaisir à l'écrire. Je vous souhaite une bonne semaine, n'hésitez pas à commenter (et écrire des romans épistolaires, c'est bien !) et à très bientôt !
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