* 19 *

« Cette jeune fille est vraiment incroyable. Je n'avais jamais vu le café aussi propre, tu vas pouvoir te concentrer plus sur le service maintenant- elle lança un regard tendre à sa fille mais celle-ci lui faisait toujours dos alors elle s'approcha en ajoutant- Au fait, pourquoi Alan est-il venu ? »

Lison tentait en vain d'essuyer les quelques larmes qui avaient coulé. Ce qu'elle venait de voir l'avait dévastée, et les sentiments qui s'entremêlaient en elle étaient d'autant plus puissants qu'ils n'étaient pas nouveaux. Ce rapprochement était donc devenu bien plus que ce qu'elle imaginait, au fond d'elle, Lison espérait que quelque chose se passe entre eux et qu'ils renoncent à se mettre ensemble. Mais non, rien n'était arrivé comme elle le voulait et il avait même fallu qu'elle assiste à cette scène atroce de voir l'homme qu'elle aimait désespéramment embrasser une autre qu'elle dépréciait chaque jour un peu plus.

Mélanie était partout désormais ; dans les paroles de son demi-frère encore plus présentes qu'auparavant, dans celles de sa mère maintenant, toujours à traîner autour d'Alan et du café et même elle y travaillerait. Pourquoi recevait-elle l'attention de tout le monde ? Pourquoi avait-elle ce dont rêvait Lison depuis si longtemps ? De l'affection de son frère à l'amour d'Alan en passant par la reconnaissance de sa mère et l'affection de ses collègues, Mélanie avait tout et Lison ne pouvait se sentir d'avantage dépossédée et désemparée.

Elle ne pouvait cacher son désespoir à sa mère qu très vite la pris dans ses bras sans demander plus d'explications. Alors elle se laissa aller à cette démonstration d'affection pourtant si rare chez cette femme dont les affaires importaient plus que n'importe quoi d'autre. Elles s'assirent toutes deux en silence dans le salon de l'appartement. Les fenêtres étaient grandes ouvertes et la lumière jaunâtres des réverbères se laissaient glisser en traits sur leurs visages.

Dans les bras de sa mère, la jeune femme se sentait un peu rassurée, elle qui depuis quelques jours se perdait dans la déception et le calvaire de l'impuissance. Elle ne savait comment sortir du carcan de la déception amoureuse, elle ne pouvait forcer Alan à l'aimer et ne songeait absolument pas à renoncer à ses sentiments. La tendresse de sa mère était à cet instant la bienvenue et jamais Lison ne s'était sentie si proche d'elle, elle aurait pût à l'instant tout lui dire, tout avouer pour mieux s'en sortir. Elle avait toujours caché son amour pour Alan, que ce soit sa famille ou ses amis, personne n'en savait rien et jusque là, elle s'en était bien sortie. Mais le poids des cachotteries se faisait désormais sentir à l'heure où elle n'entrevoyait aucun échappatoire à son cœur brisé. Et puis pour qu'un secret puisse exister, il faut être deux se rappela-telle.

Sa mère releva le menton de Lison, qui avait chuté pour cacher ses larmes, en un geste lent mais doux et sa fille se demanda bien qui était sa mère car jamais elle n'avait usé autant de soin pour elle. Elles se dévisagèrent quelques instants, Lison clignait des yeux plusieurs fois pour retenir les larmes et ne comprenant pas où tout ceci la mènerait, tandis que sa mère lui montrait des lèvres pressées en un sourire affectueux.

«Tu l'aimes, n'est ce pas ?-les yeux de Lison n'en finirent pas de cligner d'incompréhension, elle regarda à droite puis à gauche comme si quelqu'un pouvait entendre alors qu'elle savait parfaitement être seule avec sa mère, son frère était parti dormir à la colocation.

- Pardon ? Qui...

- Alan, tu l'aimes pas vrai ? Et depuis longtemps...

- Comment... ?

- Les mères savent ce genre de choses...

- Je... - Lison se sentit soulagée de ne pas être passée totalement inaperçue et sourit de gratitude à sa mère – Oui je l'aime, et de tout mon cœur.

- Tu lui as dit ? - elle secoua la tête – Pourquoi ? - Lison haussa les épaules.

- Il ne m'aime pas... Je le sais.

- Il te l'a dit ?

- Non mais il en aime une autre.

- Qui ? »

Lison livra des yeux suppliants à sa mère ; elle ne voulait pas le dire à sa mère, elle avait honte d'avoir failli dans le cœur d'Alan, d'avoir laisser quelqu'un d'aussi insignifiant que Mélanie prendre la place qui lui revenait, elle ne voulait pas dire ce nom et savait que si elle l'avouait à sa mère, celle-ci serait très déçue de sa fille. Mais la gérante du café ignora la moue de sa fille et la pressa de lui répondre en lui donnant un coup de coup pas fort mais sévère. La tête de Lison retrouva sa position piteuse qui avait précédée et elle n'eût d'autre choix que de lui dire :

« Il aime Mélanie.

- Comment ? La femme de ménage ? - Lison acquiesça – Ça explique pourquoi il est venu la chercher... Le sait-elle ?

- Maman, ils sont ensemble.

- Elle te l'a dit ? Elle s'est vantée devant toi ? - Lison secoua la tête sans jamais la relever.

- Non, je les ai vus. - Et elle désigna la fenêtre du doigt, sa mère se leva et jeta un coup d'œil dans la rue mais elle était désormais déserte puis elle revint à côté de sa fille songeant autre chose.

- Ton frère ? Ton frère est-il au courant ?

- Je ne sais pas. Il les a vus ensemble mais ça n'avait pas l'air de le déranger plus que ça.

- Tu rigoles ? Il a dû jouer la comédie. Ton frère aime Mélanie j'en suis sûre. - Alors Lison releva la tête à la fois incrédule et pleine d'espoir.

- Tu en es sûre ?

- Quasiment. Déjà lorsqu'il avait neuf ans, il ne faisait que parler d'elle et de Raphaël. - un sourire mélancolique s'était tracée sur le visage de la mère de Jimmy et pendant quelques instants, elle ne regardait plus sa fille et semblait plongée dans les jeunes années de son fils, neuf ans c'était peu de temps avant qu'elle ne le quitte.

- Pourtant, il avait vraiment l'air heureux de les voir ensemble.

- C'était faux. Le pauvre chéri doit avoir le cœur brisé. Il a menti, j'en suis certaine. - affirma avec force sa mère -Et tu dois en faire de même. Peut-être qu'Alan est avec elle pour te rendre jalouse. Et puis ça ne fait pas très longtemps qu'ils sont ensemble non ?

- Quelques jours... - sa mère écarquilla les yeux d'étonnement.

- Et tu as laissé faire ça ?

- Maman, je...

- Non, je ne veux rien entendre – l'interrompit-elle- on doit remédier à cela, tu dois remédier à ça. Pour toi et pour ton frère, tu dois faire en sorte qu'ils se séparent, compris ? - en disant cela, elle s'était levée et avait parlé avec autorité à sa fille, toute trace de tendresse avait disparue et Lison se sentit comme une enfant qu'on grondait.

- Je ferai de mon mieux...

- J'espère bien. Je me doute que c'est difficile pour toi surtout qu'elle débarque comme une fleur et que tous l'adorent, ton frère le premier. Mais où était-elle quand tout le monde avait besoin d'elle, hein ? - Lison ne pouvait qu'être d'accord avec sa mère- Tout ce que tu ressens là, maintenant, utilise-le pour récupérer Alan. Et n'oublie pas ce que je t'ai appris : lorsqu'on veut quelque chose, on ne lâche rien et on fait tout ce qu'il faut pour l'obtenir. »

Mère et fille partagèrent un sourire entendu et la première confia plusieurs idées et moyens d'arriver au bout de ce que voulait sa fille et la seconde l'écoutait, buvait ses paroles plus attentive que jamais. Alan lui revenait, et même si elle était persuadée qu'il le ferait tôt ou tard de lui-même, elle ne voulait pas attendre et était prête à prendre les choses en mains, personne ne pouvait lui prendre ce qu'il lui revenait de droit et elle irait jusqu'au bout pour affirmer sa volonté.

« Jjjjj... Rorrro...Rorrro... Comme ça ? - tenta de prononcer Alan et Mélanie explosa de rire ; il lui avait demandé de l'aider à s'améliorer en espagnol, et quelques jours après, alors qu'il était e repos, ils s'étaient attelés à cette tâche difficile apparemment.

- On dirait un chat qui ronronne !- elle essuya ses yeux mais d'autres larmes de rire menaçaient.

- Arrête de te moquer – plaida Alan même si la voir rire ainsi lui plaisait infiniment.

- Et encore le chat doit être malade, une angine je dirais.- elle rit une dernière fois et voyant que le visage de son nouvel élève présentait une moue d'enfant capricieux elle reprit son sérieux.- On va reprendre, alors...

- Faisons autre chose.

- Alan, ta prononciation est ... - il arqua un sourcil s'attendant, à raison, au pire – catastrophique, et encore le mot est faible – ajouta en riant Mélanie, elle n'avait jamais entendu pire et il était difficile pour elle de se retenir de rire, surtout qu'elle savait qu'il ne lui en voudrait pas, enfin pas trop.

- Je sais mais j'y arrive pas. Laissons tomber l'espagnol. Je... - il n'eut pas le temps de finir que le portable de Mélanie sonna.

- Allô ?

- Mélanie, ça va ?

- Oui et toi ?

- Dis-moi, est ce que tu pourrais venir maintenant ?

- Euh... - Alan fit signe que non- Ça prendra combien de temps ?

- C'est important.- le ton était cassant et n'exigeait aucun refus.

- Très bien, j'arrive. - et elle raccrocha puis se tourna vers Alan qui ne pouvait s'empêcher d'être déçu et de le montrer – Je suis désolée, c'est le boulot, ça paraissait urgent...

- Rentre vite. »

Elle acquiesça avant de prendre son sac et de sortir de la chambre laissant Alan seul.

Même si la rentrée approchait à grands pas, la chaleur des jours ne faiblissait pas et il était toujours difficile de sortir en milieu d'après-midi comme le faisait Mélanie à l'instant. Le ton inquiet de son interlocutrice avait préoccupé la jeune femme qui pressait le pas sans vraiment s'en rendre compte.

Arrivée devant le café, elle entra tout de suite mais le trouva désert. Elle allait envoyé un message à celle qui lui avait donné rendez-vous mais elle parût presque aussitôt et sans la saluer, lui fit signe de la suivre dans la seconde partie où Mélanie avait l'habitude de s'installer. Elles s'assirent en silence et Mélanie n'était pas habituée à si peu de cordialité entre elles mais elle ne fit rien pour aller à l'encontre du sérieux qu'avait installé Lison.

« Il faut qu'on parle de ton travail.

- Mon travail ? Quelque chose ne va pas ?

- Oui, enfin, non... Pas vraiment. - elle marqua une pause qui, et elle le savait, ajouta au malaise de Mélanie - Je fais les emplois du temps pour la période de septembre et je voulais savoir si tu souhaitais quelque chose en particulier ?

- Euh ... non. - Si ce n'était que ça, Mélanie ne comprenait pas pourquoi elle ne lui avait pas tout simplement demandé au téléphone.

- Je... - il était toujours aussi difficile de l'admettre et elle déglutit lentement en plissant les yeux, Mélanie, intimidée, ne la regardait plus – J'ai remarqué qu'Alan t'attendait souvent ou que toi tu l'attendais. Je peux vous mettre en même temps si tu veux. - le regard de son interlocutrice s'illumina et un large sourire grimpa sur les lèvres framboise de Mélanie.

- Oh, ce serait parfait !

- Tu sais, tu peux me le dire... - elle se pencha vers elle – que vous deux, vous... - elle joignit ses deux index comme une enfant – vous êtes ensemble.

- Tu l'as deviné ? - Lison acquiesça en s'efforçant d'être polie, elle n'aimait pas le sourire qu'elle prenait lorsqu'elle parlait d'Alan, ce sourire aussi aurait dû être à elle et personne d'autre, – Oui mais ça fait pas longtemps et seulement ton frère est au courant alors garde le secret s'il te plaît. - ajouta Mélanie la voix plus baisse.

-D'accord. Mais... en échange, il faudra que tu m'aides à préparer l'anniversaire de Jimmy.

- Pas de problème ! Avec plaisir même ! Je pensais le faire de toutes façons . - elle ne s'arrêtait plus de sourire et Lison faillit lui rire au nez mais tint son rôle et sourit niaisement.

- Très bien, on fait ça alors.»

Mélanie se leva et après avoir, dans un élan de gratitude serré, Lison dans ses bras, quitta le café plus ravie que jamais. Elle la regarda partir jusqu'au bout de la rue et voulut lâcher un juron mais son frère arriva.

« J'ai cru entendre Méli', tu l'as vue ?

- Tu viens de la manquer.

- Elle est rentrée à l'appart ? » sa sœur acquiesça, il n'hésita pas une seconde et partit en courant pour la rattraper.

Lison était satisfaite ; son plan pouvait se mettre en route lentement mais sûrement, elle parviendrait à ses fins et son frère pourrait bientôt l'aider. 

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