* 23 *
« Tu es en retard. - déclara Nolan en jetant un regard à l'horloge fixée au dessus du bar.
- Oui, je sais. La patronne est là ? - il hocha la tête sans lever les yeux du livre de compte qu'il tenait – Lui dis rien s'il te plaît, je ...
- Tu n'est clairement pas en avance.- l'interrompit Lison avant de souffler et de retourner dans la cuisine suivie de Mélanie.
- Je suis vraiment désolée Liz' ! J'ai pas vu l'heure et c'est ... »
Elle s'arrêta avant d'en dire davantage, elle était à deux doigts de raconter l'état dans lequel elle avait trouvé son cousin. Non pas que Lison était moins légitime à connaître les problèmes de son cousin que d'autres car pour elle, Lison était la sœur de Jimmy et donc une amie. Mais elle estimait que beaucoup étaient déjà au curant et que si Raphaël avait quitté son travail, c'était sans doute pour se faire discret. Souvent par excès de confiance, elle manquait de trahir quelques secrets ou de dévoiler ce qui ne devait inquiéter que les personnes concernées. Mais toujours, elle parvenait à se retenir, au denier moment certes mais le soin qu'elle accordait aux autres lui garantissait un sens de la retenue imparable.
Lison la toisa de haut en bas, elle arqua un sourcil avant de lui tendre balai et serpillière et de rejoindre Nolan. Mélanie s'attela à sa tâche ; elle perdait souvent plus d'une demie heure à remonter les chaises sur les tables afin de nettoyer le sol. Au début, les serveurs le faisaient pour elle puisqu'ils devaient débarrasser les tables, le geste était simple et logique mais plus les jours passaient, plus Mélanie devait s'en charger. Elle ne l'avait pas vraiment remarqué et s'exécutait sans compter les minutes qui s'ajoutaient.
Il était déjà plus de minuit, elle ne serait pas dans son lit avant trois ou quatre heure du matin et le lendemain, elle avait cours à huit heure. Elle souffla de fatigue présente et anticipée sans pour autant s'arrêter.
« C'est Raphaël ? - Mélanie se retourna vers la voix qui avait interrompu le fil de ses pensées ; Nolan avait quitté le bar et se tenait prêt d'elle, l'air inquiet, une lueur et du bruit dans la cuisine permettaient de savoir que Lison était à distance.
- Oui.
- Il ne va pas mieux ?
- Pas du tout. - elle secoua la tête à l'image de son cousin recroquevillé sur le tapis de la salle de bain - C'est même pire...
- Pire ? Comment ça ?
- Elle... Mélodie est venue. Elle est venue le voir.
- Ah... - le silence qui suivait sa réponse était lourd de sens pour Mélanie comme pur Nolan mais il lui fallait en savoir davantage, pour lui mais aussi pour sa sœur et Joseph qu'il était le seul à tenir informés avec Jimmy et Mélanie le devinait.
- Et ils... Enfin elle... Elle a tout empiré. Il parle à peine, bouge à peine et pleure sans cesse. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Pas même lorsque nous étions enfants et qu'il ... - Mélanie éclata en sanglots et Nolan la prit immédiatement dans ses bras.
- Ce n'est pas de ta faute Méli'... - l'évocation de l'enfance de Raphaël était douloureuse pour chacun d'eux mais pas anodine.
- Non bien sûr mais la sensation de déjà-vu est...
- Je sais. Ça me fait pareil... »
Tous connaissaient les tendances à l'affectivité de Mélanie et tous tentaient plus ou moins de la protéger. Sa capacité à vivre de manière intense les émotions lui permettait aussi de s'en débarrasser très vite soit en les partageant soit en pleurant. Tout ce dont elle avait besoin c'était d'un peu d'affection et d'attention. Nolan comme les autres le savaient et la tint dans ses bras quelques instants. Après tout, il restait l'un de ses plus vieux amis, le frère aîné de sa meilleure ami et l'un des meilleurs amis de son frère et de son petit-ami désormais, il était sa famille. Il se séparèrent lorsque ses larmes se furent arrêtées et qu'elle souffla ;
« Merci...
- Ça va mieux ? - elle hocha la tête pour toute réponse et se remit au travail – Appelle ma sœur. Vous en avez besoin, toutes les deux. »
Elle ne répondit pas, il hésita un instant puis emporta ses affaires pour disparaître dans les rues sombres.
Après une petite demie heure, on frappa à la vitre du café. Le visage d'Alan baigné de lumière citadine se fendait d'un sourire tendre et ses mains portaient un sac qu'il montrait comme un trophée. Mélanie lui ouvrit.
« Il paraît que tu as besoin d'aide.
- Ça va aller. Rentre te coucher. - elle embrassa sa joue pour le saluer et le remercier de lui avoir acheté son ice tea préféré.
- Tu es arrivée en retard. - insista-t-il – de plus d'une heure !
- Peu importe. Je me coucherai plus tard...
- Justement ! Tu as besoin d'aide pour empêcher ça !- il entra dans la remise et en ressortit avec un tablier trop court pour lui et quelques torchons et balai.
- C'est Nolan ?
- Je vois pas de quoi tu parles, je ...
- Ah mais j'y crois pas ! Il t'a dit que j'avais pleuré et que...
- A vrai dire, il a juste parlé de retard.
- Il aurait mieux fait de rien dire du tout.
- Tu as pleuré ? Ça va ?- il s'approcha et trouva sa main.
- Oui, oui ne t'en fais pas. Rentre.
- Tu ne veux pas de moi, ici ? - Alan fit une moue d'enfant qui était bien trop décalée avec sa carrure et son âge pour que Mélanie puisse y résister ; elle perdit sa mine inquiète pour un sourire attendri.
- Si bien sûr... » souffla-t-elle avant de déclarer forfait en s'approchant de lui pour ajuster le tablier autour du cou d'Alan.
Elle fit glisser ses doigts froids le long de sa nuque et un frisson lui parcourut l'échine. Il prit un malin plaisir à se plaindre et Mélanie à entrer dans son jeu, à le plaindre aussi. Puis après un long échange de regard qui la fit rougir, elle lui confia qu'elle l'aimait en le fuyant des yeux puis du corps. Elle rejoignit le poste qu'elle avait laissé mais Alan ne l'entendait pas de cette oreille et la suivit. Il la saisit par la taille, elle étouffa un rire par gêne puis parce que ses lèvres trouvèrent les siennes comme si le geste était naturel. Ses mains avaient eu le don de réveiller tout son être, avec un simple toucher, il ne pensait plus à rien sinon à la tenir plus près de lui. Il aurait su se retenir si elle n'avait pas provoqué son amour pour elle en lui chuchotant les quelques mots qu'il avait si patiemment attendu.
Elle le tentait, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle lui faisait, et pourtant, elle était heureuse de connaître les effets qu'elle lui faisait. Les mains d'Alan firent leur chemin sous son tee-shirt, parcoururent son dos, son ventre, sa peau douce tremblait et il souriait de satisfaction. Mélanie en fit autant et avec étonnement réservé, découvrait les muscles d'Alan tendus sous le plaisir. Elle se perdit dans la prise qu'il avait sur elle, elle gagnait en volupté, en oubli de ce qui les entourait. Ils n'avaient jamais été aussi loin, l'un avec l'autre, certes, mais ils avaient connu les corps, la chaire et la peau réveillés sous les mains d'un autre. Ils n'appréhendaient pas le passage à l'acte l'un avec l'autre, ils le trouvaient naturel. Ils avaient dormi ensemble s'étaient parcourus du regard et des mains, rien de plus naturel que d'aller plus loin.
Alan l'avait attendue, avait rêvé d'elle malgré lui ou non, elle occupait ses pensées. Chaque fois qu'il avait pensé ou possédé un bref instant une autre, dès que son esprit se reposait, se retrouvait seul, il la revoyait, s'interrogeait sur elle, sur ce qu'elle faisait, voulait, attendait. Il était mordu au plus profond de lui, il le savait et en savourait désormais le soulagement qu'apportait la présence et l'amour conquis de Mélanie.
D'autant que les sentiments d'Alan n'avaient jamais été aussi fleurissants et que ceux de Mélanie se révélaient tout aussi forts bien qu'inattendus. Elle insistait, prenait les initiatives du corps, son cœur et sa peau enivré du corps brun et ferme qu s'offrait à elle si délicatement. Elle croyait étouffer si elle le lâchait ne serait-ce qu'un instant. Il était tout ce dont elle avait besoin, tout prenait sens avec lui et rien ne semblait pénible, malheureux ou inéluctable. Mélanie s'avouait vaincue et attaquait un peu plus l'objet de ses nouveaux désirs. Leurs deux corps brûlaient à l'unisson et se respirer l'un l'autre devenait vital.
Elle s'assit sur une table pour lui laisser une place entre ses jambes. Leurs mains parcouraient leurs corps sans jamais se rencontrer comme parfaitement coordonnées. Alan se pencha un peu plus vers elle ce qui fit reculer la table sur laquelle reposait une bassine rempli d'eau chaude qui se répandit sur le sol dans un grand bruit. Mélanie sursauta puis rit avant de poser un dernier baiser sur les lèvres d'Alan et de revenir à la raison.
« On pourrait ... Continuer ça, en rentrant... ?
- Tu veux que j'attende ? - il gardait les yeux fermés profitant de son parfum à grandes respirations.
- S'il te plaît ? - elle ne doutait pas qu'il ne la forcerait jamais à rien mais demander plutôt qu'exiger lui semblait être une évidence.
- J'ai attendu des années... - souffla-t-il- Je peux bien encore attendre.
- Merci. »
Le temps qu'il ouvrit les yeux, elle était partie essuyer le contenu du seau. Il l'observa quelques instants, perdu dans ses pensées avant de la rejoindre et de l'aider divisant par deux sa charge de travail. Ils retournèrent à l'appartement main dans la main.
Une lumière restait à l'étage malgré l'heure tardive. Lison entendit sa mère se lever puis aller à la cuisine, elles étaient seules ce soir Jimmy avait une formation dans une autre ville. Il lui manquait, elle se demandait si elle devait se confier à lui, lui avouer ce qu'elle cachait depuis longtemps et si il lui serait d'une quelconque aide.
Depuis quelques temps, elle avait pris l'habitude d'épier Mélanie chaque soir, d'observer chacun de ses mouvements afin de s'en imprégner, de pouvoir l'imiter, de trouver les gestes, les détails, les attraits que tout le monde lui trouvait. Elle ne l'appréciait pas davantage mais elle essayait de la comprendre. Elle n'y parvenait pas vraiment, son esprit était trop embrumé par Alan, elle ne voyait pas en Mélanie ce qui l'attirait, elle voyait simplement l'objet de ses désirs, un large obstacle à son bonheur.
Ce soir avait perturbé ses habitudes et ce, sous différentes formes et pour différentes raisons. Tout d'abord, Mélanie était arrivée en retard, ce qui n'arrivait jamais auparavant. En retard, de plus d'une heure, elle s'était à peine justifiée ou excusée. D'un coup, elle perdait son statut de perfection, elle avait commis une faute et Lison en était extrêmement déçue ; Mélanie n'était pas infaillible. Cela signifiait qu'elle pouvait perdre, perdre face à elle.
Puis Nolan, Nolan avait offert son aide à Mélanie. Il n'était pas du genre à s'inquiéter pour les autres, il rendait son service puis s'en allait normalement. Mais aujourd'hui, il avait proposé son aide à Mélanie, il l'avait prise dans ses bras, il lui avait montré de l'attention, de l'affection. Elle n'en revenait pas, elle parvenait donc à conquérir tout le monde ! Lison avait bien tenté à plusieurs reprises, de se rapprocher de Nolan, de devenir son amie, toujours dans la perspective de séduire Alan mais tout de même, elle avait tout essayé. Mélanie encore inconnue il y a quelques mois, débarquait et raflait la mise sans efforts.
Le pire venait avec l'arrivée d'Alan, la jalousie avait saisie Lison à la gorge pour l'assécher en un instant. Elle ne supporta pas de le voir si attentionné, si doux et si proche d'elle, elle avait failli partir puis elle l'avait embrassé. Et elle était resté tétanisée en haut des escaliers à les écouter se chuchoter leur amour, les entrapercevant par moment. Elle était partagée entre rester et s'imaginer à la place de Mélanie ou fuir et s'effondrer, la jalousie la tenant davantage que la tristesse, elle resta. Et chaque son parvenu jusqu'à elle lui perçait un peu plus la poitrine. La douleur était soigneusement ignorée par son esprit qui se complaisait à s'imaginer ce qui arrivait à une autre. Mais lorsqu'elle se retrouva seule, elle se retrouva seule face à la douleur et pleura jusqu'à ce plus aucun bruit ne lui parvienne du café. Alors elle courut à la fenêtre et les aperçut, retournés chez eux finir ce qu'ils avaient commencé ici sous ses yeux.
Une colère sourde, une colère sèche avait grimpé en elle et redonné vie à sa gorge et à son esprit meurtri. Elle se mit au milieu de sa chambre et fixant le plafond, elle pensa. Elle fut si perdue dans ses pensées qu'elle n'entendit pas sa mère entrer dans la pièce et s'asseoir près d'elle. Elle releva quelques mèches qui cachaient son visage tendu. Elle ne dit rien pendant un moment puis l'appela :
« Lison ?
- Mmm... ?
- Tu as pensé à prévenir Nolan pour mardi prochain ?
- Non.
- Tu lui diras demain ?
- Oui...
- N'oublie pas de prévenir les autres aussi. Je m'en vais demain et ne reviens que mardi matin. - elle se leva agacée du peu d'attention que lui accordait sa fille.
- Je le ferai. »
Sa mère quitta sa chambre et Lison sut quoi faire.
* Hello! Bon après un long moment d'absence voici la suite ! Un peu un cadeau de Noel en retard. Rien de nouveau en soit ( le pire reste à venir!!!) mais j'expérimente quelques trucs , j'espère que ça vous plait! Je ne promets rien sur les dates de publication car moi-même je ne peux les envisager ( en plus, j'ai tendance à écrire les dernières fictions ( en particulier la toute dernière) avant la première celle-ci donc, je sais, ça n'a aucun sens...).
Bonnes vacances!!
Ema*
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