* 21 *
Mélanie s'attendait à beaucoup plus de cris, de rage et de pleurs, mais rien n'était advenu ainsi. Les films, livres et séries où les protagonistes hurlent, se frappent et ne cessent de pleurer semblaient bien ridicules face au chagrin pudique que présentait son cousin. Tous ces personnages n'avaient pas l'incroyable retenue qu'il avait gardée et leurs peines ne rivalisaient en rien avec l'abattement qui était le sien car, même s'il ne disait ou ne faisait rien désormais, il étouffait dans le désespoir et la déception.
Ils étaient seuls, assis au milieu du salon, fixant le mur ou l'écran télévisé éteint, le silence et le vide avaient plus de sens que les mots et Mélanie le savait. La scène qui avaient séparés sans doute à jamais Raphaël de Mélodie avait été péniblement lente. Son regard avait percé les deux amants avachis sur son lit d'une froideur glaçante car ils restèrent pétrifiés pendant quelques instants. Puis l'inconnu avait brisé le silence et porté le coup fatal à leur relation, Mélodie avait tenté de le faire taire, puis de parler à Raphaël mais lui, refusa toute approche, il ne lui adressa même pas un regard. Il s'était décalé de la porte et leur demanda d'une voix claire et autoritaire, de sortir.
Mais Mélodie ne l'entendait pas de cette oreille et insista en lui agrippant le bras, en le serrant contre lui et en soufflant son amour, il ne se dégagea pas mais il resta de marbre ; ses larmes comme ses plaintes ne changèrent rien, Raphaël avait pris sa décision et elle était irrévocable. L'inconnu tenta à plusieurs reprises de faire changer d'avis Mélodie mais elle ne l'écoutait pas et parfois même lui criait sa colère ou l'accusait du mal qu'ils avaient pourtant tous les deux fait.
Puis, Raphaël eut le courage ou la force de lui faire face, il planta son regard dans celui de Mélodie, et avec une douceur brisée se délia de son emprise avant de lui redemander de partir. Elle essuya ses yeux et n'accepta pas ses mots, alors il dit ce qu'il n'aurait jamais crû annoncer à cette femme si belle et si aimée :
« Mélodie, c'est fini. Tout est fini, je ne veux plus qu'on soit ensemble, je ne veux plus qu'on se voie, que tu viennes ici ou quoique se soit d'autre. Tu ne seras plus rien pour moi. Va-t-en. Je ne veux plus te voir. »
Raphaël quitta le couloir, ouvrit la porte d'entrée en grand et attendit patiemment qu'elle fit son départ. L'inconnu l'accompagna en la tirant par le bras, Mélodie reniflait sans s'arrêter, ils sortirent et Raphaël sans jamais les regarder, ferma la porte.
Le temps était passé, Mélanie ignorait combien de temps exactement ils étaient restés ainsi mais suffisamment pour que le jour commençât à baisser. La scène se répétait en boucle dans leurs têtes, Raphaël sentait tout son être se brisait lentement mais sûrement au fur et à mesure que les minutes coulaient et pourtant il ne parvenait pas à pleurer, pas encore du moins. Sa cousine était sous le choc, elle n'avait comment réagir et s'était contentée d'observer en silence, les yeux souvent écarquillés et la bouche entrouverte mais toujours pudiquement couverte de sa main. Elle se reprochait son silence alors que son cousin avait apprécié sa discrétion, mais elle ne disait rien, le temps n'était pas à se blâmer mais plutôt à le soutenir. Tout ce qu'elle se répétait c'était qu'elle devait rester avec lui, ne pas bouger, car même dans le silence, il entendrait son soutien.
La nuit vint, et Mélanie se décida à bouger ; elle se leva, alla à la cuisine et revint avec assez de nourriture pour lui faire oublier quelques instants son cœur émietté. Il ne faisait rien, elle dressait, préparait devant lui tout ce qu'il aimait, puis mit à la télé une de ses films préférés, il la regardait en silence, ne perdait pas un seul de ces gestes et la remerciait en un sourire discret. Raphaël ne se sentait pas mieux grâce à toute cette attention mais il savait que sans sa cousine, la situation serait bien pire. Il mangeait en fixant l'écran qui s'animait, il se dépossédait de son corps un peu plus chaque minute et se noyait hors du temps et dans un tourbillon de sentiments contradictoires ; haine, trahison, déception et une âme brisée qui ne demandait que le retour de son amour. Il s'étonnait d'avoir eut autant de courage pour la rejeter, il lui avait menti, il voulait la revoir mais comme il ne s'autoriserait jamais à la refaire il se replongeait inlassablement dans leurs souvenirs encore chauds alors, la déception, la mélancolie et son lot de douleur grimpait pour s'installer durablement.
Ce furent quelques voix provenant de l'escalier suivies du cliquetis de la porte qui firent éclater la bulle que s'étaient créée les deux cousins. Alexis, Nolan et Alan entrèrent en riant. Ils ne remarquèrent pas tout de suite ni l'ambiance pénible qui régnait, ni les visages tirés de Mélodie et Raphaël. Ils s'installèrent avec eux, ignorants tout et Mélanie jeta des regards à son cousin pour savoir s'il leur dirait quelque chose mais il se contentait de sourire et ça ne la rassura pas du tout. La sentant tendue, Alan comprit que quelque chose s'était passé et il prétendit avoir oublié quelque chose au café pour l'accompagner jusqu'à celui-ci et ainsi assouvir sa curiosité mais surtout son inquiétude. Mélanie quitta le salon pour se changer dans sa chambre et lorsqu'elle sortit, trouva Raphaël qui l'attendait.
« Méli' ? Je peux rester là au moins pour ce soir ?
- Bien sûr, Raph' je te laisserai pas aller ailleurs.
- Je suis désolé que tu aies assisté à...
- Ne t'excuse pas. Tout va bien, tu sais, je... Je suis fière de toi et tu t'en sortiras, j'en suis sûre.
- Méli... Je... - elle ne lui laissa pas le temps de répondre et le prit dans ses bras, il la serra contre elle dans une étreinte qu'il n'avait jusque là pas su nécessaire.
- Reste ici s'il te plaît. Je le dirai à Alexis pour toi si tu veux.
- D'accord. - ils ne séparèrent pas et après quelques minutes de silence, il ajouta – Je leur dirai demain pour Mélodie et moi...
- Fais comme tu veux. Heureusement que demain c'est dimanche.
- Oui, heureusement. »
Raphaël se sépara d'elle et après avoir adressé à sa cousine un sourire gêné, alla se coucher pour la première fois depuis longtemps, seul. Et Mélanie, aux cotés d'Alan, quitta l'appartement pour travailler au café. Elle lui raconta sans trop de détails les évènements de la soirée non pas parce qu'elle ne lui faisait pas confiance mais plutôt parce qu'elle ne voulait pas trop s'étendre sur le sujet et quelque peu, l'oublier.
Le lendemain, Mélanie resta longtemps dans son lit à penser sans jamais parvenir à se lever. Elle repensait aux évènements de la veille, à Raphaël, à l'inquiétude d'Alan puis a son soulagement lorsqu'elle lui avait dit que son abattement n'avait rien à voir avec leur relation , elle ne pouvait s'empêcher d'être gênée de cette réaction. Elle avait trouvé ça mal venu de sa part voire égoïste de ressentir du soulagement alors que son cousin qui était aussi son ami venait de mettre un terme à une ration vieille de plusieurs années. D'un autre côté, elle ne pouvait lui demander de souffrir pour lui et il avait tout de même l'air inquiet.
Elle pensa aussi à l'attitude de Lison au café. Sa mère n'était pas présente et Mélanie travaillait à nettoyer de fond en comble l'établissement pourtant, elle était restée plantée au milieu de la salle et ne l'avait pas quittée des yeux. Elle s'était sentie épiée, surveillée presque fliquée par son regard inquisiteur qui avait analysé et jugé le moindre de ses gestes. Mélanie tentait de se rassurer en se disant qu'elle n'avait fait que vérifier qu'elle faisait bien son travail mais malgré tout, un doute sur son attitude subsistait.
Elle s'étonnait du traitement que lui réservait la sœur de Jimmy ; avec tous ses amis, elle était cordiale, joviale et même attachante mais dès qu'elle se retrouvait avec elle, elle devenait froide, presque hautaine. Même si elle n'était pas d'un naturel jaloux, Mélanie n'appréciait pas non plus voir Lison se rapprocher d'Alan et être aussi tactile avec lui : souvent, elle passait son bras sur ses épaules ou le scellait avec le sien. Mais la jeune femme ne pouvait rien dire, personne – ou presque- ne savait sa relation avec Alan et elle souhaitait que cela reste encore ainsi, alors elle se contentait des rejets ou des distances qu'Alan mettait de plus en plus souvent avec Lison. Mélanie ne perdait pas non plus d'espoir d'attirer l'affection de la cadette de Jimmy, elle voulait redoubler d'efforts pour s'assurer son amitié par égard pour son frère et parce que sa nature l'y obligeait.
Mélanie tentait de croire que son attitude de la veille était un signe de bon augure car Lison avait également discuté avec elle de choses et d'autres mais surtout de ses projets professionnels et elle s'était sentie réconfortée de cette marque de confiance. Elle l'avait aussi rassurée en lui disant que son emploi du temps serait bientôt plus souple et qu'elle pourrait venir plus souvent en journée ou quand elle serait disponible en dehors des cours pour faire le ménage. Mais sa cordialité soudaine s'était évanouie lorsque Alan franchit les portes du café, elle s'excusa précipitamment et monta laissant les deux amants perplexes.
Il fallut qu'Alan vienne la chercher pour que Mélanie quitte son lit, ils rejoignirent la cuisine où se trouvait Raphaël, il semblait avoir, lui aussi une nuit tourmentée mais sa cousine ne ft pas de remarque et attendit de se retrouver seule avec lui pour engager la conversation.
« Comment tu te sens ?
- Ça va. - répondit-il, évasif.
- Tu leur as dit ?
- Oui. - ils restèrent silencieux quelques instants – Je lur ai juste dit que c'était fini, c'est tout.
- D'accord. - Mélanie comprenait cette réserve, elle en aurait fait autant.
- Je n'arrive pas à joindre Jimmy. - souffla Raphaël.
- Il est parti en week-end m'a dit Lison, hier.
- Ah c'est pour ça... Tu sais où ? - sa cousine lui fit signe que non, et il se leva pour quitter la pièce mais avant se retourna et demanda – Tu pourras le dire à Chloé ?
- Pour Mélodie et toi ? - malgré lui, Raphaël se tendit à l'évocation de son nom et elle le remarqua.
- Oui, s'il te plaît. Je sais qu'elle se chargera de le dire à Jo'. - Mélanie acquiesça, Cloé ne saurait cacher quelque chose à Joseph – Tu peux attendre quelques jours ?
- Pas de soucis Raphaël. »
Il la remercia d'un signe de tête et retourna dans sa chambre. Alan sortit de la salle de bain, ils décidèrent d'aller au cinéma et elle tenta de passer le reste de la journée à ne pas trop s'inquiéter pour son cousin qui sombrait.
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