* 10 *

* 2ème tableau; "Girls on the Bridge", Edvard Munch 1901*

« Aïe ! »

Tentant de se soulager, Mélanie frotta son bras qui avait percuté l'angle de la table du salon. Un hématome commençait déjà à se former. Elle releva la tête vers l'immense miroir de la salle de bain, et souffla exténuée en constatant le visage qui se présentait à elle et bien qu'il était le sien, elle le reconnaissait à peine. Ses cheveux avaient quitté la teneur droite qu'elle leur avait donné plus tôt dans la soirée, son mascara débordait, ses joues étaient rouges de fatigue mais surtout une douleur constante martelait son flanc droit. 

Désormais aucun son, ni musique ne parvenait de la pièce d'à côté alors qu'il y avait encore même pas une demie-heure, elle se tenait au même endroit, et les ondes et les éclats de rire faisaient vibrer le décor de la salle de bain. Elle comprit que tous les invités avaient quitté les lieux, laissant le groupe d'amis dans un état de crise encore inconnu jusque là. Mélanie n'aurait jamais cru que tout ceci irait aussi loin ; Chloé, Mélodie, elle-même, les insultes et les coups, elle ne comprenait pas comment tout ceci avait pu se produire et se demandait constamment comment avaient-elles pu autant perdre leurs moyens ?

Elle se tourna vers Jimmy qui assis, près d'elle, cherchait avec entrain de quoi soulager son amie. Il semblait ne rien trouver mais poursuivait tout de même. Mélanie savait que tout comme elle, il ne savait pas quoi dire ni penser, submergés par les événements et leurs enchaînements, aucun d'eux n'avait su réagir et culpabilisait désormais. Alan entra suivi de Lison mais ils ne bougeront pas feignant d'être occupés par la recherche d'une pommade.

Surprenant tout le monde, Jimmy capitula en jetant dans un geste de colère, la trousse à travers la pièce puis, frustré, il souffla en passant sa main dans ses cheveux. Ce geste chez lui pouvait dire beaucoup de choses mais à cet instant ses amis comprirent qu'il trahissait sa nervosité et sa situation délicate: il était pris entre deux feux. Comme Mélanie, il ne comprenait pas comment la situation a vaut pu autant dégénéré et il était incapable de prendre position pour sa vieille complice de toujours ou pour la petite-copine de son meilleur ami. Le dilemme était grand, aussi grand que son incapacité à le résoudre cela, au plus profond de lui, le rendait malade.
Puis la voix de Mélodie parvint à eux et Mélanie tressaillit malgré elle. Jimmy sortit, puis revint aussitôt, pour repartir. Elle entendit quelques brides de conversation et comprit que son cousin, Mélodie et Jimmy partaient. Elle se dit que c'était pour le mieux que son cousin et elle quitte l'appartement pour le moment, ils avaient celui de Mélodie à deux pas après tout alors que Chloé et Joseph ne pouvaient se rendre autre part et l'idée de les envoyer à l'hôtel était exclue. Mais elle aurait voulu que son meilleur ami reste, qu'il la réconforte comme il le faisait durant leur scolarité, elle ne protesta pas pour autant. Mélanie n'écouta pas l'échange qu'il eut avec sa sœur, tout ce qu'elle comprit c'était qu'il repartait. Il y eut quelques instants de flottements puis Lison comprenant qu'elle était de trop, s'excusa avant de quitter l'appartement.

Alors, Alan s'approcha de Mélanie et observa délicatement la peau de son bras qui commençait à bleuir.

« Il faut mettre de la glace. »

Mélanie hocha de la tête. Ils étaient tous les deux tournés vers le miroir et leur reflets parlaient pour eux. Sa figure en bataille et le visage tordue par l'inquiétude d'Alan leur donnait piètre allure mais au fond d'elle, elle se réjouissait d'être là avec lui, et de le voir si concerné par son sort. Cela la rassurait qu'il lui donne un tant soit peu d'importance, elle ne croyait pas vraiment qu'il pouvait ou voulait lui en donner plus alors que lui, de son côté, mourrait d'envie de lui montrer à quel point elle se trompait. Elle reprenait ses esprits, peu a peu, elle sortait de l'état de choc émotionnel et physique dans lequel l'avait plongée ce duel. S'appropriant à nouveau son corps et le décor qui l'entourait, elle respire plus profondément et se regagna elle-même.
Alan sortit pour revenir quelques secondes plus tard avec un peu de glace, qu'il appliqua délicatement sur son bras et Mélanie alors qu'elle voulait se retenir, laissa échapper un grognement de douleur.

« Tu as mal autre part ?

- Là. - elle souleva le bas de son tee-shirt pour révéler sa hanche où l'ecchymose qui se formait était bien plus imposant que ce à quoi il s'attendait.

- Comment tu t'es fait ça ? Tu t'es battue aussi ? Avec Mélodie ? »

Il ne pouvait s'empêcher de l'interroger, il la voulait saine et sauve et pour cela, il devait savoir à qui ou à quoi elle avait à faire face. Alors, Mélanie lui expliqua tout en détails, elle ne donna pas pour autant les raisons de l'animosité de Mélodie à son encontre. Et si Alan fut tout d'abord surpris, tres vite, un air sérieux et des sourcils froncés remplacèrent son expression d'habitude enjouée. Elle eut pendant une seconde peur qu'il lui reprochât son attitude.

« Mélodie a vraiment dit ça ? - Mélanie acquiesça une nouvelle fois- J'arrive pas à le croire...

- J'aurais dû arrêter Chloé, tout ça c'est de ma faute.

- Attends... Tu ne lui as rien fait ! Elle t'a bousculé puis renversé de l'alcool dessus, c'est elle qui a un problème. Pas toi, Méli'.

- Tu comprends pas.

- Explique-moi. »

La jeune femme secoua la tête ; elle refusait de dire quoique ce soit à Alan. Elle n'avait pas encore décidé si ce qu'elle avait vu était ce qu'elle pensait être. Et si c'était le cas, elle ne savait pas quoi faire de cette information : la petite-amie de son cousin, en pleine soirée avec lui, ses amis et une part de sa famille, en appel vidéo avec un autre homme qui semblait se masturber en même temps qu'elle. Mélanie ne parvenait pas à croire ce qu'elle avait vu, elle ne pouvait envisager qu'elle puisse autant trahir Raphaël, ni le mal que cette révélation lui ferait. Mélodie semblait avoir pris une énorme place dans la vie de son cousin, cela faisait plusieurs années qu'ils étaient ensemble et il avait clairement signifié et ce à maintes reprises, sa volonté de faire le reste de sa vie avec elle. Peut-être était-il au courant, peut-être acceptait-il que sa copine fréquente d'autres hommes... Si, il s'avérait qu'elle le trompait, Mélanie se sentait obligée de le lui dire ou du moins à fixer un ultimatum à Mélodie s'il n'était pas au courant.
Mais d'un autre côté, elle ne pouvait s'immiscer dans la vie de couple, même s'il s'agit de son cousin, elle serait que la vérité se saurait un jour ou l'autre ou du moins que ce n'était pas de son ressort d'intervenir. Elle se dit que ce qu'il y avait de mieux à faire était d'aller parler à Mélodie malgré tout, d'obtenir la vérité de sa bouche et d'agir en conséquence. 

Désormais, elle ne pouvait lui mentir ou reculer, Mélanie en savait trop ou pas assez mais Mélodie, dans tous les cas devrait lui faire face. Elle puisait ce qu'elle avait de courage pour prendre cette décision et cela lui coûtait mais elle le devait, pour elle qui ne pouvait garder cela et surtout pour Raphaël qui en plus d'être un merveilleux cousin, était un grand ami. Si lors de cette entrevue elle apprenait que c'était vrai, Mélanie supposait que tout ceci ne pouvait la laisser indifférente et qu'elle aurait des remords et elle l'aiderait à le dire à Raphaël et si c'était faux, tout serait réglé et bien qu'elle était persuadée que ce ne serait pas le cas elle l'espérer sincèrement.
Perdue dans ses songes, Mélanie n'avait pas remarqué qu'Alan la dévisageait parce qu'elle la avait pas répondu à sa demande et qu'au fur et à mesure de ses pensées, son visage avait révélé l'inquiétude et le choix à faire qui la tourmentaient. Mais Alan, curieux et perspicace, surtout quand il s'agissait de Mélanie, ne pouvait s'empêcher de la questionner à nouveau.

« Qu'est ce qu'il y a ?

- Rien. - Mélanie nia tout de suite ce qui éveilla d'autant plus les soupçons d'Alan, elle s'installa lourde de fatigue sur la chaise en grinçant de douleur lorsque sa hanche rencontra le dossier.

- Me mens pas. - la voir ainsi lui déplaisait particulièrement et il ne permettrait pas qu'elle gardât tout pour elle comme elle avait l'habitude de le faire.

- Il n'y a rien, je suis juste fatiguée. - elle lui sourit péniblement et il comprit qu'elle ne se confierait pas si facilement, quelques jours passes avec elle ne pouvaient lui donner le rôle de confiance qu'avait Chloé et Jimmy pour elle, il les enviait tellement mais adopta une nouvelle stratégie.

- Tu veux remettre de la glace ? - elle secoua la tête sans le regarder l'écoutant à peine, et il s'approcha d'elle doucement- Pourquoi tu dis que c'est de ta faute ?

- Parce que c'est vrai.

- Mélanie... - souffla-t-il poussant quelques mèches de son front, il fallait comme souvent la rassurer et il le ferait toujours si c était ce dont elle avait besoin. – Dis-moi. Tu sais que rien ne sera jamais honteux avec moi, tu ne peux pas tout garder pour toi.

- Très bien. - son ton était sec mais pas cassant, elle était juste exténuée et pouvait de moins en moins refuser les demandes d'Alan- Tu veux savoir quoi ?

- Pourquoi tu as dit que c'était de ta faute. Qu'as tu fait qui puisse pousser Mélodie à être aussi agressive ? - elle baissé la tête et il supposa qu'elle avait dû dire quelque chose qui avait froissé Mélodie, bien que délicate, Mélanie était capable de maladresse comme tout le monde, il craignait qu'elle avait fait une remarque sur elle ou sur Raphaël qu'elle aurait perçu comme un affront.

- Je lui ai dit non. -Alan ne comprenait pas. - J'ai refusé ce qu'elle m'a demandé.  - elle releva la tête vers lui, ils savaient tous deux parfaitement que c'était quelque chose de prohibé avec Mélodie.

- Sur ?

- Je... Je lui ai dit que je ne ferais pas quelque chose, que je ne me tairais pas.

- Et ?

- Elle n'a pas aimé.

- Je m'en doute. - plaisanta-t-il, mais Mélanie ne rit pas alors il retrouva vite son sérieux.

- J'aurais dû lui dire oui. - elle voulût se lever mais Alan la retint et elle se rassit.

- Pourquoi tu devais te taire ?

- J'en ai déjà trop dit... - le regard insistant qu'il lui renvoya lui fit comprendre qu'elle devait poursuivre,  et elle se dit qu'après tout, Alan serait peut être plus objectif et pourrait mieux la conseiller, elle lui faisait confiance. - J'ai surpris Mélodie... Ici, dans la salle de bain au téléphone avec quelqu'un.

- Et ? - Alan haussa un sourcil.

- Ils... Ils étaient en train... de...

- De ?

- De se chauffer, voilà. - elle lâcha ces mots avec plus de force qu'elle ne l'aurait voulu et espéra aussitôt qu'il ne le prendrait pas mal ou que quelqu'un dautre l'ait entendu mais aucun son ne parvenait d'à côté et il semblait bien loin d'être un tant soit peu blessé.

- Quoi ?

- Concrètement, elle se touchait et il se masturbait. - elle ne voyait pas faire de détours, cela aurait été inutile et gênant pour eux deux.

- Com...

- C'était un appel vidéo.

- Mais...

- Laisse tomber. - devant l'incompréhension d'Alan et son manque de réaction, elle regretta lui avoir dit. - J'aurais dû rien dire, en plus, je suis même pas sure de ce que j'ai vu. Tout s'est passé très vite... - elle se leva et sortit afin de mettre un terme à cette conversation mais Alan la suivit.

- Mélanie, qu'est ce que tu as vu exactement ?

- Je te l'ai dit.... C'est stupide...

- Non sérieusement.- ils s'étaient arrêtés dans le couloir qui menaient aux chambres de Mélodie et Raphaël, et Alan jeta un regard à droite puis à gauche s'assurant d'être seuls. - Ce que tu as vu, concrètement, c'est Mélodie en train de tromper Raphaël au téléphone ? - elle acquiesça à peine convaincue – C'est pour ça que Mélodie était comme ça ?

– Elle est venue me voir et m'a demandé de ne rien dire à qui que ce soit. Elle disait que c'était un ami de Raphaël et qu'ensemble ils lui préparaient une surprise pour son anniversaire. Je connais très bien mon cousin même si on ne s'est pas beaucoup vu ces derniers temps, et mis à part notre groupe, il n'a pas beaucoup d'amis... de vrais amis j'entends. Cet homme là, je ne l'avais jamais vu. Quand je lui ai dit que je ne savais pas quoi faire et que je lui en parlerais peut-être, elle est devenue rouge de colère et a dit que si je le faisais elle me le ferait regretter et... - plus elle expliquait ses doutes, plus ils se transformaient en soupçons et elle mettait de moins en moins en cause ce qu'elle avait vu, elle n'avait pas confiance en Mélodie et ne croyait pas vraiment aux coïncidences.

- Elle t'a donné un avant-goût ce soir de ce qu'elle pouvait faire... » compléta Alan comprenant enfin le véritable enjeu de l'altercation.

Il était évident que la jeune femme s'en voulait de ne pas avoir tout de suite refuser les explications douteuses de Mélodie, elle avait dû, à demi-mots refuser de se taire. De plus, ils étaient fin juillet et l'anniversaire de Raphaël étaient fin décembre, et tous les deux savaient que Mélodie était beaucoup de choses mais certainement pas une personne organisée.

« Est ce que Chloé sait tout ça ?  - Mélanie secoua la tête.

- Tu la connais mieux que comme moi, est-ce qu'elle ferait ça ?- demanda Mélanie qui avait malgré tout du mal à y croire.

- Le tromper ? - Mélanie acquiesça, il ne s'attendait pas à ce qu'elle lui demanda cela – On peut jamais savoir, n'importe qui peut tromper n'importe qui, c'est pas quelque chose qui peut se deviner, je crois. La vraie question pour toi, c'est pas de savoir si elle l'a trompé mais plutôt ce que tu comptes faire de ça.

- Je ne peux pas le dire à Raphaël.

- Pourquoi ?

- Ça le détruirait.

- Non, je ne crois pas, il est plus fort que tu ne le crois et si tu ne le dis pas c'est toi que ça détruirait.

- Non, je peux y arriver. - Elle se redressa en souriant ; garder le silence pour les autres était quelque chose qu'elle pouvait accomplir et Alan n'en doutait pas mais il savait que ce ne serait pas sans une certaine charge.

- Tu peux ? Lui mentir tous les jours en le regardant droit dans les yeux ? Sourire à Mélodie lorsqu'elle l'embrassera devant toi ? Déjà qu'avant c'était difficile ça va juste être impossible. Même pour toi. - il n'avait pas tort et elle envisagea sans être convaincue, de changer d'avis

- Comment je peux lui dire ça ?

- Comme tu me l'as dit.

- C'est horrible...- elle trouvait cette manière de faire bien que franche, violente- Et... Peut-être qu'il ne va pas me croire.

- A sa place, tu voudrais savoir, non ? - elle ne répondit pas mais c'était tout comme-  Tu es sa cousine, tu sais, il t'adore toujours autant. Il sait que tu ne veux que son bonheur, jamais tu lui mentirais. Et si tu ne dis rien, tu lui mentirais un peu en soit.

- D'accord - conveint Mélanie après quelques secondes de silence- Je le ferai... Pour lui. Je le ferai pour lui.- répéta-t-elle comme pour se rassurer et se motiver puis prit la main d'Alan avant de plonger son regard embrumé de fatigue mais de tendresse dans le sien qui tout d'abord surpris s'illumina et ses joues s'empourprèrent malgré lui.

- Tu devrais aller te coucher. - souffla-t-il même si elle voulait qu'elle reste, elle devait se reposer.

- Tu viendras avec moi ?

- Où ? - Alan répondit aussitôt gêné, il ne comprenait pas où elle voulait en venir.

- Le dire à Raphaël.

- Euh... Oui. - il ne pût cacher une certaine forme de déception, mais ce fut au tour de Mélanie d'avoir les joues rosées car elle lui demanda:

- Et dormir avec moi ? »

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